Texte intégral
* Deuxièmes rencontres parlementaires sur la longévité 25 janvier 1995
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer aujourd'hui à ces deuxièmes rencontres parlementaires
sur la longévité.
Vous avez choisi un thème délicat et ambitieux, Monsieur le Président, puisque vous
nous invitez à nous interroger sur la manière dont seront assurés les soins des
personnes âgées au XXIème siècle.
Le vieillissement de la population française et la progression régulière, depuis
quelques années, des dépenses consacrées à la santé, peuvent alimenter, en effet,
quelques inquiétudes.
Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, la pire des choses serait, cédant au
pessimisme, de penser que cette double évolution est inéluctable et de renoncer à agir
pour en maîtriser les conséquences.
Nous savons bien, que nous devons poursuivre tout à la fois deux objectifs : celui
d'adapter notre système de santé pour qu'il réponde mieux aux nouveaux besoins de nos
concitoyens, liés au vieillissement de la population ; celui de rendre ce système plus
efficace, pour éviter que son coût pour la collectivité ne continue de progresser
indéfiniment, sans réel bénéfice pour la santé. Mais ce dernier objectif ne saurait
s'opérer au détriment de telle ou telle catégorie de Français : toutes ont droit à la
même solidarité de la part de la collectivité nationale. Les personnes âgées dont le
travail a largement contribué à la richesse du pays, qui l'ont reconstruit au
lendemain de la guerre et qui ont commencé à travailler souvent très jeunes, dans des
conditions de grande pénibilité, ont droit à des soins et à une attention de qualité.
Depuis cinquante ans le système de santé de notre pays n'est pas dissociable du
système d'assurance maladie. Celui-ci a favorisé l'accès aux soins de toutes les
couches de la population et permis que tous profitent des progrès de la médecine. Il
est l'expression d'une solidarité collective dont personne n'est exclu eu égard à son
âge ou à tout autre critère : on est assuré social et on le reste quel que soit le
risque que l'on représente, c'est-à-dire quels que soient la gravité de la maladie
dont on est atteint ou le coût des soins dont on a besoin et quelle que soit sa
participation aux recettes ; c'est là toute la différence entre la sécurité sociale et
l'assurance commerciale. Et personne n'imagine modifier ce système.
S'il nous faut veiller à ce que cette exigence fondamentale soit respectée, nous
savons bien toutefois que des réformes ou des aménagements sont par ailleurs
indispensables.
La question que vous posez est donc essentielle.
Les débats et la réflexion qu'elle appelle alimenteront les échanges qui sont
actuellement en cours sur notre système de santé, et auxquels le livre blanc sur la
santé et l'assurance maladie, remis récemment au Gouvernement par MM. SOUBIE, PORTOS
et PRIEUR a vocation à contribuer.
Le programme de votre journée montre que des intervenants de très grande qualité, que
je connais pour la plupart et que je salue, se sont exprimés ce matin, ou vont le
faire cet après-midi, sur ces questions.
Pour ma part, sur un thème aussi vaste, je me bornerai à insister sur deux aspects qui
me semblent fondamentaux si l'on veut que la question que vous vous posez - celle des
soins des personnes âgées au XXIème siècle - reçoive une réponse satisfaisante, au
plan éthique comme au plan économique.
Le vieillissement progressif de notre population, dans les années à venir, est une
certitude. Il faut nous organiser en conséquence.
Pour ce faire, nous devons avant tout prendre la juste mesure de ce phénomène de
société, et apprécier ses implications, en gardant en conscience le caractère
aléatoire des prévisions que nous pouvons faire et en orientant de manière progressive
mais ferme notre système de santé pour qu'il prenne mieux en compte les réalités de
demain.
L'évolution démographique que connaît notre pays est incontestablement un phénomène
majeur de société, le plus important certainement par l'ensemble des conséquences
qu'il emporte. Mais si les prévisions démographiques sont fiables, les prévisions que
nous pouvons faire aujourd'hui sur ce que seront les besoins nés de cette situation au
XXIème siècle restent fragiles. L'évolution des comportements, la poursuite des
progrès de la médecine et, ne l'oublions pas, l'élévation du niveau et des conditions
de vie des personnes âgées ont d'ores et déjà mis à mal quelques idées largement
répandues il y a 20 ans.
Le rapport du Haut Comité de la Santé Publique qui m'a été récemment remis démontre
clairement, par exemple, que les gains continus d'espérance de vie ne se sont pas
accompagnés de l'augmentation de la période vécue dans un état de dépendance mais au
contraire ont accru la durée de vie en bon état physique. C'est un enseignement
considérable, puisqu'il infirme toutes les prévisions qui tenteraient d'apprécier les
besoins de demain en procédant à une simple projection à l'identique à partir des
réalités d'aujourd'hui.
De la même, manière, nous pensions il y a 20 ans qu'il fallait nécessairement
développer les formules d'hébergement collectif auxquelles aspireraient de plus en
plus de personnes âgées, même valides. Nous constatons aujourd'hui que l'amélioration
de leurs conditions de vie permet aux personnes âgées de repousser dans le temps une
entrée dans une structure d'hébergement et de rester à leur domicile, comme elles le
souhaitent dans leur grande majorité. En revanche, les structures, que nous avons
mises en place depuis trente ans se révèlent mal adaptées à une population qui y
rentre plus âgée et plus dépendante. Nos efforts portent déjà, mais il devront être
poursuivis tout au long des décennies à venir, sur l'adaptation des types d'accueil
proposés aux personnes âgées, sur leur degré de médicalisation et sur leur intégration
dans un système sanitaire et social fondé sur la complémentarité entre le domicile et
l'établissement, et entre le rôle des professions sanitaires et celui des professions
sociales. C'est une vision différente de la personne âgée et de son rapport au système
de santé que nous devrons peu à peu introduire, dans le souci de permettre à chacun de
choisir son mode de vie, son type d'hébergement et d'utiliser, au mieux de ses besoins
de santé ou d'autonomie, les moyens que la collectivité y consacre. La personne âgée
ne doit plus être considérée comme un acteur passif, mais sera au contraire
progressivement responsabilisée et amenée à participer au système de santé grâce à
l'information qu'elle recevra et au développement de la prévention.
Parallèlement, bien évidemment, l'apparition des maladies dégénératives associées à
l'âge est la rançon du progrès de la prévention. La personne qui aura évité un
infarctus à 50 ans, un cancer à 65 ans, aura plus de chances de développer une maladie
d'Alzheimer à 80 ans. Il nous faut donc, et nous nous y employons, anticiper ces
évolutions pour que la formation des professionnels de santé, mais également la
recherche en tirent dès maintenant les conséquences. Cela devra bien sûr intégrer une
réflexion éthique. Je sais que vous en avez débattu ce matin, et je sais également
qu'il n'y a pas dans ce domaine de réponse définitive, tant les professionnels de la
santé doivent assumer dans leur pratique quotidienne les choix qu'ils estiment, en
leur âme et conscience, devoir faire.
Il nous faut donc orienter dès maintenant notre système de santé pour qu'il prenne
progressivement mieux en compte les besoins de demain. C'est pour nous tous une
préoccupation quotidienne car nous savons que de la justesse de nos anticipations
dépend la qualité du système futur. Votre réflexion s'inscrit dans cette démarche et
je n'aurai pas ici l'ambition de reprendre la totalité des aspects concernés. Je me
limiterai à deux d'entre eux, parce qu'ils sont particulièrement importants :
- la formation et l'information des acteurs du système de santé intervenant auprès de
personnes âgées ;
et
- la coordination entre tous ces acteurs.
Il faut d'abord, renforcer la formation et l'information des acteurs du système de
santé intervenant auprès des personnes âgées.
Cela procède d'une évidence : il existe une véritable spécificité des besoins en soins
de la personne âgée.
Pour les personnes de plus de 75 ans, l'expression des maladies peut être différente,
la polypathologie est fréquente, le maniement des thérapeutiques est spécifique, la
réadaptation est plus longue et plus délicate, l'imbrication du somatique, du
psychique et du social est très importante. Les professionnels doivent disposer des
connaissances et des moyens qui leur permettent de réagir d'une façon précise et
adaptée.
Les médecins généralistes, en particulier, ont désormais une majorité de personnes
âgées parmi leurs patients, sans toujours avoir bénéficié d'une formation adéquate
lors de leurs études.
C'est la raison pour laquelle j'ai voulu, en liaison avec le Ministre de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, développer dans le deuxième cycle des
études médicales, l'enseignement de gérontologie clinique. Nous achevons avec les
représentants des médecins, la mise au point du contenu de cette réforme. C'est une
mesure attendue et qui montre notre volonté de donner, dès maintenant, aux futurs
médecins, les connaissances et l'expérience pratique dont ils auront besoin tous les
jours dans l'exercice de leur art.
Mais l'effort de formation ne doit pas être limité, vous le savez, aux études
initiales. Il doit être continu.
Les moyens pour y parvenir sont multiples.
Je suis, quant à moi, attentive à ce que mon administration participe à cet effort, en
mettant à la disposition des professionnels les informations qui leur sont utiles, ou
en suscitant des recherches dans des domaines stratégiques.
Sans vouloir être exhaustive, je citerai trois exemples en rapport direct avec le
thème de la prévention :
J'ai tout d'abord demandé qu'un guide destiné aux médecins généralistes et rappelant
les grands principes de prescription médicamenteuse chez les personnes âgées, soit mis
au point, en relation avec l'Agence Nationale de l'Evaluation Médicale. Sa diffusion,
en 1995, sera accompagnée d'un programme de formation continue.
Nous savons que ce problème est crucial.
En effet, de toutes les catégories d'âge, c'est la population âgée qui fréquente le
plus les cabinets médicaux. Or, nous savons bien que nos concitoyens jugent trop
souvent leur médecin à la longueur de l'ordonnance qu'il délivre et qu'il est souvent
difficile de leur expliquer qu'on les soigne aussi bien voire mieux avec une
prescription plus mesurée.
Passe encore lorsqu'il s'agit de médicaments de confort ou de faible effet
thérapeutique, mais il n'est pas acceptable que l'on constate dans les services
hospitaliers de nombreuses admissions de personnes âgées dues à une pathologie
iatrogène liée à des prescriptions médicamenteuses inadéquates.
Les préoccupations de santé publique rejoignent sur ces points celles de la maîtrise
des dépenses de santé, politique qui concilie le respect de la qualité des soins et la
volonté de préserver notre système de santé.
La prévention c'est aussi la lutte contre des affections qui affectent
particulièrement les personnes âgées. Aussi j'ai demandé à l'INSERM d'intensifier les
recherches pour prévenir l'ostéoporose. Cette maladie, vous le savez, représente un
problème majeur de santé publique en France et dans l'ensemble des pays développés.
Parmi les personnes âgées de plus de 75 ans, elle atteint 9 femmes sur 10 et un nombre
significatif d'hommes. Les progrès réalisés dans ce domaine concerneront pas
conséquent la quasi totalité des personnes âgées.
Des actions spécifiques de recherche seront également consacrées à la maladie
d'Alzheimer, que j'ai évoquée précédemment et dont le développement est inquiétant.
Enfin, dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne, j'organise à
PARIS, en février 1995, conjointement avec la Société Française de Gérontologie un
séminaire consacré à la place de la gériatrie et de la gérontologie dans la formation
et l'exercice des médecins en Europe. Les réflexions amorcées dans tous les pays
d'Europe seront ainsi rassemblées et partagées. De plus en plus nos décisions doivent
s'inscrire dans le contexte européen et cette rencontre sera l'occasion de mettre au
point, je l'espère, des stratégies communes pour l'avenir.
Ces trois démarches sont révélatrices d'un état d'esprit. Elles attestent notre
volonté d'adapter notre système de santé, dans sa composante la plus fondamentale,
c'est-à-dire la compétence et l'expérience de ceux qui en sont les acteurs, pour une
meilleure qualité de vie fournie à nos aînés.
La mise en place d'une véritable coordination entre tous les acteurs du système de
santé appelés à intervenir autour de la personne âgée, est également une exigence
forte. L'offre de soins est encore trop cloisonnée, même si des progrès considérables
ont récemment été faits, et même si chacun a désormais pris conscience de la nécessité
de poursuivre dans cette voie.
Pour le secteur hospitalier, les schémas régionaux d'organisation sanitaire sont
l'expression de cette volonté.
Il s'agit de prévoir les besoins à venir, compte tenu des données démographiques
connues et des progrès déjà réalisés ou prévisibles des techniques médicales, et d'en
déduire les changements à apporter à l'organisation de notre réseau hospitalier.
L'exercice a été difficile et les résultats ne sont pas toujours parfaits, mais la
quasi totalité des schémas régionaux ont été désormais élaborés pour les activités de
soins de courte durée, les urgences et l'imagerie médicale. Les soins de longue durée
et les services de suite et de réadaptation feront l'objet de volets complémentaires
en cours d'élaboration,
Cette démarche a obligé l'ensemble des personnes ou institutions concernées à
réfléchir ensemble. Cela n'avait pas été suffisamment le cas jusqu'alors. Il reste à
mettre en oeuvre ces schémas avec détermination. Les personnes âgées y sont
particulièrement intéressées, parce qu'elles sont actuellement accueillies par
plusieurs types d'établissements qui n'ont pas encore développé entre eux toutes les
complémentarités souhaitables.
Pour illustrer ces insuffisances, j'évoquerai les conclusions d'un tout récent rapport
de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sur l'hospitalisation des personnes
âgées dans les services de psychiatrie. Le rapport conclut que l'hospitalisation en
psychiatrie des personnes âgées a très fortement diminué, sous l'influence d'une
transformation de l'offre de soins - ce qui est une heureuse nouvelle, car la
situation que j'avais connue voici vingt ans était désastreuse - mais que l'adéquation
du placement à l'état de santé des personnes âgées reste encore peu satisfaisant. Les
auteurs préconisent, en conséquence, le développement de la coopération entre les
hôpitaux psychiatriques et les hôpitaux généraux, pour délivrer les soins là où ils
sont les plus accessibles ou les plus nécessaires aux patients.
Si j'évoque cet exemple c'est non seulement parce que j'ai pris connaissance de ce
rapport que j'attendais avec impatience, mais aussi parce qu'il montre que nous sommes
loin d'avoir tiré toutes les conséquences des mutations qui ont affecté le réseau des
établissements de soins et sa composition, comme l'état sanitaire de la population.
Mais le renforcement de la coordination doit également associer les professionnels de
santé qui n'exercent pas dans les hôpitaux.
Nous comptons beaucoup pour atteindre cet objectif sur le carnet médical et le dossier
médical prévu par la Convention entre les Caisses de sécurité sociale et les syndicats
médicaux et rendus obligatoires par le législateur en juillet dernier.
Ce dispositif, qui concernera 4,7 millions de personnes de plus de 70 ans, souffrant
de deux pathologies au moins nécessitant un traitement de 6 mois au plus, a en effet
été conçu pour améliorer le suivi et la qualité des soins dispensés aux personnes
âgées. Il va entrer progressivement dans les faits à partir du début de cette année,
en commençant sans doute dans une ou deux régions-test. Il constituera l'instrument de
base de la coordination des soins entre médecins généralistes, médecins spécialistes
et médecins hospitaliers.
Voilà quelques réflexions que je voulais vous livrer, inspirées par le thème dont vous
débattez aujourd'hui. J'ai souhaité que le Directeur de la Sécurité sociale et le
Directeur des hôpitaux s'associent à vos travaux, de manière à ce qu'ils vous exposent
l'état de nos recherches, sous une forme plus détaillée que je ne saurai le faire en
quelques minutes d'intervention.
C'est l'honneur de notre pays d'avoir su éviter jusqu'à présent toute forme de
discrimination à l'encontre des personnes âgées, pour ce qui concerne les soins
médicaux. Tous les pays, même très avancés, ne peuvent pas en dire autant. Face au
défi de la démographie, nous devons trouver les voies qui nous permettront tout à la
fois de préserver cet acquis et de maîtriser la croissance des dépenses de santé
prises en charge collectivement, tout en réfléchissant à la question de la
participation des retraités au financement du régime dont ils bénéficient. C'est une
exigence morale et intellectuelle à laquelle nous ne pouvons échapper à l'orée du
XXIème siècle.
* Rencontres des CODERPA CORERPA CNRPA (26 janvier 1995)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer pour la deuxième fois à vos rencontres annuelles, en ma
qualité de ministre chargée des personnes âgées, et, par conséquent, de la présidence
du Comité national.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de travailler pendant l'année écoulée avec les
membres du comité, et j'ai apprécié les relations de confiance qui se sont instaurées
an cours de ces échanges. Elles me confortent dans l'idée que le CNRPA peut exprimer,
au niveau national, de même que les CORERPA et les CODERPA dans leurs ressorts
géographiques, la sensibilité et les positions des personnes âgées sur les sujets qui
les concernent particulièrement, et apporter ainsi aux pouvoirs publics et à la
société tout entière une aide indispensable à une prise de décision satisfaisante,
Cette expression est aujourd'hui spécialement importante et nécessaire.
Notre pays est en effet confronté, comme la totalité des pays occidentaux, à des
changements profonds et irréversibles, qui remettent en cause l'organisation de notre
société dans plusieurs domaines. Le vieillissement de la population est un de ces
changements. Il est le résultat des progrès accomplis, dans le domaine médical, bien
sûr, mais également dans le domaine social. Il emporte des effets considérables, que
nous mesurons chaque jour, et qui nous obligent à reconsidérer partiellement les
constructions d'hier, avec la volonté d'en préserver la meilleure part, mais avec
également le souci de répondre à des besoins nouveaux, de prendre en charge des
situations jusqu'alors inédites par leur ampleur ou leur acuité.
Dans le même temps, la situation économique que nous connaissons depuis plusieurs
années a entraîné la multiplication des situations de chômage et de précarité.
L'exigence de solidarité est donc plus forte dans ce contexte et elle doit être placée
au coeur des choix politiques, économiques et sociaux qui gouvernent notre communauté
nationale. Les personnes âgées ont d'ailleurs, chacun le reconnaît, joué un rôle
important pour amortir les effets de la crise, par la solidarité qu'elles ont déployé
envers les autres générations, notamment au sein du cercle familial.
