Déclaration de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur les responsabilités des collectivites locales en matière d'énergie et de mobilité urbaine, Dunkerque le 18 octobre 2001.

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Circonstance : Troisièmes assises de l'énergie à Dunkerque (Nord) le 18 octobre 2001

Texte intégral


Je remercie les organisateurs de m'avoir invité à ces troisièmes assises de l'énergie. Elles sont focalisées cette année sur les responsabilités des collectivités locales en matière d'énergie et de mobilité urbaine. Le rapprochement de ces thèmes renvoie évidemment à un autre rapprochement, celui de mes responsabilités en matière d'environnement et en matière d'aménagement du territoire.
En parlant de mobilité urbaine, plutôt que, par exemple, de transports urbains, les organisateurs ont mis en avant une préoccupation à laquelle je souscris entièrement. Approcher les questions d'énergie, de transport et d'urbanisation en partant d'une analyse du besoin à satisfaire me paraît en effet essentiel. Pour évidente qu'elle puisse paraître cette approche n'a pas toujours été retenue.
(Le constat aujourd'hui; Évolution des préoccupations sur l'énergie)
En matière d'énergie, les dernières décennies ont conduit à faire face successivement à plusieurs difficultés. Après guerre, il fallait sortir de pénuries multiples en matière de carburants et d'équipements et assurer à tous la satisfaction de besoins comme le chauffage et le transport. La crise de Suez a, la première, fait émerger la nécessité d'une sécurisation des approvisionnements. Les choc pétroliers de 1973 et 1979, ont actualisé cet impératif et mis en lumière le besoin d'une action forte sur l'efficacité énergétique. La montée des inquiétudes sur la qualité de l'air en milieu urbain est intervenue ensuite, et a motivé des actions de plus en plus strictes sur les émissions. La question de la "pollution", comme on l'appelait, a pris depuis une dimension nouvelle, dans l'espace, dans le temps et quant à l'ampleur des effets. En effet, le lien entre les activités humaines, et plus particulièrement celles liées à la combustion de ressources fossiles, et le changement climatique a enfin été reconnu.
Je ne veux pas laisser croire que ces préoccupations se sont simplement succédées. J'insiste au contraire sur le fait qu'elles sont toujours actuelles. Les difficultés d'accès à l'énergie et aux transport ne renvoient pas seulement aux images en noir et blanc des actualités de l'âpres guerre. Aujourd'hui, un citoyen du monde sur trois ne bénéficie pas d'un accès suffisant à des services énergétiques.
Dans notre pays, le budget transport peut peser d'un poids dramatique au sein d'un ménage qui habite la périphérie d'un espace urbain étendu. Le gisement de ce que l'on appelait les "économies d'énergie' n'est pas tari, tant s'en faut. Quant à la permanence des autres préoccupations, elle est suffisamment patente pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en fournir des exemples.
La maîtrise de l'énergie a fait l'objet d'une relance en 1998. Cette notion, plus précisément celle de maîtrise de l'énergie dans une perspective de développement durable permet d'appréhender globalement ces préoccupations.
(Le constat aujourd'hui ; nuisances des transports)
Sur ces plan, de nombreux défis sont à relever dans le secteur des transports. Tandis que la part du pétrole dans l'approvisionnement énergétique du pays passait de 57% à 37% entre 1973 et 2000, la consommation de pétrole dans les transports augmentait de 70%. Le transport absorbe désormais les deux tiers du pétrole importé et en dépend très largement. Le secteur des transports est à l'origine d'atteintes avérées et maintenant documentées à l'environnement, en matière de pollution de l'air, de bruit, de risques pour les usagers, et d'effet de serre. Ainsi, la moitié des plaintes contre le bruit reçue par mon ministère provient des activités de transport. En ce qui concerne des polluants comme le monoxyde de carbone et les composés organiques volatiles, la part du secteur routier a cru sans cesse jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix. La croissance absolue et relative n'est pas stoppée pour le C02. Ce secteur représente près du tiers des émissions nettes et les scénarios "tendanciels" font croître encore cette proportion. Le transport urbain y contribue pour moitié. Le secteur transport est à la fois celui où les efforts publics de maîtrise de l'énergie ont été les plus faibles par le passé et celui qui présente le plus d'enjeux à long terme.
