Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué à la santé, et Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur la lutte contre la drogue et la toxicomanie, répression du trafic de drogue par une meilleure coopération internationale, politique de soins et de prévention, information plus large aux jeunes et aux familles, Paris les 12 et 13 octobre 1994.

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Circonstance : Colloque international intitulé "Droits de l'homme, toxicomanie - Sida et déviances" organisé par l'association "SOS Drogue international" à l'UNESCO les 12 et 13 octobre 1994

Texte intégral

Allocutions de M. Philippe DOUSTE-BLAZY
et de Mme Simone VEIL
12 et 13 octobre 1994
(Colloque international : « Droits de l’homme toxicomanie – Sida et déviances » - Douste-Blazy – 12 octobre 1994)
Madame la Présidente.
Mesdames et Messieurs,
Il est sans doute peu de combats à mener, peu de défis à relever plus difficiles que celui qui nous rassemble
aujourd'hui pour ce colloque de S.O.S. Drogue international.
Je sais, nous savons, Madame, votre engagement ancien et continu dans la lutte contre la toxicomanie et dans la
prise en charge des toxicomanes. L'association que vous présidez et les nombreuses structures d'accueil qu'elle
anime sont pour nous tous un exemple de ce que peuvent produire un engagement et une générosité mis au service des
plus fragiles.
Cette rencontre, Madame la Présidente, je vous remercie profondément de l'avoir organisée car elle nous permet,
collectivement, d'approfondir notre réflexion sur la toxicomanie, et sur les toxicomanes.
Permettez au responsable politique, au Ministre de la Santé, au médecin et à l'homme d'exprimer devant vous ses
convictions, mais aussi ses doutes face à la question de la toxicomanie.
Ses doutes, car je crois que la toxicomanie fait partie de ces quelques grands problèmes de société qui interdisent
d'avoir des certitudes simples et définitives. Elle est matière à débat car elle renvoie, à mon sens, à une double
question :
- celle posée à chacun d'entre nous face à ses fragilités, à ses angoisses, et que certains pensent résoudre en
fuyant la réalité ou en adoptant volontairement des comportements à risque, quasi suicidaires.
- celle posée à la société qui doit, tout à la fois prévenir, prendre en charge, mais aussi réprimer, lorsque cela
est nécessaires.
Notre pays, comme la plupart de ses partenaires étrangers, a hésité et bien souvent varié dans les réponses
apportées à la toxicomanie, expérimentant tour à tour la répression et la prévention, la prise en charge médicale
et l'accompagnement social, une certaine forme de complicité ou une condamnation sans appel.
Permettez moi d'affirmer la conviction qu'aucune de ces réponses n'est suffisante en elle-même.
- La répression est vide de sens si elle ne s'accompagne pas d'une prévention active à l'égard des jeunes qui
recherchent dans la drogue une fuite devant leurs angoisses ; si elle ne s'accompagne pas d'une prise en charge
médicale et psychologique des toxicomanes.
- La prévention et la prise en charge n'ont guère plus de sens si rien n'est fait pour combattre le trafic et le
crime organisé.
- L'action d'un seul pays n'aurait guère d'efficacité si elle n'était complétée par une coopération vigoureuse
entre pays riches et pays pauvres pour combattre le trafic international et faciliter la reconversion des paysans
qui cultivent la cocaïne car ils voient dans cette culture de mort la seule voie pour survivre.
Notre action, pour être efficace, se doit d'être, tout à la fois, répressive et préventive, sociale et médicale,
nationale et internationale.
Nous ne partons pas de rien, loin de là. Et même nos hésitations passées, nos doutes sont, à mon sens, un atout
dans cette démarche car ils nous préviennent de toute tentation d'adopter des réponses univoques et nécessairement
partielles.
Notre premier atout dans la lutte contre la toxicomanie est, sans nul doute, la diversité et la richesse de notre
dispositif de prise en charge social et médicale de la toxicomanie.
