Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics, avec CNews le 7 février 2018, sur la modernisation de la Fonction publique.

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Média : CNews

Texte intégral


JOURNALISTE
Tout de suite, Jean-Pierre ELKABBACH reçoit Olivier DUSSOPT, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous reçois pour parler de la réforme des fonctionnaires, elle ne passe pas. Déjà, bienvenu Olivier DUSSOPT, et merci d'être avec nous sur CNews. Vous avez vaincu la neige et le verglas.
OLIVIER DUSSOPT
La neige et le verglas pour venir jusqu'à vous, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez bien fait.
OLIVIER DUSSOPT
Et peut-être aussi parce qu'il y a les fonctionnaires qui font leur travail et qui avaient salé dans la nuit.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bien. C'est bien de leur rendre hommage, avant d'en éliminer quelques-uns. On va voir ce que...
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas tout à fait le cas.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, on va voir votre réforme. Cette nuit en tout cas, les syndicats ont décidé une journée de mobilisation, avec grèves, manifestations, le 22 mars. Ça veut dire que l'épreuve de force commence déjà contre votre réforme.
OLIVIER DUSSOPT
C'est vrai. C'est vrai, l'intersyndicale, en tout cas sept des neuf organisations syndicales représentatives, ont appelé  une journée de mobilisation le 22 mars. D'ici là, nous allons travailler, nous allons les recevoir, toutes et tous, il y en a neuf. Nous allons discuter avec chacun et chacune d'entre eux, pour faire en sorte de caler un calendrier, des modalités de dialogue, des modalités de débats, et voir comment on peut avancer sur les quatre priorités qui ont été fixés par le Premier ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous êtes en train de me dire que peut-être vous allez les amener, puisque le 22 mars c'est loin, à renoncer à leur mouvement ?
OLIVIER DUSSOPT
Je souhaite que le dialogue permette d'avancer et permette de rassurer et de répondre aux interrogations. Ces interrogations elles existent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y en a beaucoup.
OLIVIER DUSSOPT
Il y en a beaucoup, et c'est normal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir pourquoi.
OLIVIER DUSSOPT
C'est normal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir pourquoi. Est-ce que vous leur demandez ce matin d'attendre pour faire cette grève, ces manifs du 22 mars, ou vous leur dites : il n'y a rien à faire, est-ce que vous êtes prêts à céder à telle ou telle partie de la réforme, pour éviter justement ce que j'ai appelé l'épreuve de force ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un an de concertations, un an et quatre priorités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va les voir tout à l'heure.
OLIVIER DUSSOPT
Donc il est trop tôt de dire : est-ce qu'on cède ou est-ce qu'on ne cède pas, ce n'est pas la question. Ce que je souhaite, c'est que d'ici le 22 mars, effectivement, les conditions d'un dialogue serein, d'un débat serein, soient posées. Après, les organisations syndicales maintiendront ou ne maintiendront pas leur mot d'ordre, c'est leur liberté la plus totale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez dit sept organisations syndicales, CGT et Force ouvrière en tête, les deux autres critiquent. La CFDT, qui est numéro 2 dans le classement de la hiérarchie syndicale, et le numéro 3, l'UNSA, mais vous êtes déjà sous surveillance.
OLIVIER DUSSOPT
La CFDT et l'UNSA ont dit justement vouloir prendre le temps de la discussion, interroger leurs propres adhérents, avant de décider d'un mot d'ordre ou au contraire de continuer les discussions sans mot d'ordre. Moi, ce qui m'intéresse, j'allais dire, ce n'est pas forcément la position que prendra tel ou tel syndicat, parce qu'ils en sont libres, et il faut les écouter avec attention. Ce qui m'intéresse, c'est que le débat soit serein, et j'ai en tête un point, c'est que depuis 20 ans, à chaque fois que l'on a réformé la Fonction publique, l'angle était budgétaire, aujourd'hui nous essayons d'avoir une méthode différente, le temps de la concertation et de discuter autour des missions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir.
OLIVIER DUSSOPT
Mais ce qu'ils ont vécu, légitimes les interrogations d'aujourd'hui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous avez dit vous-même, je crois que c'était à l'Assemblée, que vous compreniez qu'une telle réforme pouvait comporter des risques et des inquiétudes légitimes.
