Discours de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur le bilan de l'action du PS et de la gauche plurielle au pouvoir depuis 1997 en comparaison avec celui du Président Chirac, les changements effectués en France depuis cette date, la préparation de la campagne présidentielle 2002, les projets du PS et l'action de l'opposition de droite, Paris, le 6 décembre 2001.

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Circonstance : Meeting national du PS, à la Porte de Versailles, Paris, le 6 décembre 2001

Texte intégral

Ce meeting constitue le premier acte de notre campagne pour les élections de 2002. Son succès est de bon augure pour la suite ; il crée notre désir de continuer ensemble.
Certains ont fait mine de s'étonner de cette initiative. Pourquoi donc lancer une campagne puisque nous n'aurions pas de candidat ? Lionel Jospin hier a tenu à rassurer les plus inquiets, il y en a toujours même parmi nous. Enfin, ceux qui croient aux probabilités même si la politique n'est jamais un jeu de hasard. Je le fais à mon tour. Oui, les socialistes auront un candidat. Oui, ils l'investiront à la fin du mois de février. Oui, ils le connaissent déjà. Nous n'avons pas de doute son identité. Pas plus que nous n'en avons sur celle de notre adversaire principal qui est en campagne depuis des années, faute d'être au travail.
Mais, le Parti socialiste ne se réduit pas à un seul de ses militants, fut-il le plus illustre. Il existe par lui-même. Il a son rythme, ses rendez-vous, son activité propre. Et aujourd'hui, il part à la bataille pour préparer non pas la victoire d'un homme mais celle d'un idéal qui dépasse chacun d'entre nous.
Mais, pourquoi lancer une campagne sur un bilan ? Quelle faute de goût affirment nos détracteurs. Comme si, de nos jours, une élection se gagnait là-dessus ! Ce ne serait plus à la mode. Ce serait dépassé et même déplacé. Quelle drôle d'idée ont ajouté nos adversaires ! Comme s'ils ignoraient que la politique c'est une promesse traduite en actes. Comme s'ils savaient que, sur leur propre bilan, ils n'auraient aucune chance !
Et bien, c'est l'honneur des socialistes, 5 ans après leur victoire de 1997, que de revenir vers celles et ceux qui leur ont fait confiance pour rendre des comptes, pour évaluer la réalité de nos engagements pris à cette époque, pour mesurer les acquis de cette législature. Bref, pour être jugés sur pièces. Nous, nous ne fuyons pas devant nos responsabilités ni devant nos juges, en l'occurrence les Français.
La France a changé. Elle a retrouvé la croissance, même si plusieurs fois elle a pensé la perdre en chemin. Oui, elle a vaincu la fatalité de la progression du chômage, même si rien n'est joué et que l'hydre redresse la tête depuis quelques mois ; elle a repris confiance en elle, en ses capacités d'initiative, en ses chances de progrès, même si les portes continuent de se fermer pour les mêmes, pour un âge trop élevé ou trop précoce, une formation trop longue ou trop courte, pour une peau trop brune ou trop noire.
La France, elle a changé. Elle a conquis du temps avec les 35 heures, des libertés avec la Parité et le PACS, des garanties avec l'Allocation Personnalisée Autonomie, des droits avec la CMU.
La France a changé. Elle a davantage consommé grâce à plus de pouvoir d'achat ; elle a investi pour l'avenir avec l'éducation, la formation, la recherche, mais aussi la ville, le logement social, les transports collectifs, l'environnement.
Ce mouvement, il est d'abord celui que les Français ont voulu pour eux-mêmes. Ce sont eux qui, confirmant leur vote de 1997, ont bougé les lignes, brisé les verrous, accéléré les mutations, provoqué la reprise de l'économie. Ils ont été -les Françaises et les Français- les acteurs de leur propre changement, les promoteurs de nouveaux modes de vie et de comportements.