Dès lors, chaque composante de la Nation doit être associée aux choix qui seront faits
pour adapter notre, politique sociale aux besoins nés de ces évolutions, et pour la
rendre plus efficace et plus compréhensible, plus rapide dans ses effets et plus
lisible pour ses bénéficiaires comme pour ses financeurs.
Vous êtes à l'évidence une de ces composantes. L'activité de vos comités prépare,
complète et permet d'évaluer les politiques locales et nationales dans les domaines
auxquels ils s'intéressent. Ces domaines ne peuvent d'ailleurs être circonscrits à un
champ étroit, même si certains d'entre eux relèvent plus spécialement de votre
vocation.
Je vous félicite à ce propos de la diversité des contributions inscrites pendant ces
deux journées, qui donne une image des dossiers auxquels nous devons accorder le plus
d'intérêt, mais également de votre curiosité et de votre volonté de vous informer sur
ce qui se passe au-delà. de nos frontières.
Je note et je me réjouis particulièrement que vous ayez ménagé dans ces journées, à
côté des questions fondamentales que sont la représentation des retraités, la
dépendance, la réforme des retraites ou les relations entre les Conseils généraux et
les CODERPA, un moment pour que quatre grandes associations orientées sur les
activités d'utilité sociale puissent se présenter et amorces ainsi des échanges
fructueux.
Je souhaite pour ma part poursuivre aujourd'hui le dialogue que nous avons commencé il
y a maintenant environ dix-huit mois, puisque j'avais eu l'opportunité de vous
recevoir très rapidement, Monsieur le Président ainsi que les membres de votre bureau
national.
Ce dialogue a été courtois et enrichissant. Il n'a pas toujours été facile. Certaines
des positions que vous avez adoptées ont montré que le comité national n'était pas une
commission administrative à la dévotion du ministre, mais un véritable lieu d'échanges
et de débats. Cela me parait mieux ainsi, dès lors que nous portons la même volonté
d'avancer de manière concrète, en surmontant les a priori ou les attitudes
dogmatiques.
Parmi tous les sujets d'intérêt commun qui nous rassemble, j'en évoquerai deux, parce
qu'ils sont d'une importance particulière et que l'occasion m'est donnée ici de faire
le point sur leur état d'avancement.
Il s'agit de la représentation des retraités, et de la dépendance des personnes âgées.
En ce qui concerne la représentation des retraités, je reviens tout d'abord sur les
propos que j'ai tenus devant vous voici un an. Vous aviez alors organisé une table
ronde sur le thème des nouveaux rapports entre les actifs et les retraités, avec
l'ensemble des confédérations syndicales. Je vous avais fait part de ma perplexité,
compte tenu des positions contradictoires et apparemment irréductibles soutenues par
les associations autonomes de retraités et par les partenaires sociaux sur cette
question, au moins lorsque le débat porte sur l'accroissement de la représentation des
retraités dans certaines instances, comme le Conseil économique et social ou les
conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Je vous avais alors invités
à continuer la confrontation des idées et à m'apporter des éléments issus de cette
confrontation.
Vous avez, monsieur le Président, suivi cette invitation et vous me proposez
aujourd'hui le fruit d'un travail documenté, constructif et rigoureux.
Je vous en remercie et je m'engage à prendre connaissance très rapidement de ce
dossier, et à le faire circuler autour de moi. Vous avez en effet accompli le premier
pas d'une démarche indispensable à la réalisation de votre souhait d'une plus grande
représentation. Vous voulez être mieux associés à la réflexion et à l'action sur les
sujets qui vous concernent. Vous avez raison. Vous devez cependant admettre que la
légitimité ne se décrète pas, mais qu'elle se mérite. Votre travail va dans ce sens,
de même que toutes les contributions que le CNRPA a fourni durant cette année et qui
le font valoir, aux yeux d'un nombre croissant d'observateurs, comme l'instance la
mieux à même de refléter les courants de pensée dominant chez les personnes âgées.
J'ai pour ma part veillé à vous conforter dans ce rôle et j'ai eu plusieurs fois
recours à vos services. Sans être exhaustive, je rappelle que le décret relatif au
fonds de solidarité vieillesse prévoit la désignation par le CNRPA de trois membres du
comité de surveillance, que je vous ai officiellement consulté sur le choix des
départements devant mener l'expérimentation sur la dépendance, et que j'ai évidemment
suivi largement vos avis. La loi de juillet 1994 sur la sécurité sociale qui a posé le
principe de ces expérimentations a également prévu qu'un comité de suivi, au sein
duquel figurerait le CNRPA, serait chargé d'évaluer l'opération. Cet amendement
d'origine parlementaire a reçu mon aval. J'arrêterai d'ailleurs prochainement la
composition de ce comité au sein duquel je vous inviterai à designer vos
représentants. Enfin j'ai décidé d'accepter votre proposition de remplacer l'actuel
mode de désignation du vice-président du CNRPA par une élection par l'ensemble dès
membres du comité. Ainsi, la légitimité accrue dont celui-ci bénéficiera aura des
effets positifs pour le comité national, mais également pour les comités régionaux et
départementaux, et, en définitive, pour l'expression spécifique d'une fraction de plus
en plus importante de la société française.
Eu ce qui concerne la dépendance, nous avons beaucoup travaillé pour donner corps au
principe posé par la loi de juillet 1994 que je viens d'évoquer. Les expérimentations
locales nous apporteront les éléments indispensables à la mise en place d'une
politique rénovée de prise en charge de la dépendance, qui nous ont fait défaut.
Lorsque j'ai instruit, à la demande du Premier ministre, ce dossier, j'ai en effet
mesure l'étendue des difficultés non résolues :
- en premier lieu, l'appréciation de la dépendance est aujourd'hui source
d'imprécisions et d'ambiguïtés. Il n'existe pas une grille d'évaluation commune,
reconnue et acceptée, mais au contraire plusieurs instruments dont les approches et
les finalités sont différentes. Or avant d'imposer à nos concitoyens les prélèvements
supplémentaires qu'entraînerait le financement d'une prestation sociale nouvelle, nous
avons le devoir de nous assurer que l'attribution de cette prestation repose sur des
critères indiscutables. C'est pourquoi le premier objectif de l'expérimentation est la
validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance.
- en second lieu, la procédure de reconnaissance de la dépendance, avec la grille
nationale d'évaluation que je viens de mentionner, reste à définir. C'est le deuxième
objectif des expérimentations. Il appartient aux signataires des conventions locales,
dans chaque département, de préciser quelle procédure ils entendent adopter. Nous
n'avons pas souhaité au niveau national contraindre les choix dans ce domaine, car les
réalités locales peuvent justifier que des solutions différentes soient mises en
oeuvre sur les différents sites. La composition des équipes sociales ou médico-
sociales qui utiliseront la grille et apprécieront l'état de dépendance de la personne
âgée, leur répartition sur le territoire et leur mode de fonctionnement doivent être
arrêtés localement. Il est logique que la densité de la population, le caractère rural
ou urbain du département, l'importance des équipements sanitaires ou médico-sociaux
influent sur les solutions retenues. Il est surtout important que des enseignements
puissent être tirés des options prises, et qu'une éventuelle décision de
généralisation s'appuie ensuite, sur ces enseignements.
- en troisième lieu, ces expérimentations doivent nous permettre de mieux maîtriser
l'impact, le coût et les transferts financiers qu'entraînera la création d'une
prestation d'aide à la dépendance. Les enjeux sont considérables pour les départements
comme pour la sécurité sociale, et donc pour l'Etat. Toutes nos estimations conduisent
à des montants de plusieurs milliards de francs, mais elle sont entachées
d'incertitudes telles qu'elles nous feraient adopter des orientations sans être
certains de leurs conséquences financières, pour les institutions comme pour les
personnes. Ce n'est pas souhaitable. Au terme d'une année, nous aurons les éléments
qui pourront fonder une analyse économique dénuée d'imprécisions, dont les
implications seront acceptées d'autant plus facilement par toutes les parties
prenantes.
- enfin, chacun reconnaît qu'aujourd'hui la coordination entre les intervenants auprès
des personnes âgées dépendantes n'est pas satisfaisante. Des moyens importants sont
déjà consacrés par les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale à
cette question, mais, trop souvent, en ordre dispersé. Cest pourquoi un objectif
essentiel de nos expérimentations est le renforcement de la coordination entre les
intervenants.
Nous sommes tous conscients que devant le défi de la dépendance nous ne pouvons plus
nous permettre de développer des initiatives cloisonnées. L'Etat, les collectivités
territoriales, les organismes de sécurité sociale, et les autres intervenants doivent
être solidaires dans cette affaire. Les politiques sociales devront d'ailleurs de plus
en plus résulter de la conjugaison des efforts de tous les acteurs. Les contraintes
financières de l'heure nous imposent de coordonner nos actions, en identifiant les
populations bénéficiaires, et en prenant garde de rendre neutre pour l'usager la
diversité des institutions en cause.
Nos expérimentations seront l'occasion de sélectionner les meilleures solutions de
coordination, respectueuses de l'identité de chaque collectivité, mais efficaces et
économes en capacités.
Voilà les points que je voulais rappeler, car ils expliquent le caractère
indispensable de cette opération et le poids qu'elle aura dans les décisions futures.
Actuellement, dans les douze départements que j'ai retenus, les conseils généraux et
les organismes de sécurité sociale mettent sur pied les conventions qui définissent
les modalités précises de chaque expérimentation. C'est un travail difficile et
méticuleux. Je suis persuadée que chacune des parties prenantes apportera sa volonté,
son imagination et son dynamisme à cette oeuvre commune qui fondera la réponse que
nous donnerons, demain, à toutes ces personnes et à toutes ces familles qui subissent
le phénomène de la dépendance.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part
aujourd'hui. Jajouterai, pour vous répondre Monsieur le Président, que je serai
particulièrement attentive à la mise en place du deuxième programme européen
concernant les retraités et les personnes âgées, pendant la présidence française, et à
la qualité du renouvellement des membres du CNRPA, puisque cette échéance est proche.
Je remercie à cette occasion les membres sortants, pour la qualité et la densité du
travail accompli pendant ces trois années.
Nous sommes au mois de janvier et il est encore temps pour moi de vous présenter mes
voeux pour l'année nouvelle, ainsi qu'à vos proches. Jai conscience de votre
engagement et de votre dévouement, qui vous conduisent à consacrer une bonne partie de
votre temps à des activités bénévoles. Votre apport est indispensable, et
complémentaire de l'action que nous menons. Je vous souhaite donc une très bonne année
1995, espérant qu'elle sera pleine d'enseignements positifs et de progrès sur les
sujets qui nous rassemblent.
* Installation du Comité de surveillance du fonds Solidarité Vieillesse 9 février 1995
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de présider aujourd'hui l'installation du Comité de surveillance
du fonds de solidarité vieillesse, installation qui parachève la mise en place du
Fonds de Solidarité Vieillesse, issue de la loi du 22 juillet 1993.
Comme vous le savez, la création du fonds de solidarité vieillesse est un élément de
la réforme des retraites décidée par le Gouvernement dès sa mise en place.
L'instauration du Fonds vise en effet à dissocier ce qui relève des avantages
contributifs, c'est à dire d'une logique d'assurance et ce qui ressortit des avantages
non contributifs et qui s'apparente à une logique de Solidarité nationale.
En faisant cette distinction, nous avons voulu répondre à une revendication ancienne
des partenaires sociaux, permettant un progrès significatif vers une plus grande
transparence financière de la Sécurité sociale.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, l'assurance
vieillesse, contrairement aux branches maladie et famille, a une vocation qui est
assurantielle plus que redistributive. Elle doit assurer un revenu de remplacement
dont le montant est fonction des cotisations acquittées pendant la vie active.
Cette branche étant fondée sur le principe de contributivité, il est logique de
séparer ce qui relève de l'assurance et doit être financé par les cotisations, de ce
qui dépend de la solidarité nationale et qui doit être financé par l'impôt.
La création du FSV s'inscrit parfaitement dans cette perspective, tant du point de vue
des dépenses qui lui incombent que de ses recettes qui sont exclusivement de nature
fiscale, c'est à dire le produit de l'augmentation de la contribution sociale
généralisée et le produit des taxes sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées.
Je précise d'ailleurs que l'affectation des dépenses ou des recettes du Fonds relevant
du domaine législatif, le Parlement sera nécessairement saisi de toute évolution
substantielle quant aux conditions de l'équilibre financier du Fonds.
En second lieu, je voudrais souligner l'efficacité avec laquelle cette opération a été
menée.
Les missions ainsi que le fonctionnement du Fonds, définis par la loi du 22 juillet
1993, ont été précisées par un décret publié au journal officiel le 31 décembre 1993,
soit la veille de sa prise d'effet. Pour qu'il puisse remplir sa mission dès le début
de l'année comme prévu par la loi, il a fallu en quelques jours régler nombre de
problèmes administratifs mais aussi matériels.
La réussite de cette opération, puisqu'on peut bien parler de réussite avec le recul
d'un an, n'a pu être obtenue qu'avec le très précieux concours qu'ont apporté au Fonds
les différentes Directions de l'Administration Centrale et les divers régimes de
Sécurité sociale. Qu'ils en soient tous ici remerciés.
Et j'y ajoute mes félicitations à M. Chadelat et à M. Lagrave qui a assuré la
présidence du Fonds avant d'être appelé à d'autres fonctions à la cour des comptes,
malheureusement incompatibles avec cette présidence. Nous sommes tous heureux de
saluer M. Dhuique, le nouveau président.
Ainsi, en dépit des multiples problèmes à résoudre, le premier versement du Fonds a pu
être réalisé dès le 21 janvier 1994 et tout au long de l'année 1994 les dates et les
montants des versements prévus vis à vis des différents régimes ont été
scrupuleusement respectés.
Par ailleurs et conformément au décret du 30 décembre 1993 précité, des conventions
ont été signées avec l'ensemble des Régimes de Sécurité sociale.
En 1994 l'instauration du Fonds de Solidarité Vieillesse a permis de ramener le
déficit de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de
39,4 à 13,4 milliards de francs et ainsi atténuer très sensiblement les difficultés
financières rencontrées par les régimes vieillesse, qui, faut-il le rappeler,
constituent la pierre angulaire du système de retraites en France, hier, aujourd'hui
et demain.
Le bilan étant dressé, je voudrais, ici, insister sur quelques points importants pour
l'avenir.
Si la mission première du FSV est effectivement d'alléger autant que faire se peut la
trésorerie des différents régimes avec lesquels il est en relation, il lui appartient
aussi de pouvoir justifier l'intégralité des versements qu'il est amené à opérer.
La nécessaire transparence inhérente aux opérations du Fonds impose que soit mis en
place un ensemble de pièces justificatives, comptables et statistiques, suffisamment
étayées et précises de sorte que le montant des sommes déboursées par le Fonds soit
incontestable.
J'attacherais du prix à ce qu'un tel dispositif puisse être maintenant rapidement mis
en place, en concertation avec tous les Régimes d'Assurance vieillesse de base.
Par ailleurs il conviendra également de veiller - et c'est une des missions du comité
de surveillance - au respect de la finalité du fonds. Je le dis très nettement : le
fonds ne doit pas servir à financer d'autres dépenses que celles qui relèvent de sa
vocation propre.
Cela n'implique pas l'immobilisme mais une nécessaire vigilance. Des dispositions
législatives sont récemment intervenues qui - je tiens à le préciser - élargissent non
pas les missions, mais le champ d'intervention du Fonds. Il en est ainsi pour :
- les périodes de convention de conversion visées à l'article L322.3 du Code du
Travail,
- et les périodes de chômage non indemnisées visées au 3° de l'article 1351.3 du Code
de la Sécurité sociale qui s'ajoutent désormais à celles qui avaient été initialement
prévues mais relèvent toujours du même esprit.
De mêmes les mesures significatives prises en faveur des anciens combattants d'Afrique
du Nord, si elles n'avaient pas été mises à la charge du fond, auraient alourdi les
dépenses des régimes d'Assurance vieillesse.
Nous avons naturellement veillé à ce que l'équilibre du fonds ne soit pas mis en cause
par ces réformes, qui n'altèrent en rien la vocation du fonds mais le confortent.
En dernier lieu, je voudrais souligner l'importance pour la bonne marche du fonds de
votre Comité créé à l'initiative du Parlement, et pour être tout à fait précise, par
un amendement présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales
du Sénat, amendement qui a reçu le plein assentiment du Gouvernement.
Sa composition intégrant des parlementaires, des membres des grands corps de l'Etat,
des représentants de régimes d'assurance vieillesse et des représentants des personnes
âgées garantit son indépendance. Il devra en user avec discernement et impartialité,
dans l'esprit de transparence qui a inspiré le Parlement lorsqu'il en a décidé la
création.
Vous aurez à définir concrètement votre mission mais je suppose que vous serez
particulièrement attentifs à l'évolution des recettes fiscales affectées au fonds, à
l'harmonisation des prestations de solidarité vieillesse prises en charge par le
fonds, à une définition peut-être encore plus précise des avantages ressortissant du
contributif et de ceux relevant de la solidarité nationale.
C'est à vous désormais de faire vivre ce comité. Je souhaite vivement que cette
instance, originale dans le système institutionnel et administratif français, soit
avant tout un lieu de dialogue, de réflexion de proposition sur des questions
essentielles pour nos concitoyens, et qu'il enrichisse ainsi le débat social dans
notre pays, dont nous avons le plus grand besoin.
Il vous appartient maintenant de procéder à l'élection de votre président. Je vais
laisser ma place à Madame Ruellan pour qu'elle conduise les opérations de vote.
* Signature de la convention sur le dispositif expérimental daide aux personnes âgées
dépendantes du Val dOise 10 février 1995
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Président de l'Assemblée des présidents des conseils généraux,
Monsieur le Président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse,
Messieurs les Présidents des régimes de retraites agricole, des artisans et des
industriels et commerçants,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,
Nous allons procéder dans quelques instants à la signature de la convention associant
l'Etat, le département du Val d'Oise et les régimes de retraite dans le dispositif
expérimental d'aide à la dépendance des personnes âgées.
