Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur le bilan de l'année 2001 dans les domaines de la sécurité et de la protection civile et sur les grands chantiers pour l'année 2002, notamment les relations police - justice, le projet de loi sur la "démocratie de proximité", la Consultation pour l'organisation du culte musulman en France et l'organisation des prochaines échéances électorales, Paris le 16 janvier 2002.

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Circonstance : Présentation par M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, des voeux à la presse, à Paris le 16 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Pour la deuxième fois, j'ai le plaisir de m'adresser à vous pour la traditionnelle cérémonie de vux.
L'année dernière, je m'étais efforcé de vous démontrer que 2001 serait une année de travail et donc une année intense au ministère de l'intérieur. Je crois pouvoir dire que les faits ne m'ont pas démenti.
L'année 2001 a tout d'abord été dominée par une activité législative dense.
Le ministère de l'intérieur est traditionnellement un ministère de production de normes. Nombre d'entre vous sont des familiers des Palais Bourbon et du Luxembourg. L'an passé toutefois, nous nous y sommes rendus plus souvent qu'à l'accoutumée en raison de nombreux et importants chantiers législatifs . 6 projets de loi ont été adoptés.
Deux projets de nature électorale: l'adaptation de la loi de 1962 sur le déroulement du scrutin présidentiel et la loi organique sur le calendrier électoral.
Ensuite le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. Ce texte, qui a connu de substantielles modifications à la suite des événements de New-York le 11 septembre dernier, apporte des réponses concrètes à des problèmes concrets, dans plusieurs domaines de la vie quotidienne. Je pense par exemple à la sécurité dans les transports publics, dans les halls d'immeubles ; je pense aux chiens dangereux.
Je ne reviens pas sur la question des raves-parties puisque les dispositions ,que j'avais préconisées, ont été adoptées par une large majorité de gauche à l'Assemblée Nationale . Cela était attendu par les élus de toutes tendances et au-delà par l'ensemble de nos concitoyens, y compris dans leur grande majorité les jeunes qui entendent faire la fête sans sacrifier leur sécurité.
A été également voté le projet de loi sur la Corse, après un débat initié par le Premier ministre dans la transparence et le dialogue avec tous les élus.

La nouvelle loi a montré, tant sur la forme que sur le fond, qu'une voie originale était possible pour cette région, en respectant ses spécificités, pour garantir son intégration dans la République.
Dans le cadre d'une nouvelle étape de la décentralisation, a été présenté le projet de loi sur la démocratie de proximité dont l'examen se poursuit en ce moment même au Sénat.
L'ensemble de ces travaux, auxquels il faut encore ajouter le débat budgétaire, la loi relative à la modernisation du statut des sociétés d'économie mixte locales, a nécessité plus de 80 séances.
Si l'on y ajoute les 45 questions d'actualité, les 44 questions orales et les 792 questions écrites auxquelles il a été répondu, on mesure le poids du travail parlementaire dans l'activité des mois passés. L'ancien ministre des relations avec le Parlement sait de quoi il parle
Au-delà du débat sur le texte relatif à la démocratie de proximité que j'ai évoqué, les 6 semaines utiles avant la clôture de la session parlementaire nous permettront encore d'enrichir ce bilan. S'annonce déjà un texte sur la publication des sondages en période électorale, que j'ai présenté ce matin en conseil des ministres, pour adapter la loi de 1977 à la jurisprudence de la Cour de Cassation.
Vous le voyez ce ministère a inscrit en 2001 beaucoup de réformes d'importance, pour moderniser notre République, notre démocratie et pour mieux combattre l'insécurité.
En effet, outre ces travaux législatifs, 2001 a aussi été une année de mobilisation sans précèdent pour la sécurité.
Les services du ministère de l'Intérieur ont ainsi assuré un rôle primordial dans la sécurité du passage à l'euro, contribuant de façon déterminante à la réussite d'ensemble de cet événement majeur. La mission mise en place à cette fin auprès du directeur général de la police nationale a non seulement pris une part essentielle dans la conception, dans la mise au point et dans la mise en uvre du dispositif de distribution de la nouvelle monnaie et de retrait de l'ancienne, mais a également veillé au bon fonctionnement de toutes les phases du plan Vigi Euro. Ce plan doit beaucoup aux travaux engagés depuis plus d'un an sous l'autorité des préfets dans le cadre des commissions départementales de sécurité des transports de fonds.
