Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les crises des filières bovine et viticole, l'OMC, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) et l'action des chambres d'agricultures, Paris le 12 décembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture de la session annuelle de l'Assemblée permanente des chambres d'agricultures (APCA) à Paris le 12 décembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Merci de votre accueil.
C'est la deuxième fois que je participe à vos travaux durant l'année 2001. Je le fais avec plaisir et je veux saluer la qualité de la réflexion et de l'action menée par les chambres d'agriculture, et par votre assemblée.
Vous avez, M. le Président, abordé de nombreux sujets. Je ne sais pas si je pourrai revenir sur tous mais je vais essayer de vous répondre sur l'essentiel.
Les crises, tout d'abord
Vous évoquez la morosité du climat dans nos campagnes, le découragement qui saisit certains. Je ne veux pas minimiser les difficultés. La filière bovine traverse une période dure et je comprends les angoisses de ceux qui sont les plus touchés. Je vais évoquer à l'instant les actions pour contrecarrer ces crises. Mais laissez-moi tout de même vous dire qu'aucune profession n'a intérêt à se complaire dans la sinistrose. Les comptes de l'agriculture montrent une situation très contrastée. Il y a des secteurs de l'agriculture où, cette année, cela va bien. Vous faites un beau métier, que cela transparaisse dans l'image donnée aux Français, l'image d'une profession dynamique, tournée vers l'avenir.
Je reviens aux crises :
- le secteur bovin
* une crise qui dure, même si les choses vont plutôt mieux ;
* une crise qui a surtout frappé une particularité française : l'élevage allaitant ;
* une crise dont le gouvernement a pris très vite la mesure : les plans successifs ;
* demain, 13 décembre, je reçois les représentants syndicaux. Nous parlerons des grandes lignes du nouveau plan. Celui-ci devra être ciblé en direction des exploitations fragiles : jeunes - personnes âgées souhaitant bénéficier de la pré-retraite - récents investisseurs - exploitations ayant subi des baisses sensibles de chiffre d'affaires.
Je pense qu'il faut aussi être capable d'articuler à ces mesures conjoncturelles un dispositif structurel propre à redonner de l'élan à une filière allaitante durement touchée. C'est le sens du rapport que me rendra, le même jour, M. Mordant et sur les propositions duquel je lancerai la concertation.
- la crise viticole
* j'ai annoncé un plan. Toutes les aides nationales prévues pour 2001 ont été versées ;
* je m'apprête à mener un combat qui ne sera pas facile pour obtenir de Bruxelles un niveau suffisant de distillation de crise. La présidence espagnole devrait pouvoir nous aider et je ne ménagerai pas mon énergie pour convaincre le Commissaire.
PAC et OMC
Evoquer le Commissaire me permet de passer, sans transition, à la PAC.
- la revue à mi-parcours est une échéance sérieuse qu'il ne faut pas sous-estimer. On ne va évidemment pas revenir sur l'accord budgétaire de Berlin, mais cela ne suffit pas pour en faire un rendez-vous dépourvu d'enjeu :
* certains pays voudraient une réforme laitière prématurée et l'annonce de la suppression des quotas : la France s'y opposera résolument ;
* d'autres enjeux sont plus positifs comme le renforcement du 2ème pilier grâce à la généralisation de la modulation, ce qui supposera aussi la simplification absolument nécessaire de ce 2ème pilier.
Il semble que la Commission puisse faire également une proposition pour une réforme de l'OCM bovine.
Sur tous ces sujets, la France se prépare. Bien entendu, la réflexion des chambres d'agriculture sera mise à contribution.
- l'OMC
L'accord de DOHA est une bonne base de départ pour la négociation. Nous n'avons pas obtenu satisfaction sur tous nos objectifs. Il s'agissait d'une négociation à 142 pays, il est normal que chacun fasse un effort pour se rapprocher du consensus. Mais ce qui a été décidé est important, et pas seulement pour l'agriculture : adhésions de la Chine et de Taiwan ;sujets de régulation peu à peu accrochés à la négociation, environnement, concurrence, investissement ; lancement de la négociation sur les services, les tarifs industriels.
