Texte intégral
Vous êtes très critique envers la mondialisation. Mais n'est-elle pas un fait, qu'il faut accepter ?
JPC : Il y a deux éléments dans la mondialisation. L'aspect technique, et positif, lié à l'abaissement des coûts de transports et à la facilité des communications (Internet). Mais il y a aussi l'ultralibéralisme, la déréglementation, les paradis fiscaux, l'explosion de la criminalité financière. On doit s'interroger sur cette financiarisation de l'économie, qui rend les entreprises trop sensibles aux aléas boursiers, aux capitaux incontrôlés, à la dictature du court terme. Mieux vaudrait valoriser le capital humain et technique de l'entreprise, la formation, l'investissement, l'innovation. Il faut pour cela favoriser la constitution de noyaux d'actionnaires stables, y compris en encourageant l'épargne salariée. Et revenir au plan international à une organisation plus responsable du monde. Je propose ainsi que les quatre grandes nations du tiers-monde, la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique viennent s'ajouter au G8.
L'Europe n'est-elle pas le meilleur rempart contre les effets pervers de la mondialisation ?
JPC : A condition que l'Europe soit capable de peser dans le bon sens. Malheureusement, l'actuelle Commission européenne est dominée par l'idéologie libre-échangiste. Seule une volonté politique pourrait inverser cette tendance. Or, force est de reconnaître que dans une négociation comme celle de Doha, la France a mis les pouces. On s'est payé de mots. Des négociations vont s'engager pour diminuer les subventions à l'agriculture, on va réduire les dernières protections dont bénéficiaient nos industries textiles et l'on n'aura pas parlé des normes sociales ou environnementales ou encore de la nécessaire relance économique à l'échelle mondiale. En Europe, nous sommes prisonniers des critères d'endettement de Maastricht. Par ailleurs la Banque Centrale européenne maintient des taux d'intérêt encore trop élevés, sous prétexte de lutte contre l'inflation, la seule mission que lui confie le Traité.
Critères et pacte de stabilité dont vous demanderez la remise en cause si vous êtes élu ?
JPC : Le Traité de Maastricht a été négocié selon des considérations qui pouvaient être justes dans les années soixante-dix, à l'époque des chocs pétroliers. C'est une vision complètement datée et il convient de remettre l'ouvrage sur le métier. Je proposerai donc que le traité de Maastricht soit révisé. Il faut se donner les moyens de conjurer les risques de récession qui menacent l'Europe et la France. La reprise du chômage est très préoccupante. Le gouvernement français devrait être beaucoup plus actif pour obtenir de la Banque centrale européenne une politique monétaire plus accommodante, y compris en demandant une révision de ses statuts. Qu'est-ce qui l'empêche de prendre à témoin l'opinion publique française et européenne ? Il serait temps aussi de concevoir un plan de relance de l'investissement à l'échelle européenne.
Mais vous ne remettez pas en cause l'euro ?
JPC : Le franc est déjà une subdivision de l'euro. La conversion des pièces et des billets en euro à partir du 1er janvier prochain n'était nullement indispensable. J'avais demandé qu'on surseoie à cette mesure, pour tenir compte de la récession économique et des trente-cinq heures qui vont également entrer en vigueur à cette date dans les PME. Je n'ai pas été entendu.
Il est désormais probable que le nouveau statut de la Corse sera adopté assez rapidement. Si vous êtes élu, qu'en ferez-vous ?
JPC : Le projet en lui-même est surtout dangereux par son exposé des motifs, qui prévoit une révision constitutionnelle à l'horizon 2004 pour octroyer à la Corse le pouvoir de faire la loi. C'est cela qui est inacceptable. Parce que la loi doit être la même pour tous, sur l'ensemble du territoire de la République. Jusqu'à nouvel ordre, 90 % des Corses ne souhaitent pas sortir du giron de la République. Le grand péché des accords Matignon est d'avoir mis le doigt dans un engrenage mortifère pour la République et l'intégrité française.
Comment cela ?