C'est une étape importante, puisqu'elle montre que la volonté affirmée par le
Parlement et par le Gouvernement d'avancer sur ce dossier essentiel pour notre société
trouve un prolongement tangible et concret sur le terrain.
Cela est dû à la fois aux efforts que nous avons déployés au plan national, avec
l'ensemble des partenaires présents ici, mais également et surtout, à la détermination
dans ce département de tous ceux qui se sont mobilisés pour trouver des solutions aux
différents problèmes que posait cette opération.
Je me réjouis de participer à cette cérémonie dans le Val d'Oise, où une politique
dynamique et cohérente est menée depuis des années en direction des personnes âgées.
[Vous déployez d'ailleurs le même dynamisme, Monsieur le Président, dans d'autres
secteurs d'activité, et en particulier pour ce qui concerne la politique de la ville]
Un premier schéma gérontologique a été adopté en 1989. Votre assemblée départementale
a adopté il y a bientôt un an un deuxième schéma gérontologique, qui couvre une
période de quatre ans. Ce document a résulté d'une concertation approfondie avec tous
ceux qui sont, à un titre quelconque, concernés par ces questions.
Outre cette concertation, je relève dans le contenu de ce schéma gérontologique deux
aspects qui montrent qu'il a été élaboré dans un état d'esprit voisin de celui qui
préside à la mise en oeuvre des expérimentations sur la dépendance.
Il s'agit tout d'abord de la mise en place de points conseils, c'est à dire de lieux
dans lesquels les personnes âgées et leurs familles peuvent recevoir l'information et
les orientations dont elles ont besoin et trouver les solutions aux problèmes qu'elles
rencontrent.
Il s'agit ensuite des unités d'évaluation gérontologiques, dont l'objet est, à partir
d'un diagnostic médical, de déterminer la nature des aides de toute nature qui doivent
être apportées à la personne âgée. Je viens de visiter l'unité de PONTOISE, et je suis
convaincue de l'intérêt de cette démarche.
Le département du Val d'Oise est donc particulièrement qualifié pour participer à ces
expérimentations. Je n'ai d'ailleurs eu aucune hésitation pour retenir sa candidature,
à l'issue de la consultation lancée auprès de l'ensemble des départements français,
parmi les 41 dossiers qui me sont parvenus.
En effet, les organismes que je m'étais engagée à consulter, avant d'arrêter mon
choix, l'Assemblée des Présidents des Conseils Généraux, la Caisse Nationale
d'Assurance Vieillesse et le Comité National des retraités et des personnes âgées
m'ont tous trois proposé votre département, Monsieur le Président.
Une telle unanimité confirme que votre département a tous les atouts pour que cette
expérimentation soit un succès et pour qu'elle nous apporte les enseignements dont
nous avons besoin pour mettre en place une politique rénovée de prise en charge de la
dépendance.
Car si l'enjeu est important, pour le Val d'Oise, il l'est aussi pour notre pays. J'ai
eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises sur les raisons pour lesquelles il
n'a pas été possible d'instaurer une allocation-dépendance.
Le problème du financement n'était pas le seul en cause. L'absence d'une grille
validée d'évaluation de la dépendance, d'une procédure de mise en oeuvre de cette
grille, et les incertitudes sur le coût et les transferts financiers occasionnés par
une telle allocation rendaient difficile une prise de décision sur ce sujet.
Les expérimentations qui débutent dans douze départements permettront de lever ces
incertitudes. Elles apporteront les informations qui nous ont manqué, et fonderont des
choix collectifs raisonnables. Ces informations seront d'autant plus crédibles que ces
expérimentations font l'objet d'une coopération étroite, nationalement comme
localement.
Le cahier des charges qui fixe les objectifs et les règles essentielles a été négocié
et arrêté avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse et l'Assemblée des
présidents des conseils généraux.
La Mutualité sociale agricole et les Caisses de retraite des artisans et des
industriels et commerçants nous ont ensuite rejoints, dans un esprit constructif et
volontariste.
Je me félicite de cette volonté commune de mener à bien ce projet, dont la dimension
est considérable pour les personnes âgées dépendantes et leurs familles. Elle a trouvé
un prolongement dans douze départements, puisque toutes les conventions devraient être
signées avant la fin du mois, malgré la complexité des procédures et des mécanismes à
mettre en place.
Si la mise au point et la signature de ces conventions est, je l'ai dit, une étape
importante, notre effort doit être poursuivi, tout d'abord, pour que ces
expérimentations, se déroulent dans les meilleurs conditions et qu'ensuite, elles
atteignent les objectifs qui leur ont été assignés.
Pour cela, nous nous préoccupons dès maintenant de d'évaluation qui en sera faite.
Localement, bien sûr, pour chacune d'entre elles, et je sais que c'est une des
ambitions des signataires de chaque convention. Au plan national, également, parce que
cette évaluation déterminera les conclusions à tirer de toute cette opération, pour la
mise en place d'une prise en charge généralisée de la dépendance, à la fois adaptée
aux besoins de notre société et économe des moyens collectifs mis en oeuvre.
J'arrêterai d'ailleurs prochainement la composition du comité national d'évaluation
dont la création a été prévue par l'article de la loi du 25 juillet 1994 relatif aux
dispositifs expérimentaux d'aide aux personnes âgées dépendantes. Nous disposerons
ainsi d'une analyse complète, sereine et impartiale.
Je sais les efforts qui ont été consentis dans le département du Val d'Oise pour
arriver aujourd'hui à ce résultat, et je remercie tous ceux qui ont contribué à cette
oeuvre commune. Ils sont désormais engagés dans une opération de solidarité de grande
envergure et leur investissement personnel comptera beaucoup pour sa réussite.
Mais je voudrais également remercier ceux qui, dans les autres départements,
effectuent un travail parallèle pour la même cause. Les solutions les plus
appropriées, qui seront retenues au plan national, découleront de la diversité des
choix faits dans les différents départements et de leur comparaison. Elles seront
aussi issues, Messieurs les Présidents, de la coopération exemplaire que nous avons
observée sur ce dossier depuis son origine, et que nous continuerons d'observer.
Votre département, Monsieur le Président, est de ce point de vue un modèle et je suis,
pour toutes ces raisons, particulièrement heureuse de me trouver parmi vous pour cette
séance de signatures.
* Premières assises nationales de laction sociale et médico-sociale en faveur des
personnes âgées
Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer aujourd'hui à ces premières assises nationales de
l'action sociale et médico-sociale en faveur des personnes âgées.
Vous avez réuni, Monsieur le Président, l'ensemble des acteurs concernés par la prise
en charge des personnes âgées, avec la volonté de faire émerger, au-delà des
divergences naturelles d'intérêts et de points de vue, les grandes orientations dont
chacun s'accorde à reconnaître le caractère indispensable.
Je me réjouis de cette démarche. J'ai rencontré beaucoup d'entre vous, ou leurs
représentants, au cours de ces deux années d'exercice de mes fonctions ministérielles.
Ils m'ont rapporté les difficultés du travail quotidien effectué auprès des personnes
âgées, ses servitudes, les moments de découragement que vous pouvez parfois éprouver,
mais aussi les joies et les satisfactions, lorsque vous avez le sentiment que ce
travail donne à ceux qui en bénéficient la qualité de vie à laquelle ils aspirent,
malgré la détérioration de leurs capacités physiques ou intellectuelles.
Je sais que vos attentes sont importantes et je sais qu'elles sont justifiées. Mais
elles sont aussi, d'une certaine manière, la marque des progrès qui ont été réalisés
depuis trente années dans ce domaine de l'action sociale et médico-sociale en
direction des personnes âgées. Ces progrès ont été considérables et c'est
incontestablement une des réussites de notre société moderne. Les hospices, par
exemple, qui étaient encore nombreux il y a vingt ans, ont pratiquement tous disparu
et avec eux les conditions indignes dans lesquelles étaient alors traitées les
personnes âgées.
Mais ces progrès sont encore insuffisants. Nous devons poursuivre nos efforts pour
améliorer encore la qualité des réponses que nous fournissons aux besoins des
personnes âgées, en ayant en mémoire l'accroissement important de cette population
attendu dans les années à venir.
[Depuis bientôt deux années, cela a été une préoccupation constante pour moi, avec la
volonté de prendre les décisions sans plus attendre, lorsque cela était possible et,
lorsque tel n'était pas le cas, de faire progresser la réflexion et l'analyse pour
préparer les décisions de demain.]
Il nous faut en effet d'ores et déjà réfléchir à la manière dont nous préparons les
évolutions indispensables pour que les changements démographiques de notre pays ne
soient pas subis, mais anticipés dès aujourd'hui dans nos actes. C'est le sens que
vous avez voulu donner à ces premières assises nationales, et j'y souscris totalement.
Sans évoquer la totalité des thèmes que vous avez abordés pendant ces trois journées
très riches, comme en atteste le programme que vous m'avez communiqué, je reviendrai
sur quatre d'entre eux, qui sont particulièrement importants et qui révèlent notre
état de préparation collectif à cet enjeu fondamental qu'est le vieillissement
programmé, massif et inéluctable, de la population française.
Il s'agit :
- de la formation et de l'information des intervenants auprès des personnes âgées ;
- de la coordination entre ces intervenants ;
- des moyens collectifs consacrés à la dépendance des personnes âgées ;
- et d'une réflexion sur la citoyenneté de personne âgée.
Le premier de ces sujets - le renforcement de la formation et de l'information des
intervenants auprès des personnes âgées - procède d'une évidence : il existe une
véritable spécificité des besoins de soins et d'accompagnement de la personne âgée
menacée par la perte d'autonomie. En effet, pour les personnes de plus de 75 ans,
l'expression des maladies peut être différente, la polypathologie crée de grandes
difficultés, le maniement des thérapeutiques est spécifique, la réadaptation est plus
longue et plus délicate, l'imbrication du somatique, du psychique et du social est
très importante. Les professionnels doivent disposer des connaissances et des moyens
qui leur permettent de réagir d'une façon précise et adaptée.
Pour cela, il est indispensable que la formation qu'ils reçoivent fasse une large
place à des enseignements de gérontologie, théoriques et pratiques. Plusieurs
dispositions récentes sont allées dans cette voie.
En premier lieu, voici un an, la restructuration du programme du certificat d'aptitude
aux fonctions d'aide à domicile en a complété le contenu initial par des éléments
concrets sur la vie du malade à domicile ou la pharmacie familiale.
Rendu tout récemment officiel, le nouveau programme de formation des aides soignantes
inclut désormais des notions fondamentales de gérontologie, grâce à un module
théorique et à des stages obligatoires. La profession a été largement associée à cette
réforme qui était à juste titre souhaitée par tous.
Enfin pour ce qui concerne les médecins généralistes, qui ont désormais une majorité
de personnes âgées parmi leurs patients, sans toujours avoir bénéficié d'une formation
adéquate lors de leurs études, j'ai voulu, en liaison avec le Ministre de
l'Enseignement supérieur et de la recherche, développer dans le deuxième cycle des
études médicales l'enseignement de gérontologie clinique. Nous achevons avec les
représentants des médecins la mise au point du contenu de cette réforme.
Ces trois exemples tout récents s'ajoutent à la modification antérieure des études
d'infirmiers qui a permis le renforcement du temps consacré à lenseignement
concernant les soins dispensés aux personnes âgées. Ils attestent la diffusion d'une
idée simple et pourtant cruciale : les formations des professionnels doivent les
préparer à la réalité du contact avec les personnes âgées, et les mettre en situation
d'exercer au mieux leurs fonctions, tout en étant eux-mêmes reconnus et valorisés.
Mais l'effort de formation n'est pas uniquement l'affaire de l'Etat, même s'il lui
appartient de définir le contenu des formations validées par une reconnaissance
officielle.
Il est aussi et surtout l'affaire de ceux d'entre vous qui travaillent quotidiennement
dans les établissements ou dans les services destinés aux personnes âgées et des
associations, des fédérations et des unions qui les regroupent. Je connais et je salue
ici l'action de ces grandes unions et fédérations, tellement indispensable et
complémentaire de celle que nous menons.
- La mise en place d'une véritable coordination entre tous les intervenants autour de
la personne âgée est une deuxième exigence forte. En effet alors que des moyens
importants sont affectés à la prise en charge des personnes âgées, ils ne permettent
pas toujours de répondre de manière satisfaisante aux attentes des personnes.
Nos dispositifs sont complexes, tant par le nombre d'organismes et d'institutions
qu'ils comprennent, que par la diversité des financements qu'ils mettent en oeuvre. La
séparation entre le sanitaire et le social ajoute un cloisonnement supplémentaire.
La multiplicité des acteurs et des modes de financement, et la diversité des règles
juridiques et tarifaires obscurcissent la compréhension par la personne âgée et par sa
famille des moyens qui sont à sa disposition.
Nous devons donc encourager la mise en place d'une meilleure coordination, entre les
financeurs comme entre les intervenants ; ce n'est pas à l'usager de pâtir de la
complexité de notre organisation.
Vous êtes acquis à cette idée, Monsieur le Président, Monsieur le Délégué général,
puisque vous avez agencé votre programme autour de cette expression "vers de nouvelles
solidarités, coordonner pour mieux coopérer". C'est un point vital, au moment où les
contraintes financières et la montée parallèle des besoins nous interdisent de
gaspiller les moyens mis en oeuvre.
D'importantes initiatives ont déjà été prises dans cette direction, avec par exemple
la création de réseaux gérontologiques locaux. J'ai souhaité pour ma part avancer
également dans ce sens à l'occasion des expérimentations sur l'allocation-dépendance
qui vont faire l'objet de conventions entre des collectivités locales volontaires et
les organismes de sécurité sociale.
Il s'agit bien, par ces expérimentations qui vont se dérouler dans 12 départements,
d'inciter les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale à travailler
ensemble et à expérimenter les diverses formes que pourrait prendre cette
collaboration telles qu'elles seront imaginées et souhaitées sur le terrain.
La coordination sera également renforcée par la mise en oeuvre, en 1995, du carnet
médical ; le décret qui en définit l'utilisation et que je viens de signer paraîtra
prochainement au Journal Officiel.
Ce dispositif obligatoire, qui concernera 4 millions de personnes de plus de 70 ans,
souffrant de deux pathologies nécessitant un traitement de 6 mois au moins, a en effet
été conçu pour améliorer le suivi et la qualité des soins dispensés aux personnes
âgées. Il constituera désormais un élément essentiel pour la coordination des soins
entre médecins généralistes, médecins spécialistes et médecins hospitaliers.
Enfin, il me serait difficile de ne pas évoquer lors dassises organisées par la
fédération hospitalière de France lélaboration des schémas régionaux dorganisation
sanitaire, dont le but est précisément dobliger lensemble des personnes ou
institutions concernées à travailler en coordination organisée.
Comme vous le savez, l'exercice a été difficile et les résultats ne sont pas toujours
parfaits, mais la quasi totalité des schémas régionaux ont été désormais élaborés pour
les activités de soins de courte durée. Les soins de longue durée et les services de
suite et de réadaptation feront l'objet de volets complémentaires en cours
d'élaboration.
Les personnes âgées sont particulièrement intéressées à cette démarche, parce qu'elles
sont actuellement accueillies par plusieurs types d'établissements qui n'ont pas
encore développé entre eux toutes les complémentarités nécessaires.
Or la réflexion qui sera menée dans ce domaine ne pourra pas faire abstraction de
l'action sociale et médico-sociale. La loi de janvier 1994 permet aux établissements
de santé de créer des institutions médico-sociales, et je souhaite surtout que
l'approche adoptée pour ces volets complémentaires englobe toute la chaîne des
services offerts aux personnes âgées, en surmontant un cloisonnement stérile et source
de gaspillage.
- Mon troisième sujet concerne les moyens consacrés par la collectivité, ou plutôt les
collectivités publiques à la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
J'ai dit que des progrès considérables avaient été réalisés. Ils sont dus à l'effort
de tous qui se traduit par un accroissement des dépenses sociales dans ce domaine.
Cependant, malgré cela, tout le monde convient que la situation présente n'est pas
satisfaisante et que beaucoup de personnes âgées ou leurs familles ont peine à faire
face lorsqu'elles doivent assumer les conséquences économiques de la dépendance.
D'où l'idée de créer une allocation-dépendance spécifique.
En dehors des aspects financiers, dont je ne conteste pas qu'ils ont pesé dans la
décision prise à ce sujet, j'ai mesuré l'étendue des difficultés techniques non encore
résolues dès que j'ai commencé à instruire ce dossier :
- en premier lieu, l'appréciation de la dépendance est aujourd'hui source
d'imprécisions et d'ambiguïtés. Il n'existe pas une grille d'évaluation commune,
reconnue et acceptée, mais au contraire plusieurs instruments dont les approches et
les finalités sont différentes. Or avant d'imposer à nos concitoyens les prélèvements
supplémentaires qu'entraînerait le financement d'une prestation sociale nouvelle, nous
avons le devoir de nous assurer que l'attribution de cette prestation repose sur des
critères indiscutables.
C'est pourquoi le premier objectif des expérimentations que j'ai évoquées précédemment
est la validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance et d'une
procédure de mise en oeuvre de cette grille.
- en second lieu, ces expérimentations nous permettront de mieux maîtriser l'impact,
le coût et les transferts financiers de la création d'une prestation d'aide à la
dépendance. Les enjeux sont considérables pour les départements comme pour la Sécurité
sociale, et donc pour l'Etat. Toutes les estimations conduisent à des montants de
plusieurs milliards de francs, mais elle sont entachées d'incertitudes telles,
qu'elles nous feraient adopter des orientations sans être certains de leurs
conséquences financières, pour les institutions comme pour les personnes. Ce n'est pas
souhaitable. Au terme d'une année, nous aurons les éléments qui pourront fonder une
analyse économique dénuée d'imprécisions, dont les implications seront acceptées
d'autant plus facilement par toutes les parties prenantes.
