Déclarations de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale pour 2002, notamment les dépenses de santé, la politique hospitalière, la gestion de l'assurance maladie et les propositions du MEDEF sur lla régulation du système de santé, Paris les 21 et 29 novembre 2001.

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Circonstance : Nouvelle lecture du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale (PLFSS) à l'Assemblée nationale le 21 novembre 2001 et au Sénat le 29 novembre

Texte intégral

Nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 21 novembre 2001.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Votre assemblée est à nouveau saisie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Au cours de la première lecture, j'ai eu l'occasion de dire combien ce texte est important pour la protection sociale de nos concitoyens, et combien ce Gouvernement a travaillé à son amélioration depuis 1997. De nombreuses mesures concrètes, qui touchent les Français dans leur vie quotidienne, ont été promues ou soutenues par la majorité de votre assemblée. Je crois plus que jamais que nous pouvons être fiers du travail accompli ensemble pendant les cinq dernières législatures écoulées même s'il reste beaucoup à faire.
Ce travail, toutes ces mesures décidées ensemble, n'ont été rendus possibles que parce que nous avons rétabli les comptes de la sécurité sociale.
Lorsque les Français nous ont confié les responsabilités en 1997, nous devions faire face à un déficit cumulé de plus de 200 milliards de francs laissé par la droite depuis 1994. Grâce à une politique volontariste de soutien à la croissance et à l'emploi, nous avons complètement inversé la tendance, fait reculer le chômage d'un million de personnes.
C'est ainsi que la sécurité sociale a renoué avec les excédents depuis 1999, et c'est ainsi que nous avons pu financer des volets importants de notre politique : en mettant en place la couverture maladie universelle, en développant la politique familiale, en améliorant la réparation des accidents et maladies professionnelles, en assurant une meilleure qualité des soins pour tous nos concitoyens, et en associant les retraités aux fruits de la croissance.
Cela nous l'avons fait tout en construisant pour l'avenir, en accumulant des réserves qui sont le patrimoine collectif des français pour garantir la pérennité de leurs retraites et en investissant en faveur de l'accueil des jeunes enfants.
Si je prends le temps de faire à nouveau cette démonstration évidente de la politique que nous menons depuis 1997, c'est parce que la majorité sénatoriale a volontairement et grossièrement travesti cette réalité, peut-être par esprit polémique et partisan, sans doute par refus d'assumer le soutien qu'elle accordait il y a encore peu de temps aux gouvernements de droite qui ont maltraité nos finances sociales.
C'est ainsi que lors de la première lecture devant le Sénat, cette majorité a fait une présentation trompeuse des comptes sociaux. Elle a caricaturé, souvent sans cohérence mais surtout sans propositions alternatives, les grandes lignes de notre politique. Le Gouvernement n'a pas manqué de le souligner.
Le Gouvernement s'est également opposé à toutes les tentatives de dénaturation du texte qui avait été adopté en première lecture par votre assemblée. Je pense bien évidemment à la nature des ressources affectées au FOREC, à la suppression de l'ONDAM et au principe d'une nouvelle régulation des dépenses maladie, à l'abondement des différents fonds pour la modernisation des établissements de santé, pour la qualité des soins de ville, l'accueil de la petite enfance, et aux mesures de provisionnement du fonds de réserve des retraites Sur de nombreux points, la majorité sénatoriale reste en très large désaccord avec le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale. Je vous proposerai donc tout naturellement de rétablir le texte que vous aviez voté en première lecture sur ces nombreux points.
Je retiendrai cependant que le Sénat a approuvé certaines dispositions que le Gouvernement vous avait présenté en première lecture, certaines sont relatives à l'indemnisation des victimes de l'amiante et d'autres font suite à la concertation menée avec les professionnels de santé.
Les dispositifs de soutien aux gardes libérales, au développement des réseaux, aux aides à l'installation de praticiens en zones rurales et dans les quartiers urbains sensibles ainsi qu'au développement de l'informatisation et des actions de formation dans les centres de santé ont été votés conformes.