Grâce à la détermination et au professionnalisme de chacun, plus de 10 000 transports à risque de pièces et de billets ont pu être réalisés sous escorte policière ou militaire sans incident marquant. Vigi Euro a mobilisé et mobilise encore un nombre important de policiers et de moyens matériels. L'effort, soyez en sûrs, ne sera pas relâché avant terme.
En 2001, la police nationale a, par ailleurs, poursuivi sa modernisation. Elle est engagée, depuis 2 ans, dans la mise en place de la police de proximité qui, depuis 2001, est véritablement "en marche". Avec la mise en uvre des contrats locaux de sécurité, se développe ainsi progressivement à Paris comme en province, une nouvelle forme d'action policière plus proche des citoyens, donc plus efficace.
Je tiens une fois encore à souligner l'effort exceptionnel fourni par tous les policiers qui ont su faire naître et porter cette réforme exemplaire: peu d'administrations se sont engagées dans une telle démarche et il faut avoir clairement conscience que la réussite de la police de proximité, plébiscitée par les élus, attendue par les personnels qui y trouvent motivation et valorisation de leurs métiers, est un atout majeur pour la police nationale
L'année 2001 a été aussi marquée par les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Je souhaite à cet égard saluer l'action des services spécialisés de la police judiciaire, des renseignements généraux et de la direction de la surveillance du territoire, dans la lutte contre le terrorisme qui leur a permis d'obtenir des résultats tout à fait remarquables, contribuant ainsi à la sécurité des Français et à la notoriété internationale de la police nationale de notre pays.
Je tiens ici à souligner encore combien le gouvernement, qui a décidé le jour même des attentats la mise en uvre du plan "Vigipirate renforcé", a pu apprécier la mobilisation des préfets et des services de police pour garantir la protection du territoire national. A une menace diffuse, angoissante, incertaine mais ô combien présente, ils ont réagi avec sang-froid, professionnalisme et pragmatisme. Les Français leur en sont reconnaissants.
En 2001, nous avons aussi su collectivement dépasser une crise d'une toute autre nature. Bien que faisant face à leurs missions, mais pas assez reconnus, jugeant leurs moyens matériels et leurs moyens d'action insuffisants, trop souvent victimes de violences ayant entraîné la mort de plusieurs d'entre eux, les policiers ont voulu rappeler à la nation qu'ils avaient besoin de son soutien.
Pendant l'année 2001, huit policiers ont, en effet, perdu la vie dans l'accomplissement de missions opérationnelles.
C'est un trop lourd tribut payé par les policiers à la paix et à la sécurité publiques. Leur mort traduit une intolérable violence à l'égard des représentants de la force publique qui appelle la plus grande fermeté contre les auteurs de pareils actes.
Le gouvernement sait combien ce métier est difficile, ingrat parfois, mais aussi combien il est nécessaire à la cohésion sociale. La police nationale est là pour assurer la sécurité qui est la première des libertés. Elle doit disposer des moyens juridiques, matériels et humains pour assurer cette mission, sinon c'est l'Etat qui se délite et la civilisation qui recule.
Pour toutes ces raisons, j'ai demandé et obtenu du Premier ministre des moyens sans précédent pour la police nationale. Sur cette base, je me réjouis d'avoir pu signer le 29 novembre avec les organisations syndicales représentant la plus grande partie des fonctionnaires de police un relevé de conclusions qui permettra dès cette année des améliorations concrètes.
A cet égard, je crois nécessaire de vous rappeler l'effort exceptionnel par son ampleur, en termes de créations d'emplois, qui aura permis entre 1997 et 2002 le recrutement de 5 200 gardiens de la paix et de 1 200 personnels administratifs, techniques et scientifiques. Cet effort sera poursuivi.
Le budget de la police nationale pour l'année 2002 est ainsi en hausse considérable puisqu'il s'élèvera à 34,5 milliards de francs c'est à dire 5,26 milliards d'euros, soit une augmentation de 21% par rapport à 1997.
En ce début d'année 2002, il nous faut mettre en uvre sans délai cet accord. Et c'est ce que nous faisons.
En outre, nous préparons le plan stratégique pour la police nationale.