Et nous n'avons pas la prétention d'avoir tout décidé d'en haut, d'avoir tout organisé, d'avoir -à bien des égards- tout modifié par des décisions publiques. À bien des égards, nous avons accompagné, suivi, stimulé quand nos prédécesseurs freinaient, retenaient et -pour tout dire- bloquaient, au point même de ne plus croire en l'avenir, en la société française, en eux-mêmes ; au point de faire une dissolution en forme de reddition, comme pour sanctionner la trahison de leurs promesses de 1995.
La France a changé. Elle le doit à la gauche qui, comme à chaque fois où elle accède aux responsabilités -quels que soient les obstacles ou vicissitudes qu'elle rencontre sur sa route, quelle que soit la forme que revêt son action ou le jugement parfois ingrat des électeurs à son encontre, fait avancer la société, introduit de nouveaux acquis. Hier, les congés payés, la retraite à 60 ans, le RMI. Aujourd'hui, les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. C'est ça la Gauche et c'est son honneur. Et pour la première fois dans notre histoire, nous avons réalisé ces avancées sans pause ni parenthèse, sans perdre jamais le lien de confiance avec les Français, sans être conduits à rendre les armes devant les contraintes financières, à abdiquer devant plus fort que nous ou à appeler -de guerre lasse- la rigueur ou le repli. Nous avons tenu bon et nous avons gagné.
Et pour autant, nous n'avons pas tout fait ou tout bien fait : Nous ne fermons pas les yeux devant la réalité, devant le désespoir des sans-emploi, la souffrance des sans logement, l'angoisse des sans papiers.
Nous n'ignorons rien de cette réalité qui blesse. Comme nous mesurons les violences de notre société qui frappent les plus humbles, les plus fragiles, les plus pauvres. Nous constatons les insuffisances de l'intégration qui laissent de côté les enfants perdus des quartiers oubliés.
Nous sommes aussi lucides sur les défis qui demeurent. L'Europe, avec une monnaie qui unit mais sans la force politique qui construit. Le monde, avec un marché global mais sans les règles qui l'encadrent. La France, avec son cortège de lois mais sans toujours le respect de leur application.
Alors, oui, nous venons en cet instant précis, en cette fin d'année 2001, devant les Français à la fois avec une fierté légitime et une modestie évidente. Fiers du travail accompli, fiers du gouvernement de la Gauche plurielle - à l'évidence, fiers de Lionel Jospin - sûrement, et modestie devant les attentes qui demeurent ainsi que l'ampleur et la gravité de tout ce qu'il reste à faire ensemble. Mais nous allons surtout vers eux au nom d'une conception de la politique fondée sur le respect. Respect des engagements pris devant les Français ; respect de la parole donnée, respect des citoyens à la veille d'une grande confrontation. La sincérité, la fidélité, l'honnêteté ne se proclament pas. Elles ne se donnent pas à l'avance. Elles se vérifient à l'aune des actes, des décisions et des choix. C'est bien le moins dans une démocratie que de conclure ainsi une période pour en ouvrir une autre.
Un bon bilan ne garantirait pas, nous dit-on, une victoire, même si un mauvais bilan - à coup sûr - assure la défaite. Si nous admettons ce principe, qu'au moins le bilan serve de gage de crédibilité, de critère d'efficacité, et j'allais dire de caution morale. Au terme d'une législature pour les uns (pour nous), d'un septennat pour les autres, chacun vient avec ses références -si je puis dire avec ses comptes. Nos adversaires voudraient se dispenser de cet exercice, de cette évaluation, de cette comparaison. Ce serait trop simple.
C'est pourquoi, je conjure le Président sortant -s'il m'entend, c'est possible car les services sont généralement bien faits- ou à défaut ses amis -s'ils sont là, j'en doute- de se livrer à ce devoir de vérité.
Que retiendraient-ils d'ailleurs ? Le fonctionnement des institutions ? Nul n'avait été avant lui capable de rater à la fois une dissolution et un référendum - on imagine les conséquences que De Gaulle en aurait tirées. Jacques Chirac, lui, a préféré battre le record de durée de la cohabitation On a les succès que l'on peut.