Sur l'agriculture, le texte de DOHA fixe un agenda et un calendrier, sans préjuger des résultats de la négociation à venir. C'est ce qu'il nous fallait, pour garder les marges de manuvre dont nous avons besoin pour conduire sereinement la discussion sur l'évolution de la PAC avec nos partenaires européens. Les préoccupations non commerciales sont désormais bien incorporées à la discussion qui va s'ouvrir. Sécurité sanitaire des aliments, développement rural, environnement, indications géographiques, qualité des produits, notamment l'étiquetage : c'est aussi un progrès important, puisque c'est autour de ces nouvelles exigences que nous réorganisons la PAC - et qu'il était donc essentiel que l'OMC s'en saisisse aussi pleinement.
- Agriculture raisonnée
Vous m'avez fait part, Monsieur le Président, de vos attentes sur le dossier de l'agriculture raisonnée. Un très important travail a été effectué, notamment depuis nos derniers échanges sur ce sujet lors du CSO du 1er mars dernier.
Je comprends l'impatience des uns et des autres - la vôtre, celle des consommateurs, celle des représentants de l'agro-alimentaire, les autres partenaires de la démarche - afin que ce dossier aboutisse. Mais pour y parvenir, nous devons aussi résoudre parvenir à trouver ensemble des solutions à la fois consensuelles et crédibles.
J'attends du prochain CSO qu'il nous permette d'aboutir. Nous sommes, je crois, je l'espère, proche du consensus.
PMPOA - directive nitrates
Monsieur le président, vous avez souligné les risques liés à la forte priorité donnée aux zones vulnérables de la directive nitrate dans le cadre du futur PMPOA.
Je crois tout d'abord que nous devons nous féliciter d'avoir pu " sortir " le dossier PMPOA sur les bases financières initialement proposées à la Commission. Vous avez suivi nos longues discussions avec les services de la Commission, tout au long de cette année. Vous n'ignorez pas que celles-ci se sont avérées d'autant plus difficiles que l'ancien dispositif, jamais notifié à Bruxelles a conduit la Commission à engager contre la France, en mai dernier, une procédure contentieuse.
Pour ne rien vous cacher, j'ai craint, à l'approche de l'été qu'il ne faille substantiellement revoir notre copie, en abaissant notamment les taux d'aide à 40 %. Les échanges nombreux et personnels que j'ai eus directement avec Franz FISCHLER nous ont permis de faire aboutir le dispositif moyennant un certain nombre de précisions, demandées par la Commission, sur son importance pour permettre à la France de satisfaire à ses obligations communautaires dans le domaine de la qualité de l'eau.
Le prochain PMPOA doit en effet permettre, comme nous l'avions prévu, d'intervenir prioritairement dans les zones où la qualité de l'eau est dégradée ou menacée. Cela ne remet nullement en cause l'accès de tous les éleveurs de plus de 90 UGB et des jeunes agriculteurs de plus de 70 UGB, partout en France. Mais, pour le reste, cela nous conduira à privilégier les zones vulnérables et certaines autres zones prioritaires dans lesquelles on observe effectivement une menace réelle sur la qualité de l'eau.
- J'en viens maintenant aux questions qui concernent plus directement le fonctionnement des chambres.
Lors de ma précédente intervention, j'avais souligné avec satisfaction le bon déroulement des opérations électorales de janvier 2001. La mission confiée ensuite à Monsieur Bernard VIAL, inspecteur général de l'agriculture, à fin de propositions d'amélioration éventuelle du dispositif électoral, se poursuit, dans le cadre d'une large concertation avec l'ensemble des partenaires concernés.