OLIVIER DUSSOPT
Bien sûr.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous le dites vous-même.
OLIVIER DUSSOPT
Je le dis moi-même, parce que je sais que depuis 20 ans, les fonctionnaires ont été mis à rude épreuve, le point d'indice a été gelé de 2010 à 2016, les réformes qui ont été menées, notamment la RGPP, étaient des réformes menées sabre au clair, sans concertation, parfois même à la hussarde, et avec un prisme budgétaire. Aujourd'hui, nous posons...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous voulez le faire avec élégance et des gants blancs.
OLIVIER DUSSOPT
Nous posons des objectifs. On va le faire avec un an de concertations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un an.
OLIVIER DUSSOPT
Un an de concertations, le temps de réfléchir aux missions du service public.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez vu déjà les réactions du Parti socialiste. Il dit : un des points de vos quatre chantiers, ce sont les départs volontaires.
OLIVIER DUSSOPT
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Parti socialiste dit que ce sont des licenciements déguisés. Ça c'est une chose. D'autre part vous avez la réaction de Jean-Luc MELENCHON et des siens, ils disent : « Vous êtes un casseur, le gouvernement est un casseur des services publics » et d'autre part, que vous, vous êtes un ministre – transfuge.
OLIVIER DUSSOPT
Je n'ai pas pour habitude de commenter les petites phrases, mais je réponds sur deux choses et les deux points de fond que vous avez évoqués. Si mes amis du Parti socialiste considèrent que les départs volontaires sont une abomination, pourquoi ne les avons-nous pas supprimés ? Les départs volontaires, ça existe depuis 2009, ça a été introduit dans la loi par Nicolas SARKOZY, sous forme d'indemnités pour des départs volontaires individuels.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir, on va voir, on ne se précipite pas, on va tout dire.
OLIVIER DUSSOPT
Il y en a 1 000 par an en moyenne, depuis 2009, et quant à celles et ceux qui à l'Assemblée, se confortent, en tout cas se réfugient en permanence dans une attitude d'opposition systématique, consistant à dire non à tout, et à utiliser des grands mots pour décrire une réalité qui n'est pas celle que nous vivons et celle que nous mettons en place, je les renvoie à leur opposition. Est-ce que l'on est un casseur...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous parlez de qui ?
OLIVIER DUSSOPT
De la France Insoumise. Est-ce qu'on est un casseur lorsqu'on vient avec 700 millions d'euros pour moderniser l'administration ? Est-ce qu'on est un casseur quand on ajoute 1,5 milliard d'euros pour abonder les crédits destinés...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... ministre – transfuge, apparemment ça vous a blessé hier à l'Assemblée.
OLIVIER DUSSOPT
Est-ce qu'on est un casseur quand on prend le temps de discuter dialogue social ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça vous a blessé être « ministre – transfuge » ?
OLIVIER DUSSOPT
Leur objectif c'était de blesser, et je le prends pour ce que ça vaut et pour... de là où ça vient.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ?
OLIVIER DUSSOPT
D'une formation politique avec qui je ne partage pas grand-chose.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les syndicats maitrisent leur colère, mais on voit bien qu'ils sont en colère, parce que vous avez commencé l'autre jour, vous et Gérald DARMANIN, et peut être même le Premier ministre, à leur infliger d'une voix très douce des réformes avec une certaine brutalité. Est-ce qu'ils ont tort quand ils dénoncent un comportement plutôt brutal, de pyromanes pompiers ou de pompiers pyromanes ?
OLIVIER DUSSOPT
Je crois que l'appréciation est un peu sévère. Si nous avons, si nous avions voulu au gouvernement être brutaux, nous aurions annoncé un train de réformes, un train de réduction des effectifs et des coupes budgétaires, comme ça se fait depuis 20 ans. Je vous le répète, nous avons un an devant nous, un an avec les quatre débats que nous allons affronter, au sens positif du terme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va voir quel est l'enjeu, parce que ça concerne le sort de 5,5 millions de fonctionnaires.
OLIVIER DUSSOPT
C'est ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De l'Etat, 2,4 millions, des hôpitaux, 1,2 million, des collectivités locales 1,9 million. Ça s'appelle aussi ou peut-être ça peut s'appeler une révolution.