L'action internationale ? Reconnaissons que, sur ce plan-là, il a beaucoup voyagé, tellement voyagé. Trop voyagé.
Les réformes ? Il a empêché celle de la Justice et c'est Lionel Jospin qui a réalisé celle de la Défense. Voilà pour le bilan de Jacques Chirac. Ce serait tout. C'est bien court pour un mandat si long ! Le fardeau, c'est n'avoir rien au bout de 7 ans dans sa besace. C'est ça le plus lourd à porter.
Mais, la force de Jacques Chirac serait -paradoxalement- de ne pas avoir de bilan. Bref, de n'avoir rien fait. Ne rien faire, c'est ce qu'il peut faire de mieux. Car, quand il fait, il défait. Le pire, c'est quand il décide, quand il agit Bref, quand il gouverne. Ce temps-là n'est pas si lointain. C'était celui d'Alain Juppé. Les deux points de TVA en plus, la création du RDS, la " mauvaise graisse ", Thomson vendu au franc symbolique, le chômage à 3 millions, 120 milliards de déficits de la Sécurité Sociale, 2 millions de personnes dans la rue, l'Eglise Saint Bernard éventrée à coup de hache, la reprise des essais nucléaires, les " Juppettes " éconduites C'était hier et ce ne sera pas demain.
Demain sera ce que les Français décideront. Et, il nous revient -à nous socialistes- de leur proposer une nouvelle donne, d'ouvrir de nouvelles perspectives et de dégager de nouveaux horizons.
La Gauche doit faire de la campagne de 2002 un rendez-vous essentiel pour le pays. Il faut définir une ambition collective, voir loin, au-delà même du quinquennat et donner du sens, mais aussi livrer des propositions, des engagements, des calendriers Bref, adopter une démarche programmatique fondée sur une fonction présidentielle active, prenant appui sur une équipe et réhabilitant la politique par une délibération collective et une participation effective des citoyens. Voilà notre projet que prépare Martine Aubry.
Notre projet s'inscrit dans un contexte, à bien des égards, nouveau marqué par l'inquiétude face à un monde déstabilisé par des conflits jamais éteints par la résurgence du fanatisme, inquiétude face à une économie incertaine qui peut autant basculer brutalement dans la récession que retrouver rapidement un cycle de croissance, inquiétude face à des violences multiples qui semblent bousculer les hiérarchies des urgences et des priorités.
Il nous faut y répondre en rassurant sur les évolutions à venir, en donnant de l'espérance sur l'action collective et en appelant aux réformes indispensables.
Plus que jamais la liberté, l'autonomie, l'accomplissement individuel ont besoin de règles, de protection, de garanties pour pouvoir s'épanouir. Le rôle de la gauche, dans cette période, est de contribuer à l'équilibre, à l'apaisement, à l'harmonie. Ce n'est pas une attitude conciliatrice ou une posture prudente. C'est au contraire une volonté forte. C'est une action collective vigoureuse qui passe par des objectifs essentiels à atteindre si l'on veut faire de la France une référence.
1/°- Une société de plein emploi, parce qu'il n'est pas admissible que deux millions de nos concitoyens soient encore privés du droit au travail et que beaucoup vivent dans la précarité ou avec des salaires inférieurs au SMIC.
2/°- Une société de la connaissance, parce que l'accès au savoir est la condition première de l'égalité des chances et de la réussite économique. L'éducation sur toute la vie, le droit pour chacun de se former pour apprendre ou pour retravailler, la possibilité donnée à chaque salarié d'acquérir à tout âge de son parcours professionnel de nouvelles qualifications constituent pour nous les nouvelles frontières à déplacer.
3/°- Une société du temps choisi, parce que les 35 heures ont déjà modifié nos modes de vie et que nous sentons bien qu'une organisation du temps devient la manière la plus satisfaisante de régler les questions aussi décisives que la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, la formation et la retraite.
4/°- Une société confiante dans sa jeunesse, parce que c'est le meilleur investissement pour l'avenir ; ce qui suppose de lui donner les moyens de son autonomie, d'assurer son insertion et de prévenir les dérives aux âges les plus précoces.
