Interview de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'action et des comptes publics, avec France 2 le 23 mars 2018, sur la réforme de la Fonction publique.

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Média : France 2

Texte intégral


LAURENT BIGNOLAS
Vous recevez Olivier DUSSOPT ce matin.
JEFF WITENBERG
Absolument Olivier DUSSOPT, le secrétaire d'Etat. Auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, avec lui nous allons évoquer les manifestations d'hier, le malaise des fonctionnaires, mais pas seulement. Effectivement bonjour à vous bonjour Olivier DUSSOPT...
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
JEFF WITENBERG
Merci d'être avec nous ce matin. Avant d'évoquer ces questions une question précisément sur l'actualité, Nicolas SARKOZY a dit hier soir qu'il ferait triompher son honneur, qu'il est victime d'une l'ignominie - je le cite - est-il plausible que l'ancien président n'ait rien à se reprocher et qu'il y ait comme il le dit une sorte d'acharnement contre lui ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est à la justice de le dire, la justice fait son travail, enquête, investigue et a pris un certain nombre de décisions. Lorsqu'on est membre d'un gouvernement, lorsqu'on est parlementaire, on respecte la séparation des pouvoirs, on ne commente pas l'action des juges, on la respecte tout simplement.
JEFF WITENBERG
Vous n'avez pas de conviction sur cette affaire ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est au juge de le dire, c'est au juge de le dire et personne ne peut se substituer à lui.
JEFF WITENBERG
Je le disais entre 350 et 500.000 personnes selon les comptages ont défilé hier dans les rues pour dire non au projet du gouvernement, à la fois sur la SNCF et sur la réforme de la fonction publique, est-ce que vous allez tenir compte de cette mobilisation importante ?
OLIVIER DUSSOPT
Le gouvernement est à l'écoute et surtout le gouvernement est dans le dialogue, nous avons regardé avec attention la mobilisation, nous avons noté que le taux de grévistes dans les trois versions de la fonction publique était un peu inférieur à celui constaté en octobre 2017...
JEFF WITENBERG
Mais il y avait beaucoup de monde dans les rues, en revanche.
OLIVIER DUSSOPT
Il y avait du monde, il faut voir ce qui relève de revendications propres au secteur ferroviaire suivi par ma collègue Elisabeth BORNE, ce qui relève de la fonction publique, mais surtout nous sommes au travail et dès la semaine prochaine nous ouvrons les chantiers sur la modernisation de la fonction publique, sur l'amélioration des conditions de travail et nous le faisons pour l'année qui vient puisque nous prenons le temps de la discussion.
JEFF WITENBERG
Olivier DUSSOPT, vous dites-vous êtes au travail, mais ça veut dire quoi ? Vous n'allez faire aucune concession ou que vous allez, je le redis, tenir compte de ce malaise qui s'exprime - même si la grève n'a pas été massivement suivie ça ne veut pas dire que les fonctionnaires sont contents - est-ce que vous allez mettre un petit peu d'eau dans votre vin sur les différents projets du gouvernement que nous allons évoquer ?
OLIVIER DUSSOPT
Le malaise dans la fonction publique ne date d'il y a six mois, cela fait des années qu'on demande beaucoup d'efforts aux fonctionnaires, le point d'indice a été gelée de 2010 à 2016 et faiblement revalorisé...
JEFF WITENBERG
Vous avez l'intention d'y changer quelque chose sur le point d'indice précisément ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons un rendez-vous salarial qui a été fixé en octobre et j'ai pris la décision, avec l'accord du Premier ministre évidemment, de l'avancer au mois de juin pour voir quelles perspectives nous pouvons donner en termes de pouvoir d'achat, de conditions de travail. Mais le malaise est ancien, il se traduit aussi par un manque de confiance parfois des agents publics envers l'administration, envers la qualité - le sens même de leur mission - et les quatre chantiers que nous avons ouverts ont vocation à répondre à cela, c'est vraiment notre objectif de travailler avec les organisations syndicales et d'écouter aussi leurs propositions.