Pour toutes ces raisons, la voie expérimentale s'est imposée. Sur la base du cahier
des charges national qui définit les objectifs poursuivis par l'expérimentation, des
conventions locales conclues entre les départements et les organismes de Sécurité
sociale préciseront les modalités concrètes de chaque expérimentation. Elles sont en
cours de signature et j'irai d'ailleurs moi-même participer aujourd'hui même, en fin
d'après-midi, à la signature de celle du département du Val d'Oise. Parallèlement à
ces expérimentations qui ne concernent que les personnes dépendantes restant à leur
domicile, une étude a pour objectif d'analyser l'état de dépendance, les coûts qui en
résultent et l'origine des financements dans les établissements hébergeant des
personnes âgées. Cette étude est aujourd'hui menée dans 19 établissements répartis
dans 6 départements, en liaison avec les représentants des grandes fédérations et
associations de gestionnaires. Elle a vocation à déboucher sur un mode rénové de
financement par l'assurance maladie des établissements, fondé sur l'état de dépendance
des personnes hébergées et non pas, comme aujourd'hui, sur leur appartenance au
secteur social, médico-social ou sanitaire.
Cette étude constitue le deuxième volet des travaux que nous menons dans ce domaine de
la dépendance des personnes âgées pour faire progresser la réflexion et préparer les
décisions de demain, et la mise en place d'une politique de prise en charge de la
dépendance mieux adaptée à nos besoins et dont la légitimité sera, grâce à ces travaux
préparatoires, incontestable.
Mais l'importance des besoins d'accompagnement liés à l'accroissement de l'état de
dépendance des personnes placées dans les établissements est telle que j'ai souhaité
que les efforts de médicalisation soient vigoureusement poursuivis, grâce aux
redéploiements rendus possibles par les restructurations sanitaires tout d'abord, à
une enveloppe spécifique ensuite.
En 1995, plus de 6 000 places nouvelles de sections de cure médicale et de services de
soins infirmiers seront ainsi financées. Il s'agit là d'un effort considérable pour un
domaine que le Gouvernement considère comme prioritaire.
- Je voudrais terminer mon propos par une réflexion sur la citoyenneté de la personne
âgée. J'ai constaté avec satisfaction que ce sujet figurait en bonne place dans vos
journées. J'ai parlé de financement, d'institutions et de modes d'organisation ou de
fonctionnement, dans des termes qui peuvent paraître techniques ou abstraits, et qui
sont pourtant inévitables. Mais je n'oublie pas, et nous ne devons pas oublier, la
réalité humaine, impérieuse et tellement indispensable, qui existe derrière ces
considérations. Pour la plupart d'entre vous, vous vivez cette réalité chaque jour,
vous en êtes les acteurs et vous êtes, à ce titre, les garants de son humanité. Vous
détenez, par vos fonctions, le pouvoir d'offrir à toutes ces personnes que leur
évolution fragilise, une attention dont l'importance est déterminante.
Le rôle des personnes âgées est fondamental dans notre société, Il le sera de plus en
plus avec les évolutions démographiques attendues. Il n'est plus rare de voir
désormais quatre générations coexister dans la même famille, et les personnes âgées
contribuent largement, dans une période de crise, à aider et à soutenir les
générations plus jeunes au sein de la cellule familiale. Leur citoyenneté s'affirme
dans leur volonté de participer activement à la vie de la Cité, et dans la
transmission de la mémoire qu'elles assurent.
"Lorsque l'altération des fonctions physiques ou mentales diminue la personne, celle-
ci doit pouvoir continuer à exercer ses droits, ses devoirs et sa liberté de citoyen.
Elle doit aussi garder sa place dans la cité, en contact avec des autres générations
dans le respect de leurs différences."
Ces deux dernières phrases sont extraites de la charte des droits et libertés de la
personne âgée dépendante, qui avait été largement diffusée en 1987 dans tous les
établissements recevant des personnes âgées, sur l'initiative d'Adrien ZELLER, alors
Secrétaire d'Etat chargé de la sécurité sociale.
Une nouvelle édition de ce document a été préparée par la Fondation Nationale de
Gérontologie.
J'adhère évidemment au message de ce document, à la foi dans l'homme qu'il véhicule et
à l'esprit de fraternité qui le parcourt et j'étudierai rapidement avec ses auteurs
les moyens d'assurer sa diffusion.
Voilà quelques réflexions que je voulais vous livrer, inspirées par votre programme et
vos journées. J'ai souhaité que les directions de mon ministère, et tout
particulièrement la Direction de l'Action Sociale, s'associent à vos travaux, de
manière à ce que l'état de nos actions vous soient exposé sous une forme plus
détaillée que je ne saurais le faire en quelques minutes d'intervention.
Notre société n'a pas totalement pris la mesure des évolutions que nous sommes en
train de vivre, du fait de la révolution démographique. L'apport des personnes âgées
est d'ores et déjà considérable. Il est encore trop souvent sous-évalué. Dans le même
temps, le rôle de ceux qui les assistent, dans des conditions souvent difficiles,
n'est pas non plus reconnu à sa juste valeur, même si les choses sont en train de
changer.
Je sais quelle est l'importance de votre engagement, quelle que soit la structure ou
l'organisme au sein duquel vous travaillez, parce que j'ai bien conscience que dans ce
secteur de l'action sociale et médico-sociale il n'est pas possible d'exercer son
métier en restant indifférent à sa dimension humaine, particulièrement lorsqu'il
s'agit des personnes âgées. En ma qualité de ministre des affaires sociales et au nom
du Gouvernement et des personnes âgées, je vous en remercie. Vos réflexions de ces
journées confortent l'action déjà menée pour améliorer la manière dont notre société
prend en compte ses aînés aujourd'hui et dont elle le fera demain, en leur offrant des
solutions respectueuses de leur dignité. C'est une exigence morale et intellectuelle à
laquelle nous ne pouvons échapper à l'orée du XXIème siècle.
* Séminaire Européen de Gériatrie 13 février 1995
Monsieur le Président,
Monsieur le représentant de la Commission,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer à ce séminaire consacré à la place de la gériatrie et
de la gérontologie dans la formation et l'exercice des médecins en Europe, que nous
avons souhaité dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne.
Nous illustrons ainsi, d'une manière concrète, la volonté de nos pays de réfléchir
ensemble afin de progresser au plus vite sur des sujets d'intérêt commun. C'est grâce
à des actions de cette nature que l'Union Européenne démontre la plus value qu'elle
apporte à chacun des Etats membres. Pour les personnes âgées, votre action s'inscrit
dans la continuité des réflexions et des actions entreprises depuis plusieurs années
au niveau européen. Elle en est le prolongement, dans ce domaine important de la
formation des médecins et plus particulièrement pour ce qui concerne, en l'espèce,
l'adaptation de l'exercice de la médecine à l'évolution démographique que connaît
l'Europe tout entière.
Les raisons d'une telle démarche sont évidentes. Le vieillissement de la population
concerne l'ensemble des pays européens, et dans ce domaine comme dans d'autres, notre
intérêt est de trouver des solutions communes, dont l'efficacité sera ainsi accrue.
Dès 1990, conformément au souhait du Parlement Européen, un premier programme en
faveur des personnes âgées a été adopté par le Conseil des ministres de la Communauté.
Il a eu pour objectif d'encourager entre les Etats membres les échanges d'information,
de réflexions et de connaissances sur le vieillissement, au moyen d'études, de
recherches, de conférences, de campagnes de sensibilisation, et grâce au financement
de projets novateurs.
Dans le cadre de ce programme, l'année 1993 a été déclarée "Année européenne des
personnes âgées et de la solidarité entre les générations". Il s'agissait surtout de
valoriser le rôle des retraités dans la société et de promouvoir la prévention et
l'amélioration du dispositif d'aides et de soins par des initiatives novatrices et des
manifestations de toutes sortes propres à mobiliser non seulement les décideurs et les
acteurs de cette politique mais les opinions publiques dans chacun de nos pays.
En France, comme dans les autres Etats membres, cette année 1993 a été riche de
réflexions, d'expériences et d'échanges multiples.
Elle a permis une prise de conscience de l'importance des relations entre les
générations et du rôle très actif des personnes âgées dans notre société.
J'ai eu l'occasion de mesurer et de souligner tous ces progrès lorsque je suis
intervenue pour clôturer cette année européenne, en octobre 1993, en souhaitant
qu'elle ne soit pas un feu de paille, mais qu'elle marque véritablement une étape dans
la façon dont nos sociétés européennes prennent en compte le phénomène du
vieillissement.
Je me félicite aujourd'hui de constater que c'est bien le cas et que tous nos pays
essayent de mettre en oeuvre les principes inscrits dans la déclaration du conseil de
l'Union Européenne élaborée en décembre 1993 à l'occasion de la clôture de l'année
européenne. Mais nous ne devons pas relâcher nos efforts dans ce domaine.
La Commission de Bruxelles élabore actuellement un nouveau programme consacré aux
personnes âgées qu'elle devrait arrêter dans le courant de ce mois. Il s'agira pour
l'essentiel de développer le rôle et le potentiel de la population retraitée active,
de renforcer la solidarité entre les générations et l'insertion des personnes âgées
menacées par l'isolement, et de promouvoir les meilleures pratiques en direction des
personnes âgées.
Je souhaite pour ma part que ces orientations fassent rapidement l'objet d'un examen
par les Etats membres, et que ce programme soit adopté par le Conseil européen sous la
présidence française. Cela confirmera l'importance que l'Union Européenne attache aux
personnes âgées et à la nécessité d'adapter nos sociétés au phénomène du
vieillissement de leurs populations.
Parmi les pratiques qu'il convient de promouvoir, figure la prévention des principales
maladies liées au vieillissement et la prise en charge des personnes dépendantes. Le
thème de votre séminaire est au coeur de ces deux préoccupations.
Le vieillissement de l'Europe inquiète. Cependant ce gain d'années de vie qui s'avère
être un gain de vie autonome est un prodigieux cadeau à l'humanité. Les études
conduites sur le vieillissement montrent en effet qu'on vit de plus en plus âgé parce
qu'on est malade plus tard et parce qu'on est dépendant plus tard.
Pour la première fois dans l'histoire des pays occidentaux, la mort ne frappe plus les
enfants, les femmes en couches, les hommes jeunes partis à la guerre. En France le
nombre de décès le plus élevé survient désormais à l'âge de 87 ans.
Cet allongement de la vie est dû au progrès de l'hygiène et du niveau de vie, mais
aussi aux progrès de la médecine préventive et curative qui ont fait reculer la
mortalité précoce. Si l'Europe est vieille, c'est qu'elle a commencé à vieillir la
première. Mais tous les autres continents vieillissent aussi, y compris les pays en
voie de développement, plus lentement certes, mais au fur et à mesure que les
conditions de vie s'y améliorent et se rapprochent de celles de nos sociétés
occidentales.
Le vieillissement de la population n'est pas un danger en soi, c'est un trop grand
déséquilibre entre les générations qui peut poser problème. Mais le danger serait de
ne pas tenir compte du vieillissement et de ne pas le prévoir. Toutes les études
démographiques convergent pour affirmer qu'une augmentation très importante du nombre
des personnes très âgées est prévisible dans les années à venir. C'est-à-dire de
celles qui ont le plus de maladies associées, le plus de déficiences, le plus de
fragilité, le plus grand risque de dépendance. Or la médecine de l'homme de plus de 80
ans est une spécialité à part entière, très différente à maints égards de la médecine
classique. Elle a des particularités que les médecins doivent connaître. La gériatrie
est devenue une discipline dont le développement doit naturellement s'imposer.
Dans cette perspective une meilleure approche des mécanismes du vieillissement et de
ses conséquences est indispensable aux progrès de la gériatrie. C'est pourquoi il
convient de favoriser la recherche fondamentale en gérontologie, qui se définit comme
la somme de connaissances et des recherches dans le domaine de la pathologie des
sujets âgés.
Les services de personnes âgées ne doivent plus être considérés comme seulement des
centres de soins, indispensables certes, mais aussi comme des lieux où l'observation
et la recherche permettront d'améliorer encore l'accueil et le confort des patients
qui y sont accueillis, ainsi que leur condition mentale et physique.
Le but est de mettre en oeuvre une prise en charge médicale, indissociable de la prise
en charge sociale, de façon suffisamment efficace et précoce afin d'éviter que les
personnes âgées ne perdent leur autonomie en cas de maladie ou d'accident.
Je ne peux imaginer l'indifférence au sort de ces personnes. Tout doit être fait pour
sensibiliser tous les professionnels de la santé à la nécessité d'une surveillance
attentive des personnes âgées. Les soins trop tardifs ou incomplets favorisent
l'entrée en dépendance. Les retards entraînent un accroissement des dépenses médicales
et des dépenses sociales. Ils créent de nouveaux exclus : ceux qui sont plongés dans
une dépendance non préparée, qu'elle ait été évitable, ou inéluctable..
Nous devons donc veiller à ce que, quel que soit son âge, chacun reçoive les soins
nécessités par son état. Mais on ne peut soigner sans disposer du savoir, des
structures et des hommes nécessaires.
C'est pourquoi les évolutions que nous devons conduire dans l'ensemble de nos pays
doivent porter en particulier sur la formation des médecins, aussi bien les
généralistes que les gériatres.
Tous les médecins ont à faire face aux maladies associées à l'âge et à la dépendance.
De plus en plus de pays en Europe se sont orientés vers une formation obligatoire dans
le corps des études médicales, c'est-à-dire pendant l'enseignement clinique des 3ème,
4ème et 5ème années. Cette tendance n'est probablement pas un hasard ; elle permet de
former tous les médecins. Cette formation ne doit pas être que théorique, et elle doit
être novatrice. Elle doit permettre de raisonner par stratégie diagnostique et
stratégie thérapeutique globales et non pas simplement de juxtaposer des diagnostics
et des traitements partiels. Plus que tout autre malade, le malade âgé est un
"malade", et non la victime d'une addition de maladies.
Mais le médecin qui est déjà en exercice doit aussi pouvoir bénéficier de cette
formation ; la gériatrie doit être dispensée dans des formations continues accessibles
au plus grand nombre possible de médecins et non à une minorité. C'est à partir des
formations continues s'adressant à des professionnels que naîtront les révolutions
pédagogiques. Et évidemment les formations à la gérontologie devront s'étendre à tous
les soignants, à leur encadrement, niais aussi aux responsables sociaux et
administratifs.
Les personnes âgées circulent et circuleront partout en Europe. Elles doivent pouvoir
rencontrer partout des médecins et des soignants formés à la gériatrie.
La formation devra aussi s'intéresser aux gériatres eux-mêmes. La plupart des pays
européens ont pris cette situation à bras le corps et ont développé des solutions.
Chaque pays a un système propre, différent de tous les autres. Ce foisonnement de
solutions peut cependant se regrouper en quelques grandes tendances. Une large
majorité de pays forment des gériatres spécialistes, que cette activité soit
exclusive, ou complémentaire d'une autre spécialité. Il est intéressant de remarquer
que ces spécialistes sont souvent d'exercice purement hospitalier ou institutionnel et
ne revendiquent pas le suivi au domicile.
De nombreux pays y joignent un deuxième diplôme donnant une qualification reconnue en
gériatrie à des généralistes.
La libre circulation des diplômés implique que nous puissions définir des niveaux de
diplômes communs.
Pour former spécifiquement ces gériatres et ces généralistes, il faut des enseignants.
Cet effort dans les recrutements doit porter sur les postes d'enseignants en
gériatrie.
Nos facultés devront le plus tôt possible se mobiliser pour orienter les jeunes les
plus brillants vers cette discipline d'avenir où tant de progrès des connaissances
restent à faire.
Mais l'effort en matière de formation des médecins ne sera pleinement satisfaisant que
s'il s'accompagne du renforcement d'une approche gériatrique dans les structures
hospitalières comme à l'extérieur de l'hôpital.
Beaucoup de structures hospitalières ont déjà fait preuve d'initiatives dans ce
domaine. Grâce à elles nous savons que beaucoup de "dépendances" sont évitables si la
personne est soignée en temps utile. Des centres d'évaluation ont été mis à la
disposition des malades ambulatoires adressés par leur médecin. Des unités d'accueil
aux urgences, des soins spécifiques en aigu, des unités de réadaptation sont venus
compléter les soins continus.
Autour des meilleurs centres de gérontologie, il est indispensable que naisse et
foisonne une recherche scientifique gérontologique encore trop fractionnée, afin que
se diffusent progressivement les meilleures solutions adoptées, à la fois pour que les
personnes âgées bénéficient d'une meilleure prise en charge médicale et pour que les
moyens mis à disposition par la collectivité soient utilisés de la façon la plus
efficace et, donc, la plus économe possible.
Enfin la gériatrie doit aussi s'exercer en dehors de l'hôpital. Au domicile, le soin
de la personne âgée doit rester l'affaire du généraliste. Pour cela, il faut donner à
celui-ci les moyens d'exercer cette responsabilité par une formation appropriée.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que m'inspirent notre réunion et
le thème de ce séminaire.
Nous avons la possibilité d'améliorer aujourd'hui ce qui sera la médecine de demain.
Chacun de nos pays a fait des expériences qui lui sont propres. Leur mise en route
dans un projet fort de développement de la gériatrie en Europe devrait placer l'Union
Européenne au premier plan des réalisations et de l'efficacité dans ce domaine qui la
concerne tout particulièrement ; nous sommes en Europe les plus vieux du monde, après
le Japon me dit-on.
Par l'action que vous menez en permanence, vous êtes les pionniers de cette nouvelle
orientation. Je sais que les propositions qui émaneront de vos groupes de travail
seront pratiques, efficaces, convergentes, réalisables. La gériatrie et la
gérontologie feront des progrès qui amélioreront le sort des personnes âgées dans
toute l'Europe. Elles seront peut être un modèle pour une Europe plus juste puisque
tous les anciens devront bénéficier de ces progrès à travers la solidarité
intergénération envers ceux qui ont souvent beaucoup travaillé et peiné tout au long
de leur vie.
Beaucoup estiment qu'une société est jugée sur la façon dont les personnes âgées y
sont considérées et traitées. Notre aptitude à répondre dans un esprit humaniste au
défi posé par le vieillissement sera, à mon sens, l'occasion de faire la preuve des
réalités des valeurs qui nous unissent.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer aujourd'hui à ces deuxièmes rencontres parlementaires
sur la longévité.