OLIVIER DUSSOPT
Ça s'appelle surtout des hommes et des femmes, des hommes et des femmes qui tous les jours s'impliquent et qui rendent service à la population.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, d'accord, mais ce que vous faites...
OLIVIER DUSSOPT
Ce n'est pas une révolution, c'est un changement de culture, certes, et nous avons commencé à poser les premières bases de cela avec le projet de loi en cours de discussion pour un Etat au service d'une société de confiance, sur le droit à la transaction, le droit à la médiation, le droit à l'erreur, et puis nous nous disons...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un changement de culture.
OLIVIER DUSSOPT
... réinterrogeons les missions, ça n'a jamais été fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va y arriver.
OLIVIER DUSSOPT
Réinterrogeons les missions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Changement de culture, dites-vous, alors de l'autre côté il y a par exemple Eric WOERTH, Républicain, qui dit : ça ressemble à une réforme et c'est pas du tout une vraie réforme, c'est-à-dire on vous reproche de ne pas être assez libéral et de l'autre côté on vous reproche de tout...
OLIVIER DUSSOPT
Eric WOERTH a défendu un candidat à la présidentielle qui voulait supprimer 500 000 postes dans la Fonction publique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous 120 000. Vous 120 000 en 5 ans.
OLIVIER DUSSOPT
Et qui s'était caractérisé... oui, c'est quatre fois plus quand même, mais qui s'était caractérisé quand il était Premier ministre, le même candidat, par la RGPP, qui avait été menée sabre au clair...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ne soyez pas défensif, parce que vous les attaquez les uns après les autres.
OLIVIER DUSSOPT
... et toutes les inspections...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand on vous reproche, et c'est le reproche numéro 1, de vouloir tuer le statut de la Fonction publique...
OLIVIER DUSSOPT
C'est faux, c'est tout simplement faux, et je vous renvoie aux déclarations du Premier ministre et du président de la République qui disent : le statut existe, nous ne le remettons pas en cause, par contre...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça sera un statut avec des habits neufs pour le XXIème siècle.
OLIVIER DUSSOPT
Nous devons assouplir, nous devons ajuster, nous devons voir comment favoriser les mobilités. Vous avez rappelé tout à l'heure et à juste titre, que dans la Fonction publique il y a trois versants, la Fonction publique hospitalière, la territoriale et la Fonction publique d'Etat. On pourrait imaginer que les uns et les autres au fil de leur carrière, passent d'un versant à l'autre, passent d'un métier à l'autre...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça fait partie des quatre chantiers que je vais étudier avec vous dans un instant Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Et il n'y a que 4 % de fonctionnaires qui changent de travail, et 0,5 changent de versant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La Corse. La Corse, apparemment elle bat des records, il y a beaucoup de copains et de clients fonctionnaires. Combien il y en a par rapport aux autres départements de la région ?
OLIVIER DUSSOPT
La Corse fait l'objet d'une attention particulière de l'Etat, au niveau de la Fonction publique d'Etat, et dans les administrations territoriales dont on sait qu'il y a un peu plus de fonctionnaires pour 1000 habitants en Corse que sur le continent, on est de l'ordre de 35 fonctionnaires territoriaux pour 1000 habitants en Corse...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut gâter la Corse.
OLIVIER DUSSOPT
Contre 27 à 28 sur le Continent. Gâter la Corse, ça n'est pas le mot, d'abord il y a un principe de libre- administration et là on renvoie au choix fait par les collectivités locales, il y a aussi des difficultés particulières, qui sont liées à l'insularité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il en a plus là...
OLIVIER DUSSOPT
Il y en a un petit peu plus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le président de la République est en train de faire un voyage important, en Corse, on l'a vu hier. Le préfet ERIGNAC, c'est sa femme qui l'a rappelé hier, dans un message qui était extrêmement émouvant, le préfet ERIGNAC avait écrit sur un petit carnet : « Oublier un crime, c'est un crime ». Apparemment on n'oublie pas, mais on passe peut-être à autre chose. Aujourd'hui à Bastia, le président de la République va révéler sa stratégie et ses engagements pour l'avenir de la Corse, et comme il a dit dans le giron républicain. On va voir ce que ça veut dire. Hier, la femme d'Yvan COLONNA la interpellé, comme ça, spontanément apparemment, ce n'était pas préparé, d'après ce qu'on a vu en regardant les images, elle lui a parlé sans agressivité, il lui a répondu avec fermeté et humanité. Mais il y a une question qui a frappé, c'est la défaillance ou les défaillances ou les insuffisances de la sécurité, de la protection présidentielle. Comment on peut surgir comme ça, n'importe où et s'adresser au président de la République ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne crois pas que le président de la République ait été mis en danger, en tout cas ce n'est pas à moi de porter un jugement sur ces aspects-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord.