(Le constat aujourd'hui; Dérives du développement urbain)
Le développement urbain est porteur d'autres défis, parfois étroitement liés à ceux du transport. Un étalement géographique non maîtrisé conduit à des déséquilibres sociaux : ségrégation spatiale, logements dégradés, friches urbaines, violences. Il ne permet plus le développement d'une mobilité urbaine satisfaisante. II pèse sur le coût de fonctionnement de l'agglomération. Ne pas maîtriser le développement urbain conduit simultanément à accroître les impacts sur les milieux air, eau, bruit, espace et à pénaliser les ménages modestes et à augmenter le coût social de cette dispersion urbaine en termes de santé publique et d'accidents, Tous ces phénomènes sont étroitement imbriqués : la ville contemporaine est un système complexe à interférences multiples (habitat, emplois, transports, services et loisirs). Cela procède généralement d'une dérive sur des temps longs et sur de grands territoires, mais c'est la crise qui vient alors révéler les dysfonctionnements: crise dramatique comme la catastrophe de Toulouse; crise de violence urbaine dans certains quartiers. D'une façon qui me paraît révélatrice, les matériels et, parfois même hélas, le personnel des transports en commun sont visés. Une ville non durable est donc triplement perdante: du point de vue de l'environnement, de l'équité sociale et du développement économique.
(La construction législative d'un cadre d'action)
Je pourrais encore longuement décrire la complexité de ces questions, et l'ampleur de leurs implications pour l'environnement et le territoire. Je voudrais juste encore mentionner que les inerties associées à l'évolution des infrastructures et moyens de transport, à l'organisation du tissu urbain et économique, et aussi les mentalités des usagers constituent autant d'obstacles supplémentaires à surmonter.
Pour résoudre ces difficultés, il faut traiter simultanément les trois composantes du problème ; la maîtrise de l'énergie, la mobilité, et l'aménagement des territoires. J'estime que c'est en se plaçant dans une optique de développement durable, et seulement en se plaçant dans cette optique que l'on peut travailler efficacement sur ces trois perspectives à la fois. Je rappelle ici la conception du développement durable que j'applique: permettre de satisfaire les besoins des populations, en commençant par les plus défavorisées, tout en garantissant le droit aux générations futures d'assurer la satisfaction de leurs besoins.
Le cadre législatif permet maintenant aux collectivités locales sous leurs formes les plus diverses, et surtout les mieux adaptées aux questions à traiter, de s'impliquer dans leur développement. Il a fait l'objet d'un investissement très important de la part de ce gouvernement, puisque trois lois majeures ont vu le jour en six mois, renouvelant profondément la logique d'action au niveau des territoires.
La Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable (LOADDT) du Territoire de Juin 1999 donne aux agglomérations un rôle actif dans leur devenir sur la base de la formule "un territoire un projet un contrat". La loi de renforcement et de simplification de la coopération intercommunale, de Juillet 1999, définit un mode d'organisation adapté au phénomène urbain pour les collectivités, en y associant une sécurité financière et juridique renforcée.
La Loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) de Décembre 2000, enfin, propose des instruments de planification nouveaux ou fortement rénovés pour mettre en oeuvre les projets. La loi y associe des principes à respecter : limitation de l'extension urbaine, renouvellement urbain, mixité urbaine et sociale, limitation des déplacements. Elle renforce le rôle d'outils existants, en particulier des Plans de Déplacement Urbains, rendus obligatoires par la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie (loi LAURE) du 30 décembre 1996.
Deux éléments nouveaux sont à souligner dans la loi LOADDT. D'abord la nouvelle loi d'orientation donne à la ville, à l'urbain, aux communautés, aux agglomérations, la place qui leur revient dans la dynamique du territoire, comme moteurs du développement économique et de la solidarité spatiale. D'objet à aménager, l'agglomération devient acteur de son développement. Ensuite la loi instaure le développement durable comme mode de développement, en demandant l'anticipation des impacts des projets sur l'emploi, l'intégration sociale, la solidarité intercommunale, la consommation d'espace, la rationalisation des dépenses, la concertation, ou l'environnement.