Vous avez choisi un thème délicat et ambitieux, Monsieur le Président, puisque vous
nous invitez à nous interroger sur la manière dont seront assurés les soins des
personnes âgées au XXIème siècle.
Le vieillissement de la population française et la progression régulière, depuis
quelques années, des dépenses consacrées à la santé, peuvent alimenter, en effet,
quelques inquiétudes.
Mais, dans ce domaine comme dans d'autres, la pire des choses serait, cédant au
pessimisme, de penser que cette double évolution est inéluctable et de renoncer à agir
pour en maîtriser les conséquences.
Nous savons bien, que nous devons poursuivre tout à la fois deux objectifs : celui
d'adapter notre système de santé pour qu'il réponde mieux aux nouveaux besoins de nos
concitoyens, liés au vieillissement de la population ; celui de rendre ce système plus
efficace, pour éviter que son coût pour la collectivité ne continue de progresser
indéfiniment, sans réel bénéfice pour la santé. Mais ce dernier objectif ne saurait
s'opérer au détriment de telle ou telle catégorie de Français : toutes ont droit à la
même solidarité de la part de la collectivité nationale. Les personnes âgées dont le
travail a largement contribué à la richesse du pays, qui l'ont reconstruit au
lendemain de la guerre et qui ont commencé à travailler souvent très jeunes, dans des
conditions de grande pénibilité, ont droit à des soins et à une attention de qualité.
Depuis cinquante ans le système de santé de notre pays n'est pas dissociable du
système d'assurance maladie. Celui-ci a favorisé l'accès aux soins de toutes les
couches de la population et permis que tous profitent des progrès de la médecine. Il
est l'expression d'une solidarité collective dont personne n'est exclu eu égard à son
âge ou à tout autre critère : on est assuré social et on le reste quel que soit le
risque que l'on représente, c'est-à-dire quels que soient la gravité de la maladie
dont on est atteint ou le coût des soins dont on a besoin et quelle que soit sa
participation aux recettes ; c'est là toute la différence entre la sécurité sociale et
l'assurance commerciale. Et personne n'imagine modifier ce système.
S'il nous faut veiller à ce que cette exigence fondamentale soit respectée, nous
savons bien toutefois que des réformes ou des aménagements sont par ailleurs
indispensables.
La question que vous posez est donc essentielle.
Les débats et la réflexion qu'elle appelle alimenteront les échanges qui sont
actuellement en cours sur notre système de santé, et auxquels le livre blanc sur la
santé et l'assurance maladie, remis récemment au Gouvernement par MM. SOUBIE, PORTOS
et PRIEUR a vocation à contribuer.
Le programme de votre journée montre que des intervenants de très grande qualité, que
je connais pour la plupart et que je salue, se sont exprimés ce matin, ou vont le
faire cet après-midi, sur ces questions.
Pour ma part, sur un thème aussi vaste, je me bornerai à insister sur deux aspects qui
me semblent fondamentaux si l'on veut que la question que vous vous posez - celle des
soins des personnes âgées au XXIème siècle - reçoive une réponse satisfaisante, au
plan éthique comme au plan économique.
Le vieillissement progressif de notre population, dans les années à venir, est une
certitude. Il faut nous organiser en conséquence.
Pour ce faire, nous devons avant tout prendre la juste mesure de ce phénomène de
société, et apprécier ses implications, en gardant en conscience le caractère
aléatoire des prévisions que nous pouvons faire et en orientant de manière progressive
mais ferme notre système de santé pour qu'il prenne mieux en compte les réalités de
demain.
L'évolution démographique que connaît notre pays est incontestablement un phénomène
majeur de société, le plus important certainement par l'ensemble des conséquences
qu'il emporte. Mais si les prévisions démographiques sont fiables, les prévisions que
nous pouvons faire aujourd'hui sur ce que seront les besoins nés de cette situation au
XXIème siècle restent fragiles. L'évolution des comportements, la poursuite des
progrès de la médecine et, ne l'oublions pas, l'élévation du niveau et des conditions
de vie des personnes âgées ont d'ores et déjà mis à mal quelques idées largement
répandues il y a 20 ans.
Le rapport du Haut Comité de la Santé Publique qui m'a été récemment remis démontre
clairement, par exemple, que les gains continus d'espérance de vie ne se sont pas
accompagnés de l'augmentation de la période vécue dans un état de dépendance mais au
contraire ont accru la durée de vie en bon état physique. C'est un enseignement
considérable, puisqu'il infirme toutes les prévisions qui tenteraient d'apprécier les
besoins de demain en procédant à une simple projection à l'identique à partir des
réalités d'aujourd'hui.
De la même, manière, nous pensions il y a 20 ans qu'il fallait nécessairement
développer les formules d'hébergement collectif auxquelles aspireraient de plus en
plus de personnes âgées, même valides. Nous constatons aujourd'hui que l'amélioration
de leurs conditions de vie permet aux personnes âgées de repousser dans le temps une
entrée dans une structure d'hébergement et de rester à leur domicile, comme elles le
souhaitent dans leur grande majorité. En revanche, les structures, que nous avons
mises en place depuis trente ans se révèlent mal adaptées à une population qui y
rentre plus âgée et plus dépendante. Nos efforts portent déjà, mais il devront être
poursuivis tout au long des décennies à venir, sur l'adaptation des types d'accueil
proposés aux personnes âgées, sur leur degré de médicalisation et sur leur intégration
dans un système sanitaire et social fondé sur la complémentarité entre le domicile et
l'établissement, et entre le rôle des professions sanitaires et celui des professions
sociales. C'est une vision différente de la personne âgée et de son rapport au système
de santé que nous devrons peu à peu introduire, dans le souci de permettre à chacun de
choisir son mode de vie, son type d'hébergement et d'utiliser, au mieux de ses besoins
de santé ou d'autonomie, les moyens que la collectivité y consacre. La personne âgée
ne doit plus être considérée comme un acteur passif, mais sera au contraire
progressivement responsabilisée et amenée à participer au système de santé grâce à
l'information qu'elle recevra et au développement de la prévention.
Parallèlement, bien évidemment, l'apparition des maladies dégénératives associées à
l'âge est la rançon du progrès de la prévention. La personne qui aura évité un
infarctus à 50 ans, un cancer à 65 ans, aura plus de chances de développer une maladie
d'Alzheimer à 80 ans. Il nous faut donc, et nous nous y employons, anticiper ces
évolutions pour que la formation des professionnels de santé, mais également la
recherche en tirent dès maintenant les conséquences. Cela devra bien sûr intégrer une
réflexion éthique. Je sais que vous en avez débattu ce matin, et je sais également
qu'il n'y a pas dans ce domaine de réponse définitive, tant les professionnels de la
santé doivent assumer dans leur pratique quotidienne les choix qu'ils estiment, en
leur âme et conscience, devoir faire.
Il nous faut donc orienter dès maintenant notre système de santé pour qu'il prenne
progressivement mieux en compte les besoins de demain. C'est pour nous tous une
préoccupation quotidienne car nous savons que de la justesse de nos anticipations
dépend la qualité du système futur. Votre réflexion s'inscrit dans cette démarche et
je n'aurai pas ici l'ambition de reprendre la totalité des aspects concernés. Je me
limiterai à deux d'entre eux, parce qu'ils sont particulièrement importants :
- la formation et l'information des acteurs du système de santé intervenant auprès de
personnes âgées ;
et
- la coordination entre tous ces acteurs.
Il faut d'abord, renforcer la formation et l'information des acteurs du système de
santé intervenant auprès des personnes âgées.
Cela procède d'une évidence : il existe une véritable spécificité des besoins en soins
de la personne âgée.
Pour les personnes de plus de 75 ans, l'expression des maladies peut être différente,
la polypathologie est fréquente, le maniement des thérapeutiques est spécifique, la
réadaptation est plus longue et plus délicate, l'imbrication du somatique, du
psychique et du social est très importante. Les professionnels doivent disposer des
connaissances et des moyens qui leur permettent de réagir d'une façon précise et
adaptée.
Les médecins généralistes, en particulier, ont désormais une majorité de personnes
âgées parmi leurs patients, sans toujours avoir bénéficié d'une formation adéquate
lors de leurs études.
C'est la raison pour laquelle j'ai voulu, en liaison avec le Ministre de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, développer dans le deuxième cycle des
études médicales, l'enseignement de gérontologie clinique. Nous achevons avec les
représentants des médecins, la mise au point du contenu de cette réforme. C'est une
mesure attendue et qui montre notre volonté de donner, dès maintenant, aux futurs
médecins, les connaissances et l'expérience pratique dont ils auront besoin tous les
jours dans l'exercice de leur art.
Mais l'effort de formation ne doit pas être limité, vous le savez, aux études
initiales. Il doit être continu.
Les moyens pour y parvenir sont multiples.
Je suis, quant à moi, attentive à ce que mon administration participe à cet effort, en
mettant à la disposition des professionnels les informations qui leur sont utiles, ou
en suscitant des recherches dans des domaines stratégiques.
Sans vouloir être exhaustive, je citerai trois exemples en rapport direct avec le
thème de la prévention :
J'ai tout d'abord demandé qu'un guide destiné aux médecins généralistes et rappelant
les grands principes de prescription médicamenteuse chez les personnes âgées, soit mis
au point, en relation avec l'Agence Nationale de l'Evaluation Médicale. Sa diffusion,
en 1995, sera accompagnée d'un programme de formation continue.
Nous savons que ce problème est crucial.
En effet, de toutes les catégories d'âge, c'est la population âgée qui fréquente le
plus les cabinets médicaux. Or, nous savons bien que nos concitoyens jugent trop
souvent leur médecin à la longueur de l'ordonnance qu'il délivre et qu'il est souvent
difficile de leur expliquer qu'on les soigne aussi bien voire mieux avec une
prescription plus mesurée.
Passe encore lorsqu'il s'agit de médicaments de confort ou de faible effet
thérapeutique, mais il n'est pas acceptable que l'on constate dans les services
hospitaliers de nombreuses admissions de personnes âgées dues à une pathologie
iatrogène liée à des prescriptions médicamenteuses inadéquates.
Les préoccupations de santé publique rejoignent sur ces points celles de la maîtrise
des dépenses de santé, politique qui concilie le respect de la qualité des soins et la
volonté de préserver notre système de santé.
La prévention c'est aussi la lutte contre des affections qui affectent
particulièrement les personnes âgées. Aussi j'ai demandé à l'INSERM d'intensifier les
recherches pour prévenir l'ostéoporose. Cette maladie, vous le savez, représente un
problème majeur de santé publique en France et dans l'ensemble des pays développés.
Parmi les personnes âgées de plus de 75 ans, elle atteint 9 femmes sur 10 et un nombre
significatif d'hommes. Les progrès réalisés dans ce domaine concerneront pas
conséquent la quasi totalité des personnes âgées.
Des actions spécifiques de recherche seront également consacrées à la maladie
d'Alzheimer, que j'ai évoquée précédemment et dont le développement est inquiétant.
Enfin, dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne, j'organise à
PARIS, en février 1995, conjointement avec la Société Française de Gérontologie un
séminaire consacré à la place de la gériatrie et de la gérontologie dans la formation
et l'exercice des médecins en Europe. Les réflexions amorcées dans tous les pays
d'Europe seront ainsi rassemblées et partagées. De plus en plus nos décisions doivent
s'inscrire dans le contexte européen et cette rencontre sera l'occasion de mettre au
point, je l'espère, des stratégies communes pour l'avenir.
Ces trois démarches sont révélatrices d'un état d'esprit. Elles attestent notre
volonté d'adapter notre système de santé, dans sa composante la plus fondamentale,
c'est-à-dire la compétence et l'expérience de ceux qui en sont les acteurs, pour une
meilleure qualité de vie fournie à nos aînés.
La mise en place d'une véritable coordination entre tous les acteurs du système de
santé appelés à intervenir autour de la personne âgée, est également une exigence
forte. L'offre de soins est encore trop cloisonnée, même si des progrès considérables
ont récemment été faits, et même si chacun a désormais pris conscience de la nécessité
de poursuivre dans cette voie.
Pour le secteur hospitalier, les schémas régionaux d'organisation sanitaire sont
l'expression de cette volonté.
Il s'agit de prévoir les besoins à venir, compte tenu des données démographiques
connues et des progrès déjà réalisés ou prévisibles des techniques médicales, et d'en
déduire les changements à apporter à l'organisation de notre réseau hospitalier.
L'exercice a été difficile et les résultats ne sont pas toujours parfaits, mais la
quasi totalité des schémas régionaux ont été désormais élaborés pour les activités de
soins de courte durée, les urgences et l'imagerie médicale. Les soins de longue durée
et les services de suite et de réadaptation feront l'objet de volets complémentaires
en cours d'élaboration,
Cette démarche a obligé l'ensemble des personnes ou institutions concernées à
réfléchir ensemble. Cela n'avait pas été suffisamment le cas jusqu'alors. Il reste à
mettre en oeuvre ces schémas avec détermination. Les personnes âgées y sont
particulièrement intéressées, parce qu'elles sont actuellement accueillies par
plusieurs types d'établissements qui n'ont pas encore développé entre eux toutes les
complémentarités souhaitables.
Pour illustrer ces insuffisances, j'évoquerai les conclusions d'un tout récent rapport
de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sur l'hospitalisation des personnes
âgées dans les services de psychiatrie. Le rapport conclut que l'hospitalisation en
psychiatrie des personnes âgées a très fortement diminué, sous l'influence d'une
transformation de l'offre de soins - ce qui est une heureuse nouvelle, car la
situation que j'avais connue voici vingt ans était désastreuse - mais que l'adéquation
du placement à l'état de santé des personnes âgées reste encore peu satisfaisant. Les
auteurs préconisent, en conséquence, le développement de la coopération entre les
hôpitaux psychiatriques et les hôpitaux généraux, pour délivrer les soins là où ils
sont les plus accessibles ou les plus nécessaires aux patients.
Si j'évoque cet exemple c'est non seulement parce que j'ai pris connaissance de ce
rapport que j'attendais avec impatience, mais aussi parce qu'il montre que nous sommes
loin d'avoir tiré toutes les conséquences des mutations qui ont affecté le réseau des
établissements de soins et sa composition, comme l'état sanitaire de la population.
Mais le renforcement de la coordination doit également associer les professionnels de
santé qui n'exercent pas dans les hôpitaux.
Nous comptons beaucoup pour atteindre cet objectif sur le carnet médical et le dossier
médical prévu par la Convention entre les Caisses de sécurité sociale et les syndicats
médicaux et rendus obligatoires par le législateur en juillet dernier.
Ce dispositif, qui concernera 4,7 millions de personnes de plus de 70 ans, souffrant
de deux pathologies au moins nécessitant un traitement de 6 mois au plus, a en effet
été conçu pour améliorer le suivi et la qualité des soins dispensés aux personnes
âgées. Il va entrer progressivement dans les faits à partir du début de cette année,
en commençant sans doute dans une ou deux régions-test. Il constituera l'instrument de
base de la coordination des soins entre médecins généralistes, médecins spécialistes
et médecins hospitaliers.
Voilà quelques réflexions que je voulais vous livrer, inspirées par le thème dont vous
débattez aujourd'hui. J'ai souhaité que le Directeur de la Sécurité sociale et le
Directeur des hôpitaux s'associent à vos travaux, de manière à ce qu'ils vous exposent
l'état de nos recherches, sous une forme plus détaillée que je ne saurai le faire en
quelques minutes d'intervention.
C'est l'honneur de notre pays d'avoir su éviter jusqu'à présent toute forme de
discrimination à l'encontre des personnes âgées, pour ce qui concerne les soins
médicaux. Tous les pays, même très avancés, ne peuvent pas en dire autant. Face au
défi de la démographie, nous devons trouver les voies qui nous permettront tout à la
fois de préserver cet acquis et de maîtriser la croissance des dépenses de santé
prises en charge collectivement, tout en réfléchissant à la question de la
participation des retraités au financement du régime dont ils bénéficient. C'est une
exigence morale et intellectuelle à laquelle nous ne pouvons échapper à l'orée du
XXIème siècle.
* Rencontres des CODERPA CORERPA CNRPA (26 janvier 1995)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer pour la deuxième fois à vos rencontres annuelles, en ma
qualité de ministre chargée des personnes âgées, et, par conséquent, de la présidence
du Comité national.
J'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de travailler pendant l'année écoulée avec les
membres du comité, et j'ai apprécié les relations de confiance qui se sont instaurées
an cours de ces échanges. Elles me confortent dans l'idée que le CNRPA peut exprimer,
au niveau national, de même que les CORERPA et les CODERPA dans leurs ressorts
géographiques, la sensibilité et les positions des personnes âgées sur les sujets qui
les concernent particulièrement, et apporter ainsi aux pouvoirs publics et à la
société tout entière une aide indispensable à une prise de décision satisfaisante,
Cette expression est aujourd'hui spécialement importante et nécessaire.
Notre pays est en effet confronté, comme la totalité des pays occidentaux, à des
changements profonds et irréversibles, qui remettent en cause l'organisation de notre
société dans plusieurs domaines. Le vieillissement de la population est un de ces
changements. Il est le résultat des progrès accomplis, dans le domaine médical, bien
sûr, mais également dans le domaine social. Il emporte des effets considérables, que
nous mesurons chaque jour, et qui nous obligent à reconsidérer partiellement les
constructions d'hier, avec la volonté d'en préserver la meilleure part, mais avec
également le souci de répondre à des besoins nouveaux, de prendre en charge des
situations jusqu'alors inédites par leur ampleur ou leur acuité.
Dans le même temps, la situation économique que nous connaissons depuis plusieurs
années a entraîné la multiplication des situations de chômage et de précarité.
L'exigence de solidarité est donc plus forte dans ce contexte et elle doit être placée
au coeur des choix politiques, économiques et sociaux qui gouvernent notre communauté
nationale. Les personnes âgées ont d'ailleurs, chacun le reconnaît, joué un rôle
important pour amortir les effets de la crise, par la solidarité qu'elles ont déployé
envers les autres générations, notamment au sein du cercle familial.