Bien sûr, tout n'est pas parfait et nous avons parfois été trop lents à prendre certains virages essentiels. Je
pense notamment à celui des produits de substitution comme la méthadone. L'épidémie du SIDA nous y a contraints.
Nous y sommes parvenus. Et plus que l'effort financier que nous y avons consacré, ce qui m'a le plus impressionné
au cours des 18 derniers mois est la capacité d'initiative et de réponse de l'ensemble du corps social face à notre
volonté. à Mme VEIL et à moi-même, de créer, en moins d'un an, plus de 1500 places de méthadone.
L'énergie et la générosité qui ont su se mobiliser pour y parvenir sont le signe de la vitalité du monde médical et
associatif. Je ne doute pas qu'une telle mobilisation saura se manifester dans le monde hospitalier pour accueillir
et prendre en charge la volonté de sevrage des toxicomanes.
Notre second atout me parait être l'expérience acquise dans nos politiques de prévention et de communications.
Certes, là encore, tout est loin d'être parfait, et les associations de toxicomanes ou de malades du SIDA sont là
pour nous le rappeler, lorsqu'il le faut. Mais n'est-ce pas leur rôle que d'exercer leur vigilance constante sur
l'action de l’État ?
Nous n'avons, à l'inverse d'autres pays, jamais fait le choix d'une communication provocatrice. Cela nous fut
parfois reproché comme un signe de timidité, de peur de choquer. Je demeure convaincu de la justesse de ce parti
pris. Et je constate que les pays qui avaient choisi une stratégie plus brutale de communication y ont renoncé, non
sous la pression d'une "majorité morale" mais après avoir fait le constat de son inefficacité.
Ce n'est pas en montrant brutalement et crûment les dangers des conduites à risque qu'on prévient efficacement les
comportements toxicomaniaques qui, précisément, recherchent le danger et les risques.
Le troisième atout de notre politique de lutte contre la toxicomanie me paraît être la maturation progressive des
mentalités qu'a rendu nécessaire l'épidémie du SIDA. J'en ai parlé à propos de la méthadone. L'évolution est la
même en ce qui concerne la mise a disposition de seringues stériles : ce n'est pas la disponibilité de seringues
qui pousse les gens à se droguer, c'est la disponibilité des produits.
Plus encore, les programmes d'échange de seringues, les stéribox vendus en pharmacie sont autant un outil de
prévention du SIDA qu'un moyen pour les professionnels de santé, pour les intervenants en toxicomanie, de créer un
lien social avec le toxicomane afin que, lorsqu'il sera prêt à s'engager dans une démarche thérapeutique, il puisse
être pris en charge et accompagné.
Je ne saurais conclure mon propos sans mettre en avant ce qui me parait être notre atout principal dans la lutte
contre la toxicomanie ; c'est-à-dire vous même, le monde associatif.
Parfois, certains sont tentés de voir les associations qu'elles soient professionnalisées ou composées de
bénévoles, comme un simple relais de l'action de l'Etat. Je crois, pour ma part, qu'elles sont bien plus que cela.
Et ces deux journées que vous avez organisées sont là pour en témoigner : en invitant trois Ministres à s'exprimer
devant vous, vous agissez avant tout en partenaires exigeants du gouvernement, tout à la fois pour le critiquer,
l'inciter à faire d'avantage.
Je crois que le monde associatif, notamment quand il accueille en son sein d'anciens toxicomanes, est l'acteur
essentiel d'une politique active de prévention. Je suis, pour ma part, très impressionné, depuis 18 mois que
j'assume les fonctions de Ministre de la santé, de la maturité et du professionnalisme des associations
médicalisées. Ce sont des partenaires parfois difficiles car exigeants. Mais ils savent nous rappeler constamment
l'urgence et la nécessité de bouger.
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, la politique de lutte contre la toxicomanie doit constamment évoluer,
s'adapter aux réalités changeantes.