OLIVIER DUSSOPT
Ce qu'il faut retenir de la visite du président, et elle se continue aujourd'hui comme vous l'avez rappelé, c'est l'extraordinaire dignité de madame ERIGNAC, sur les lieux où son mari a été assassiné, et c'est aussi la grande solennité et la grande fermeté et en même temps l'humanisme que vous avez rappelé dans les propos du président de la République. Un crime, ça ne s'amnistie pas, ça ne se pardonne pas, il l'a rappelé, et il a aussi dit qu'il fallait travailler avec les Corses pour rester dans le giron de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et là aujourd'hui, Bastia, l'avenir. Par écrit, vous avez annoncé aux syndicats quatre chantiers. Alors on va prendre l'un après l'autre, très vite. Un, rendre le dialogue plus fluide. Traduction : à travers le pays, l'Etat, les syndicats, les employeurs, se retrouvent chaque année dans 22 000 instances, 22 000.
OLIVIER DUSSOPT
22 000 instances représentatives.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est beaucoup ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est beaucoup.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est beaucoup trop ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est beaucoup et nous gagnerons certainement en efficacité à réduire le nombre de ces instances.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De combien ?
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif n'est pas chiffré. Mais je prends un exemple, un exemple très simple. J'ai été maire pendant 10 ans, dans une collectivité, une commune de 17 000 habitants. Nous avons un comité technique qu'on appelait autrefois « comité technique paritaires ». Nous avons un comité hygiène et sécurité. Très souvent, pour ne pas dire tout le temps, dans des communes de cette taille-là, nous avons les mêmes représentants du personnel et les mêmes représentants de l'autorité territoriale qui siègent dans les deux mêmes...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous dites : on peut simplifier.
OLIVIER DUSSOPT
On peut les rapprocher.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les rapprocher, mais ça veut dire moins de syndicaux permanents, presque professionnels. Il y en a combien déjà ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a de nombreuses heures de décharge syndicale, puisqu'on estime...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y en a combien qui s'occupent en permanence des …
OLIVIER DUSSOPT
On estime que c'est à peu près 5 000 équivalents temps plein, mais il ne faut pas dire que ça représente 5 000 personnes, parce qu'ici ou là, vous allez avoir un délégué syndical qui aura deux heures de décharges...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Si vous réduisez les 22 000, vous réduisez aussi les 5 000.
OLIVIER DUSSOPT
Muriel PENICAUD a mené la même entreprise de réformes dans le secteur privé, et je ne crois pas que ce soit ça qui ait posé une difficulté. Parce que nous devons garantir la démocratie sociale, les moyens de fonctionner, y compris en modifiant les modalités.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, moins de 22 000, moins de 5 000. Deux, la rémunération au mérite, qui a bien travaillé est récompensé, ça veut dire adieu l'indice et vive ou bienvenue au rendement professionnel ?
OLIVIER DUSSOPT
Je crois que c'est dit de manière un peu brutale, si vous me permettez, et peut-être même un peu caricatural. Depuis 2014, et tout le monde l'a oublié, depuis 2014 un régime indemnitaire nouveau a été mis en place à côté du traitement de base, qui est constitué principalement des points d'indice. Ce régime indemnitaire nouveau, vous me pardonnez le barbarisme, s'appelle le RIFSEEP. Il a été mis en place en 2014 et il prévoit d'ores et déjà qu'une part substantielle, et l'adjectif a son importance, du revenu, de la rémunération des agents publics, soit liée à la performance, au mérite, et à l'implication...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et là on continue à ... Mais qui évalue ?
