Déclaration de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur le dernier projet de loi de finances rectificative en francs, consacrées à l'Intérieur, à la Défense et au secteur social, et sur les dispositions pour mieux intégrer la fiscalité française en Europe, à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2001.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée Nationale, le 4 décembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Finances,
Monsieur le Rapporteur général du Budget,
Mesdames et Messieurs les députés,
Par tradition, le projet de loi de finances rectificative s'impose comme un exercice annuel, une comptabilité ligne à ligne des ouvertures et des annulations de crédits décidées ou réajustées. Il n'est pas que cela. Chaque année, à la même époque, il marque une étape significative dans la gestion de nos finances publiques : il complète et parachève l'examen du budget en fonction des évolutions de la conjoncture observées au fil des mois. Cette année particulièrement, il est un acte important de la politique économique du Gouvernement : dernier collectif de la législature, il est aussi le dernier en francs. Vous ne me tiendrez donc pas rigueur d'écorner un peu le formalisme pour rappeler, au-delà de l'inventaire technique et de l'examen chiffré, nos orientations et nos choix budgétaires au service de la croissance et de la solidarité durables.
1) Ces orientations et ces choix ne sont pas séparables de la situation de l'économie mondiale et de ses conséquences sur l'activité dans notre pays. Lorsque nous avons présenté le projet de loi de finances pour 2002 à la mi-septembre, nous avons retenu une hypothèse de croissance pour cette année de 2,3% avec un seuil bas de 2,1%. Cette fourchette était inférieure de plus d'un point à l'hypothèse de croissance retenue dans le PLF 2001 car elle intégrait l'information dont nous disposions alors sur le ralentissement économique
constaté au 1er semestre. En juillet, nous avions d'ailleurs fait de même pour les recettes fiscales, révision traduite dans le collectif qui vous est soumis.
Depuis un an, la bourrasque a été rude. La flambée des prix du pétrole et le retour à la raison dans les secteurs de la nouvelle économie ont fait ralentir la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro dès la fin 2000. La production industrielle a baissé aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne. La France s'est plutôt mieux sortie que ses partenaires européens des premiers effets du retournement, notamment grâce aux baisses d'impôt pour les ménages et les entreprises. Notre croissance a bien résisté jusqu'au début 2001 mais elle a été nettement moins forte depuis l'hiver dernier, l'emploi et l'investissement ont ralenti au printemps, la baisse du chômage s'est interrompue à l'été.
Il n'y avait évidemment aucune possibilité que l'inflexion de l'activité mondiale épargne la France. Nos entreprises industrielles, qui sont engagées plus qu'hier dans la compétition internationale, ont réduit la voilure dès qu'elles ont perçu le ralentissement, taillant dans leur stocks, gelant certains projets d'investissement, freinant l'embauche. A cet ajustement de la demande des entreprises se sont ajoutés au printemps les effets immédiats sur la consommation de la bouffée d'inflation qui a frappé l'Europe avec la crise alimentaire et les tensions renouvelées sur le prix du pétrole. Dans ces conditions, l'activité a nettement ralenti.
Toutefois, nous avons estimé que la France, mieux que d'autres, affronterait ce coup de froid. L'expérience la plus récente en témoignait : face aux chocs extérieurs, qu'ils soient monétaires ou alimentaire, pétrolier ou technologique, les grandes économies européennes n'ont réagi ni exactement en même temps, ni de la même façon malgré des taux d'intérêt et de change communs.
Structures économiques, marchés du travail, politiques budgétaires, des différences existent entre nos pays. Elles expliquent des résultats de croissance contrastés d'un pays à l'autre de la zone euro, même si aucun n'est évidemment protégé.
Ici même, lors du débat d'orientation budgétaire, nous avions rappelé les atouts de notre économie, confortés par la politique économique suivie depuis 1997, qui devaient maintenir une consommation des ménages robuste, au-delà des à-coups mensuels, et éviter un fléchissement trop brutal de l'activité économique d'ensemble sur le second semestre de l'année 2000. Nous pensions à la modération des prix, au maintien d'un flux de créations nettes d'emploi, à la légère accélération des salaires individuels et au calendrier pertinent des baisses d'impôts.