5/°- Une société solidaire, parce que c'est le sens même de notre combat : la lutte contre les inégalités. Et qu'il nous revient inlassablement de continuer à changer les règles au plan mondial (sur ce plan-là, l'annulation de la dette constitue une urgence), comme au plan national (santé, logement) .
La solidarité, c'est enfin la sécurité. Nous la revendiquons car il s'agit rien de moins que la garantie de l'effectivité des principes de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Il faut donc une politique globale faite de prévention -mieux vaut agir sur les causes de la violence que sur ses conséquences- et de punition car l'impunité est pire que le forfait.
Il faut à cela deux autres conditions : l'égalité effective de tous devant la loi et que l'exemple soit donné à tous les niveaux, et notamment au sommet de l'Etat. C'est avec une politique globale de sécurité -prévention et sanction- qu'elle marche sur deux jambes et c'est toujours la meilleure façon d'avancer.
Voilà nos objectifs. Ils appellent des réformes de structure : institutions, organisation de l'Etat, approfondissement de la décentralisation, démocratie sociale, pour renforcer la citoyenneté. Soyons dès à présent exemplaires.
Ce projet s'enrichira tout au long des prochains jours par la participation de nos militants, par le dialogue avec les Français. Il nous revient de les questionner sur leurs attentes, de les interroger sur nos propositions. Gardons-nous de nous adresser aux Français que pour les inciter seulement à s'inscrire -pour les plus jeunes- sur les listes électorales ou pour aller voter. N'oublions jamais que l'abstention reste notre pire ennemi, que l'indifférence civique est notre adversaire. En parlant d'adversaire, je n'oublie pas la droite.
La Droite, parce qu'elle sait qu'elle n'est pas majoritaire sur ses idées et qu'elle porte comme un boulet la persistance de son impopularité d'hier, veillera à avancer masquée. Certes, elle fera de la sécurité son thème principal. Elle croit avoir trouvé-là son terrain, son terreau, comme dans les années 80. Elle pense pouvoir capitaliser pour elle-même les ressorts qui alimentaient jusque-là l'extrême droite. La place est chaude. Et la droite brûle de l'occuper. Attisant les peurs pour mieux les exploiter, exaspérant les tensions pour provoquer les conflits, caricaturant les lois qu'elle a elle-même votées, elle charrie déjà tous les amalgames : jeunes - délinquants - immigrés. Tout est bon pourvu qu'il y ait l'ivresse sécuritaire, la fièvre démagogique et les vapeurs populistes qui vont avec. Aux oubliettes la présomption d'innocence que Jacques Chirac appelait de ses vux comme pour mieux se protéger. Aux orties l'ordonnance de 1945 quand bien même faudrait-il abaisser la majorité pénale à 13 ans, et certains même disent à 10 ans Et pourquoi pas à la naissance si on vient d'un " mauvais milieu " ou d'une " mauvaise race " ! Aux gémonies la police nationale puisqu'il s'agirait maintenant de la municipaliser.
Alors, tout est bon. Une agression de policier ou de gendarme, une faute inexplicable d'un juge pour inciter la rue à remettre en cause la loi, voire nos traditions républicaines les mieux établies. À droite, ils n'ont que les mots d'autorité de l'Etat à la bouche, mais ils n'ont de cesse que de réduire l'Etat pour ne retenir qu'une autorité sans Etat, pire sans Etat de droit.
Leur campagne sera d'abord celle de la peur de l'autre, la peur de nous. Mais elle sera surtout une campagne de la dissimulation -comme pour les élections municipales avec l'apolitisme. Car la droite sait le rejet qu'elle inspire et tente de camoufler son visage.
Ah la belle équipe qui s'ébroue ! Il y a d'abord les perdants de 1997 qui avancent en rangs serrés ; ils sont en majesté avec Alain Juppé qui est à la manuvre ; chef de campagne aux commandes d'une machine construite pour lui, l'UEM -sorte de Canada dry du RPR (c'est vous dire la saveur !), destiné à remplacer le parti gaulliste pour mieux servir Jacques Chirac.