Votre assemblée est désormais complète, les quelques contentieux aboutissant à l'invalidation du résultat des dernières élections au titre du collège des chefs d'exploitation pour les départements de la Haute-Loire, des Alpes de Haute-Provence, de l'Ariège, de la Drôme et des Hautes-Pyrénées ont, en effet, conduit à la tenue d'élections partielles, dont la dernière, le 14 novembre dernier, pour les Hautes-Pyrénées.
- l'ANDA
Dans vos missions figure le rôle important joué par les chambres d'agriculture, dans la définition et la mise en uvre des programmes et actions de développement agricole.
J'ai souhaité, vous le savez, réformer l'ANDA ; c'était une question de survie. Le décret d'octobre 2001 vise à adapter le dispositif aux orientations de la LOA et à fixer un cadre clair et transparent pour ces activités. De nouveaux statuts ont été adoptés. Hier, l'assemblée générale de l'ANDA a autorisé le président à signer une nouvelle convention entre l'Etat et l'ANDA. Je m'en félicite, et notamment du vote favorable du représentant des chambres sur ce texte. L'ANDA pourra désormais fonctionner de manière rigoureuse et transparente.
Pour revenir aux chambres elles-mêmes, j'ai veillé à ce qu'elles puissent disposer pour cette année 2002 des moyens nécessaires pour mener leurs différentes actions d'appui et de soutien au profit du monde agricole. Vous le savez, le niveau du taux plafond de la taxe pour frais de chambre, est désormais fixé par la représentation nationale.
Le gouvernement a proposé au Parlement de retenir, dans le projet de loi de finances pour 2002, un taux d'augmentation maximale de la taxe de 1,7 %, identique à l'accroissement prévu pour les dépenses de l'Etat en valeur et supérieur au taux d'inflation prévisionnel. Je vous rappelle que le taux de l'inflation hors tabac retenu pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2002 est bien de 1,5 %.
Je rappelle également qu'en 2000 les chambres avaient bénéficié, pour faire face aux frais des élections de janvier 2001, d'une augmentation spéciale supplémentaire d'un point, qu'elles ont conservé en base de la taxe.
La proposition du gouvernement a donc visé à concilier une certaine garantie de financement de vos organismes consulaires et une modération fiscale nécessaire alors que, parallèlement, les instructions d'évolution budgétaire et de masse salariale 2002 données aux établissements publics nationaux de l'Etat et aux offices agricoles ont été empreintes d'une certaine rigueur.
Je suis donc persuadé que ces moyens mis à votre disposition, au côté des autres ressources des chambres mobilisables, vous permettront de travailler sereinement.
Je voudrais terminer en disant que je ne crois pas qu'il existe aujourd'hui de réel décalage entre les attentes des Français et les aspirations des agriculteurs. Ma conviction est qu'en réalité, l'agriculture française a engagé une vraie et profonde mutation. Les Français le savent et s'en rendent compte de telle sorte que l'image des agriculteurs évolue positivement.
Selon un tout récent sondage réalisé par la SOFRES, quand on demandait, il y a dix ans, aux Français comment ils réagiraient si l'un de leurs enfants souhaitait devenir agriculteur, seuls 26 % des Français répondaient qu'ils l'encourageraient, contre 73 % qui l'en dissuaderaient. Plus inquiétants, les agriculteurs eux-mêmes se montraient alors encore plus pessimistes puisque seuls 19 % déclaraient être prêts à encourager leurs enfants à s'installer derrière eux (et 79 % le contraire).
Dix ans plus tard, les perceptions ont radicalement changé : interrogés sur le même sujet, en décembre 2000, une majorité de Français (49 %) se disaient prêts à encourager l'un de leurs enfants à devenir agriculteur (contre 44 % en sens inverse) ; au sein du monde agricole, ils sont maintenant plus des deux tiers à répondre positivement.
Les agriculteurs français ont pris le tournant. Les Français en sont conscients et redécouvrent la beauté de ce métier auquel ils tiennent plus que jamais.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 13 décembre 2001)