(La mise eu uvre des outils)
La construction législative a abouti à identifier les acteurs des territoires, à leur offrir la possibilité de construire des projets et à mettre à leur disposition des outils d'application efficaces et mis en cohérence avec l'action de l'Etat. Elle fournit aussi, avec le développement durable, une perspective d'action. La mise en place de ce cadre n'a pas constitué le seul volet de l'action et de la réflexion du gouvernement ces dernières années. Je veux en citer quelques exemples. Ils appartiennent à des domaines assez hétérogènes car l'action publique doit être présente dans des champs très variés. C'es d'ailleurs pour organiser cette complexité que j'ai déjà signalé qu'a été effectué l'important effort que je viens de décrire.
(La mise en uvre des outils : Évolution des normes et des techniques)
L'évolution des technologies et des normes est un premier moyen d'action. Ainsi les directives européennes de 1997 connues sous le nom d"'Auto-Oil", ont amené une réduction d'un tiers des émissions toxiques des véhicules neufs vendus à partir de 2001. Les véhicules neufs vendus en 2006 pollueront deux fois moins que ceux de 2000. De même, les spécifications des carburants sont durcie, ce qui aura un effet, immédiat celui-là, sur l'ensemble du parc. Dans cet esprit, les programmes de recherche du Prédit, impliquant souvent les constructeurs automobiles nationaux, doivent être fortement réorientés en direction des économies d'énergie dans les véhicules et de la réduction de la pollution atmosphérique.
(La mise en uvre des outils : Action sur les mentalités)
L'évolution des mentalités en matière de déplacements urbains est une des clés du futur. Elle requiert des actions marquantes. J'ai récemment encore soutenu la journée "en ville sans ma voiture". Près d'un millier de villes dans le monde y ont participé, et j'ai fait partie des 100 millions de citadins qui ont pu repenser leur mobilité au quotidien à cette occasion. L'efficacité de cette approche est maintenant reconnue. Nous l'avions toujours soutenu. C'est maintenant la majorité des citadins (59% selon l'enquête de 2001) qui reconnaît l'efficacité de cette approche. L'évolution des mentalités passe aussi par un travail de sensibilisation à long terme, pour lequel l'implication des acteurs locaux est cruciale. La mise eut place de Point Info Energie décidée en décembre dernier constitue une innovation originale puisque y sont associées des associations investies dans le conseil aux consommateurs, la promotion des énergies renouvelables ou l'information sur le logement, les collectivités locales et l'ADEME.
(La mise en uvre des outils: Plans et programmes)
La définition des stratégies et des moyens est un autre axe de travail. J'ai insisté dans le rapport que j'ai remis au premier ministre sur les efforts à faire pour améliorer l'Efficacité Energétique dans le domaine des transports. J'ai aussi insisté sur la nécessité de mieux exploiter l'outil que constitue le Plan de Déplacement Urbain. Ces deux points ne sont pas de ceux sur lesquels j'ai eu à faire preuve de créativité, tant la nécessité de ces actions est admise. Je m'attache en revanche maintenant à veille à leur bonne réalisation, ce qui requiert un effort autrement plus important. Le Plan National de Lutte contre le Changement Climatique a fixé des orientations. Il comporte un volet transport conséquent, cause de la part importante dans les émissions de gaz à effet de serre. Part qui, sans les mesures nouvelles évoquées dans le PNLCC, alimenterait l'essentiel de la croissance des émissions de carbon entre 1990 et 2010. Les mesures concernent les sous-secteurs des transports routiers de marchandise et des transports collectifs urbains, outil de base de la mobilité urbaine.
Le Programme National d'Amélioration de l'Efficacité Energétique, adopté par le Gouvernement fin 2000 traduit en termes opérationnels le PNLCC, en cohérence avec les schémas de Services Collectif de Transport. Il fixe trois objectifs dans le secteur des transports : Développer les transports collectifs urbains et l'utilisation des modes de transport propres, Développer le fret ferroviaire en vue du doublement du trafic, Encourager à l'achat de véhicules propres. Bien entendu, la relance et le soutier direct aux Plans de Déplacements Urbains en font partie.