Cela fait partie des chantiers en cours pour l'année qui vient car je veux placer l'année 2002 sous le signe des actions concrètes.
Il y faut de la persévérance et de la détermination : j'ai cette volonté chevillée au corps, pour améliorer au quotidien la vie des Français. L'insécurité est une préoccupation importante pour nos concitoyens. C'est pourquoi nous agissons pour la sécurité de tous parce que c'est la condition de la liberté de chacun. La sécurité collective garantit nos libertés individuelles. C'est bien le sens de la mission des policiers.
Cela suppose ainsi d'adapter l'action de la police aux exigences de la période, caractérisée par une montée des violences de toutes natures dans notre société.
Pour voir clair et loin, j'ai souhaité en effet que la police se rénove et poursuive son action dans une perspective à long terme. J'ai ainsi demandé au directeur général de la police nationale de me proposer une démarche stratégique d'ensemble comprenant les objectifs prioritaires à atteindre, l'organisation nécessaire et les moyens indispensables qu'ils impliquent.
Cette démarche stratégique pourra servir de fondement à l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle, dernier étage d'un véritable dispositif d'avenir pour la police nationale.
Par ailleurs vous savez combien nous devons renforcer le lien police-justice pour mieux combattre l'insécurité. Avec Marylise LEBRANCHU nous avons réuni préfets et procureurs pour examiner ensemble les moyens d'une action plus concertée et donc pour obtenir de meilleurs résultats face à la délinquance.
Nous devons casser le sentiment d'impunité que certains peuvent avoir. Ce ne sont pas les petits caïds qui feront la loi dans notre République. Et pour cela nous devons renforcer l'efficacité de la chaîne pénale et permettre aux policiers et aux magistats d'agir en meilleure cohérence.
Nous ne devons pas opposer police et justice, mais nous devons apprendre au contraire à mieux travailler ensemble au service de la sécurité donc des libertés. Le Parlement aura bientôt à rediscuter de certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence, je m'en réjouis.
Cette loi comporte des avancées considérables pour protéger les justiciables et les libertés individuelles. C'est l'honneur de ce gouvernement et du Parlement que de l'avoir débattue et votée. Il importe néanmoins de l'ajuster pour mieux l'appliquer. L'évaluation qui en a été faite par les policiers, les magistrats, les parlementaires, a montré que sur le terrain des difficultés existaient. C'est aussi l'honneur de ce gouvernement et de cette majorité que de ne pas les nier et d'essayer de les surmonter. Je suis convaincu que les Français attendent d'un gouvernement qu'il sache être attentif aux effets concrets des mesures qu'il prend, pour au besoin corriger ce qui doit l'être. C'est cela un gouvernement moderne, un gouvernement qui écoute, qui évalue, qui n'hésite pas à tirer les conséquences qui s'imposent.
En matière de sécurité, je lis attentivement les déclarations, les prises de position et les propositions des uns et des autres. J'y vois parfois beaucoup de démagogie et même certains dangers. Qu'il faille associer les Maires à la conduite des politiques locales de sécurité me paraît de bon sens : c'est ce que nous faisons depuis 1997 avec les CLS et cela a été formellement reconnu dans la loi sur la sécurité quotidienne. Mais certains n'hésitent pas à basculer vers une "municipalisation" de la police nationale. On nous parle de placer la police sous l'autorité des maires, donc de démanteler la police nationale. Mais qui peut croire que l'éclatement de nos forces de police sous l'autorité des 36000 maires les rendrait plus efficaces contre l'insécurité et la délinquance ? Chacun voit bien que cela irait à hue et à dia, donc créerait pagaille et désordre dans notre pays. Chacun voit bien aussi que se mettrait en place une sécurité à plusieurs vitesses avec une police pour les communes riches et une police pour
les communes pauvres. Ce serait un très grave coup porté à la cohésion sociale de notre pays. Aujourd'hui la droite milite pour l'explosion territoriale de la police. Moi je me battrai toujours pour son unité au service de l'intérêt général et de la cohésion sociale.