Il se connaît néanmoins lui-même ; et, lucide, il nous promet qu'il n'est candidat à rien, en tout cas pas avant 2007. Cela donne nous quelque répit.
Mais, les perdants de 95 n'ont pas perdu tout espoir. Nicolas Sarkozy s'avance une nouvelle fois prêt à se dévouer, c'est-à-dire à trahir. Ainsi, après avoir suivi Chirac puis Balladur, le voilà de nouveau au service de Chirac avec le même enthousiasme, la même foi, la même aspiration, la même certitude. Il y a des soutiens dont Jacques Chirac devrait se méfier. Mais, les perdants de 2001 n'ont pas dit leur dernier mot. Et Philippe Seguin, pour l'occasion allié à Bernard Pons et pourquoi pas Jean Tibéri, vient frapper lui aussi à la porte. Pauvre Michèle Alliot-Marie ! Oubliée de tous ! assise sur son coffre -je n'ose dire sur sa cassette- qui garde une maison vieille de 25 ans et promise à la liquidation par deux syndics de qualité : Jérôme Monod -ex PDG de la Lyonnaise des Eaux- et Alain Juppé -expert en dissolution.
Mais, après tout, ce sont leurs affaires. Et peu nous importent leurs médiocres calculs, leurs bruyantes rivalités ou le choc de leurs ambitions. Seuls comptent en définitive leurs sentiments. Ils ne s'aiment pas entre eux, comment pourraient-ils aimer les Français ?
Leurs intentions ne sont pas plus franches. Les partisans de Jacques Chirac ont placé leur projet autour de la " société de confiance ". Les mots pourraient faire illusion. Mais comment leur faire confiance ? Ils n'ont jamais tenu parole, ils ont anémié l'économie, ils ont désespéré jusqu'à leurs propres partisans ! Société de confiance disent-ils ? Mais ils n'ont même pas confiance dans la société. Ils se méfient des jeunes, méprisent les fonctionnaires, voient dans les droits des femmes une menace pour la famille, considèrent les 35 heures comme une prime à l'oisiveté, la protection sociale comme une charge insupportable pour les entreprises. Ils n'aiment pas la société française.
Alors, ils préféreront ne rien dire de clair, ne rien écrire de précis, se contenter de vagues orientations pour n'effaroucher personne et ne prendre aucun engagement pour être sûrs, cette fois-ci, de tenir.
Le MEDEF, néanmoins, n'a pas cette pudeur, ni cette retenue et encore moins cette réserve. Il veut son compte, c'est-à-dire sa politique. Et s'il s'engage, c'est pour fournir -clé en mains- le vrai programme de la droite, celui qu'elle devrait exécuter de gré ou de force si elle revenait au pouvoir : le démantèlement de l'assurance maladie avec l'Etatisation du financement d'un côté et la privatisation de l'organisation de l'autre; la mise en place des régimes de capitalisation pour les retraites ; la fin des 35 heures à travers le retour illimité aux heures supplémentaires ; l'abrogation de la loi de modernisation sociale -ce qui a permis à Antoine Seillière de signer la pétition de sa vie ; la vente à l'encan des services publics ; la réduction drastique du nombre des fonctionnaires. Voilà le schéma. Il est sous nos yeux.
Parfois, dans leurs meetings, les leaders de droite -et notamment N. Sarkozy et A. Juppé- finissent pas se lâcher et passent aux aveux. Mais Jacques Chirac les retient car il veut faire de l'élection présidentielle une simple bataille d'image, de communication
La méthode est connue et éprouvée. Elle date de 1995 et a été rodée avec systématisme depuis 1997. Faire sympa, voilà l'impératif. Faire sympa, pour J. Chirac, c'est devenu comme une seconde nature. Je veux dire par là qu'il n'avait pas un don particulier, une prédisposition, voire une inclinaison spontanée à la sympathie. Ses amis de droite, depuis 1974 notamment, en savent quelque chose puisqu'il a réussi à détruire sa famille politique et à faire le vide autour de lui. Et les Français n'avaient pas jusqu'à récemment cette image de lui, ni d'elle d'ailleurs.