Elle ne saurait s'accommoder des idées toutes faites, ni des certitudes hâtives et définitives. Je suis convaincu
que ces deux journées de débats et d'échanges permettront de nourrir notre réflexion et d'imaginer des politiques
innovantes. Soyez-en. remerciés.
(Colloque SOS Drogue Internationale – Simone VEIL – 13 octobre 1994)
Mesdames et messieurs,
Vous vous êtes réunis aujourd'hui pour réfléchir sur l'un des sujets les plus complexes, les plus douloureux et les
plus graves parmi tous ceux dont j'ai à m'occuper comme ministre des affaires sociales et de la santé : celui de la
drogue.
Sujet grave, parce qu'il touche à l'homme. A l'homme inquiet de l'avenir, qui manque de repères, qui manque de
raisons de vivre, et qui sombre dans l'enfer de la dépendance. A l'homme qui va, à cause de la drogue, connaître
plus encore la désocialisation, la marginalité, l'exclusion. A l'homme qui va jouer avec sa vie, car on meurt
d'overdose, on meurt du Sida et des hépatites que trop de toxicomanes contractent encore, malgré toutes les
campagnes d'information que nous avons lancées.
Sujet grave car la drogue menace la cellule familiale qui est une des bases de notre société. Tous les témoignages
recueillis auprès des familles touchées par le fléau démontrent l'ampleur des ravages que provoque la toxicomanie
pour l'équilibre familial lorsqu'un des leurs est concerné. Les liens se fragilisent et parfois même se cassent :
la peur, l'angoisse, la culpabilité, la violence apparaissent. Par rapport aux parents et à la fratrie, l'enfant
qui est touché s'isole, il plonge dans la solitude qui le conduira à rechercher de plus en plus le contact avec les
autres toxicomanes. La scolarité se distant puis s'interrompt ; les fugues, les tentatives de suicide apparaissent.
Ce sont autant de signes d'appel d'un enfant qui perd pied, qui s'éloigne faute d'oser s'exprimer, qui est
terriblement seul.
Sujet grave, car la drogue est une menace pour notre équilibre social. La drogue et les trafics qu'elle engendre
remettent en cause le lien entre les études et les perspectives de promotion sociale, entre le travail et le
revenu, l'effort et la réussite personnelle. L'économie souterraine de la drogue ne cesse de prendre de
l'importance. Les services de police le savent bien, et les habitants en sont les témoins exaspérés.
Sujet grave enfin car la toxicomanie est un enjeu majeur de santé publique. Amoindris par leur intoxication, sujets
à de nombreuses maladies infectieuses, et notamment aux hépatites, les toxicomanes qui ont recours à des produits
injectés, sont devenus l'une des catégories les plus touchées par le Sida. 30% d'entre eux sont contaminés par le
virus du SIDA, 70% par les hépatites B et C. Il s'agit une source majeure de contamination pour la population
hétérosexuelle puisqu'on estime à 30% la proportion de Sida hétérosexuels contaminés par un partenaire toxicomane
ou ancien toxicomane.
Notre pays est durement touché. C'est pourquoi le Premier Ministre a réuni il y a un peu plus d'un an, le 21
septembre 1993, le Comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie qui ne s'était pas réuni
depuis 1986.
J'ai eu récemment l'occasion de faire le point sur l'action gouvernementale en matière de lutte contre la drogue et
la toxicomanie. Sans revenir sur l'état d'avancement de chacune des mesures, je souhaite vous préciser dans quel
esprit le gouvernement de mon pays travaille sur ce dossier.
Nous cherchons à agir avec rigueur et efficacité, en dégageant les moyens budgétaires nécessaires, en nous appuyant
sur les expériences réussies, en mettant effectivement en oeuvre ce que nous annonçons. Ainsi, les 30 mesures
annoncées il y a un an après la mise en place de l'actuel gouvernement ont-elles toutes été suivies d'actions, et
les objectifs que nous nous étions assignés ont-ils parfois même été dépassés. Dans le contexte budgétaire très
difficile que connaît la France, nous avons décidé pour 1995 une augmentation forte du budget consacré à la lutte
contre la toxicomanie : +20% au total, +28% pour le seul dispositif sanitaire, ce qui garantit que les intentions
sont effectivement suivies d'actions.
