Déclaration de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, sur la déclaration de Nice qui a reconnu la nécessité de préserver les valeurs du sport face aux dérives mercantiles et sur la lutte contre le dopage, Bruxelles le 18 septembre 2001.

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Circonstance : Xème Forum européen du sport à Bruxelles le 18 octobre 2001

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Président en exercice de l'Union Européenne,
Madame la Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations sportives,
Mesdames et Messieurs,
Presque un an après l'adoption par le Conseil européen de Nice de la déclaration reconnaissant aux activités sportives des caractères spécifiques, qui les distinguent des activités marchandes ordinaires, je crois qu'il est utile que Etats et mouvement sportif puissions ensemble tirer un premier bilan des évolutions qui en ont résultées.
Je tiens donc à remercier chaleureusement la Commission européenne, en particulier Madame Viviane REDING, ainsi que M. Bert ANCIAUX et la présidence belge, d'avoir pris l'initiative d'organiser ce Xème Forum Européen du Sport.
En adoptant la déclaration de Nice, au terme d'une longue discussion, les Etats ont voulu se donner, et donner au mouvement sportif, les moyens de se développer, de jouer son rôle social, d'épanouissement individuel et collectif, et de combattre un certain nombre de dérives.
Sans constituer un cadre juridique nouveau, la déclaration a constitué un signe fort et un encouragement, immédiatement suivi de premiers effets.
À la suite de cela, l'accord intervenu entre la FIFA et la Commission européenne a permis d'enregistrer des mesures allant vers la moralisation des transferts et la protection des jeunes mineurs.
Nous avons pu constater que les tentatives de remettre en cause, là où ils existent, les systèmes de vente centralisée des droits de télévision à des fins de solidarité et de redistribution, ont été sérieusement contrariées.
Mais au-delà de ces points précis, la déclaration a permis de promouvoir le rôle social du sport de faire respecter les formes d'organisation que s'est donné le mouvement sportif, de préserver son autonomie et en définitive de mettre le sport au centre de la construction européenne.
Je crois donc que nous avons eu raison, Ministres, représentants des Etats, d'avoir voulu, même en l'absence de compétences communautaires pour le sport, poser des jalons et élever certaines digues face à certaines dérives.
Au début il y a eu des inquiétudes : la déclaration n'allait-t-elle pas mettre le mouvement sportif sous tutelle ? au contraire nous avons appris à travailler dans la complémentarité, chacun respectant le rôle et les compétences de l'autre. Bien sûr le mouvement sportif doit respecter les lois et les directives, l'essentiel étant que ces lois et ces directives soient établies dans la concertation.
Puisque nous sommes ici dans une enceinte de dialogue, je veux d'abord m'adresser aux responsables des associations sportives. C'est à vous qu'il appartient, par le pouvoir que vous reconnaît la déclaration de Nice, de promouvoir un sport de plaisir, de combattre les dérives, de développer vos disciplines au sein de vos fédérations.
Vous avez le pouvoir de conserver entre les pratiques amateures et professionnelles les liens de solidarité indispensables.
Vous pouvez pour cela vous appuyer sur des milliers de clubs qui rassemblent chaque semaine des jeunes, des pratiquantes et pratiquants, des bénévoles, très attachés à leur sport et au sport, et prêts à se mobiliser pour leur développement.
Mais les institutions communautaires ont également une responsabilité, même si le sport n'entre pas dans leurs domaines de compétence. La Commission européenne, la cour européenne de justice notamment, doivent tenir compte de la déclaration de Nice lorsqu'elles instruisent des dossiers, à l'image des positions courageuses prises par Madame Reding sur plusieurs d'entre eux.
Aujourd'hui, on ne saurait tolérer que soient remis en cause, comme on peut le lire ici ou là, les systèmes de vente centralisée des droits à l'image lorsqu'ils existent, alors même que le Conseil européen de Nice a affirmé que de tels systèmes pouvaient être bénéfiques aux principes de solidarité.
Les Etats aussi ont leur part de responsabilité. Et je suis convaincue que la prochaine réunion des ministres, qu'organisera la Belgique le 12 novembre prochain, nous permettra, un an après la réunion de Paris, de reprendre l'initiative pour la lutte contre le dopage, pour la reconnaissance et le respect des spécificités sportives, comme pour la protection des jeunes.