Pour poursuivre l'amélioration de notre système de soins, le Gouvernement vous proposera lors de la discussion un amendement important visant à rénover le système conventionnel, le dispositif de régulation et la délégation de gestion aux Caisses. Je souhaite que nous ayons sur ce texte un large débat. Cet amendement résulte de la large concertation que j'ai menée depuis plusieurs mois. Le conseil d'administration de la CNAM en a approuvé hier à l'unanimité les orientations.
Enfin, je reviendrai sur nos débats de première lecture au sujet de la politique hospitalière du Gouvernement. La majorité de votre assemblée a particulièrement insisté sur les moyens dont doit disposer l'hôpital public pour assurer ses nombreuses et difficiles missions.
Nous avons engagé depuis deux ans une politique globale de modernisation de l'hôpital public en relançant le dialogue social :
1) Les protocoles des 13 et 14 mars 2000 ont amélioré les conditions de travail, rendu plus attractifs les carrières des praticiens hospitaliers et relancé la promotion professionnelle et les formations professionnelles pour les personnels de la fonction publique hospitalière.
2) Le protocole du 14 mars 2001 sur les filières professionnelles dans la fonction publique hospitalière, apporte une revalorisation des cursus professionnels et des rémunérations. Il ouvre les possibilités de promotion interne et apporte des solutions au blocage des carrières lié à la démographie.
3) Enfin nous avons engagé la réduction du temps de travail afin de répondre aux attentes des personnels en matière de conditions de vie au travail et de vie personnelle en l'accompagnant de la création de 45 000 emplois sur trois ans (2002-2004).
L'ensemble de ces mesures représente un effort financier sur 2001 et 2002 de 7.8 milliards de francs auxquelles s'ajoutent les mesures nouvelles de 3.9 milliards que nous avons décidées en première lecture, soit un total de 11.7 milliards de francs.
Je vous rappelle ces mesures nouvelles :
Pour 2001, un complément de crédits de 1 milliard de francs sur la dotation hospitalière pour réduire les tensions budgétaires de certains établissements ;
- un renforcement à hauteur de 0.9 milliard des actions du FMES, pour aider au financement de promotions professionnelles et des projets sociaux ;
- et, je tiens à l'ajouter, l'inscription lors du conseil des ministres de la semaine dernière en loi de finances rectificative pour 2001, de 2 milliards de francs pour tenir les engagements des protocoles de mars 2000 en faveur des remplacements des personnels.
Pour 2002 le FMES sera doté de 1 milliard de francs pour le soutien à la politique sociale et à l'investissement ;
- et l'investissement relancé par un abondement de 1 milliard de francs du Fonds d'investissement et de modernisation de l'hôpital, assuré par le budget de l'Etat.
Comme beaucoup d'entre vous, je connais et salue le rôle essentiel que joue l'hôpital public dans l'accès aux soins de tous et à tout moment. Ceci méritait effectivement que des efforts soient accomplis.
À présent, le Gouvernement procède à l'instruction des répartitions de ces crédits exceptionnels afin qu'ils puissent être notifiés dès la loi adoptée, ainsi qu'à la répartition régionale des 45.000 emplois dont le Gouvernement a décidé la création pour soutenir la mise en place des 35 heures dans la fonction publique hospitalière.
Je veux également revenir sur un amendement que le Gouvernement a fait adopter par le Sénat, et qui concerne les cliniques privées. Dans le prolongement de l'accord du 4 avril 2001, par le protocole du 7 novembre le Gouvernement a conclu une longue phase de négociations commencée avec les professionnels de ce secteur, afin de prendre pleinement en compte la situation sociale des cliniques privées.