OLIVIER DUSSOPT
Depuis 2014, que 10 % de la Fonction publique d'Etat qui...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qui évalue, qui juge dans ce cas-là ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut donner les moyens et ça signifie de la compétence et de la formation, aux encadrants hiérarchiques pour mener l'évaluation. Il faut au passage avoir une réflexion sur le système de notation qui perdure encore parfois dans certains services et qui...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, évaluation, notation, jugement, prime ou pas prime.
OLIVIER DUSSOPT
Le système de notation a perdu tout son sens. Par contre, si vous me permettez Jean-Pierre ELKABBACH, sur la question du mérite et de l'implication, tout à l'heure je disais qu'il fallait réfléchir en termes de missions. On ne mesure pas le mérite et l'implication individuelle, d'un enseignant, d'une infirmière ou d'un agent public, qui est affecté à une tâche qui fait l'objet de statistiques. Ça n'est pas le même mérite, ça n'est pas la même implication, et donc c'est pour ça aussi qu'il faut réfléchir sur les missions et se demander collectivement ce que nous attendons des agents publics et du service public.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord. Mais vous demandez plus de productivité, plus d'efficacité, aux enseignants...
OLIVIER DUSSOPT
Toujours plus d'efficacité, et c'est le sens du service public.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... dans les hôpitaux...
OLIVIER DUSSOPT
A tous les fonctionnaires, à tous les agents publics.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... en améliorant la gestion financière, médicale et en même temps humaine.
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif c'est la même qualité, améliorer la qualité et à chaque fois qu'on peut le faire en maîtrisant ou réduisant les coûts, c'est un bien pour tout le monde.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Trois, plus de recours aux contrats. De quelle durée les contrats ?
OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui, en droit public, les contrats ne peuvent pas excéder 3 ans, ils ne peuvent pas être renouvelés plus de deux fois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et désormais ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a des contrats plus courts, ça fait partie des objets de discussions. Je considère par exemple que... je reprends l'exemple de la Fonction publique territoriale, lorsque vous mettez en place un programme sur 4 ans, sur 5 ans, te sur 6 ans, de rénovation urbaine, de réaménagement de vos centres-villes, vous avez besoin de compétences spécifiques pendant cette durée-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire des contrats de missions et des contrats de projets.
OLIVIER DUSSOPT
Des contrats de missions, des contrats de projets, et ça fait partie des choses dont nous devons discuter, avec les organisations syndicales, et avec le collège des employeurs, dans la Fonction publique territoriale et dans la Fonction publique...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il va y avoir des contrats de projets, des contrats... Ce sont des contrats...
OLIVIER DUSSOPT
Il pourra, il pourra ça fait partie des discussions.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qui sont renouvelables, ces contrats ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça peut être renouvelable, mais si nous arrivons à avoir une définition assez précise de la durée des missions, on règle aussi un certain nombre de problèmes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce ne sont pas des CDI.
OLIVIER DUSSOPT
Ce ne sont pas des CDI, pas nécessairement. Aujourd'hui les CDI existent, et d'ailleurs, si vous me permettez, parce qu'on a l'impression parfois en écoutant tel ou tel commentaire, que le recours aux contrats serait nouveau. Vous avez rappelé tout à l'heure que la France...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a 20 %.
OLIVIER DUSSOPT
C'est 17,3.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
17,3...
OLIVIER DUSSOPT
17,3 hors emplois aidés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... mais dans votre objectif c'est d'aller beaucoup plus.
OLIVIER DUSSOPT
Il n'y a pas de seuil, il n'y a ni plafond, ni plancher, ça serait ridicule.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quatre, alors là il faut que je le lise. Quatre, accompagnement renforcé dans la perspective de mobilité dans la Fonction publique ouvre le secteur privé, traduction : départs volontaires. Mais pourquoi un tel charabia ?
OLIVIER DUSSOPT
Pas seulement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi un ce charabia.
OLIVIER DUSSOPT
Pas seulement les départs volontaires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pour maquiller « départs volontaires ».
OLIVIER DUSSOPT
Pas seulement les départs volontaires et je vais répondre sur les 2 points. Donner plus de compétences, mettre en place un plan de formation et nous allons publier dans les semaines qui viennent, le schéma national de formation avec plus d'un milliard et demi d'euros pris sur le grand plan d'investissements d'avenir, ce qui signifie que la formation est un investissement, c'est la formation continue, c'est permettre à nos agents d'acquérir les compétences nécessaires pour les nouvelles technologies quand ils ne les maitrisent pas. C'est leur permettre de se développer personnellement...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais alors, mais les départs ?