Dès lors, chaque composante de la Nation doit être associée aux choix qui seront faits
pour adapter notre, politique sociale aux besoins nés de ces évolutions, et pour la
rendre plus efficace et plus compréhensible, plus rapide dans ses effets et plus
lisible pour ses bénéficiaires comme pour ses financeurs.
Vous êtes à l'évidence une de ces composantes. L'activité de vos comités prépare,
complète et permet d'évaluer les politiques locales et nationales dans les domaines
auxquels ils s'intéressent. Ces domaines ne peuvent d'ailleurs être circonscrits à un
champ étroit, même si certains d'entre eux relèvent plus spécialement de votre
vocation.
Je vous félicite à ce propos de la diversité des contributions inscrites pendant ces
deux journées, qui donne une image des dossiers auxquels nous devons accorder le plus
d'intérêt, mais également de votre curiosité et de votre volonté de vous informer sur
ce qui se passe au-delà. de nos frontières.
Je note et je me réjouis particulièrement que vous ayez ménagé dans ces journées, à
côté des questions fondamentales que sont la représentation des retraités, la
dépendance, la réforme des retraites ou les relations entre les Conseils généraux et
les CODERPA, un moment pour que quatre grandes associations orientées sur les
activités d'utilité sociale puissent se présenter et amorces ainsi des échanges
fructueux.
Je souhaite pour ma part poursuivre aujourd'hui le dialogue que nous avons commencé il
y a maintenant environ dix-huit mois, puisque j'avais eu l'opportunité de vous
recevoir très rapidement, Monsieur le Président ainsi que les membres de votre bureau
national.
Ce dialogue a été courtois et enrichissant. Il n'a pas toujours été facile. Certaines
des positions que vous avez adoptées ont montré que le comité national n'était pas une
commission administrative à la dévotion du ministre, mais un véritable lieu d'échanges
et de débats. Cela me parait mieux ainsi, dès lors que nous portons la même volonté
d'avancer de manière concrète, en surmontant les a priori ou les attitudes
dogmatiques.
Parmi tous les sujets d'intérêt commun qui nous rassemble, j'en évoquerai deux, parce
qu'ils sont d'une importance particulière et que l'occasion m'est donnée ici de faire
le point sur leur état d'avancement.
Il s'agit de la représentation des retraités, et de la dépendance des personnes âgées.
En ce qui concerne la représentation des retraités, je reviens tout d'abord sur les
propos que j'ai tenus devant vous voici un an. Vous aviez alors organisé une table
ronde sur le thème des nouveaux rapports entre les actifs et les retraités, avec
l'ensemble des confédérations syndicales. Je vous avais fait part de ma perplexité,
compte tenu des positions contradictoires et apparemment irréductibles soutenues par
les associations autonomes de retraités et par les partenaires sociaux sur cette
question, au moins lorsque le débat porte sur l'accroissement de la représentation des
retraités dans certaines instances, comme le Conseil économique et social ou les
conseils d'administration des caisses de sécurité sociale. Je vous avais alors invités
à continuer la confrontation des idées et à m'apporter des éléments issus de cette
confrontation.
Vous avez, monsieur le Président, suivi cette invitation et vous me proposez
aujourd'hui le fruit d'un travail documenté, constructif et rigoureux.
Je vous en remercie et je m'engage à prendre connaissance très rapidement de ce
dossier, et à le faire circuler autour de moi. Vous avez en effet accompli le premier
pas d'une démarche indispensable à la réalisation de votre souhait d'une plus grande
représentation. Vous voulez être mieux associés à la réflexion et à l'action sur les
sujets qui vous concernent. Vous avez raison. Vous devez cependant admettre que la
légitimité ne se décrète pas, mais qu'elle se mérite. Votre travail va dans ce sens,
de même que toutes les contributions que le CNRPA a fourni durant cette année et qui
le font valoir, aux yeux d'un nombre croissant d'observateurs, comme l'instance la
mieux à même de refléter les courants de pensée dominant chez les personnes âgées.
J'ai pour ma part veillé à vous conforter dans ce rôle et j'ai eu plusieurs fois
recours à vos services. Sans être exhaustive, je rappelle que le décret relatif au
fonds de solidarité vieillesse prévoit la désignation par le CNRPA de trois membres du
comité de surveillance, que je vous ai officiellement consulté sur le choix des
départements devant mener l'expérimentation sur la dépendance, et que j'ai évidemment
suivi largement vos avis. La loi de juillet 1994 sur la sécurité sociale qui a posé le
principe de ces expérimentations a également prévu qu'un comité de suivi, au sein
duquel figurerait le CNRPA, serait chargé d'évaluer l'opération. Cet amendement
d'origine parlementaire a reçu mon aval. J'arrêterai d'ailleurs prochainement la
composition de ce comité au sein duquel je vous inviterai à designer vos
représentants. Enfin j'ai décidé d'accepter votre proposition de remplacer l'actuel
mode de désignation du vice-président du CNRPA par une élection par l'ensemble dès
membres du comité. Ainsi, la légitimité accrue dont celui-ci bénéficiera aura des
effets positifs pour le comité national, mais également pour les comités régionaux et
départementaux, et, en définitive, pour l'expression spécifique d'une fraction de plus
en plus importante de la société française.
Eu ce qui concerne la dépendance, nous avons beaucoup travaillé pour donner corps au
principe posé par la loi de juillet 1994 que je viens d'évoquer. Les expérimentations
locales nous apporteront les éléments indispensables à la mise en place d'une
politique rénovée de prise en charge de la dépendance, qui nous ont fait défaut.
Lorsque j'ai instruit, à la demande du Premier ministre, ce dossier, j'ai en effet
mesure l'étendue des difficultés non résolues :
- en premier lieu, l'appréciation de la dépendance est aujourd'hui source
d'imprécisions et d'ambiguïtés. Il n'existe pas une grille d'évaluation commune,
reconnue et acceptée, mais au contraire plusieurs instruments dont les approches et
les finalités sont différentes. Or avant d'imposer à nos concitoyens les prélèvements
supplémentaires qu'entraînerait le financement d'une prestation sociale nouvelle, nous
avons le devoir de nous assurer que l'attribution de cette prestation repose sur des
critères indiscutables. C'est pourquoi le premier objectif de l'expérimentation est la
validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance.
- en second lieu, la procédure de reconnaissance de la dépendance, avec la grille
nationale d'évaluation que je viens de mentionner, reste à définir. C'est le deuxième
objectif des expérimentations. Il appartient aux signataires des conventions locales,
dans chaque département, de préciser quelle procédure ils entendent adopter. Nous
n'avons pas souhaité au niveau national contraindre les choix dans ce domaine, car les
réalités locales peuvent justifier que des solutions différentes soient mises en
oeuvre sur les différents sites. La composition des équipes sociales ou médico-
sociales qui utiliseront la grille et apprécieront l'état de dépendance de la personne
âgée, leur répartition sur le territoire et leur mode de fonctionnement doivent être
arrêtés localement. Il est logique que la densité de la population, le caractère rural
ou urbain du département, l'importance des équipements sanitaires ou médico-sociaux
influent sur les solutions retenues. Il est surtout important que des enseignements
puissent être tirés des options prises, et qu'une éventuelle décision de
généralisation s'appuie ensuite, sur ces enseignements.
- en troisième lieu, ces expérimentations doivent nous permettre de mieux maîtriser
l'impact, le coût et les transferts financiers qu'entraînera la création d'une
prestation d'aide à la dépendance. Les enjeux sont considérables pour les départements
comme pour la sécurité sociale, et donc pour l'Etat. Toutes nos estimations conduisent
à des montants de plusieurs milliards de francs, mais elle sont entachées
d'incertitudes telles qu'elles nous feraient adopter des orientations sans être
certains de leurs conséquences financières, pour les institutions comme pour les
personnes. Ce n'est pas souhaitable. Au terme d'une année, nous aurons les éléments
qui pourront fonder une analyse économique dénuée d'imprécisions, dont les
implications seront acceptées d'autant plus facilement par toutes les parties
prenantes.
- enfin, chacun reconnaît qu'aujourd'hui la coordination entre les intervenants auprès
des personnes âgées dépendantes n'est pas satisfaisante. Des moyens importants sont
déjà consacrés par les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale à
cette question, mais, trop souvent, en ordre dispersé. Cest pourquoi un objectif
essentiel de nos expérimentations est le renforcement de la coordination entre les
intervenants.
Nous sommes tous conscients que devant le défi de la dépendance nous ne pouvons plus
nous permettre de développer des initiatives cloisonnées. L'Etat, les collectivités
territoriales, les organismes de sécurité sociale, et les autres intervenants doivent
être solidaires dans cette affaire. Les politiques sociales devront d'ailleurs de plus
en plus résulter de la conjugaison des efforts de tous les acteurs. Les contraintes
financières de l'heure nous imposent de coordonner nos actions, en identifiant les
populations bénéficiaires, et en prenant garde de rendre neutre pour l'usager la
diversité des institutions en cause.
Nos expérimentations seront l'occasion de sélectionner les meilleures solutions de
coordination, respectueuses de l'identité de chaque collectivité, mais efficaces et
économes en capacités.
Voilà les points que je voulais rappeler, car ils expliquent le caractère
indispensable de cette opération et le poids qu'elle aura dans les décisions futures.
Actuellement, dans les douze départements que j'ai retenus, les conseils généraux et
les organismes de sécurité sociale mettent sur pied les conventions qui définissent
les modalités précises de chaque expérimentation. C'est un travail difficile et
méticuleux. Je suis persuadée que chacune des parties prenantes apportera sa volonté,
son imagination et son dynamisme à cette oeuvre commune qui fondera la réponse que
nous donnerons, demain, à toutes ces personnes et à toutes ces familles qui subissent
le phénomène de la dépendance.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions dont je voulais vous faire part
aujourd'hui. Jajouterai, pour vous répondre Monsieur le Président, que je serai
particulièrement attentive à la mise en place du deuxième programme européen
concernant les retraités et les personnes âgées, pendant la présidence française, et à
la qualité du renouvellement des membres du CNRPA, puisque cette échéance est proche.
Je remercie à cette occasion les membres sortants, pour la qualité et la densité du
travail accompli pendant ces trois années.
Nous sommes au mois de janvier et il est encore temps pour moi de vous présenter mes
voeux pour l'année nouvelle, ainsi qu'à vos proches. Jai conscience de votre
engagement et de votre dévouement, qui vous conduisent à consacrer une bonne partie de
votre temps à des activités bénévoles. Votre apport est indispensable, et
complémentaire de l'action que nous menons. Je vous souhaite donc une très bonne année
1995, espérant qu'elle sera pleine d'enseignements positifs et de progrès sur les
sujets qui nous rassemblent.
* Installation du Comité de surveillance du fonds Solidarité Vieillesse 9 février 1995
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de présider aujourd'hui l'installation du Comité de surveillance
du fonds de solidarité vieillesse, installation qui parachève la mise en place du
Fonds de Solidarité Vieillesse, issue de la loi du 22 juillet 1993.
Comme vous le savez, la création du fonds de solidarité vieillesse est un élément de
la réforme des retraites décidée par le Gouvernement dès sa mise en place.
L'instauration du Fonds vise en effet à dissocier ce qui relève des avantages
contributifs, c'est à dire d'une logique d'assurance et ce qui ressortit des avantages
non contributifs et qui s'apparente à une logique de Solidarité nationale.
En faisant cette distinction, nous avons voulu répondre à une revendication ancienne
des partenaires sociaux, permettant un progrès significatif vers une plus grande
transparence financière de la Sécurité sociale.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises, l'assurance
vieillesse, contrairement aux branches maladie et famille, a une vocation qui est
assurantielle plus que redistributive. Elle doit assurer un revenu de remplacement
dont le montant est fonction des cotisations acquittées pendant la vie active.
Cette branche étant fondée sur le principe de contributivité, il est logique de
séparer ce qui relève de l'assurance et doit être financé par les cotisations, de ce
qui dépend de la solidarité nationale et qui doit être financé par l'impôt.
La création du FSV s'inscrit parfaitement dans cette perspective, tant du point de vue
des dépenses qui lui incombent que de ses recettes qui sont exclusivement de nature
fiscale, c'est à dire le produit de l'augmentation de la contribution sociale
généralisée et le produit des taxes sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées.
Je précise d'ailleurs que l'affectation des dépenses ou des recettes du Fonds relevant
du domaine législatif, le Parlement sera nécessairement saisi de toute évolution
substantielle quant aux conditions de l'équilibre financier du Fonds.
En second lieu, je voudrais souligner l'efficacité avec laquelle cette opération a été
menée.
Les missions ainsi que le fonctionnement du Fonds, définis par la loi du 22 juillet
1993, ont été précisées par un décret publié au journal officiel le 31 décembre 1993,
soit la veille de sa prise d'effet. Pour qu'il puisse remplir sa mission dès le début
de l'année comme prévu par la loi, il a fallu en quelques jours régler nombre de
problèmes administratifs mais aussi matériels.
La réussite de cette opération, puisqu'on peut bien parler de réussite avec le recul
d'un an, n'a pu être obtenue qu'avec le très précieux concours qu'ont apporté au Fonds
les différentes Directions de l'Administration Centrale et les divers régimes de
Sécurité sociale. Qu'ils en soient tous ici remerciés.
Et j'y ajoute mes félicitations à M. Chadelat et à M. Lagrave qui a assuré la
présidence du Fonds avant d'être appelé à d'autres fonctions à la cour des comptes,
malheureusement incompatibles avec cette présidence. Nous sommes tous heureux de
saluer M. Dhuique, le nouveau président.
Ainsi, en dépit des multiples problèmes à résoudre, le premier versement du Fonds a pu
être réalisé dès le 21 janvier 1994 et tout au long de l'année 1994 les dates et les
montants des versements prévus vis à vis des différents régimes ont été
scrupuleusement respectés.
Par ailleurs et conformément au décret du 30 décembre 1993 précité, des conventions
ont été signées avec l'ensemble des Régimes de Sécurité sociale.
En 1994 l'instauration du Fonds de Solidarité Vieillesse a permis de ramener le
déficit de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de
39,4 à 13,4 milliards de francs et ainsi atténuer très sensiblement les difficultés
financières rencontrées par les régimes vieillesse, qui, faut-il le rappeler,
constituent la pierre angulaire du système de retraites en France, hier, aujourd'hui
et demain.
Le bilan étant dressé, je voudrais, ici, insister sur quelques points importants pour
l'avenir.
Si la mission première du FSV est effectivement d'alléger autant que faire se peut la
trésorerie des différents régimes avec lesquels il est en relation, il lui appartient
aussi de pouvoir justifier l'intégralité des versements qu'il est amené à opérer.
La nécessaire transparence inhérente aux opérations du Fonds impose que soit mis en
place un ensemble de pièces justificatives, comptables et statistiques, suffisamment
étayées et précises de sorte que le montant des sommes déboursées par le Fonds soit
incontestable.
J'attacherais du prix à ce qu'un tel dispositif puisse être maintenant rapidement mis
en place, en concertation avec tous les Régimes d'Assurance vieillesse de base.
Par ailleurs il conviendra également de veiller - et c'est une des missions du comité
de surveillance - au respect de la finalité du fonds. Je le dis très nettement : le
fonds ne doit pas servir à financer d'autres dépenses que celles qui relèvent de sa
vocation propre.
Cela n'implique pas l'immobilisme mais une nécessaire vigilance. Des dispositions
législatives sont récemment intervenues qui - je tiens à le préciser - élargissent non
pas les missions, mais le champ d'intervention du Fonds. Il en est ainsi pour :
- les périodes de convention de conversion visées à l'article L322.3 du Code du
Travail,
- et les périodes de chômage non indemnisées visées au 3° de l'article 1351.3 du Code
de la Sécurité sociale qui s'ajoutent désormais à celles qui avaient été initialement
prévues mais relèvent toujours du même esprit.
De mêmes les mesures significatives prises en faveur des anciens combattants d'Afrique
du Nord, si elles n'avaient pas été mises à la charge du fond, auraient alourdi les
dépenses des régimes d'Assurance vieillesse.
Nous avons naturellement veillé à ce que l'équilibre du fonds ne soit pas mis en cause
par ces réformes, qui n'altèrent en rien la vocation du fonds mais le confortent.
En dernier lieu, je voudrais souligner l'importance pour la bonne marche du fonds de
votre Comité créé à l'initiative du Parlement, et pour être tout à fait précise, par
un amendement présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales
du Sénat, amendement qui a reçu le plein assentiment du Gouvernement.
Sa composition intégrant des parlementaires, des membres des grands corps de l'Etat,
des représentants de régimes d'assurance vieillesse et des représentants des personnes
âgées garantit son indépendance. Il devra en user avec discernement et impartialité,
dans l'esprit de transparence qui a inspiré le Parlement lorsqu'il en a décidé la
création.
Vous aurez à définir concrètement votre mission mais je suppose que vous serez
particulièrement attentifs à l'évolution des recettes fiscales affectées au fonds, à
l'harmonisation des prestations de solidarité vieillesse prises en charge par le
fonds, à une définition peut-être encore plus précise des avantages ressortissant du
contributif et de ceux relevant de la solidarité nationale.
C'est à vous désormais de faire vivre ce comité. Je souhaite vivement que cette
instance, originale dans le système institutionnel et administratif français, soit
avant tout un lieu de dialogue, de réflexion de proposition sur des questions
essentielles pour nos concitoyens, et qu'il enrichisse ainsi le débat social dans
notre pays, dont nous avons le plus grand besoin.
Il vous appartient maintenant de procéder à l'élection de votre président. Je vais
laisser ma place à Madame Ruellan pour qu'elle conduise les opérations de vote.
* Signature de la convention sur le dispositif expérimental daide aux personnes âgées
dépendantes du Val dOise 10 février 1995
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Président de l'Assemblée des présidents des conseils généraux,
Monsieur le Président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse,
Messieurs les Présidents des régimes de retraites agricole, des artisans et des
industriels et commerçants,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,
Nous allons procéder dans quelques instants à la signature de la convention associant
l'Etat, le département du Val d'Oise et les régimes de retraite dans le dispositif
expérimental d'aide à la dépendance des personnes âgées.