Dans le cadre de cet accord, le Gouvernement a prévu l'affectation de 1,7 milliard de francs de crédits pour des mesures sociales et salariales. Je veux rappeler fortement que ce qui nous a guidé dans la négociation avec les représentants des cliniques et répondre à vos interrogations.
1) Pourquoi aider les cliniques privées ?
Les cliniques ne sont pas des entreprises privées de droit commun. Ces dernières répondent à la demande du marché et réorientent leur activité librement.
Ce n'est pas le cas pour les cliniques :
- Leur activité est encadrée par les pouvoirs publics puisqu'elle est soumise à une autorisation dans le cadre du schéma régional d'organisation sanitaire qui vise à assurer la complémentarité avec l'hôpital public.
- Elles sont financées à près de 90% par l'assurance maladie.
On est bien dans un système mixte.
- Nous devions aider les cliniques lorsqu'elles sont en difficultés et lorsqu'elles jouent ce rôle complémentaire de l'hôpital dans l'offre de soins définie par les schémas régionaux d'organisation sanitaire.
- Une clinique qui ferme, c'est une tension supplémentaire immédiate pour l'hôpital public.
2) À quoi serviront les aides ?
Elles seront dédiées à l'amélioration des rémunérations des personnels non médicaux.
- L'amendement adopté par le Sénat concernant le fonds de modernisation des cliniques privées consiste à ouvrir ce fonds au financement des actions en matière sociale et salariale.
Le fonds sera doté à cet effet de 600 MF en 2001 et en 2002, soit un effort de 1,2 milliard de francs.
- Il prévoit aussi un engagement de la fédération de l'hospitalisation privée de parvenir rapidement à une nouvelle convention collective qui permettra des revalorisations salariales significatives, notamment pour les infirmières.
- Nous avons également obtenu que, dans le cadre de cet accord, une enveloppe de 500 MF soit consacrée aux augmentations de salaires des personnels.
Ces points feront l'objet d'un suivi rigoureux dans le cadre d'un observatoire tripartite associant l'Etat, les employeurs et les organisations syndicales.
3) Comment allons nous contrôler l'usage de ces fonds ?
Afin de disposer de moyens de contrôle renforcés, le dispositif que nous vous proposons prévoit que les cliniques devront mettre à la disposition des ARH les éléments d'information nécessaires à sa demande. Ce point sera également introduit dans le contrat-type qui est passé entre les ARH et les cliniques privées.
Mesdames et messieurs les députés,
Je souhaitais être particulièrement complète et précise sur les efforts que nous avons accomplis en faveur de l'hospitalisation publique et privée à l'occasion de ce PLFSS.
Ainsi, c'est toute une politique sanitaire cohérente qui est menée visant à mieux soigner les patients et à donner aux professionnels de chaque secteur concerné des perspectives d'évolution salariale satisfaisantes.
L'accès à des soins de qualité pour tous nos concitoyens est une des priorités du Gouvernement.
Cela suppose que l'hôpital public, les cliniques et la médecine de ville assurent conjointement une offre de soins appropriée, et disposent d'un juste niveau de moyens pour répondre à la demande de la population dans le respect des règles de bon usage de nos finances publiques.
C'est dans cet état d'esprit que le Gouvernement aborde la suite de notre discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Je souhaite que vous partagiez et souteniez cette démarche.
Concernant les retraites, en première lecture nous avions longuement débattu de la situation particulière des personnes qui ont cotisé 160 trimestres et qui ont moins de 60 ans. Nous avons adopté la proposition d'A.RECOURS qui permet de garantir aux chômeurs et aux inactifs un revenu minimum de 5750 f par mois jusqu'à leur retraite. Cette " allocation-équivalent-retraite " a été votée à nouveau dans le budget de l'emploi le mardi 6 novembre, ce qui a conduit à la suppression dans le PLFSS.
Ce projet de loi est pour nous l'occasion d'approfondir le projet social que nous portons à gauche et d'affirmer nos ambitions pour une France plus solidaire.