JPC : Comme il n'y aura jamais une majorité des 3/5ème au Congrès, cette révision constitutionnelle de 2004 ne pourrait passer que par un référendum. C'est très dangereux et c'est ce que je reproche à la démarche de Lionel Jospin. Dès aujourd'hui 43 % des continentaux se déclarent prêts par lassitude, à donner à la Corse une indépendance que la majorité des Corses ne réclament pas. Un référendum envisagé dans ces conditions spécule sur un lâche soulagement qui est aux antipodes du patriotisme républicain. On ne peut pas comparer la Corse à l'Algérie ou à la Nouvelle Calédonie. La Corse n'est pas une nation parce que l'immense majorité des Corses se sentent Français. Mais si on donne à l'assemblée de l'île le pouvoir de faire la loi, sa première initiative, sous l'impulsion des indépendantistes, sera alors de proclamer l'existence du " peuple corse ". C'est ainsi qu'on détricote l'unité française.
La Justice est actuellement dans le collimateur. Vous pensez qu'il y a un vrai problème, ou de fâcheuses coïncidences ?
JPC : Il y a un vrai problème : le gouvernement a abdiqué sa responsabilité. Monsieur Chirac avait créé une commission qui a proposé l'indépendance des Parquets. Et ce que Jacques Chirac a proposé, Lionel Jospin l'a fait. En réalité, il y a autant de politiques pénales en France qu'il y a de Parquets, c'est-à-dire plus de deux cents. Dès lors que le Parquet ne reçoit plus des instructions fermes et claires, le désordre s'installe dans la justice.
On entend beaucoup dire, à droite comme à gauche, que vous ne tiendrez pas le choc quand Chirac et Jospin entreront en campagne. C'est aussi votre crainte ?
JPC : Nullement. Je suis la seule possibilité donnée au peuple français d'opter pour une autre voie que celle que nous tracent des partis à bout de souffle. Je suis le seul candidat qui puisse écarter la perspective d'un Etat RPR ou d'un Etat PS dont les Français ne veulent plus.
François Bayrou dit la même chose
JPC : Certes mais il a détruit la force de son argument en annonçant par avance qu'il se désisterait au second tour en faveur de Chirac ?
Le genre d'annonce que vous vous refusez à faire ?
JPC : En effet, je me bats pour gagner. L'élection présidentielle se jouera entre les deux sortants et moi, et je serai présent au second tour parce que je suis la seule alternative au système du pareil au même.
C'est ensemble que Jacques Chirac et Lionel Jospin ont fait accepter le traité de Maastricht en 1992, ensemble qu'ils ont imposé le traité d'Amsterdam et le pacte de stabilité budgétaire. Ensemble qu'ils préparent une Constitution européenne qui réduira la France au rang d'une grande région dans un ensemble où nous pèserons moins de 10% des voix. Ce mauvais coup, ourdi dans le dos des citoyens, sera à l'ordre du jour du prochain sommet de Laeken les 14 et 15 décembre prochains. C'est ensemble que Lionel Jospin et Jacques Chirac se sont résignés à la mondialisation libérale, au laisser-fairisme en matière industrielle, à la domination de la finance sur l'industrie, à la fuite en avant dans un nouveau cycle de négociations commerciales à Doha. C'est ensemble qu'en Corse, Outre-Mer, ou en matière de décentralisation, ils se livrent à un concours de démagogie électoraliste au mépris des principes républicains.
Mais vous aussi, vous êtes coresponsable, puisque vous avez été ministre plus de trois ans
JPC : Je l'ai fait pour donner un contenu à l'engagement pris par le Premier ministre en juin 1997 " En tous domaines, faire retour à la République ". Mais j'ai fini par constater que cela ne mordrait pas. Le retournement de la politique gouvernementale sur la Corse a été le révélateur d'une dérive plus générale. Placé devant le fait accompli sur une question qui touche à la définition même de la nation française, j'en ai tiré les conséquences.
Auriez-vous souhaité que Lionel Jospin se déclare candidat dès hier soir ?
JPC : Il est évident depuis longtemps que Lionel Jospin est candidat. Tout le monde a très bien compris qu'il intervenait hier plus comme candidat que comme Premier ministre.
Trois ans après votre accident opératoire, croyez-vous avoir la santé nécessaire pour faire campagne et assumer éventuellement la fonction présidentielle ?
JPC : Je suis d'abord revenu en janvier 1999 au ministère de l'Intérieur. J'y ai mené de grandes réformes : police de proximité, loi sur l'intercommunalité. Croyez-vous que cela ne témoigne pas d'une bonne forme physique ? Après ces travaux pratiques, j'ai dû me soumettre il y a quelques mois à des examens approfondis pour obtenir les prêts dont j'avais besoin pour être candidat. J'ai subi une centaine d'examens ! Tous mes indicateurs biologiques sont au vert.