C'est une étape importante, puisqu'elle montre que la volonté affirmée par le
Parlement et par le Gouvernement d'avancer sur ce dossier essentiel pour notre société
trouve un prolongement tangible et concret sur le terrain.
Cela est dû à la fois aux efforts que nous avons déployés au plan national, avec
l'ensemble des partenaires présents ici, mais également et surtout, à la détermination
dans ce département de tous ceux qui se sont mobilisés pour trouver des solutions aux
différents problèmes que posait cette opération.
Je me réjouis de participer à cette cérémonie dans le Val d'Oise, où une politique
dynamique et cohérente est menée depuis des années en direction des personnes âgées.
[Vous déployez d'ailleurs le même dynamisme, Monsieur le Président, dans d'autres
secteurs d'activité, et en particulier pour ce qui concerne la politique de la ville]
Un premier schéma gérontologique a été adopté en 1989. Votre assemblée départementale
a adopté il y a bientôt un an un deuxième schéma gérontologique, qui couvre une
période de quatre ans. Ce document a résulté d'une concertation approfondie avec tous
ceux qui sont, à un titre quelconque, concernés par ces questions.
Outre cette concertation, je relève dans le contenu de ce schéma gérontologique deux
aspects qui montrent qu'il a été élaboré dans un état d'esprit voisin de celui qui
préside à la mise en oeuvre des expérimentations sur la dépendance.
Il s'agit tout d'abord de la mise en place de points conseils, c'est à dire de lieux
dans lesquels les personnes âgées et leurs familles peuvent recevoir l'information et
les orientations dont elles ont besoin et trouver les solutions aux problèmes qu'elles
rencontrent.
Il s'agit ensuite des unités d'évaluation gérontologiques, dont l'objet est, à partir
d'un diagnostic médical, de déterminer la nature des aides de toute nature qui doivent
être apportées à la personne âgée. Je viens de visiter l'unité de PONTOISE, et je suis
convaincue de l'intérêt de cette démarche.
Le département du Val d'Oise est donc particulièrement qualifié pour participer à ces
expérimentations. Je n'ai d'ailleurs eu aucune hésitation pour retenir sa candidature,
à l'issue de la consultation lancée auprès de l'ensemble des départements français,
parmi les 41 dossiers qui me sont parvenus.
En effet, les organismes que je m'étais engagée à consulter, avant d'arrêter mon
choix, l'Assemblée des Présidents des Conseils Généraux, la Caisse Nationale
d'Assurance Vieillesse et le Comité National des retraités et des personnes âgées
m'ont tous trois proposé votre département, Monsieur le Président.
Une telle unanimité confirme que votre département a tous les atouts pour que cette
expérimentation soit un succès et pour qu'elle nous apporte les enseignements dont
nous avons besoin pour mettre en place une politique rénovée de prise en charge de la
dépendance.
Car si l'enjeu est important, pour le Val d'Oise, il l'est aussi pour notre pays. J'ai
eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises sur les raisons pour lesquelles il
n'a pas été possible d'instaurer une allocation-dépendance.
Le problème du financement n'était pas le seul en cause. L'absence d'une grille
validée d'évaluation de la dépendance, d'une procédure de mise en oeuvre de cette
grille, et les incertitudes sur le coût et les transferts financiers occasionnés par
une telle allocation rendaient difficile une prise de décision sur ce sujet.
Les expérimentations qui débutent dans douze départements permettront de lever ces
incertitudes. Elles apporteront les informations qui nous ont manqué, et fonderont des
choix collectifs raisonnables. Ces informations seront d'autant plus crédibles que ces
expérimentations font l'objet d'une coopération étroite, nationalement comme
localement.
Le cahier des charges qui fixe les objectifs et les règles essentielles a été négocié
et arrêté avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse et l'Assemblée des
présidents des conseils généraux.
La Mutualité sociale agricole et les Caisses de retraite des artisans et des
industriels et commerçants nous ont ensuite rejoints, dans un esprit constructif et
volontariste.
Je me félicite de cette volonté commune de mener à bien ce projet, dont la dimension
est considérable pour les personnes âgées dépendantes et leurs familles. Elle a trouvé
un prolongement dans douze départements, puisque toutes les conventions devraient être
signées avant la fin du mois, malgré la complexité des procédures et des mécanismes à
mettre en place.
Si la mise au point et la signature de ces conventions est, je l'ai dit, une étape
importante, notre effort doit être poursuivi, tout d'abord, pour que ces
expérimentations, se déroulent dans les meilleurs conditions et qu'ensuite, elles
atteignent les objectifs qui leur ont été assignés.
Pour cela, nous nous préoccupons dès maintenant de d'évaluation qui en sera faite.
Localement, bien sûr, pour chacune d'entre elles, et je sais que c'est une des
ambitions des signataires de chaque convention. Au plan national, également, parce que
cette évaluation déterminera les conclusions à tirer de toute cette opération, pour la
mise en place d'une prise en charge généralisée de la dépendance, à la fois adaptée
aux besoins de notre société et économe des moyens collectifs mis en oeuvre.
J'arrêterai d'ailleurs prochainement la composition du comité national d'évaluation
dont la création a été prévue par l'article de la loi du 25 juillet 1994 relatif aux
dispositifs expérimentaux d'aide aux personnes âgées dépendantes. Nous disposerons
ainsi d'une analyse complète, sereine et impartiale.
Je sais les efforts qui ont été consentis dans le département du Val d'Oise pour
arriver aujourd'hui à ce résultat, et je remercie tous ceux qui ont contribué à cette
oeuvre commune. Ils sont désormais engagés dans une opération de solidarité de grande
envergure et leur investissement personnel comptera beaucoup pour sa réussite.
Mais je voudrais également remercier ceux qui, dans les autres départements,
effectuent un travail parallèle pour la même cause. Les solutions les plus
appropriées, qui seront retenues au plan national, découleront de la diversité des
choix faits dans les différents départements et de leur comparaison. Elles seront
aussi issues, Messieurs les Présidents, de la coopération exemplaire que nous avons
observée sur ce dossier depuis son origine, et que nous continuerons d'observer.
Votre département, Monsieur le Président, est de ce point de vue un modèle et je suis,
pour toutes ces raisons, particulièrement heureuse de me trouver parmi vous pour cette
séance de signatures.
* Premières assises nationales de laction sociale et médico-sociale en faveur des
personnes âgées
Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer aujourd'hui à ces premières assises nationales de
l'action sociale et médico-sociale en faveur des personnes âgées.
Vous avez réuni, Monsieur le Président, l'ensemble des acteurs concernés par la prise
en charge des personnes âgées, avec la volonté de faire émerger, au-delà des
divergences naturelles d'intérêts et de points de vue, les grandes orientations dont
chacun s'accorde à reconnaître le caractère indispensable.
Je me réjouis de cette démarche. J'ai rencontré beaucoup d'entre vous, ou leurs
représentants, au cours de ces deux années d'exercice de mes fonctions ministérielles.
Ils m'ont rapporté les difficultés du travail quotidien effectué auprès des personnes
âgées, ses servitudes, les moments de découragement que vous pouvez parfois éprouver,
mais aussi les joies et les satisfactions, lorsque vous avez le sentiment que ce
travail donne à ceux qui en bénéficient la qualité de vie à laquelle ils aspirent,
malgré la détérioration de leurs capacités physiques ou intellectuelles.
Je sais que vos attentes sont importantes et je sais qu'elles sont justifiées. Mais
elles sont aussi, d'une certaine manière, la marque des progrès qui ont été réalisés
depuis trente années dans ce domaine de l'action sociale et médico-sociale en
direction des personnes âgées. Ces progrès ont été considérables et c'est
incontestablement une des réussites de notre société moderne. Les hospices, par
exemple, qui étaient encore nombreux il y a vingt ans, ont pratiquement tous disparu
et avec eux les conditions indignes dans lesquelles étaient alors traitées les
personnes âgées.
Mais ces progrès sont encore insuffisants. Nous devons poursuivre nos efforts pour
améliorer encore la qualité des réponses que nous fournissons aux besoins des
personnes âgées, en ayant en mémoire l'accroissement important de cette population
attendu dans les années à venir.
[Depuis bientôt deux années, cela a été une préoccupation constante pour moi, avec la
volonté de prendre les décisions sans plus attendre, lorsque cela était possible et,
lorsque tel n'était pas le cas, de faire progresser la réflexion et l'analyse pour
préparer les décisions de demain.]
Il nous faut en effet d'ores et déjà réfléchir à la manière dont nous préparons les
évolutions indispensables pour que les changements démographiques de notre pays ne
soient pas subis, mais anticipés dès aujourd'hui dans nos actes. C'est le sens que
vous avez voulu donner à ces premières assises nationales, et j'y souscris totalement.
Sans évoquer la totalité des thèmes que vous avez abordés pendant ces trois journées
très riches, comme en atteste le programme que vous m'avez communiqué, je reviendrai
sur quatre d'entre eux, qui sont particulièrement importants et qui révèlent notre
état de préparation collectif à cet enjeu fondamental qu'est le vieillissement
programmé, massif et inéluctable, de la population française.
Il s'agit :
- de la formation et de l'information des intervenants auprès des personnes âgées ;
- de la coordination entre ces intervenants ;
- des moyens collectifs consacrés à la dépendance des personnes âgées ;
- et d'une réflexion sur la citoyenneté de personne âgée.
Le premier de ces sujets - le renforcement de la formation et de l'information des
intervenants auprès des personnes âgées - procède d'une évidence : il existe une
véritable spécificité des besoins de soins et d'accompagnement de la personne âgée
menacée par la perte d'autonomie. En effet, pour les personnes de plus de 75 ans,
l'expression des maladies peut être différente, la polypathologie crée de grandes
difficultés, le maniement des thérapeutiques est spécifique, la réadaptation est plus
longue et plus délicate, l'imbrication du somatique, du psychique et du social est
très importante. Les professionnels doivent disposer des connaissances et des moyens
qui leur permettent de réagir d'une façon précise et adaptée.
Pour cela, il est indispensable que la formation qu'ils reçoivent fasse une large
place à des enseignements de gérontologie, théoriques et pratiques. Plusieurs
dispositions récentes sont allées dans cette voie.
En premier lieu, voici un an, la restructuration du programme du certificat d'aptitude
aux fonctions d'aide à domicile en a complété le contenu initial par des éléments
concrets sur la vie du malade à domicile ou la pharmacie familiale.
Rendu tout récemment officiel, le nouveau programme de formation des aides soignantes
inclut désormais des notions fondamentales de gérontologie, grâce à un module
théorique et à des stages obligatoires. La profession a été largement associée à cette
réforme qui était à juste titre souhaitée par tous.
Enfin pour ce qui concerne les médecins généralistes, qui ont désormais une majorité
de personnes âgées parmi leurs patients, sans toujours avoir bénéficié d'une formation
adéquate lors de leurs études, j'ai voulu, en liaison avec le Ministre de
l'Enseignement supérieur et de la recherche, développer dans le deuxième cycle des
études médicales l'enseignement de gérontologie clinique. Nous achevons avec les
représentants des médecins la mise au point du contenu de cette réforme.
Ces trois exemples tout récents s'ajoutent à la modification antérieure des études
d'infirmiers qui a permis le renforcement du temps consacré à lenseignement
concernant les soins dispensés aux personnes âgées. Ils attestent la diffusion d'une
idée simple et pourtant cruciale : les formations des professionnels doivent les
préparer à la réalité du contact avec les personnes âgées, et les mettre en situation
d'exercer au mieux leurs fonctions, tout en étant eux-mêmes reconnus et valorisés.
Mais l'effort de formation n'est pas uniquement l'affaire de l'Etat, même s'il lui
appartient de définir le contenu des formations validées par une reconnaissance
officielle.
Il est aussi et surtout l'affaire de ceux d'entre vous qui travaillent quotidiennement
dans les établissements ou dans les services destinés aux personnes âgées et des
associations, des fédérations et des unions qui les regroupent. Je connais et je salue
ici l'action de ces grandes unions et fédérations, tellement indispensable et
complémentaire de celle que nous menons.
- La mise en place d'une véritable coordination entre tous les intervenants autour de
la personne âgée est une deuxième exigence forte. En effet alors que des moyens
importants sont affectés à la prise en charge des personnes âgées, ils ne permettent
pas toujours de répondre de manière satisfaisante aux attentes des personnes.
Nos dispositifs sont complexes, tant par le nombre d'organismes et d'institutions
qu'ils comprennent, que par la diversité des financements qu'ils mettent en oeuvre. La
séparation entre le sanitaire et le social ajoute un cloisonnement supplémentaire.
La multiplicité des acteurs et des modes de financement, et la diversité des règles
juridiques et tarifaires obscurcissent la compréhension par la personne âgée et par sa
famille des moyens qui sont à sa disposition.
Nous devons donc encourager la mise en place d'une meilleure coordination, entre les
financeurs comme entre les intervenants ; ce n'est pas à l'usager de pâtir de la
complexité de notre organisation.
Vous êtes acquis à cette idée, Monsieur le Président, Monsieur le Délégué général,
puisque vous avez agencé votre programme autour de cette expression "vers de nouvelles
solidarités, coordonner pour mieux coopérer". C'est un point vital, au moment où les
contraintes financières et la montée parallèle des besoins nous interdisent de
gaspiller les moyens mis en oeuvre.
D'importantes initiatives ont déjà été prises dans cette direction, avec par exemple
la création de réseaux gérontologiques locaux. J'ai souhaité pour ma part avancer
également dans ce sens à l'occasion des expérimentations sur l'allocation-dépendance
qui vont faire l'objet de conventions entre des collectivités locales volontaires et
les organismes de sécurité sociale.
Il s'agit bien, par ces expérimentations qui vont se dérouler dans 12 départements,
d'inciter les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale à travailler
ensemble et à expérimenter les diverses formes que pourrait prendre cette
collaboration telles qu'elles seront imaginées et souhaitées sur le terrain.
La coordination sera également renforcée par la mise en oeuvre, en 1995, du carnet
médical ; le décret qui en définit l'utilisation et que je viens de signer paraîtra
prochainement au Journal Officiel.
Ce dispositif obligatoire, qui concernera 4 millions de personnes de plus de 70 ans,
souffrant de deux pathologies nécessitant un traitement de 6 mois au moins, a en effet
été conçu pour améliorer le suivi et la qualité des soins dispensés aux personnes
âgées. Il constituera désormais un élément essentiel pour la coordination des soins
entre médecins généralistes, médecins spécialistes et médecins hospitaliers.
Enfin, il me serait difficile de ne pas évoquer lors dassises organisées par la
fédération hospitalière de France lélaboration des schémas régionaux dorganisation
sanitaire, dont le but est précisément dobliger lensemble des personnes ou
institutions concernées à travailler en coordination organisée.
Comme vous le savez, l'exercice a été difficile et les résultats ne sont pas toujours
parfaits, mais la quasi totalité des schémas régionaux ont été désormais élaborés pour
les activités de soins de courte durée. Les soins de longue durée et les services de
suite et de réadaptation feront l'objet de volets complémentaires en cours
d'élaboration.
Les personnes âgées sont particulièrement intéressées à cette démarche, parce qu'elles
sont actuellement accueillies par plusieurs types d'établissements qui n'ont pas
encore développé entre eux toutes les complémentarités nécessaires.
Or la réflexion qui sera menée dans ce domaine ne pourra pas faire abstraction de
l'action sociale et médico-sociale. La loi de janvier 1994 permet aux établissements
de santé de créer des institutions médico-sociales, et je souhaite surtout que
l'approche adoptée pour ces volets complémentaires englobe toute la chaîne des
services offerts aux personnes âgées, en surmontant un cloisonnement stérile et source
de gaspillage.
- Mon troisième sujet concerne les moyens consacrés par la collectivité, ou plutôt les
collectivités publiques à la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.
J'ai dit que des progrès considérables avaient été réalisés. Ils sont dus à l'effort
de tous qui se traduit par un accroissement des dépenses sociales dans ce domaine.
Cependant, malgré cela, tout le monde convient que la situation présente n'est pas
satisfaisante et que beaucoup de personnes âgées ou leurs familles ont peine à faire
face lorsqu'elles doivent assumer les conséquences économiques de la dépendance.
D'où l'idée de créer une allocation-dépendance spécifique.
En dehors des aspects financiers, dont je ne conteste pas qu'ils ont pesé dans la
décision prise à ce sujet, j'ai mesuré l'étendue des difficultés techniques non encore
résolues dès que j'ai commencé à instruire ce dossier :
- en premier lieu, l'appréciation de la dépendance est aujourd'hui source
d'imprécisions et d'ambiguïtés. Il n'existe pas une grille d'évaluation commune,
reconnue et acceptée, mais au contraire plusieurs instruments dont les approches et
les finalités sont différentes. Or avant d'imposer à nos concitoyens les prélèvements
supplémentaires qu'entraînerait le financement d'une prestation sociale nouvelle, nous
avons le devoir de nous assurer que l'attribution de cette prestation repose sur des
critères indiscutables.
C'est pourquoi le premier objectif des expérimentations que j'ai évoquées précédemment
est la validation d'une grille nationale d'évaluation de la dépendance et d'une
procédure de mise en oeuvre de cette grille.
- en second lieu, ces expérimentations nous permettront de mieux maîtriser l'impact,
le coût et les transferts financiers de la création d'une prestation d'aide à la
dépendance. Les enjeux sont considérables pour les départements comme pour la Sécurité
sociale, et donc pour l'Etat. Toutes les estimations conduisent à des montants de
plusieurs milliards de francs, mais elle sont entachées d'incertitudes telles,
qu'elles nous feraient adopter des orientations sans être certains de leurs
conséquences financières, pour les institutions comme pour les personnes. Ce n'est pas
souhaitable. Au terme d'une année, nous aurons les éléments qui pourront fonder une
analyse économique dénuée d'imprécisions, dont les implications seront acceptées
d'autant plus facilement par toutes les parties prenantes.