En présentant son projet pour une réforme de la sécurité sociale, le MEDEF dévoile le sens de l'action qu'il mène depuis plusieurs années : la fin du paritarisme et la privatisation de la sécurité sociale.
Il propose ainsi :
- de déléguer aux assureurs privés la gestion de l'offre de soins, sur la base d'un versement forfaitaire qu'ils recevraient de l'Etat pour chaque assuré qu'ils prendraient en charge ;
- d'uniformiser les régimes de retraite et de les transformer en régimes par points strictement contributifs ;
- de confier la gestion de l'assurance accidents du travail aux seuls employeurs.
Notre projet est tout autre.
Nous voulons renouveler le contrat qui lie l'Etat et les partenaires sociaux pour une gestion solidaire de la sécurité sociale.
Nous voulons développer la qualité de notre système de soins mixte qui associe les professionnels publics et libéraux, les caisses, les mutuelles et les assurances complémentaires.
Notre choix c'est celui de la complémentarité pour affirmer la solidarité face à la maladie.
Ce n'est pas celui de l'opposition pour développer une concurrence qui aboutirait à l'inégalité.
Chacun comprend les risques majeurs pour notre cohésion sociale que comporterait la mise en uvre de ses propositions :
- en matière d'assurance maladie, c'est la porte ouverte à la sélection des risques : qui peut croire en effet que des opérateurs privés ne tenteront pas de n'attirer à eux que les personnes qui ont la chance d'être en bonne santé et de ne pas être exposés à de lourdes dépenses de santé ?
Comment les personnes à faibles ressources ou qui souffrent d'affections graves seraient-elles couvertes ? Le MEDEF ne le dit pas, mais la réponse est évidente : par un régime public qui leur serait réservé.
Ce serait, ni plus ni moins, la sécurité sociale à deux vitesses, dont, j'en suis certaine, les Français ne veulent en aucun cas ;
- en matière de retraite, ce serait la fin du système original que nous connaissons depuis plus de cinquante ans, qui permet de concilier la diversité des couvertures vieillesse selon les professions, et en même temps la solidarité entre ces professions, par les mécanismes de compensation démographique, et à l'intérieur d'une même profession, par les diverses dispositions non contributives qui permettent à chacun d'obtenir une bonne retraite malgré une carrière professionnelle ayant connu des intermittences ou des aléas importants. La généralisation des régimes par points annonce de plus l'étape suivante du projet du MEDEF : l'entrée en force des fonds de pension, dont les conséquences anti-redistributives sont certaines ;
- en ce qui concerne enfin les accidents du travail, comment croire que les salariés, victimes potentielles des accidents, seraient mieux protégés si le risque venait à être géré exclusivement par les employeurs ?
Les Français attendent d'autres réponses des responsables politiques. Il y a en effet beaucoup à faire pour adapter ce grand service public qu'est la sécurité sociale à leurs besoins en constante évolution.
- Il nous faut améliorer la régulation du système de santé sans créer des discriminations dans l'accès aux soins.
- Il nous faut introduire dans nos régimes publics de retraite la souplesse qu'en attendent nos concitoyens, quant aux conditions du départ en retraite.
- Il nous faut enfin améliorer la réparation des accidents du travail, et notamment aller vers leur réparation intégrale.
Ce sont les orientations que le Gouvernement met en uvre dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous aurons à y revenir tout au long de ce nouveau débat.
Nos choix sont clairs et nos concitoyens sont en droit d'attendre des formations de l'opposition qu'elles se prononcent aussi clairement.
Je vous remercie.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 28 novembre 2001)
Nouvelle lecture au Sénat le 29 novembre 2001.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Votre assemblée est saisie en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Au cours de la première lecture, j'ai eu l'occasion de dire combien ce texte est important pour la protection sociale de nos concitoyens, et combien ce Gouvernement a travaillé à son amélioration depuis 1997. De nombreuses mesures concrètes, qui touchent les Français dans leur vie quotidienne, ont été décidées à l'occasion de ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.