(Source http://www.chevenement2002.net, le 12 décembre 2001)
JPC : Il y a deux éléments dans la mondialisation. L'aspect technique, et positif, lié à l'abaissement des coûts de transports et à la facilité des communications (Internet). Mais il y a aussi l'ultralibéralisme, la déréglementation, les paradis fiscaux, l'explosion de la criminalité financière. On doit s'interroger sur cette financiarisation de l'économie, qui rend les entreprises trop sensibles aux aléas boursiers, aux capitaux incontrôlés, à la dictature du court terme. Mieux vaudrait valoriser le capital humain et technique de l'entreprise, la formation, l'investissement, l'innovation. Il faut pour cela favoriser la constitution de noyaux d'actionnaires stables, y compris en encourageant l'épargne salariée. Et revenir au plan international à une organisation plus responsable du monde. Je propose ainsi que les quatre grandes nations du tiers-monde, la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique viennent s'ajouter au G8.
L'Europe n'est-elle pas le meilleur rempart contre les effets pervers de la mondialisation ?
JPC : A condition que l'Europe soit capable de peser dans le bon sens. Malheureusement, l'actuelle Commission européenne est dominée par l'idéologie libre-échangiste. Seule une volonté politique pourrait inverser cette tendance. Or, force est de reconnaître que dans une négociation comme celle de Doha, la France a mis les pouces. On s'est payé de mots. Des négociations vont s'engager pour diminuer les subventions à l'agriculture, on va réduire les dernières protections dont bénéficiaient nos industries textiles et l'on n'aura pas parlé des normes sociales ou environnementales ou encore de la nécessaire relance économique à l'échelle mondiale. En Europe, nous sommes prisonniers des critères d'endettement de Maastricht. Par ailleurs la Banque Centrale européenne maintient des taux d'intérêt encore trop élevés, sous prétexte de lutte contre l'inflation, la seule mission que lui confie le Traité.
Critères et pacte de stabilité dont vous demanderez la remise en cause si vous êtes élu ?
JPC : Le Traité de Maastricht a été négocié selon des considérations qui pouvaient être justes dans les années soixante-dix, à l'époque des chocs pétroliers. C'est une vision complètement datée et il convient de remettre l'ouvrage sur le métier. Je proposerai donc que le traité de Maastricht soit révisé. Il faut se donner les moyens de conjurer les risques de récession qui menacent l'Europe et la France. La reprise du chômage est très préoccupante. Le gouvernement français devrait être beaucoup plus actif pour obtenir de la Banque centrale européenne une politique monétaire plus accommodante, y compris en demandant une révision de ses statuts. Qu'est-ce qui l'empêche de prendre à témoin l'opinion publique française et européenne ? Il serait temps aussi de concevoir un plan de relance de l'investissement à l'échelle européenne.
Mais vous ne remettez pas en cause l'euro ?
JPC : Le franc est déjà une subdivision de l'euro. La conversion des pièces et des billets en euro à partir du 1er janvier prochain n'était nullement indispensable. J'avais demandé qu'on surseoie à cette mesure, pour tenir compte de la récession économique et des trente-cinq heures qui vont également entrer en vigueur à cette date dans les PME. Je n'ai pas été entendu.
Il est désormais probable que le nouveau statut de la Corse sera adopté assez rapidement. Si vous êtes élu, qu'en ferez-vous ?
JPC : Le projet en lui-même est surtout dangereux par son exposé des motifs, qui prévoit une révision constitutionnelle à l'horizon 2004 pour octroyer à la Corse le pouvoir de faire la loi. C'est cela qui est inacceptable. Parce que la loi doit être la même pour tous, sur l'ensemble du territoire de la République. Jusqu'à nouvel ordre, 90 % des Corses ne souhaitent pas sortir du giron de la République. Le grand péché des accords Matignon est d'avoir mis le doigt dans un engrenage mortifère pour la République et l'intégrité française.
Comment cela ?
JPC : Comme il n'y aura jamais une majorité des 3/5ème au Congrès, cette révision constitutionnelle de 2004 ne pourrait passer que par un référendum. C'est très dangereux et c'est ce que je reproche à la démarche de Lionel Jospin. Dès aujourd'hui 43 % des continentaux se déclarent prêts par lassitude, à donner à la Corse une indépendance que la majorité des Corses ne réclament pas. Un référendum envisagé dans ces conditions spécule sur un lâche soulagement qui est aux antipodes du patriotisme républicain. On ne peut pas comparer la Corse à l'Algérie ou à la Nouvelle Calédonie. La Corse n'est pas une nation parce que l'immense majorité des Corses se sentent Français. Mais si on donne à l'assemblée de l'île le pouvoir de faire la loi, sa première initiative, sous l'impulsion des indépendantistes, sera alors de proclamer l'existence du " peuple corse ". C'est ainsi qu'on détricote l'unité française.