Enfin, je sais que revient la question de la place qui pourrait être dévolue au sport dans le cadre de la réflexion préparant la Conférence intergouvernementale de 2004.
Faut-il inscrire le sport dans les traités ? Faut-il adopter un nouveau protocole ? Essayons d'abord de nous mettre d'accord sur les objectifs, de sorte que, comme l'a dit Sepp BLATTER le week-end dernier lors du congrès extraordinaire de l'UEFA, le sport obtienne " une place qui le protège et l'aide à se développer ".
Je souhaiterais, si vous le permettez, vous donner mon sentiment sur la question de la lutte contre le dopage, en plein accord avec les propositions qui viennent d'être faites.
Des progrès significatifs ont été accomplis au cours de ces trois dernières années. De la Conférence de Lausanne à la constitution de l'Agence Mondiale Antidopage, en passant par la détection de l'EPO, des moyens qui n'existaient pas auparavant, sont désormais consacrés à la détection du dopage, à la recherche, à la prévention.
Du même coup, la profondeur du problème, sa gravité au regard de la santé publique nous ont à tous sauté au visage.
La mobilisation conjointe dont nous avons fait preuve en son temps, au niveau de l'Union européenne, a joué un rôle essentiel pour obtenir ces avancées, et notamment dans la création d'une agence fonctionnant à parité avec les représentants des gouvernements et ceux du Comité International Olympique.
Il y a désormais un certain nombre de problèmes à résoudre qui tiennent à la nature très particulière de l'Agence - ni organisation intergouvernementale ni organisation totalement privée -, au fait que le mouvement sportif repose sur des structures associatives qu'il convient de préserver et que surtout il n'existe pas, à ce jour, de traité international par lequel les Etats s'obligent en matière de lutte contre le dopage.
La question du financement de l'AMA par les Etats, et singulièrement par l'Union européenne à travers une subvention de la Commission, se trouve ainsi objectivement confrontée à cette réalité.
Je crois pour ma part qu'il faut chercher, à surmonter ce problème, en préservant à l'AMA une représentation universelle, car tous les continents n'ont pas la même situation économique, ni sportive, en préservant les intérêts de l'Union Européenne, sans que cela ne constitue un préalable.
Je suis en revanche préoccupée par la définition des prérogatives qui sont celles de l'AMA. Les Etats et le mouvement sportif ont besoin de l'AMA pour harmoniser la liste des substances interdites et mettre en cohérence les procédures de contrôle. La question du recours aux justificatifs thérapeutiques doit y être traitée. Plus largement, c'est un véritable Code Universel Antidopage qui doit être élaboré. L'AMA y est engagée, et c'est bien.
L'AMA, qui sera l'an prochain présidée par les Etats, doit coordonner les contrôles, et vérifier sur le terrain que les procédures qu'elle aura érigées seront respectées.
Je suis bien consciente que l'AMA ne dispose pas aujourd'hui d'une telle compétence réglementaire et de surveillance dans le droit international. Un tel instrument juridique international doit être élaboré par les Etats.
J'espère de tout cur que la Table Ronde des Ministres des Sports, organisée par l'Unesco les 11 et 12 janvier prochains, permettra d'avancer dans cette voie de façon déterminante.
Mais sans attendre, on peut examiner les possibilités de mise en cohérence de la lutte pour la santé des sportifs et contre le dopage au sein même de l'Union Européenne. Cela contribuerait aux efforts de l'AMA. Je me félicite, à ce sujet, des propositions de Mme REDDING qui répondent à cet objectif.
Ne pourrions-nous pas examiner également la création d'une antenne de l'agence au niveau euroméditerranéen.
Cette proposition sera certainement évoquée lors du séminaire sur le dopage à Marrakech les 21 et 23 janvier prochains.
Mesdames et Messieurs,
Les Etats ont eu récemment l'occasion de manifester leur volonté de coordonner leurs efforts pour protéger les structures sportives et promouvoir les fonctions sociales et éducatives du sport.
Ces objectifs appellent à une mobilisation de tous les instants.
En ce qui me concerne, je suis déterminée à rester, dans le dialogue avec tous les acteurs du mouvement sportif, et aux côtés de mes collègues de l'Union européenne, mobilisée et attentive.
(source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 19 octobre 2001)