OLIVIER DUSSOPT
Et ensuite, j'y viens aux départs volontaires, nous pouvons avoir des restructurations, nous pouvons avoir des métiers dont l'utilité même est réinterrogée, parce que les technologies informatiques notamment permettent de répondre à une demande parfois aussi bien, parfois mieux, et avec un contrôle humain.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc quelqu'un qui ... son avenir, peut avoir envie de partir...
OLIVIER DUSSOPT
D'aller dans le privé.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais là, ce que vous ne toucherez pas ou peu, ce sont les hôpitaux, l'éducation nationale, je suppose la police...
OLIVIER DUSSOPT
Je vais répondre dans un sourire...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, on en a besoin.
OLIVIER DUSSOPT
Est-ce que vous imaginez que l'on puisse mettre en place un plan de départs volontaires dans les secteurs où nous recrutons des fonctionnaires ? Ça paraît contradictoire et ça l'est.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord.
OLIVIER DUSSOPT
Les plans de départs volontaires...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous pouvez leur demander, comme vous l'avez dit tout à l'heure, plus de productivité et une meilleure gestion.
OLIVIER DUSSOPT
Les plans de départs volontaires, puisque nous sommes sur ce sujet-là, ont un objectif, et le Premier ministre comme le président l'ont rappelé, il s'agit de proposer aux agents qui sont concernés par une restructuration, dont l'existence même du service peut être réinterrogée, et uniquement à ceux-ci, c'est-à-dire que ça ne sera pas un plan de volontaires général, ça ne sera pas systématique, de leur dire : vous êtes agent public, dans le statut, vous avez un droit à reclassement, il est garanti, mais vous avez aussi le droit de vouloir aller dans le secteur privé et à vous dont le secteur est touché par une transformation, nous vous proposons de vous accompagner, nous devons discuter avec les syndicats, c'est comment, quelle indemnité, quelle formation, quel accompagnement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, vous l'avez dit tout à l'heure, depuis 2009, c'est-à-dire depuis Nicolas SARKOZY, il existe une indemnité une indemnité de départ volontaire, avec 2 ans de salaire, et chaque année, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est entre 700 et 1 300 départs, une moyenne de 1 000. Est-ce que vous allez rendre l'indemnité plus substantielle et attractive ? Par exemple 4 ans au lieu de 2, 4 ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est à discuter avec les organisations syndicales.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ?
OLIVIER DUSSOPT
Tout est sur la table, moi je pense qu'il faut qu'on trouve le bon accord.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça peut être 4 ans ?
OLIVIER DUSSOPT
4 ans, 2 ans...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ou 3.
OLIVIER DUSSOPT
Mais ça c'est, vous me pardonnez, mais c'est du marchandage.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non, pour que ce soit attractif. C'est la négociation.
OLIVIER DUSSOPT
C'est une négociation, il faut qu'on puisse en discuter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour voir jusqu'où vous pouvez aller dans la négociation. Ça se négocie.
OLIVIER DUSSOPT
On ne peut pas préempter les résultats de telles négociations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Exemple, un agent qui est indemnisé, peut-il, au bout de 2, 3 ans, s'il échoue là où il est, s'il s'ennuie, être à réembaucher là où il était, ou alors être recruté ailleurs ?
OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui, ça n'est pas posé dans les termes du débat, tout est ouvert. Vous posez la question de la réintégration, on pourrait aussi poser la question de l'indemnisation par les systèmes d'assurance-chômage. Tout fait partie du débat, de la concertation, et nous ne voulons pas fermer ces sujets de débats.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez dit que vous avez 700 millions, ça s'appelle le Fonds de transformation de l'Etat, 700 millions, c'est ça qui va financer ?
OLIVIER DUSSOPT
Non.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, comment vous financez ?
OLIVIER DUSSOPT
Toutes les indemnités aujourd'hui, vous l'avez dit, et nous l'avons rappelé, cela existe, elles sont financées en masse salariale, et que soit par la fonction d'Etat ou la fonction territoriale, ça existe dans les deux secteurs et même dans la fonction hospitalière. Les 700 millions que vous avez évoqués, c'est toute autre chose. Nous faisons un pari, qui est un pari de bon sens, nous considérons que lorsqu'une administration veut se transformer, lorsqu'elle veut se numériser, lorsque vous digitaliser, lorsqu'elle veut mettre en place des process, des outils...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
700 millions, ce n'est pas beaucoup.