Par ailleurs, nous ne cherchons pas à écarter les débats sur un sujet terriblement complexe. C'est pourquoi nous
avons confié à une commission composée d'hommes et de femmes non spécialistes de ces questions, pour la plupart,
mais ouverts sur les problèmes de notre société, le soin de réfléchir aux adaptations éventuelles de la loi de
1970, qui définit pour l'heure le cadre de la législation sanitaire et pénale concernant la toxicomanie. Son
rapport sera rendu public avant la fin de l'année. Nous avons voulu, sur ce thème controversé un large débat
conduit dans la transparence. Aussi, selon une méthode dont il existe peu d'exemples en France, ses auditions ont
elles été en large partie télévisées.
Mais la réflexion ne doit pas être un prétexte pour ne rien faire. La philosophie de notre action est claire : il
faut à la fois
- durcir la répression envers les trafiquants,
- mieux prendre en charge les toxicomanes dans le dispositif sanitaire et tout faire pour qu'ils ne soient
contaminés ni par les hépatites ni par le Sida,
- développer la prévention.
Dans tous ces domaines, et c'est ce que je souhaiterais souligner ici, nous avons beaucoup à gagner en efficacité
par un renforcement du travail au niveau international, et notamment communautaire.
Prenons le domaine de la répression.
Durcir la répression envers les grands trafiquants, cela suppose de renforcer la coopération internationale, tant
il est vrai que le trafic des stupéfiants se joue des frontières et des barrières étatiques. Cela suppose également
de tirer les conséquences du fait que l'union européenne constitue, chaque jour davantage, le cadre adapté à une
action répressive efficace et coordonnée entre les douze.
Je citerai deux actions qui illustrent cette approche. Tout d'abord, la France apporte une contribution importantes
au plan européen de lutte contre la drogue en cours d'élaboration, plan qui exprimera clairement la volonté des
Etats de l'Union de se donner les moyens d'une lutte tous azimuts contre le trafic des stupéfiants.
Mais durcir la répression envers les petits trafiquants, cela peut supposer de renforcer la coopération
internationale. En effet, dans les zones frontalières la mise en place de nouvelles méthodes de travail montre son
efficacité. Ainsi, les services de Police et de Douanes français, belges et hollandais ont à deux reprises en mars
1994 et juin 1994 réalisé en coordination des opérations pour lutter contre "le tourisme de la drogue". Elles ont
abouti à de nombreux contrôles d'automobiles, des saisies de produits stupéfiants et des interpellations.
Autre exemple, la coopération internationale pour accroître la surveillance de l'outre-mer français, notamment dans
la zone "Antilles-Guyane" qui est particulièrement touchée par le trafic, a été intensifiée, notamment par de
meilleurs contrôles effectués dans l'île franco-hollandaise de Saint-Martin.
L'apport de la concertation avec les pays étrangers, nous pouvons bien sûr l'apprécier dans le domaine des soins.
Nous avons fait dans le domaine sanitaire et social, au cours des derniers mois, un effort que je qualifierais de
tout à fait exceptionnel, au sens propre du terme, un effort comme il n’y en a pas eu en France depuis au moins 20
ans.
Pour élargir la palette des solutions offertes aux toxicomanes, nous nous sommes largement inspirés des expériences
étrangères. C'est le cas, comme chacun le sait, pour la méthadone. Mais ce sont aussi des expériences étrangères,
en particulier portugaises ou belges, qui inspirent ceux qui aujourd'hui souhaitent un développement mesuré, en
France, des communautés thérapeutiques. Plus généralement, une très grande partie de la politique de prévention des
risques trouve ses sources d'inspiration dans des pays qui ont montré peut-être plus d'audace que la France, ou en
tout cas ont agi plus tôt, sur des sujets aussi difficiles que la distribution de seringues ou la prescription de
produits de substitution.