Pour toutes ces raisons, la voie expérimentale s'est imposée. Sur la base du cahier
des charges national qui définit les objectifs poursuivis par l'expérimentation, des
conventions locales conclues entre les départements et les organismes de Sécurité
sociale préciseront les modalités concrètes de chaque expérimentation. Elles sont en
cours de signature et j'irai d'ailleurs moi-même participer aujourd'hui même, en fin
d'après-midi, à la signature de celle du département du Val d'Oise. Parallèlement à
ces expérimentations qui ne concernent que les personnes dépendantes restant à leur
domicile, une étude a pour objectif d'analyser l'état de dépendance, les coûts qui en
résultent et l'origine des financements dans les établissements hébergeant des
personnes âgées. Cette étude est aujourd'hui menée dans 19 établissements répartis
dans 6 départements, en liaison avec les représentants des grandes fédérations et
associations de gestionnaires. Elle a vocation à déboucher sur un mode rénové de
financement par l'assurance maladie des établissements, fondé sur l'état de dépendance
des personnes hébergées et non pas, comme aujourd'hui, sur leur appartenance au
secteur social, médico-social ou sanitaire.
Cette étude constitue le deuxième volet des travaux que nous menons dans ce domaine de
la dépendance des personnes âgées pour faire progresser la réflexion et préparer les
décisions de demain, et la mise en place d'une politique de prise en charge de la
dépendance mieux adaptée à nos besoins et dont la légitimité sera, grâce à ces travaux
préparatoires, incontestable.
Mais l'importance des besoins d'accompagnement liés à l'accroissement de l'état de
dépendance des personnes placées dans les établissements est telle que j'ai souhaité
que les efforts de médicalisation soient vigoureusement poursuivis, grâce aux
redéploiements rendus possibles par les restructurations sanitaires tout d'abord, à
une enveloppe spécifique ensuite.
En 1995, plus de 6 000 places nouvelles de sections de cure médicale et de services de
soins infirmiers seront ainsi financées. Il s'agit là d'un effort considérable pour un
domaine que le Gouvernement considère comme prioritaire.
- Je voudrais terminer mon propos par une réflexion sur la citoyenneté de la personne
âgée. J'ai constaté avec satisfaction que ce sujet figurait en bonne place dans vos
journées. J'ai parlé de financement, d'institutions et de modes d'organisation ou de
fonctionnement, dans des termes qui peuvent paraître techniques ou abstraits, et qui
sont pourtant inévitables. Mais je n'oublie pas, et nous ne devons pas oublier, la
réalité humaine, impérieuse et tellement indispensable, qui existe derrière ces
considérations. Pour la plupart d'entre vous, vous vivez cette réalité chaque jour,
vous en êtes les acteurs et vous êtes, à ce titre, les garants de son humanité. Vous
détenez, par vos fonctions, le pouvoir d'offrir à toutes ces personnes que leur
évolution fragilise, une attention dont l'importance est déterminante.
Le rôle des personnes âgées est fondamental dans notre société, Il le sera de plus en
plus avec les évolutions démographiques attendues. Il n'est plus rare de voir
désormais quatre générations coexister dans la même famille, et les personnes âgées
contribuent largement, dans une période de crise, à aider et à soutenir les
générations plus jeunes au sein de la cellule familiale. Leur citoyenneté s'affirme
dans leur volonté de participer activement à la vie de la Cité, et dans la
transmission de la mémoire qu'elles assurent.
"Lorsque l'altération des fonctions physiques ou mentales diminue la personne, celle-
ci doit pouvoir continuer à exercer ses droits, ses devoirs et sa liberté de citoyen.
Elle doit aussi garder sa place dans la cité, en contact avec des autres générations
dans le respect de leurs différences."
Ces deux dernières phrases sont extraites de la charte des droits et libertés de la
personne âgée dépendante, qui avait été largement diffusée en 1987 dans tous les
établissements recevant des personnes âgées, sur l'initiative d'Adrien ZELLER, alors
Secrétaire d'Etat chargé de la sécurité sociale.
Une nouvelle édition de ce document a été préparée par la Fondation Nationale de
Gérontologie.
J'adhère évidemment au message de ce document, à la foi dans l'homme qu'il véhicule et
à l'esprit de fraternité qui le parcourt et j'étudierai rapidement avec ses auteurs
les moyens d'assurer sa diffusion.
Voilà quelques réflexions que je voulais vous livrer, inspirées par votre programme et
vos journées. J'ai souhaité que les directions de mon ministère, et tout
particulièrement la Direction de l'Action Sociale, s'associent à vos travaux, de
manière à ce que l'état de nos actions vous soient exposé sous une forme plus
détaillée que je ne saurais le faire en quelques minutes d'intervention.
Notre société n'a pas totalement pris la mesure des évolutions que nous sommes en
train de vivre, du fait de la révolution démographique. L'apport des personnes âgées
est d'ores et déjà considérable. Il est encore trop souvent sous-évalué. Dans le même
temps, le rôle de ceux qui les assistent, dans des conditions souvent difficiles,
n'est pas non plus reconnu à sa juste valeur, même si les choses sont en train de
changer.
Je sais quelle est l'importance de votre engagement, quelle que soit la structure ou
l'organisme au sein duquel vous travaillez, parce que j'ai bien conscience que dans ce
secteur de l'action sociale et médico-sociale il n'est pas possible d'exercer son
métier en restant indifférent à sa dimension humaine, particulièrement lorsqu'il
s'agit des personnes âgées. En ma qualité de ministre des affaires sociales et au nom
du Gouvernement et des personnes âgées, je vous en remercie. Vos réflexions de ces
journées confortent l'action déjà menée pour améliorer la manière dont notre société
prend en compte ses aînés aujourd'hui et dont elle le fera demain, en leur offrant des
solutions respectueuses de leur dignité. C'est une exigence morale et intellectuelle à
laquelle nous ne pouvons échapper à l'orée du XXIème siècle.
* Séminaire Européen de Gériatrie 13 février 1995
Monsieur le Président,
Monsieur le représentant de la Commission,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de participer à ce séminaire consacré à la place de la gériatrie et
de la gérontologie dans la formation et l'exercice des médecins en Europe, que nous
avons souhaité dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne.
Nous illustrons ainsi, d'une manière concrète, la volonté de nos pays de réfléchir
ensemble afin de progresser au plus vite sur des sujets d'intérêt commun. C'est grâce
à des actions de cette nature que l'Union Européenne démontre la plus value qu'elle
apporte à chacun des Etats membres. Pour les personnes âgées, votre action s'inscrit
dans la continuité des réflexions et des actions entreprises depuis plusieurs années
au niveau européen. Elle en est le prolongement, dans ce domaine important de la
formation des médecins et plus particulièrement pour ce qui concerne, en l'espèce,
l'adaptation de l'exercice de la médecine à l'évolution démographique que connaît
l'Europe tout entière.
Les raisons d'une telle démarche sont évidentes. Le vieillissement de la population
concerne l'ensemble des pays européens, et dans ce domaine comme dans d'autres, notre
intérêt est de trouver des solutions communes, dont l'efficacité sera ainsi accrue.
Dès 1990, conformément au souhait du Parlement Européen, un premier programme en
faveur des personnes âgées a été adopté par le Conseil des ministres de la Communauté.
Il a eu pour objectif d'encourager entre les Etats membres les échanges d'information,
de réflexions et de connaissances sur le vieillissement, au moyen d'études, de
recherches, de conférences, de campagnes de sensibilisation, et grâce au financement
de projets novateurs.
Dans le cadre de ce programme, l'année 1993 a été déclarée "Année européenne des
personnes âgées et de la solidarité entre les générations". Il s'agissait surtout de
valoriser le rôle des retraités dans la société et de promouvoir la prévention et
l'amélioration du dispositif d'aides et de soins par des initiatives novatrices et des
manifestations de toutes sortes propres à mobiliser non seulement les décideurs et les
acteurs de cette politique mais les opinions publiques dans chacun de nos pays.
En France, comme dans les autres Etats membres, cette année 1993 a été riche de
réflexions, d'expériences et d'échanges multiples.
Elle a permis une prise de conscience de l'importance des relations entre les
générations et du rôle très actif des personnes âgées dans notre société.
J'ai eu l'occasion de mesurer et de souligner tous ces progrès lorsque je suis
intervenue pour clôturer cette année européenne, en octobre 1993, en souhaitant
qu'elle ne soit pas un feu de paille, mais qu'elle marque véritablement une étape dans
la façon dont nos sociétés européennes prennent en compte le phénomène du
vieillissement.
Je me félicite aujourd'hui de constater que c'est bien le cas et que tous nos pays
essayent de mettre en oeuvre les principes inscrits dans la déclaration du conseil de
l'Union Européenne élaborée en décembre 1993 à l'occasion de la clôture de l'année
européenne. Mais nous ne devons pas relâcher nos efforts dans ce domaine.
La Commission de Bruxelles élabore actuellement un nouveau programme consacré aux
personnes âgées qu'elle devrait arrêter dans le courant de ce mois. Il s'agira pour
l'essentiel de développer le rôle et le potentiel de la population retraitée active,
de renforcer la solidarité entre les générations et l'insertion des personnes âgées
menacées par l'isolement, et de promouvoir les meilleures pratiques en direction des
personnes âgées.
Je souhaite pour ma part que ces orientations fassent rapidement l'objet d'un examen
par les Etats membres, et que ce programme soit adopté par le Conseil européen sous la
présidence française. Cela confirmera l'importance que l'Union Européenne attache aux
personnes âgées et à la nécessité d'adapter nos sociétés au phénomène du
vieillissement de leurs populations.
Parmi les pratiques qu'il convient de promouvoir, figure la prévention des principales
maladies liées au vieillissement et la prise en charge des personnes dépendantes. Le
thème de votre séminaire est au coeur de ces deux préoccupations.
Le vieillissement de l'Europe inquiète. Cependant ce gain d'années de vie qui s'avère
être un gain de vie autonome est un prodigieux cadeau à l'humanité. Les études
conduites sur le vieillissement montrent en effet qu'on vit de plus en plus âgé parce
qu'on est malade plus tard et parce qu'on est dépendant plus tard.
Pour la première fois dans l'histoire des pays occidentaux, la mort ne frappe plus les
enfants, les femmes en couches, les hommes jeunes partis à la guerre. En France le
nombre de décès le plus élevé survient désormais à l'âge de 87 ans.
Cet allongement de la vie est dû au progrès de l'hygiène et du niveau de vie, mais
aussi aux progrès de la médecine préventive et curative qui ont fait reculer la
mortalité précoce. Si l'Europe est vieille, c'est qu'elle a commencé à vieillir la
première. Mais tous les autres continents vieillissent aussi, y compris les pays en
voie de développement, plus lentement certes, mais au fur et à mesure que les
conditions de vie s'y améliorent et se rapprochent de celles de nos sociétés
occidentales.
Le vieillissement de la population n'est pas un danger en soi, c'est un trop grand
déséquilibre entre les générations qui peut poser problème. Mais le danger serait de
ne pas tenir compte du vieillissement et de ne pas le prévoir. Toutes les études
démographiques convergent pour affirmer qu'une augmentation très importante du nombre
des personnes très âgées est prévisible dans les années à venir. C'est-à-dire de
celles qui ont le plus de maladies associées, le plus de déficiences, le plus de
fragilité, le plus grand risque de dépendance. Or la médecine de l'homme de plus de 80
ans est une spécialité à part entière, très différente à maints égards de la médecine
classique. Elle a des particularités que les médecins doivent connaître. La gériatrie
est devenue une discipline dont le développement doit naturellement s'imposer.
Dans cette perspective une meilleure approche des mécanismes du vieillissement et de
ses conséquences est indispensable aux progrès de la gériatrie. C'est pourquoi il
convient de favoriser la recherche fondamentale en gérontologie, qui se définit comme
la somme de connaissances et des recherches dans le domaine de la pathologie des
sujets âgés.
Les services de personnes âgées ne doivent plus être considérés comme seulement des
centres de soins, indispensables certes, mais aussi comme des lieux où l'observation
et la recherche permettront d'améliorer encore l'accueil et le confort des patients
qui y sont accueillis, ainsi que leur condition mentale et physique.
Le but est de mettre en oeuvre une prise en charge médicale, indissociable de la prise
en charge sociale, de façon suffisamment efficace et précoce afin d'éviter que les
personnes âgées ne perdent leur autonomie en cas de maladie ou d'accident.
Je ne peux imaginer l'indifférence au sort de ces personnes. Tout doit être fait pour
sensibiliser tous les professionnels de la santé à la nécessité d'une surveillance
attentive des personnes âgées. Les soins trop tardifs ou incomplets favorisent
l'entrée en dépendance. Les retards entraînent un accroissement des dépenses médicales
et des dépenses sociales. Ils créent de nouveaux exclus : ceux qui sont plongés dans
une dépendance non préparée, qu'elle ait été évitable, ou inéluctable..
Nous devons donc veiller à ce que, quel que soit son âge, chacun reçoive les soins
nécessités par son état. Mais on ne peut soigner sans disposer du savoir, des
structures et des hommes nécessaires.
C'est pourquoi les évolutions que nous devons conduire dans l'ensemble de nos pays
doivent porter en particulier sur la formation des médecins, aussi bien les
généralistes que les gériatres.
Tous les médecins ont à faire face aux maladies associées à l'âge et à la dépendance.
De plus en plus de pays en Europe se sont orientés vers une formation obligatoire dans
le corps des études médicales, c'est-à-dire pendant l'enseignement clinique des 3ème,
4ème et 5ème années. Cette tendance n'est probablement pas un hasard ; elle permet de
former tous les médecins. Cette formation ne doit pas être que théorique, et elle doit
être novatrice. Elle doit permettre de raisonner par stratégie diagnostique et
stratégie thérapeutique globales et non pas simplement de juxtaposer des diagnostics
et des traitements partiels. Plus que tout autre malade, le malade âgé est un
"malade", et non la victime d'une addition de maladies.
Mais le médecin qui est déjà en exercice doit aussi pouvoir bénéficier de cette
formation ; la gériatrie doit être dispensée dans des formations continues accessibles
au plus grand nombre possible de médecins et non à une minorité. C'est à partir des
formations continues s'adressant à des professionnels que naîtront les révolutions
pédagogiques. Et évidemment les formations à la gérontologie devront s'étendre à tous
les soignants, à leur encadrement, niais aussi aux responsables sociaux et
administratifs.
Les personnes âgées circulent et circuleront partout en Europe. Elles doivent pouvoir
rencontrer partout des médecins et des soignants formés à la gériatrie.
La formation devra aussi s'intéresser aux gériatres eux-mêmes. La plupart des pays
européens ont pris cette situation à bras le corps et ont développé des solutions.
Chaque pays a un système propre, différent de tous les autres. Ce foisonnement de
solutions peut cependant se regrouper en quelques grandes tendances. Une large
majorité de pays forment des gériatres spécialistes, que cette activité soit
exclusive, ou complémentaire d'une autre spécialité. Il est intéressant de remarquer
que ces spécialistes sont souvent d'exercice purement hospitalier ou institutionnel et
ne revendiquent pas le suivi au domicile.
De nombreux pays y joignent un deuxième diplôme donnant une qualification reconnue en
gériatrie à des généralistes.
La libre circulation des diplômés implique que nous puissions définir des niveaux de
diplômes communs.
Pour former spécifiquement ces gériatres et ces généralistes, il faut des enseignants.
Cet effort dans les recrutements doit porter sur les postes d'enseignants en
gériatrie.
Nos facultés devront le plus tôt possible se mobiliser pour orienter les jeunes les
plus brillants vers cette discipline d'avenir où tant de progrès des connaissances
restent à faire.
Mais l'effort en matière de formation des médecins ne sera pleinement satisfaisant que
s'il s'accompagne du renforcement d'une approche gériatrique dans les structures
hospitalières comme à l'extérieur de l'hôpital.
Beaucoup de structures hospitalières ont déjà fait preuve d'initiatives dans ce
domaine. Grâce à elles nous savons que beaucoup de "dépendances" sont évitables si la
personne est soignée en temps utile. Des centres d'évaluation ont été mis à la
disposition des malades ambulatoires adressés par leur médecin. Des unités d'accueil
aux urgences, des soins spécifiques en aigu, des unités de réadaptation sont venus
compléter les soins continus.
Autour des meilleurs centres de gérontologie, il est indispensable que naisse et
foisonne une recherche scientifique gérontologique encore trop fractionnée, afin que
se diffusent progressivement les meilleures solutions adoptées, à la fois pour que les
personnes âgées bénéficient d'une meilleure prise en charge médicale et pour que les
moyens mis à disposition par la collectivité soient utilisés de la façon la plus
efficace et, donc, la plus économe possible.
Enfin la gériatrie doit aussi s'exercer en dehors de l'hôpital. Au domicile, le soin
de la personne âgée doit rester l'affaire du généraliste. Pour cela, il faut donner à
celui-ci les moyens d'exercer cette responsabilité par une formation appropriée.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que m'inspirent notre réunion et
le thème de ce séminaire.
Nous avons la possibilité d'améliorer aujourd'hui ce qui sera la médecine de demain.
Chacun de nos pays a fait des expériences qui lui sont propres. Leur mise en route
dans un projet fort de développement de la gériatrie en Europe devrait placer l'Union
Européenne au premier plan des réalisations et de l'efficacité dans ce domaine qui la
concerne tout particulièrement ; nous sommes en Europe les plus vieux du monde, après
le Japon me dit-on.
Par l'action que vous menez en permanence, vous êtes les pionniers de cette nouvelle
orientation. Je sais que les propositions qui émaneront de vos groupes de travail
seront pratiques, efficaces, convergentes, réalisables. La gériatrie et la
gérontologie feront des progrès qui amélioreront le sort des personnes âgées dans
toute l'Europe. Elles seront peut être un modèle pour une Europe plus juste puisque
tous les anciens devront bénéficier de ces progrès à travers la solidarité
intergénération envers ceux qui ont souvent beaucoup travaillé et peiné tout au long
de leur vie.
Beaucoup estiment qu'une société est jugée sur la façon dont les personnes âgées y
sont considérées et traitées. Notre aptitude à répondre dans un esprit humaniste au
défi posé par le vieillissement sera, à mon sens, l'occasion de faire la preuve des
réalités des valeurs qui nous unissent.