Alors il s'est formé, il a appris, il a étudié (je ne sais s'il existe une école de la sympathie). Il est passé maître dans l'art de la poignée de mains. D'ailleurs, la seule question qu'il se posera au terme de sa carrière politique sera celle-là : " combien de poignées de mains ai-je serré dans ma vie ? ". C'est sans nul doute un objectif louable ! Mais il a éprouvé une autre méthode : celle de la photographie. Il se fait photographier avec les gens. Je veux rassurer celles et ceux qui sont sur ces clichés et je veux leur dire qu'ils conservent intacte leur liberté de vote. Et il a mis au point une technique qui consiste à dire ce que son interlocuteur veut entendre : Rencontrant il y a peu les Présidents des Conseils généraux, il affirme son attachement aux départements ; aux Présidents de région, il leur dit Vive la région ! Aux maires, qu'il n'y a rien de plus beau que la commune. Son seul problème est quand il se parle à lui-même car il ne sait pas ce qu'il pense vraiment ; il n'a rien à dire.
Nous devons refuser cette imposture qui voudrait que les Français se déterminent pour cette élection sur des images, des faux-semblants, des photos de famille, des émotions lues au prompteur. C'est de politique qu'il s'agit, c'est-à-dire d'idées, de projets, d'ambitions collectives, pas de trucs pour se reconduire dans une fonction au prétexte qu'on a tout raté dans le premier mandat.
Le rassemblement de ce soir consacre la mobilisation des socialistes sur l'action du Gouvernement de Lionel Jospin depuis 1997. Il ouvre le temps de la discussion et de présentation de notre projet. Il prépare -et avec quelle vigueur- la confrontation qui opposera le candidat que nous choisirons en février prochain -et que nous connaissons déjà- à celui de la droite, de toutes les droites et que nous ne connaissons que trop.
La bataille démocratique qui s'engage est essentielle pour l'avenir de la France. L'élection présidentielle n'est pas une consultation banale, une mécanique rituelle. Elle décidera des principaux choix pour les cinq prochaines années. Elle marquera soit une mutation vers une société plus apaisée soit la répétition en plus court il est vrai, d'un septennat raté, au risque d'un éclatement social.
L'Europe sera également au cur de notre démarche. Elle ne peut rester dans l'entre deux. Une accélération politique est attendue, une direction ferme et volontaire est espérée, une régulation des marchés est exigée. Du choix des Français en 2002 dépendra aussi l'avenir des Européens.
CONCLUSION
Voilà pourquoi, Cher(e)s Camarades, cette élection ne constitue pas seulement un affrontement entre deux hommes, entre deux caractères, deux personnalités, deux manière de faire de la politique. Elle n'est pas non plus une compétition entre deux coalitions électorales, celles qui nourrissent depuis toujours le débat démocratique, le mouvement et la conservation. Entre la gauche et la droite, il n'y a rien au milieu et pas d'avantage au-dessus. Et ceux qui le prétendent ne viennent jamais de nulle part et tombent toujours d'un côté et rarement de bien haut.
Non, cette élection est bien plus que cela. Elle met en jeu la nature même de notre société, la conception de la République, l'honneur de la politique. Et c'est pour cela qu'elle s'inscrit dans un combat sans doute économique, social car c'est l'enjeu majeur, sociétal mais aussi moral.
Ce soir, la force socialiste que Lionel souhaitait voir se mettre en mouvement commence sa marche, elle ne s'arrêtera plus. Elle se déploiera tout au long des prochaines semaines, emportera tous les concours -les militants bien sûr, les sympathisants, les électeurs. Elle grossira à mesure des échéances, rassemblera toute la Gauche plurielle et au-delà, construira -si les Français le veulent- la victoire.
Aussi, Lionel, regarde nous. Nous sommes prêts. C'est certain. AlorsPrépare-toi.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 12 décembre 2001)