Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur la création d'un fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer et sur l'aide à la diffusion en métropole des productions artistiques d'outre-mer, Paris le 29 juin 1999.

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Circonstance : Présentation du fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer, le 29 juin 1999

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
J'ai souhaité dès mon arrivée dans ces murs, faire de la mise en valeur de la richesse culturelle de l'outre-mer un axe fort de ma politique.
L'outre-mer souffre en effet de la double image caricaturale qui en est souvent donnée : les paysages de cartes postales d'un côté, l'assistanat de l'autre.
Je veux modifier cette image, montrer aux yeux des Français que l'outre-mer c'est aussi des écrivains qui contribuent au rayonnement international de la France, des musiques qui se sont répandues sur toute la planète (le groupe KASSAV qui a fêté il y a quinze jours son 20ème anniversaire a créé un courant musical aujourd'hui largement diffusé et reconnu au-delà de nos frontières).
Pour modifier cette image de l'outre-mer, j'ai souhaité que mon ministère participe à la définition et la mise en uvre de la politique culturelle du Gouvernement en faveur de l'outre-mer, conduite par Catherine TRAUTMANN, ministre de la culture et de la communication.
J'ai souhaité d'abord mobiliser en faveur du développement culturel de l'outre-mer, nos dispositifs de droit commun :
- en matière de soutien à l'emploi et à l'insertion professionnelle : le dispositif emploi-jeune, les aides à l'insertion gérées en partenariat avec les départements au sein des ADI.
Plus de 500 emplois-jeunes ont ainsi été créés par des associations ou des collectivités locales sur des projets culturels dans les 4 DOM, soit près de 10 % du nombre total d'emplois-jeunes créés dans ces départements.
- en matière de soutien à l'investissement.
Le FIDOM et le FIDES ont une vocation pluridisciplinaire et peuvent financer des projets culturels. La construction de l'Atrium à Fort de France, inauguré au mois d'octobre l'année dernière, a été ainsi financée pour partie sur le FIDOM.
- en matière de soutien à la formation professionnelle.
Nous avons mis en place en 1997 avec l'ANT un dispositif formation-mobilité des sportifs de haut niveau souhaitant poursuivre en métropole une formation professionnelle. 44 sportifs en ont bénéficié en 1997 et 78 en 1998.
Nous venons d'étendre ce dispositif aux professionnels de la culture. L'enjeu est évidemment très important puisqu'il s'agit de compléter l'offre de formation aux différents métiers des arts et de la culture proposée dans les départements d'outre-mer, en permettant à des professionnels, ou à des acteurs culturels en voie de professionnalisation de bénéficier d'une formation complémentaire en métropole.
2,5 MF seront consacrés pendant trois ans au financement de cette filière.
Greg GERMAIN a inclus dans sa dernière création, " le Balcon " de Jean GENET, 2 jeunes comédiens guadeloupéens en voie de professionnalisation. Leur participation aux répétitions du spectacle à Paris a ainsi pu être en partie financée au titre de la formation-mobilité.
Notre contribution à la politique culturelle du Gouvernement vise également à encourager les échanges artistiques et culturels entre outre-mer et métropole, entre les départements, collectivités et territoires d'outre-mer et les pays situés dans leur environnement régional (Caraïbes, Océan Indien, Pacifique Sud).
Les dispositifs de droit commun d'aide à la diffusion tel l'ONDA dans le secteur du spectacle vivant, se sont révélés insuffisants car ne prennent pas en compte les distances géographiques, l'isolement ou l'enclavement des départements, collectivités et territoires d'outre-mer.
C'est la raison pour laquelle j'ai signé le 31 mars dernier avec Catherine TRAUTMANN un protocole d'accord portant création d'un " fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer ".
Ce fonds financé à parité par les deux ministères a pour objectif de favoriser la circulation des uvres et des artistes et de développer les échanges artistiques et culturels entre l'outre-mer et la métropole, l'Europe et les pays situés dans leur environnement régional.
L'enjeu est double : économique, mais aussi artistique et culturel.
Economique, car l'ouverture vers l'extérieur, le développement des échanges permettront d'élargir le marché de la circulation des uvres et de contribuer ainsi à la professionnalisation des acteurs culturels.
Artistique et culturel, car c'est aussi de la confrontation avec les autres : d'autres publics, d'autres acteurs culturels, que se nourrit la création dans tous les domaines de la culture.
Ce fonds qui devra atteindre 6 MF cette année vient en appui de l'intervention des outils de droit commun mis en place par le ministère de la culture (par exemple l'ONDA ) et le ministère des affaires étrangères (AFAA, FIC) pour financer des actions de diffusion ou de coopération culturelle.
Une dizaine de projets ont d'ores et déjà bénéficié d'un soutien financier au titre du fonds.
Certains de ces projets s'inscrivent dans une dynamique d'échange avec la métropole, d'autres dans une perspective d'encouragement à la coopération régionale.
Parmi les projets qui visent à assurer une meilleure diffusion en métropole des productions artistiques d'outre-mer, je veux citer en particulier le Théâtre d'Outre-Mer en Avignon. Il s'agit d'une initiative de Greg GERMAIN. Déjà l'an passé, Greg GERMAIN et Marie-Pierre BOUSQUET ont fait de la Chapelle du Verbe Incarné en Avignon une vitrine théâtrale de l'outre-mer. Cette initiative est reprise cette année avec le soutien du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et du ministère de la culture et de la communication. On pourra voir dans ce lieu, outre les spectacles de Greg GERMAIN, " L'esclave et le Molosse " d'après le roman de Patrick CHAMOISEAU et " le Balcon " de Jean GENET, un spectacle venant de la Martinique " Opéra pour une mangrove rebelle " de Raphaël CONFIANT avec Ruddy SILAIRE et Laurent PHENIS, un spectacle d'une troupe de conteurs de Guadeloupe : " L'anniversaire de Zapata " et plusieurs spectacles de danse : " Idem " du néo-calédonien Thierry VERGES, " Les inachevées " du guadeloupéen Hubert PETIT-PHAR et " Vies d'ébène " de la guyanaise Norma CLAIRE.