JEFF WITENBERG
Vous parlez une confiance dans leur propre mission, est-ce que vous songez que lorsque vous annoncez qu'à la fin du quinquennat d'Emmanuel MACRON il y aura 120.000 fonctionnaires de moins vous allez leur redonner confiance ? Est-ce que vous allez maintenir cet objectif ?
OLIVIER DUSSOPT
Il y a 5. 480.000 agents publics dans notre pays et effectivement le président de la République considère et s'est engagé à ce qu'à la fin du quinquennat il y en ait 120.000 de moins mais que la qualité du service public soit préservée, nous avons une vague de départs à la retraite - entre 120 et 150.000 par an - pendant les années qui viennent...
JEFF WITENBERG
Ça veut dire qu'il y a trop de fonctionnaires aujourd'hui, pour vous ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, il n'y a pas trop de fonctionnaires, parce que si on dit ça...
JEFF WITENBERG
S'il y en a 120.000 de moins dans quatre ans...
OLIVIER DUSSOPT
On s'en prend à des hommes et des femmes qui font très bien leur travail. Mais nous savons que nous avons aussi des réorganisations en cours, que nous avons une numérisation des services et il faut mettre à profit chaque opportunité, ne pas le faire avec une seule logique mathématique - ce n'est pas la RGPP, nous ne coupons pas dans les effectifs pour couper dans les effectifs - nous prenons le temps de la réflexion...
JEFF WITENBERG
A l'arrivée ce sera la même chose, sous Nicolas SARKOZY il y avait eu 150.000 fonctionnaires de moins, là 120.000, la différence n'est pas énorme ?
OLIVIER DUSSOPT
Les 150.000 étaient choisis de manière presque arbitraire ou mathématique, là nous prenons le temps de réfléchir sur les missions, sur les réorganisations et d'avancer tranquillement, sereinement, avec un objectif - une boussole - c'est la qualité du service public.
JEFF WITENBERG
Ce que vous reproche par exemple précisément les syndicats c'est de recourir le plus souvent, de plus en plus souvent plutôt, à des contractuels qui n'ont pas le statut de la fonction publique et, en même temps, vous dites : « on va maintenir le statut de la fonction publique », donc là on comprend très bien ce que vous voulez en l'occurrence ?
OLIVIER DUSSOPT
Savez-vous combien de contractuels il y a aujourd'hui dans la fonction publique ?
JEFF WITENBERG
Vous allez nous le dire !
OLIVIER DUSSOPT
Il y en a un million, il y a presque 20 % des agents publics qui sont des contractuels et qui font leur travail au quotidien, lorsque vous...
JEFF WITENBERG
Donc, c'est quelque chose qu'il faut accélérer ?
OLIVIER DUSSOPT
Lorsque vous allez dans une mairie, dans une préfecture, vous ne savez pas si la personne en face de vous est titulaire du statut de la fonction publique, contractuel, les contractuels ont les mêmes devoirs, les mêmes obligations - c'est prévu par la loi de...
JEFF WITENBERG
Sauf qu'ils n'ont pas de statut.
OLIVIER DUSSOPT
Ils n'ont pas le statut, statut que nous ne remettons pas en cause d'ailleurs, c'est la loi 83 - déclinée dans les lois 84 et de 86 - nous voulons l'adapter, le moderniser, mais nous ne le mettons pas en cause et les contractuels sont soumis...
JEFF WITENBERG
Il est juste donné moins souvent.
OLIVIER DUSSOPT
Ils sont soumis aux mêmes obligations. Ce que nous voulons, c'est permettre aux employeurs publics - aux élus, aux directeurs d'hôpitaux, aux directeurs de l'administration centrale - d'avoir une plus grande variété de choix dans le recrutement, de pouvoir recruter plus localement, de pouvoir aussi favoriser l'accès à la fonction publique aux uns et aux autres.