Au total, sur les cinq législatures écoulées, je crois plus que jamais que nous pouvons être fiers du travail accompli par la majorité qui soutient le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et ici même par l'opposition sénatoriale qui ne manque jamais de marquer son attachement aux grandes réformes accomplies depuis 1997. Ce travail, toutes ces mesures favorables à la protection sociale de nos concitoyens, n'ont été rendus possibles que parce que nous avons rétabli les comptes de la sécurité sociale.
Je sais bien, à lire votre rapporteur, que je n'ai manifestement pas convaincu la majorité de votre assemblée lors de notre précédent débat. Cela ne constitue certainement pas en soi une surprise, mais je crois utile de redire quelques mots à ce sujet.
Tout d'abord, je veux dire une nouvelle fois que votre présentation des comptes n'est pas exacte, lorsque vous déduisez des résultats du régime général les versements effectués au profit du Fonds de réserve pour les retraites. Car enfin, est-ce que les Français s'appauvrissent lorsque les excédents de la branche vieillesse, au lieu d'être gérés au sein de la trésorerie de l'ACOSS, sont placés en ressources du Fonds de réserve ? Chacun comprend que la seule chose qui change, c'est que les excédents cumulés seront gérés sur une plus longue période, de façon plus dynamique, et qu'ainsi les difficultés futures des régimes de retraite seront mieux anticipées. Comment pouvez-vous donc qualifier de prélèvement ce qui n'est au contraire que la recherche de la meilleure efficacité dans la gestion des réserves du régime général ?
Ensuite, en ce qui concerne les résultats proprement dits du régime général, nous pourrions débattre encore longuement des chiffres, selon que l'on choisit telle ou telle période pour référence, ou que l'on retient tel ou tel mode de présentation des comptes. Mais pour la clarté des débats et la bonne information des Français, ne vaut-il pas mieux aller à l'essentiel ?
Oui ou non, le régime général est-il redevenu excédentaire en 1999 ? Oui, c'est bien le cas, et votre rapporteur ne le conteste pas.
Oui ou non, les prévisions pour 2001 et 2002 confirment-elles ce retour à l'excédent ? Oui, elles le confirment, et j'en veux pour preuve que ces excédents sont suffisamment importants pour que, dans le cours de l'examen de ce projet de loi de financement, le Gouvernement et le Parlement ont pu décider des mesures nouvelles en faveur de l'hôpital public, des cliniques privées, de la prévention bucco-dentaire, des autistes, etc
Oui ou non, la sécurité sociale est-elle en meilleure santé financière que du temps où la précédente majorité exerçait les responsabilités de sa gestion ? C'est l'évidence : un équilibre global depuis 1998, un déficit cumulé de plus de 200 milliards de francs entre 1994 et 1997, cela fait quand même une différence !
Laissez-moi ajouter deux considérations supplémentaires. Sur l'année 2000, tout d'abord. Notre souci est celui de la transparence. J'aurais pu laisser subsister dans les comptes du régime général les créances nées de la compensation incomplète des allégements de charges par le FOREC en 2000, et reporter à plus tard leur règlement. Que n'aurais-je alors entendu devant votre Haute Assemblée ? Or, il est avéré que le Gouvernement tire toutes les conséquences de sa décision, et voilà que cependant votre majorité proteste ! En tout cas le prochain gouvernement n'aura-t-il pas à assumer les conséquences de nos décisions, comme nous avons dû assumer celles, sur les comptes du régime général, de l'annulation par la Commission de Bruxelles du malheureux " plan textile " de messieurs BOROTRA et JUPPÉ !