La présence de certaines compagnies d'outre-mer en Avignon l'an passé leur a permis d'atteindre une notoriété internationale. C'est le cas de la compagnie réunionnaise Talipot. Le fonds que nous venons de mettre en place avec le ministère de la culture lui permettra d'être présent cette année au festival d'Edimbourg avec deux spectacles
" Les porteurs d'eau " présenté en Avignon l'an passé et leur nouvelle création : "Métoumé ".
Le fonds aura également permis de financer la participation de plusieurs groupes musicaux de Guadeloupe, Guyane et la Réunion au festival Musiques Métisses à Angoulême il y a un mois, ainsi que la tournée en métropole de plusieurs groupes de musique du fleuve Maroni en Guyane.
Cette dynamique d'échanges artistiques entre l'outre-mer et la métropole est également illustrée par le projet de Sophie LOUCACHEVSKY en Nouvelle-Calédonie.
Sophie LOUCACHEVSKY a présenté en novembre dernier au centre culturel Tjibaou sa dernière création " Jonas ", un spectacle sur la difficulté qu'on a à dire sa vie, inspiré du parcours de Jonas GWANQUIA, tromboniste - sud africain et figure incontournable de la lutte contre l'apartheid. De là est né avec des artistes kanak, le désir de travailler ensemble la question de l'identité de l'outre-mer par rapport à la métropole, au sein d'un atelier qui se réunira à Nouméa au mois de juillet. Le chantier s'ouvrira ensuite aux départements français d'Amérique et donnera lieu à une résidence en métropole des artistes sélectionnés et à une création au printemps 2000 au théâtre de Lorient.
Le retable " Eloge des Métissages " réalisé par Yan PEI-MING est actuellement exposé au Panthéon et cela jusqu'au 30 octobre 1999.
Constitué d'un triptyque dont les éléments réalisés à la Réunion, à Soweto et à Aubervilliers, représentent au total 63 enfants, il illustre les passerelles, les dynamiques d'échange qui naissent aujourd'hui entre l'Afrique du Sud, la Réunion et la France métropolitaine.
L'accueil de ce triptyque au Panthéon a été rendu possible grâce au financement apporté par le fonds.
Autre exemple d'échange avec la métropole financé sur le fonds : la résidence de la compagnie de danseurs hip-hop " Trafic de styles " à Saint-Denis de la Réunion à l'invitation du centre dramatique de l'océan Indien dirigé par Vincent COLIN. La compagnie implantée à Cergy avait rencontré des jeunes des quartiers de Saint-Denis, il y a quelques mois à l'occasion d'un spectacle donné pour l'ouverture du centre dramatique.
De cette première rencontre, est née l'idée d'inviter la compagnie pendant plus d'un mois à Saint-Denis. Cette résidence permettra aux danseurs de rassembler autour de leur pratique une centaine de jeunes dyonisiens en vue de réaliser une parade de rue à laquelle seront associés les musiciens de " Tempo Tiembo ".
D'autres projets financés grâce au fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer s'inscrivent dans une perspective d'encouragement à la coopération culturelle régionale.
C'est le cas de la Biennale de danse contemporaine en Caraïbe qui s'est déroulée en Martinique au mois d'avril à l'initiative de Fanny AUGUIAC, directrice de la Scène nationale.
Ce sera le cas de l'exposition itinérante d'art contemporain : " la route de l'art sur la route de l'esclave ", exposition itinérante d'art contemporain initiée par Régine CUZIN et qui après avoir été accueillie à la Martinique et à la Guadeloupe, devrait l'être à Cuba, en Guyane et au Venezuela.
Le fonds a également permis de financer la participation de musiciens de la Guadeloupe et de la Martinique au MIDEM Américain et Caribéen qui s'est tenu il y a quelques jours à Miami.
Je veux citer pour terminer cette évocation, dans un registre plus classique, la diffusion de l'exposition des uvres de l'artiste Ambroise VOLLARD du musée Léon DIERX de Saint-Denis de la Réunion, qui sera accueillie prochainement au musée d'Orsay et qui grâce au fonds tournera ensuite en Inde et en Afrique du Sud.
Je veux souligner en conclusion combien ces deux dynamiques d'échanges outre-mer/métropole et coopération régionale sont complémentaires.
Jusqu'il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, les relations entre métropole et collectivités d'outre-mer étaient conçues comme exclusives et reposaient sur une logique assimilationiste . Les lois de décentralisation au début des années 1980, mais aussi la reconnaissance par les gouvernements d'alors, de l'identité culturelle des départements, collectivités et territoires d'outre-mer ont mis un terme à cette conception héritée du colonialisme. La double appartenance des départements, collectivités et territoires d'outre-mer à la France et à l'Europe d'une part, à des environnements régionaux où des liens étroits, géographiques, historiques, culturels, linguistiques, les unissent aux autres pays est aujourd'hui considérée comme une chance.
Cette double appartenance est bien sûr un point d'appui au renforcement de l'influence française et européenne dans les zones considérées. Elle nourrit également le développement culturel de ces zones où les départements, collectivités et territoires d'outre-mer jouent un rôle majeur.
C'est aussi le sentiment de cette double appartenance que nous souhaitons nourrir en facilitant les échanges artistiques et culturels entre les départements, collectivités et territoires d'outre-mer et leur environnement régional, entre l'outre-mer et la métropole ou l'Europe.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 05 juillet 1999)