Les soutiens associés au PNAEE sont financés par le Ministère de l'Equipement, du Logement et des Transports (MELT) et I'ADEME. Parmi ceux-ci, les aides aux véhicules alternatifs ont été accrues. Elles visent essentiellement à l'utilisation du GNV pour les bus urbains et les bennes à ordures ménagères, l'acquisition de véhicules électriques par les particuliers et les collectivités locales, l' acha de scooters électriques, et le passage des flottes de taxis au GPL. En effet, si on assiste au décollage des commandes de bus au GNV (subventionnées à 50.000 F par bus), la diffusion des véhicules électriques marque encore le pas, compte tenu de la faiblesse de leur autonomie par rapport à leur prix. L'aide de l'Ademe porte aussi sur l'élaboration du volet "énergie et environnement" des Plans d Déplacements Urbains. Dans le même esprit, l' ADEME soutient des d'études diverses comme les plans de déplacement dans une entreprise ou l'amélioration de l'organisation de la desserte des marchandises en ville. Ces soutiens sont importants, et la circulaire régissant .les aides du Ministère de l'Équipement, du Logement et des Transports aux collectivités locales ayant adopté un PDU en élargit le bénéfice au-delà du seul financement des infrastructures de transport collectif.
(La mise en uvre des outils: Nouvelles procédures et procédures revitalisées)
J'ai déjà évoqué à plusieurs reprises le Plan de Déplacement Urbain. Il reste un élément clé de la maîtrise de la mobilité. La loi LAURE prévoit leur mise en uvre pour les villes de plus de 100 000 habitants, afin de limiter la circulation automobile et développer les transports collectifs et les transports peu polluants, en prenant en compte les objectifs de qualité de l'air. La moitié d'entre eux sont approuvés, malgré l'échéance du 30 juin 2000 fixée par la loi. Leur succès et leurs limitations sont identifiées. Il faut maintenant les mettre en uvre.
Les nouvelles dispositions législatives devraient dynamiser les PDU, par exemple grâce à leur articulation avec les SCOT (Schémas de Cohérence Territoriale). Elles font en effet évoluer des outil de programmation et de planification existants en même temps qu'elles en créent de nouveaux. Ainsi une quatrième génération de Contrats de Plan Etat Région s'est mise en place pour la période 20002006. A partir de 2003, date de l'évaluation de ces instruments, ils vont pouvoir intégrer au niveau régional les orientations des Schémas de Services Collectifs de la LOALDT approuvés par le Comité Interministériel de l'aménagement et du Développement du Territoire (CIADT) du 9 Juillet 2001. Deux de ces Schémas, celui sur l'énergie et celui sur les transports, portent directement sur le sujet qi nous intéresse aujourd'hui. Je rappelle que les Contrats de .Plan Etat Région comportent maintenant
un volet territorial qui va servir de cadre aux contrats d'agglomération et de pays. Avec le Premier Ministre, nous avons exprimé notre intérêt pour les territoires en demandant qu'à terme, le quart du contrat de Plan Etat Région y soit consacré.
(Conclusion : maîtrise du développement urbain et inter communalité)
Je me suis inscrit ici dans un schéma qui permet de concevoir le développement des territoires, en partant du projet dont sont porteurs les acteurs que peuvent constituer les communautés, dans, une perspective de développement durable. La démarche implique, je dois y revenir maintenant, l'ensemble des acteurs partie prenante. C'est un principe de démocratisation de la décision que nous avons toujours soutenu. Ce schéma permet de penser l'intégration des composantes du développement. Il s'applique à la mobilité urbaine.
Il s'applique aussi à d'autres questions. Vous n'ignorez pas que nous travaillons aujourd'hui sur le développement urbain et les sites industriels à risque. Les nouveaux instruments de planification sont bien entendu un des éléments majeurs à prendre en compte dans notre réflexion. Je dois maintenant quitter ces Assises pour rencontrer ceux qui sont confrontés à cette question dans l'agglomération. J'y travaillerai dans l'esprit que viens de vous décrire.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 19 decembre 2001)