La Justice est actuellement dans le collimateur. Vous pensez qu'il y a un vrai problème, ou de fâcheuses coïncidences ?
JPC : Il y a un vrai problème : le gouvernement a abdiqué sa responsabilité. Monsieur Chirac avait créé une commission qui a proposé l'indépendance des Parquets. Et ce que Jacques Chirac a proposé, Lionel Jospin l'a fait. En réalité, il y a autant de politiques pénales en France qu'il y a de Parquets, c'est-à-dire plus de deux cents. Dès lors que le Parquet ne reçoit plus des instructions fermes et claires, le désordre s'installe dans la justice.
On entend beaucoup dire, à droite comme à gauche, que vous ne tiendrez pas le choc quand Chirac et Jospin entreront en campagne. C'est aussi votre crainte ?
JPC : Nullement. Je suis la seule possibilité donnée au peuple français d'opter pour une autre voie que celle que nous tracent des partis à bout de souffle. Je suis le seul candidat qui puisse écarter la perspective d'un Etat RPR ou d'un Etat PS dont les Français ne veulent plus.
François Bayrou dit la même chose
JPC : Certes mais il a détruit la force de son argument en annonçant par avance qu'il se désisterait au second tour en faveur de Chirac ?
Le genre d'annonce que vous vous refusez à faire ?
JPC : En effet, je me bats pour gagner. L'élection présidentielle se jouera entre les deux sortants et moi, et je serai présent au second tour parce que je suis la seule alternative au système du pareil au même.
C'est ensemble que Jacques Chirac et Lionel Jospin ont fait accepter le traité de Maastricht en 1992, ensemble qu'ils ont imposé le traité d'Amsterdam et le pacte de stabilité budgétaire. Ensemble qu'ils préparent une Constitution européenne qui réduira la France au rang d'une grande région dans un ensemble où nous pèserons moins de 10% des voix. Ce mauvais coup, ourdi dans le dos des citoyens, sera à l'ordre du jour du prochain sommet de Laeken les 14 et 15 décembre prochains. C'est ensemble que Lionel Jospin et Jacques Chirac se sont résignés à la mondialisation libérale, au laisser-fairisme en matière industrielle, à la domination de la finance sur l'industrie, à la fuite en avant dans un nouveau cycle de négociations commerciales à Doha. C'est ensemble qu'en Corse, Outre-Mer, ou en matière de décentralisation, ils se livrent à un concours de démagogie électoraliste au mépris des principes républicains.
Mais vous aussi, vous êtes coresponsable, puisque vous avez été ministre plus de trois ans
JPC : Je l'ai fait pour donner un contenu à l'engagement pris par le Premier ministre en juin 1997 " En tous domaines, faire retour à la République ". Mais j'ai fini par constater que cela ne mordrait pas. Le retournement de la politique gouvernementale sur la Corse a été le révélateur d'une dérive plus générale. Placé devant le fait accompli sur une question qui touche à la définition même de la nation française, j'en ai tiré les conséquences.
Auriez-vous souhaité que Lionel Jospin se déclare candidat dès hier soir ?
JPC : Il est évident depuis longtemps que Lionel Jospin est candidat. Tout le monde a très bien compris qu'il intervenait hier plus comme candidat que comme Premier ministre.
Trois ans après votre accident opératoire, croyez-vous avoir la santé nécessaire pour faire campagne et assumer éventuellement la fonction présidentielle ?
JPC : Je suis d'abord revenu en janvier 1999 au ministère de l'Intérieur. J'y ai mené de grandes réformes : police de proximité, loi sur l'intercommunalité. Croyez-vous que cela ne témoigne pas d'une bonne forme physique ? Après ces travaux pratiques, j'ai dû me soumettre il y a quelques mois à des examens approfondis pour obtenir les prêts dont j'avais besoin pour être candidat. J'ai subi une centaine d'examens ! Tous mes indicateurs biologiques sont au vert.
(Source http://www.chevenement2002.net, le 12 décembre 2001)