Dernier point sur lequel nous avons à apprendre des autres, en tout particulièrement des pays européens : la
prévention. Je voudrais, à la veille de la Première journée nationale de lutte contre les toxicomanies, et de la
Semaine Européenne de lutte contre les toxicomanies, vous présenter quelques réflexions sur ce délicat sujet.
Il s'agit d'un sujet sur lequel il n'y pas, loin s'en faut, de consensus facile. J'évoquerai donc quelques pistes
sur lesquelles nous travaillons et qui devraient pourtant recueillir l'accord de tous, parents, enseignants,
travailleurs sociaux, élus locaux, policiers ou gendarmes.
Ce que nous voulons éviter, c'est que les jeunes, nos jeunes, consomment des produits dangereux, dangereux pour
leur santé et pour leur vie sociale ; éviter bien-sûr qu'ils consomment des produits aussi évidemment dangereux que
l'héroïne ; mais éviter aussi qu'ils s'engagent dans une consommation abusive et massive de produits apparemment
moins dangereux, qui entraînent pourtant des phénomènes analogues de dépendance et de désocialisation.
Pourquoi donc un jeune commence-t-il à boire de façon excessive au point de perdre le contrôle de lui-même ? à se
droguer avec un cocktail de bière et de médicaments ? à se piquer à l'héroïne ?
Ce que tous les experts nous disent, c'est qu'en règle générale, ces jeunes tentés par la drogue, je devrais dire
tentés par la consommation de ces produits qui leur font perdre la conscience et le contrôle d'eux-mêmes, sont
aussi très souvent sujets à des dépressions, aussi parfois tentés par le suicide, enclins à prendre tous les
risques notamment au volant. Il s'agit de jeunes fragilisés, "mal dans leur peau", mal dans leur relations aux
adultes, mal dans leur école et dans leur ville.
Mais comme ministre de la ville, je dois souligner à quel point la situation se complique dans les quartiers
difficiles où le taux de chômage est exceptionnellement fort et où la jeunesse est nombreuse et inquiète pour son
avenir. L'accumulation de difficultés, le décalage culturel entre générations, l'absence d'emploi, l'insuffisance
de certains services publics, le manque de locaux et d'activités à la disposition des jeunes, la délinquance, tous
ces éléments contribuent à rendre la présence de drogue plus fréquente, et le nombre des toxicomanes plus
importants.
Alors, que faut-il faire ? par où prendre un problème aussi complexe ?
Il faut informer les parents.
C'est mon premier objectif. Informer les parents pour qu'ils mettent tout en oeuvre pour que leur enfant se sente,
depuis ses premières années, bien dans son corps et dans son environnement. Informer également les parents pour
qu'ils soient attentifs. Même si la plupart des enfants échapperont à ce terrible engrenage, il faut apprendre aux
parents à être attentifs aux signes de mal-être, aux preuves de consommation occasionnelle de cannabis ou aux accès
d'alcool. Il est bon, en cas de doutes, qu'ils en parlent à leur médecin. Sans affolement, sans tabou, et sans
panique. Ils peuvent aussi appeler Drogue Info Service ou encore demander conseil aux centres de soins situés à
proximité de chez eux.
Au-delà des parents, il faut aussi informer et sensibiliser les élus et tous les responsables au plan local.
Ils ont les moyens d'agir ; ils peuvent multiplier les structures permettant aux jeunes de trouver un équilibre
dans le sport, dans les loisirs, dans la vie associative. Ils ont les moyens de lutter contre les diverses formes
de l'exclusion sociale et urbaine ; c'est précisément un des objets de la politique de la ville dont j'ai la
responsabilité.
