Circulaire de M. Gaston Defferre, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, et de Mme Georgina Dufoix, secrétaire d'Etat chargé de la famille de la population et des travailleurs immigrés, à propos des immigrés clandestins, Paris le 2 novembre 1983.

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Texte intégral

Messieurs les commissaires de la République
Monsieur le préfet de la Police
Messieurs les commissaires de la République délégués pour la Police
Une meilleure insertion des communautés étrangères en France repose sur le respect des droits et des devoirs de chacun. C'est pourquoi, parmi les mesures arrêtées par le Gouvernement, il a été décidé de veiller à la stricte application des dispositions légales visant les immigrés en situation irrégulière.
Vous trouverez en ce sens dans la présente circulaire des directives portant sur les points suivants :
- le contrôle des situations irrégulières,
- les mesures administratives liées aux décisions judiciaires intervenues en vertu de l'article 19 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifié,
- les opérations du contrôle des passeports à l'entrée en France.
I - CONTROLE DES SITUATIONS IRREGULIERES
Il importe tout d'abord, afin d'agir sur les causes qui entraînent le maintien d'étrangers en situation irrégulière, de statuer rapidement sur les demandes de titre de séjour présentées par des étrangers admis à titre temporaire et de donner aux décisions prises les suites qui s'imposent.
D'autre part, il convient de s'efforcer, chaque fois que la possibilité s'en présente, de détecter les situations irrégulières et d'exercer les poursuites judiciaires prévues par l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par la loi du 29 octobre 1981.
1) Vos services sont tenus, conformément à la jurisprudence du conseil d'Etat, d'examiner toute demande de titre de séjour et de travail présentée par un étranger, quelles que soient les conditions d'entrée en France, dès lors qu'il se trouve encore couvert par un titre l'autorisant à séjourner temporairement. Or, trop souvent, l'examen de ces dossiers se prolonge alors que, compte tenu de la situation de l'emploi, il est exclu dans la presque totalité des cas qu'ils puissent recevoir satisfaction. Cette situation, qui entraîne un séjour prolongé des requérants en France, rend leur renvoi de plus en plus difficile et les intéressés se maintiennent finalement sans titres de séjour sur le territoire. Elle a également pour conséquence une multiplication de telles demandes.
Afin de remédier à cet état de choses, vous voudrez bien prendre les dispositions nécessaires pour que tant les services des étrangers de la préfecture que la direction départementale du travail et de l'emploi se prononcent très rapidement sur les demandes de régularisation. Vous veillerez à prendre en considération, avec une attention particulière, la situation de l'emploi conformément à l'article 341-4 du Code du Travail.
L'objectif à atteindre, avant le 31 décembre 1983 au plus tard, est que le délai qui sépare le dépôt de la demande, de la réponse à l'intéressé soit réduit à un mois au maximum. Dès que cet objectif sera atteint, la durée du récépissé délivré à l'étranger sera réduite de 3 à 1 mois.
Vous voudrez bien, au cas où malgré vos efforts, vous n'auriez pu obtenir le résultat souhaité, nous saisir avant le 31 janvier 1984, chacun en ce qui le concerne, d'un rapport détaillé exposant les difficultés rencontrées et les propositions nécessaires.
En tout état de cause, vous ferez préciser à l'occasion de la délivrance d'un récépissé aux étrangers qui demandent la régularisation de leur situation que ce document ne peut en aucun cas les autoriser à travailler, même en l'attente d'une hypothétique régularisation de leur situation.
2) - Lorsqu'une décision de rejet a été prise, vous devez mettre en demeure l'étranger en cause de quitter le territoire dans un délai aussi bref que possible et qui ne saurait dépasser un mois.
A l'expiration du délai, vous vous assurerez systématiquement, par une vérification effectuée à l'adresse de l'étranger, que celui-ci s'est conformé à la décision prise.
S'il apparaît qu'il est toujours présent sur le territoire, vous engagerez des poursuites judiciaires en application de l'article 19 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée.
3) - En vertu de l'article 1er du décret du 18 mars 1946, les étrangers doivent être en mesure de présenter, à toute réquisition des agents de l'autorité, les pièces ou documents, sous le couvert desquels ils sont autorisés à résider en France.
