Lettre de M. Robert Hue, président du PCF, au Premier ministre, sur l'annulation de la partie de la loi de modernisation sociale élargissant la définition du licenciement économique par le Conseil constitutionnel, Paris, le 14 janvier 2002.

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Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Le Conseil constitutionnel vient de censurer, au prétexte qu'elle porterait atteinte à la "liberté d'entreprendre", la partie de la loi de modernisation sociale qui élargit la définition du licenciement économique.
J'estime qu'il s'agit d'une décision d'une extrême gravité. J'en suis très préoccupé. Le Conseil constitutionnel est sorti de son rôle, en épousant purement et simplement les arguments que la droite et le Medef ont opposé depuis juin dernier au travail parlementaire de la majorité.
Nous avions, à l'époque, légiféré afin non pas d'interdire les licenciements, mais pour opposer, dans le code du travail, des dispositions efficaces aux suppressions d'emplois décidés au seul motif qu'elles seraient nécessaires pour garantir aux actionnaires une rentabilité financière conforme à leurs vux. La droite et le Medef ont vilipendé cette disposition. Un certain nombre de chefs d'entreprises sont même allés jusqu'à véritablement admonester le gouvernement.
Ils ont prétendu qu'elle entraînerait des difficultés accrues pour les entreprises et pour l'emploi.
Or, l'expérience le montre, les licenciements boursiers se traduisent systématiquement par des destructions massives d'activités et d'emplois.
En reprenant les arguments de la droite et du Medef, le Conseil constitutionnel expose que la "compétitivité", la liberté d'entreprendre exigent de traiter l'emploi en simple "variable d'ajustement". C'est un puissant encouragement au mépris des salariés et à l'irresponsabilité sociale adressé aux milieux financiers et aux actionnaires.
Dans cette situation, et à l'instar de ce qui a été engagé en urgence sur d'autres questions, je propose que le gouvernement et sa majorité de gauche réagissent promptement, afin de ne pas décevoir les espoirs que des millions de salariés, de citoyens ont placés dans la loi de modernisation sociale.
C'est pourquoi je vous demande, Monsieur le Premier ministre, de prendre toutes les dispositions utiles afin que la représentation nationale soit saisie du texte de loi dans les meilleurs délais, et afin qu'elle puisse se prononcer avant la fin de la session parlementaire, fixée au 22 février prochain.
Rien ne s'y oppose. Au contraire tout appelle, de la part du gouvernement et de la majorité de gauche, à agir en ce sens. Le monde du travail, les Françaises et les Français sont, j'en ai la conviction, dans cette attente.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l'assurance de ma considération distinguée.
(source http://www.roberthue2002.net, le 14 janvier 2002)