Je n'en donnerai deux exemples : l'action des comités communaux de prévention de la délinquance, pour la prévention
des toxicomanies ; la mise en place des réseaux de santé de proximité qui permet l'accès aux soins des plus
défavorisés. Des moyens non négligeables sont disponibles à cet effet qui s'élèvent à près d'une centaine de
millions de francs au seul titre du budget de l'Etat.
Mais il faut aussi informer les jeunes.
Les informer de façon claire et précise, les informer sans déformer, en simplifiant les messages, les informer dans
le dialogue et la confiance. La Confiance, c'est ce que nous avons de plus précieux pour prévenir les adolescents
des dangers de la drogue. Ne la détruisons pas par des messages trop sommaires qui ne seraient pas crédibles.
Ne leur expliquons pas qu'il est aussi dangereux et dramatique de fumer une cigarette de cannabis de temps en temps
que de vivre avec l'héroïne nuit et jour. Mais expliquons leur les dangers encourus, les risques de
désocialisation. Expliquons leur surtout qu'ils seront beaucoup plus forts sans drogue, que leur force et leur
avenir sont ailleurs. L'école, les associations sportives, les grands frères ont un rôle fondamental dans la
diffusion de ces messages.
Prenons garde à ne pas fasciner les plus fragiles de nos adolescents, ceux précisément qui peuvent non seulement
être tentés par une consommation occasionnelle de produits toxiques, mais rapidement devenir dépendants et
organiser leur vie autour du produit, loin de la société. Prenons garde de ne pas les fasciner par des images de
mort et de désespoir. Des pays étrangers sont allés plus loin que nous dans cette voie de la prévention par la peur
et par l'angoisse de la mort. Ils sont tous revenus vers une prévention que je qualifierais de plus douce, qui fait
une large place à un travail éducatif, qui insiste sur tout ce qui est de nature à consolider l'équilibre d-un
jeune, à lui permettre d'affirmer sa personnalité.
La drogue est au centre des préoccupations des parents et des jeunes. Je m'en rends compte à chacun de mes
déplacements sur le terrain, mais c'est un sujet qu'ils ont du mal à aborder. Les parents ont tendance à renvoyer
la responsabilité sur les collèges et les lycées, et les jeunes à considérer que la drogue est un problème
individuel et psychologique, avant d'être un problème collectif. Il est donc nécessaire de briser le cercle vicieux
des comportements, de briser le mur du silence qui se crée autour de la drogue.
Je voudrais conclure en évoquant brièvement la campagne de mobilisation qui est organisée pour les jours qui
viennent. "Contre la drogue, on n'est jamais trop", tel est le slogan fédérateur de toutes les initiatives qui
seront prises au cours des dix prochain jours en matière de prévention.
Plus de 90 villes, soit les trois quarts des villes de plus de 50 000 habitants contactées, mettront en place des
points d'information et de dialogue sur la drogue le 15 octobre prochain, c'est-à-dire après-demain, et relaieront
les campagnes d'information. Plus de 80 débats, colloques, manifestations sportives et culturelles vont avoir lieu,
partout en France. Des radios écoutées par les jeunes ouvrent spécialement leurs antennes pour la journée et la
semaine. FRANCE 2 consacre une partie de ses programme pendant la semaine européenne au thème de la drogue, a déjà
réalisé une mission spéciale et diffuse un spot d'information. Les grands établissements publics comme la Poste ou
la RATP mobilisent leur réseau.
C'est parce que vous êtes convaincus et conscients de la gravité dramatique de ce fléau, pour la société comme pour
les jeunes concernés que vous vous êtes tous mobilisés pour ce combat autour de votre présidente, mon amie de
longue date, qui a mis sa notoriété et son dynamisme au service de cette cause.
A toutes et à tous, je dis ma reconnaissance pour votre action.
Reprenant le slogan de la campagne d'information, je vous dirai pour conclure : Contre la drogue, on est jamais trop nombreux, trop informé ou trop solidaires !