Point de presse de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur le processus et le calendrier de mise en forme des capacités communes de défense au sein de l'Union européenne pour la gestion des crises en Europe, Bruxelles le 20 mars 2000.

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Circonstance : Réunion des ministres des Affaires étrangères et de la Défense dans le cadre du Conseil "Affaires générales" de l'Union européenne, à Bruxelles le 20 mars 2000

Texte intégral

Je suis à votre disposition pour examiner les thèmes qui vous intéressent, à la suite de cette réunion du Conseil des ministres. Nous avons accepté à quinze le texte sur les capacités et sur la méthode pour la réalisation de l'objectif global, avec un calendrier proposé par Javier Solana qui est assez tendu. Nous avons aussi donné notre accord au texte d'intention, au texte de principe sur le comité de gestion civile des crises. Donc cet après-midi a confirmé que le travail de préparation qui avait été fait, notamment pour la partie qui nous concerne la réunion informelle de Sintra des ministres de la Défense avait permis de dégager un certain nombre d'obstacles. Le couple de l'année 2000, présidence portugaise et présidence française, devrait permettre d'avancer très sérieusement sur la mise en place des capacités communes d'ici au Sommet de Nice.
Q - Avez-vous parlé du mode d'association des pays non membres de l'Union européenne ?
R - On en a discuté et le texte du rapport de la présidence portugaise qui en fait état nous convient puisqu'il reprend, en la précisant prudemment, la formule d'Helsinki. Ce texte réaffirme le principe d'autonomie du processus de décision des Quinze. M. Hubert Védrine a précisé dans la discussion, puisqu'on s'était partagé le travail, que, de notre point de vue, il fallait considérer les quinze européens non membres de l'Union dans leur ensemble et ne pas faire de clivages trop formels entre eux et que nous étions disposés à avoir des relations de travail et notamment de réflexion, en avance des crises, avec les six pays non membres de l'Union et membres de l'Alliance puisque nous pourrions avoir à utiliser leurs moyens. Mais ceci devrait se faire au cas par cas, en fonction de la nature des crises et de leur développement.
Q - Le texte de la présidence prévoit que la SACER participe aux travaux de l'Union européenne ?
R - Non, il n'y a qu'une phrase dans le rapport de la Présidence portugaise sur l'ensemble du sujet et elle n'est pas du tout aussi précise.
Q - Pouvez-vous nous rappeler le calendrier de mise en forme des capacités communes ?
R - On avait commencé à en discuter. Nous, évidemment, ce qui nous intéresse c'est qu'à la fin de l'année 2000, non seulement la description de l'organisation de l'ensemble des forces conjointes soit pleinement validée mais que les contributions des nations, ce que nous avons appelé la conférence de génération des forces, soit formalisée. C'est ce qui ressort du schéma proposé par Javier Solana et qui a été retenu. Au fond, nous souhaitons apporter notre pierre, non seulement à cette phase là, qui est très importante, mais à la définition des capacités qui seront manquantes après la conférence de génération des forces. Il s'agit par conséquent de prendre un premier engagement commun de se partager la charge pour combler ces capacités manquantes dans la période fin 2000-2003.
Q - A quoi correspondent ces capacités manquantes ?
R - C'est la question des 60.000 hommes multipliés par 2,5 ou 3 car il faut prévoir la relève, celles des spécialités sur lesquelles nous constatons un déficit, les équipements communs qui sont encore manquants ou pas assez modernes, et les procédures de travail, les systèmes de commandement, les systèmes d'information et l'enseignement. Le coût s'en déduit. L'objectif n'est pas de dépenser de l'argent, c'est de fournir des prestations.
Q - C'est pour quand ?
R - A mon avis, c'est dès le premier semestre 2001. Dans notre évaluation du Kosovo, par exemple, on a noté que nous n'avions pas de missiles de croisière, mais ils sont dans la planification, dans la programmation et donc à la date où on les aura. Ce qu'il faudra, c'est faire le collationnement de toutes ces capacités qui sont en cours d'acquisition et de celles qui sont aujourd'hui manquantes et se répartir l'effort de complément de ces manques.
Q - Cette capacité d'action sera-t-elle limitée à l'Europe ?
R - Il n'y a pas eu de discussion là-dessus. Mais Helsinki a répondu à cette question. C'est principalement pour des crises en Europe, mais les Quinze peuvent décider de mettre à disposition tout ou partie de ces moyens militaires pour soutenir une opération de l'ONU. C'est dans cet ordre qu'il faut voir les choses.
Q - Quelle est la prochaine étape pour les ministres de la Défense ?
R - On a besoin maintenant d'avoir une espèce de règlement intérieur, de méthode de travail convenue sur les droits de l'organisme intérimaire et sur les relations entre les différentes institutions. Il faut une proposition de mandat du COPS intérimaire et de l'organe militaire intérimaire qui permette d'assurer, de fluidifier leur fonctionnement quotidien. Le travail vient de commencer et il faut une méthode, la plus rigoureuse et la plus efficace possible, rapidement, dans les semaines qui viennent.
Ensuite, il y aura ce travail de planification détaillée de la force, de description de l'ensemble des capacités requises auquel nous allons essayer d'apporter la contribution la plus efficace possible. Inutile de vous dire que le ministère français de la Défense y a pas mal réfléchi et que nous avons beaucoup de propositions à apporter. Et puis, il faudra préparer la conférence de génération des forces avec une préoccupation qui nous est commune avec plusieurs états et que les contributions proposées, faisant l'objet d'engagement des uns et des autres soient raisonnablement équilibrées.
Il ne faut pas qu'il y ait trop d'inégalité dans les efforts. Cela dépendra aussi du travail politique.
Q - Quand se tiendra cette conférence de générations des forces ?
R - Avant la fin de l'année. Or, non seulement le semestre de la présidence française est comprimé, mais il faudra que cela se soit passé avant le Conseil européen de Nice qui lui-même se tient début décembre. Si nous voulons réussir, il faut que cette conférence ait lieu formellement en novembre. Javier Solana, dans son descriptif de planning, disait qu'il faudrait au moins un CAGD (si j'ose dire), peut-être deux pour pouvoir préparer cela. Rien ne s'improvise le jour même. Il faut que cela ait été préparé en amont.
Q - Pensez-vous qu'une réunion ministérielle à 15 + 6 se tiendra avant le Sommet de Lisbonne ?
R - Ministérielle non. Le Conseil n'a pas conclu sur l'organisation des relations à 15 + 6. J'expliquais antérieurement que, de notre point de vue, il devait s'agir de réunion en fonction des sujets et qu'il ne devait pas y avoir de formalisation d'un format 15 + 6 qui serait officialisé sur tous les sujets et notamment pas sur la question des capacités. Les capacités, nous devons les réunir à quinze.
Q - Avez-vous évoqué telle ou telle situation, comme celle du Proche-Orient ?
R - Nous n'avons pas fait aujourd'hui de discussions de situation de crises. Nous n'avons parlé ni du Kosovo, ni de la Bosnie, ni du Proche-Orient, ni de la Tchétchénie. Nous étions vraiment sur le processus de construction des capacités et je rappelle qu'une des raisons pour lesquelles nous souhaitons qu'on passe assez vite à la structure définitive, c'est que précisément, selon l'Accord d'Helsinki, les instances intérimaires n'ont ni les compétences juridiques ni les moyens pratiques de se pencher sur la gestion de crises. Donc il ne faut pas faire semblant dans ce cas là.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2000)