Aussi, à l'occasion de toutes vérifications d'identité que les services de police peuvent être amenés à effectuer sur la voie publique, conformément à la réglementation en vigueur, et qui font apparaître que la personne en cause est un étranger, il convient que la situation de l'intéressé à l'égard de la législation sur le séjour des étrangers en France fasse l'objet d'un examen très complet.
De semblables vérifications peuvent être effectuées, le cas échéant, à l'occasion de contrôles pratiqués en exécution d'une décision judiciaire, dans des foyers d'immigrés, dans des garnis ou dans des hôtels.
Lorsque le caractère irrégulier de la situation de l'étranger est établi, les procédures nécessaires aux poursuites judiciaires doivent être établies et transmises sans délai au Parquet. Afin que la juridiction saisie puisse être en possession des éléments d'appréciation prévus à l'article 19 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, les services de police devront veiller à faire figurer dans ces procédures tous les renseignements qu'ils pourront obtenir sur la situation familiale de l'intéressé, les raisons de sa venue en France, les conditions dans lesquelles il y séjournait, ainsi que ses moyens d'existence.
II- MESURES ADMINISTRATIVES A PRENDRE A LA SUITE DE DECISIONS JUDICIAIRES INTERVENUES EN VERTU L'ARTICLE 19 DE L'ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIÉE.
1) - Il peut s'agir tout d'abord de décisions judiciaires qui, tout en infligeant une condamnation à une peine d'emprisonnement et d'amende, ne prononcent pas la reconduite à la frontière. En pareil cas, vous devez, conformément aux dispositions de l'article 19, 4ème alinéa, de l'Ordonnance du 2 novembre 1945, délivrer une autorisation provisoire de séjour de six mois. La loi n'a cependant pas prévu dans ce cas une régularisation en ce qui concerne le droit au travail.
A l'expiration de ce délai, si l'étranger n'a pas quitté le territoire, vous engagerez de nouvelles poursuites.
2) De même lorsque, constatant l'existence d'une relation de travail, le tribunal ajourne sa décision conformément aux dispositions de l'alinéa 6 du même article 19, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour de 6 mois. Cette mesure, qui est essentiellement destinée à permettre au travailleur étranger de faire valoir ses droits à l'égard de l'employeur, ne doit cependant pas entraîner la délivrance d'une autorisation de travail. A l'expiration du délai de 6 mois, l'étranger doit comparaître à nouveau devant la juridiction saisie et celle-ci rend son jugement, à moins qu'elle n'ajourne a nouveau le prononcé de la peine.
3) Lorsque la décision judiciaire définitive est intervenue dans l'une ou l'autre des situations visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, vous devez, si elle comporte la reconduite à la frontière, assurer l'exécution de celle-ci suivant les modalités prévues par les instructions en vigueur.
Vous veillerez à ce que les conditions matérielles d'exécution, de la mesure soient compatibles, à tous égards, avec le respect de la dignité de l'étranger en cause et de ses légitimes intérêts. C'est ainsi qu'il ne devra pas être mis en route sans avoir eu la possibilité de reprendre avant son départ un minimum d'objets et de biens personnels.
Par ailleurs, s'il doit être placé sous surveillance temporaire en application de l'article 35 bis de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en attendant que son départ soit possible, les locaux utilisés devront permettre son hébergement dans les conditions en tous points décentes.
III - LE CONTROLE DES PASSEPORTS
La connaissance de la date d'entrée en France est un élément essentiel pour apprécier la régularité de la situation d'un étranger au regard de 1a loi. En effet, c'est à partir de cette date que peut être décomptée la durée du séjour effectué sur le territoire, afin, de déterminer si l'intéressé est bien en possession d'un titre lui permettant de séjourner régulièrement.
Vous voudrez bien en conséquence rappeler aux services concernés, en insistant sur l'importance de cette opération, qu'ils ne doivent pas omettre d'apposer sur le passeport des étrangers, lors de leur admission à la frontière, le timbre attestant la date de leur entrée sur le territoire.
Une stricte application des instructions contenues dans la présente circulaire est d'un intérêt essentiel pour la mise en uvre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration et vous voudrez bien y veiller personnellement.
Il conviendra de saisir nos départements, chacun en ce qui le concerne, des difficultés que vous viendriez à rencontrer.