Sur les hypothèses économiques pour 2001 et 2002, ensuite. L'année 2002 comporte des incertitudes, j'en conviens, bien que rien pour l'heure ne permette de démentir l'hypothèse de croissance de 5 % de la masse salariale. Mais, ainsi que je vous l'avais indiqué, l'année 2001 devrait nous révéler de bonnes surprises en matière de recettes de la sécurité sociale, puisque, après le dépôt du projet de loi de financement, l'ACOSS a eu connaissance des encaissements à la fin du troisième trimestre, qui montrent un acquis de croissance de la masse salariale déjà très élevé. Tout porte donc à croire que la prévision de croissance de la masse salariale de 5,9 % pour l'ensemble de l'année 2001 sera dépassée. Selon les travaux d'ajustement des comptes en droits constatés menés actuellement par l'ACOSS, il apparaît que les comptes définitifs de l'année 2001 pourraient être -et ce ne sont encore que des hypothèses- majorés de l'ordre de 18 milliards de francs. J'ai cru nécessaire d'en informer le Parlement, ce qui m'attire néanmoins les critiques sur l'idée que les agrégats de recettes du projet de loi devraient alors être modifiés. Je ne partage évidemment pas cet avis, car les prévisions de recettes du PLFSS, qui reposent sur les mêmes hypothèses que les prévisions de recettes de la loi de finances, ne peuvent être qualifiées d'erronées au prétexte qu'elles ont été élaborées à la fin du mois d'août. Quoiqu'il en soit, je considère que cette bonne surprise pour 2001 nous met à l'abri d'un effet plus important que prévu du ralentissement de la croissance en 2002, si celui-ci devait se produire.
Pour conclure sur les comptes, je voudrais souligner que nos divergences dans ce débat, ce ne sont pas seulement nos approches respectives des comptes sociaux. Je crois plus globalement que ce sont bien des divergences fondamentales qui nous opposent quant aux orientations que nous devons donner à nos politiques sociales, quant aux droits sociaux dont doivent pouvoir bénéficier nos concitoyens. C'est d'ailleurs en grande partie pour cette raison qu'ils ont rejeté en 1997 le Gouvernement que votre majorité sénatoriale soutenait, pour faire une autre politique que la vôtre, Monsieur le rapporteur.
Nos différences, ce sont celles qui séparent de façon évidente la gauche de la droite. Des différences qui donnent à la gauche un bilan incomparable au vôtre en matière de salaires et de pouvoir d'achat, de soutien à la croissance, d'emploi et de lutte contre le chômage, de protection contre la maladie, de moyens pour les hôpitaux, de prise en charge de la dépendance des personnes âgées, de lutte contre l'exclusion, de soutien aux familles et à la petite enfance Pourquoi alors ne pas parler de cela, au prétexte qu'il ne faut pas regarder en arrière. Je crois au contraire que le principe de la responsabilité politique doit être au cur de la représentation parlementaire. Ce gouvernement a un bilan, certainement avec des aspects mitigés à côté de réformes qui ont incontestablement contribué au progrès social dans notre pays. Mais la majorité de cette assemblée a également un bilan, celui des années où elle a soutenu sans rechigner les gouvernements Balladur et Juppé ; je comprends qu'il soit difficile de l'assumer mais c'est ainsi, notamment aux yeux de nos concitoyens lorsqu'ils doivent désigner ceux qui vont les représenter et assumer les responsabilités du pouvoir.
Ayant parlé " bilan ", nous pourrions également parler " projet ". Mais pendant la lecture précédente de notre texte, j'ai vainement cherché la cohérence de la politique alternative que vous proposiez. J'ai déjà eu l'occasion de le dire pendant ma réponse à la discussion générale, et c'est bien cela qui me frappe : vous parlez des comptes sociaux pour ne pas parler des assurés sociaux. C'est bien pourtant tout l'intérêt d'un tel projet de loi.
Le Gouvernement s'est engagé dans une voie qui repose notamment sur une refonte de notre système conventionnel en concertation avec les partenaires sociaux et les professions de santé ; le dispositif que le Gouvernement a proposé en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale a été adopté par celle-ci, après un avis favorable à l'unanimité du conseil d'administration de la CNAM ! Il s'agit bien d'un changement de méthode.