Autre volet important de mon action : le projet de loi "démocratie de proximité" actuellement discuté au Sénat. Vous le savez, ce projet de loi comporte un ensemble de dispositions concrètes pour améliorer la démocratie locale avec, par exemple, la création des conseils de quartier, le renforcement des droits de l'opposition dans les conseils municipaux, les conseils généraux ou de nouvelles garanties pour l'exercice des mandats électifs locaux. Vous savez aussi que ce projet de loi propose une nouvelle avancée de la décentralisation avec le transfert de certaines compétences de l'Etat aux régions.
Je souhaite vivement que ce projet soit voté avant la fin de cette législature mais sans rabaisser les ambitions de cette nouvelle avancée démocratique ni en dénaturer le sens.
S'agissant des réformes, je ne saurais oublier le fait le plus marquant de l'année 2001 pour le monde des sapeurs pompiers, je veux parler de la parution des décrets réformant la filière professionnelle attendu depuis plus de dix ans. Je souhaite que l'année 2002 soit consacrée au volontariat dont, je le rappelle, les effectifs représentent 85 % des sapeurs pompiers de France. Il faut ici rappeler que la réalité du travail des acteurs de la sécurité civile, dont le dévouement est connu, peut aussi se traduire par des blessés ou des décès en opération. Un hommage doit leur être rendu.
Conformément aux engagements que j'avais pris, il a été préparé un projet de loi relatif à la modernisation de la sécurité civile qui sera présenté en Conseil des ministres dans les semaines qui viennent.
J'avais indiqué dès mon arrivée place Beauvau que j'entendais poursuivre la "Consultation des représentants des principales sensibilités musulmanes sur l'organisation du culte musulman en France", initiée en octobre 1999 par mon prédécesseur Jean-Pierre CHEVENEMENT. Les travaux de la Consultation avaient abouti le 3 juillet dernier à la conclusion d'un Accord-cadre, prévoyant l'élection à partir des lieux de culte musulmans, d'une instance représentative nationale, relayée par des conseils régionaux.
Le processus de préparation de cette élection est maintenant entré dans une phase décisive. Une Association pour l'organisation des élections au Conseil français du culte musulman a pris les choses en main et supervise le travail de préparation des élections dans les régions. J'espère qu'il sera suffisamment avancé pour que celles-ci puissent se tenir avant les échéances électorales majeures que va connaître notre pays au printemps. La décision définitive à ce sujet sera prise très prochainement.
D'ores et déjà, ce processus a atteint un stade sans précédent. Le mérite en revient d'abord aux responsables du culte musulman de notre pays, les pouvoirs publics s'en tenant depuis l'origine à un rôle de facilitateur et de témoin attentif.
De la même manière, avec cette même volonté d'avancer et de faire uvre utile chaque jour, j'ai avant-hier annoncé la mise en uvre d'un plan d'aide aux familles de personnes disparues. Il est important en effet, que l'Etat reconnaisse la souffrance de ces familles et soit plus efficace dans les recherches entreprises.
Ensuite, nous poursuivrons en 2002 la mise en uvre du plan d'action pluriannuelle pour les préfectures pour mieux répondre aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Là encore, il s'agit de moderniser le réseau territorial de l'Etat, dans un dialogue constant avec les agents, au cur de cette profonde réforme.
Enfin comme ministre de l'Intérieur, j'ai la charge de préparer et d'organiser le bon déroulement des prochains rendez-vous électoraux. En mai prochain, les Français auront à faire un choix décisif pour leur avenir.
Ils auront à comparer les bilans et les projets et à dire dans quelle France ils veulent vivre.
Pour ma part, comme ministre de l'intérieur et avec la vision républicaine de la fonction qui est la mienne, j'exercerai mes responsabilités pleinement jusqu'à leur terme. Mais vous savez par ailleurs en qui je place ma confiance.
Les Français attendent du prochain Président de la République qu'il tienne ses engagements, qu'il poursuive la modernisation de notre démocratie et qu'il continue la transformation sociale de notre pays, bref qu'il soit un Président de la République solide pour mener avec le Gouvernement les réformes dont notre pays a besoin, mais aussi qu'en toutes circonstances, il incarne l'autorité de l'Etat et garantisse l'exercice des libertés.
Mesdames, Messieurs,
2001 fut une année à la fois difficile et passionnante. C'est avec la même énergie, la même détermination, la même volonté de servir mon pays que j'engage cette année 2002.
Je forme des vux pour vous, pour vos proches et au delà pour tous les Français.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 21 janvier 2002)