OLIVIER DUSSOPT
... de modernisation, ça n'a jamais existé jusqu'à présent, il faut qu'on puisse accepter que parfois la réalisation d'économies ou la recherche d'efficacité ait un coût et que ce coût puisse être pris en charge. Et dès le mois de février, il y aura un appel à projet pour voir quels sont les premiers projets qu'on accompagne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va vite ensemble, Olivier DUSSOPT, parce qu'il y a tellement de sujets...
OLIVIER DUSSOPT
Oui, c'est un sujet pourtant passionnant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Extraordinairement passionnant, avec peut-être des retombées sociales, économiques et même probablement des conséquences. L'agenda, vous commencez à la concertation quand ?
OLIVIER DUSSOPT
Dès la semaine prochaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dès la semaine prochaine.
OLIVIER DUSSOPT
Dès la semaine prochaine, avec des réunions bilatérales...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire...
OLIVIER DUSSOPT
Parce que nous voulons proposer...
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... chaque syndicat...
OLIVIER DUSSOPT
Chaque syndicat, nous conclurons cette première série par une réunion plénière, et ce que nous voulons proposer aux organisations syndicales c'est que pendant les 4, 5 semaines qui viennent, nous puissions mettent d'accord ensemble sur la méthode et le calendrier du débat pour aboutir d'ici la fin de l'année 2018, je l'espère, sur les propositions les plus consensuelles.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça veut dire, mais au bout, la promesse du candidat Emmanuel MACRON c'était - 120 000...
OLIVIER DUSSOPT
C'est un objectif qu'il a fixé, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est un objectif, il disait dans 5 ans. Là, il y a 4 ans d'ici à...
OLIVIER DUSSOPT
A 2012.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça s'appliquera à partir de 2019, 4 ans, comment vous faites pour 120 000 départs, c'est-à-dire 30 000 par an ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est un objectif et en même temps ça n'est pas l'Alpha et l'Omega. Soi le seul objectif était quantitatif, mathématique, nous aurions commencé dès cette année, ce n'est pas le cas, nous prenons le temps de la réflexion et comme l'a dit le porte-parole du gouvernement il y a quelques jours, il n'y a ni plancher, ni plafond. Il y a un objectif, c'est faire mieux, c'est d'offrir un meilleur service public et c'est permettre aussi de donner de meilleures conditions de travail à nos agents.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez deux menaces, des mutations, des technologies, vous l'avez dit tout à l'heure, l'intelligence artificielle, et d'autre part les risques que l'on voit monter d'une nouvelle crise financière avec une augmentation des taux d'intérêt. En tout cas on va voir si le nouveau monde qui est promis, se transforme où se reflète avec un état nouveau.
OLIVIER DUSSOPT
C'est l'objectif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est l'objectif. Un état nouveau, c'est-à-dire plus...
OLIVIER DUSSOPT
Plus moderne, plus agile, plus réactif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Plus moderne, etc. Vous, vous étiez socialiste, vous étiez proche de Manuel VALLS, vous critiquiez le président de la République quand il était candidat, ou peut-être même quand il a commencé. Vous vous retrouvez son ministre, comment vous le trouvez, finalement ?
OLIVIER DUSSOPT
Le ministre de l'Action et des Comptes publics est quelqu'un de confiance, avec qui je travaille parfaitement bien. Le président de la République a un programme et puisque vous renvoyez à cette période qui est récente, lorsque vous reprenez, si vous regardez tous mes documents de campagne et mes engagements, sur la Fonction publique, sur le service public, je suis en cohérence avec ce que je défends, et ce qui m'intéresse c'est faire que demain la Fonction publique soit mieux reconnue, mieux accompagnée, mieux formée et qu'on puisse offrir aux usagers, à nos concitoyens, un service public qui soit de qualité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Attention au retour avec la neige.
OLIVIER DUSSOPT
On fera attention.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comme tous les Français.
OLIVIER DUSSOPT
Comme tous les Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 février 2018