Vous pourrez m'objecter que cette unanimité est certainement due à l'absence du MEDEF de ce conseil d'administration, et vous auriez raison. Mais à vrai dire, je crois que le MEDEF, en dévoilant il y a quelques jours ses propositions pour une réforme de la sécurité sociale, révèle le sens profond de l'action qu'il mène depuis plusieurs années : la fin du paritarisme et la privatisation de la sécurité sociale. C'est ainsi qu'il propose :
de déléguer aux assureurs privés la gestion de l'offre de soins, sur la base d'un versement forfaitaire qu'ils recevraient de l'Etat pour chaque assuré qu'ils prendraient en charge ;
d'uniformiser les régimes de retraite et de les transformer en régimes par points strictement contributifs ;
de confier la gestion de l'assurance accidents du travail aux seuls employeurs.
Le projet du Gouvernement et de la majorité qui le soutient est évidemment tout autre. Nous voulons renouveler le contrat qui lie l'Etat et les partenaires sociaux pour une gestion solidaire de la sécurité sociale. Nous voulons développer la qualité de notre système de soins mixte qui associe les professionnels publics et libéraux, les caisses, les mutuelles et les assurances complémentaires. Notre choix, c'est celui de la complémentarité pour affirmer la solidarité face à la maladie.
Face aux propositions du MEDEF, je m'interroge sur les propositions de la droite, et c'est toute la gauche qui doit prendre les Français à témoin des risques majeurs pour notre cohésion sociale que comporterait la mise en uvre des propositions du MEDEF :
en matière d'assurance maladie, ce serait la porte ouverte à la sélection des risques : qui peut croire en effet que des opérateurs privés ne tenteront pas de n'attirer à eux que les personnes qui ont la chance d'être en bonne santé et de ne pas être exposés à de lourdes dépenses de santé ? Comment les personnes à faibles ressources ou qui souffrent d'affections graves seraient-elles couvertes ? Le MEDEF ne le dit pas, mais la réponse est évidente : par un régime public qui leur serait réservé. Ce serait, ni plus ni moins, la sécurité sociale à deux vitesses, dont, je suis certaine, les Français ne veulent en aucun cas ;
en matière de retraites, ce serait la fin du système original que nous connaissons depuis plus de cinquante ans. Ce système, auquel les Français sont très attachés, permet de concilier la diversité des couvertures vieillesse selon les professions, et en même temps la solidarité entre ces professions. Cette solidarité est assurée par des mécanismes de compensation démographique, et à l'intérieur d'une même profession, par diverses dispositions non contributives qui permettent à chacun d'obtenir une bonne retraite malgré une carrière professionnelle ayant connu des aléas importants. La généralisation des régimes par points annonce l'étape suivante du projet du MEDEF : l'entrée en force des fonds de pension, dont les conséquences anti redistributives sont certaines ;
en ce qui concerne enfin les accidents du travail, comment croire que les salariés, victimes potentielles des accidents, seraient mieux protégés si le risque venait à être géré exclusivement par les employeurs ?
Non, vraiment, je crois que nos concitoyens attendent d'autres réponses des responsables politiques, car il y a en effet beaucoup à faire pour adapter ce grand service public qu'est la sécurité sociale à des besoins en constante évolution.
Il nous faut améliorer la régulation du système de santé sans créer des discriminations dans l'accès aux soins.
Il nous faut introduire dans nos régimes publics de retraite la souplesse qu'en attendent nos concitoyens, quant aux conditions du départ en retraite.
Il nous faut enfin améliorer la réparation des accidents du travail, et notamment aller vers leur réparation intégrale.
Ce sont les orientations que le Gouvernement met en uvre dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous ne serez donc pas surpris que le Gouvernement souhaite en rester au texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Je vous remercie.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 6 décembre 2001)