JEFF WITENBERG
Il y a un autre sujet qui fait débat, qui coince même un niveau des syndicats, c'est l'idée de la rémunération au mérite, pouvez-vous nous expliquer en quoi elle constituerait un progrès pour les fonctionnaires et pourquoi c'est un système que vous souhaitez développer ?
OLIVIER DUSSOPT
Avec l'individualisation de la rémunération nous voulons récompenser et dire, souligner, les efforts de celles et ceux qui font plus, qui font mieux, qui s'impliquent...
JEFF WITENBERG
Sous quels critères, l'absentéisme, des résultats ?
OLIVIER DUSSOPT
Les critères justement font l'objet d'une discussion avec les organisations syndicales, le mérite peut-être individuel, il peut-être collectif, il n'est pas défini de la même manière selon le métier que vous exercez, lorsque vous êtes enseignant, lorsque vous êtes infirmier ou infirmière, lorsque vous êtes affecté à des tâches plus statistiques évidemment que le mérite ne se définit pas de la même manière et mettons à profit, parce que je crois que c'est -pardonnez-moi mais c'est important - il y a un débat sur comment est-ce qu'on mesure l'engagement des uns et des autres dans leur travail au quotidien, ça doit être l'occasion d'un débat sur les missions du service public, ce qui n'a pas été fait depuis 20 ans.
JEFF WITENBERG
Il faut payer mieux tous les fonctionnaires ou il faut payer mieux certains fonctionnaires, finalement ?
OLIVIER DUSSOPT
Je crois qu'il faut savoir faire les deux, qu'il faut savoir travailler. Vous dites : « payer mieux tous les fonctionnaires », on a évoqué tout à l'heure le point d'indice, il y a d'autres éléments, par exemple...
JEFF WITENBERG
Que vous allez donc revaloriser ?
OLIVIER DUSSOPT
Que nous sommes en train de revaloriser et sur lesquels nous travaillons. Je prends un exemple qui s'applique à tous les fonctionnaires, aujourd'hui lorsque vous êtes fonctionnaire à Lyon, à Annonay – dans ma commune - à Cahors ou peu importe partout en France et que vous êtes amené à venir à Paris pour deux jours dans le cas de votre travail, vous avez un remboursement de vos frais d'hébergement de 60 euros, tout le monde convient que se loger à Paris pour 60 euros la nuit c'est compliqué, nous avons un groupe de travail qui va permettre de revaloriser cela...
JEFF WITENBERG
Donc, vous allez revaloriser ce genre de chose ?
OLIVIER DUSSOPT
De la même manière que nous allons ouvrir au deuxième semestre une discussion sur la protection sociale complémentaire.
JEFF WITENBERG
74 % des Français trouvent que la politique menée par Emmanuel MACRON est injuste, c'est un chiffre qui vous fait réfléchir quand même, qui vous fait douter - je rappelle que vous venez du Parti socialiste, vous êtes rentré au gouvernement il y a quelques mois - est-ce que l'homme de gauche qui sommeille ou qui existe toujours en vous j'imagine...
OLIVIER DUSSOPT
Qui existe toujours !
JEFF WITENBERG
Qui existe toujours, est inquiet de voir cet état des lieux ?
OLIVIER DUSSOPT
Absolument. Mais nous savons que le président de la République a fixé une trajectoire, cette trajectoire prend un peu de temps puisqu'il y a des mesures qui ont été prises en termes de redressement, en termes de relance, de modernisation tant de notre économie que notre système de protection sociale et il y a aussi des mesures pour le pouvoir d'achat qui vont prendre effet dans les mois qui viennent. Hier Gérald DARMANIN a signé le décret permettant la revalorisation du minimum vieillesse sur les trois ans qui viennent, ça sera 100 euros de plus par mois et...
JEFF WITENBERG
Donc un peu de patience, comme a dit le président il y a quelques jours ?
OLIVIER DUSSOPT
Donc, ça avance et ça avance bien.
JEFF WITENBERG
Merci beaucoup Olivier DUSSOPT...
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 mars 2018