En dépit des divergences exprimées au sein de la communauté des prévisionnistes, les derniers indicateurs confortent plutôt l'analyse et les choix du Gouvernement. Sur les 5 derniers mois, les prix n'ont augmenté que de 0,1%. Depuis le début de l'année, plus de 200 000 emplois ont été créés dont 45 000 entre juillet et septembre, période traditionnellement moins favorable à l'emploi. Sur 12 mois, le salaire individuel de base a progressé de 2,5%. La consommation des ménages en produits manufacturés a crû de 1,7 % au 3ème trimestre par rapport à 2000. Enfin, la croissance du 3e trimestre a été robuste puisqu'elle a affiché + 0,5%. Au total, la France devrait finir l'année avec une croissance de l'ordre de 2% contre environ 1% aux Etats-Unis, moins de 1% en Allemagne et un résultat négatif au Japon. Si personne ne conteste plus ces chiffres, c'est parce qu'ils sont des faits. Ils nous permettent de maintenir la fourchette de croissance et de confirmer notre prévision de recettes pour 2001 dans ce projet de loi de finances rectificative.
Ce qui fait débat désormais, c'est la croissance pour 2002. Son évolution dépend largement des conséquences des attentats sur la conjoncture et de l'évolution de la situation diplomatique et militaire en Afghanistan. Elle déterminera pour une part la perception des agents économiques. Au moment des attentats, nous avions identifié 3 risques : le risque pétrolier, le risque financier, le risque psychologique. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le prix du pétrole a fortement baissé. Les prix à la pompe ont suivi. C'est une bonne nouvelle pour l'inflation et le pouvoir d'achat des prochains mois. La baisse de notre facture énergétique, c'est aussi un élément favorable à la croissance. Second front, celui des marchés financiers qui ont enregistré fin septembre des pertes sévères. Elle sont aujourd'hui rattrapées, en partie grâce à la réaction de la Réserve fédérale et de la BCE : les baisses de taux d'intérêt ont été amples et rapides. L'argent moins cher, c'est un élément favorable à l'activité économique pour 2002. Aussi sérieux était le risque psychologique. Pendant l'automne, la confiance des entrepreneurs et des ménages a accusé le coup, et leur pessimisme est alimenté par des statistiques qui portent encore la marque du choc des attentats. Mais, l'indice de confiance de l'INSEE paru ce matin constitue en tout cas, un point d'appui intéressant. En un peu moins de 3 mois, le climat a évolué : le débat ne porte plus sur la possibilité d'un rebond de l'activité, mais sur son calendrier. La probabilité d'une reprise en 2002 est forte même si la rapidité des évolutions incite à la plus grande prudence dans les prévisions.
Prudence dans les prévisions, mais volonté dans l'action. Agir, tel est l'objectif du plan de consolidation de la croissance présenté au nom du Gouvernement le 16 octobre devant votre Assemblée. Vous aurez l'occasion d'en débattre en examinant ce collectif qui traduit dans la loi les orientations qui le composent, mais vous en connaissez l'inspiration générale : conforter la demande des ménages pour préserver l'emploi grâce notamment au doublement de la PPE au titre 2001 ; stimuler l'investissement de nos entreprises et renforcer l'effort public en faveur des PME, de la création d'entreprises, de l'innovation et des biotechnologies ; soutenir les secteurs qui ont subi de plein fouet le contre coup économique des attentats - je pense en particulier aux transport aériens et à l'assurance ; enfin, favoriser le redémarrage des télécommunications - avec, notamment, la redéfinition des règles concernant l'UMTS qui profitera aux entreprises du secteur et bénéficiera aux consommateurs ainsi qu'à l'aménagement du territoire. Un Etat responsable, c'est un Etat qui sait adapter ses décisions à l'évolution de l'environnement, de manière pragmatique et volontariste. Cela, les agents économiques l'ont bien perçu.
2) Dans ce contexte, le projet de loi de finances rectificative traduit d'abord la volonté du Gouvernement d'accompagner l'évolution de l'économie et de laisser jouer les stabilisateurs du budget en recettes. Dans le collectif que nous vous présentons, le déficit du budget de l'Etat est fixé à 212,48 MdF (32,4 Md), soit une hausse de 25,9 MdF (3,9 Md) par rapport à la LFI pour 2001 qui correspond au montant des baisses de prélèvement fiscaux par rapport à la loi de finances initiale indiquées lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2002. Le déficit est pratiquement identique à celui du collectif de la fin de l'année 2000 qui s'établissait à 209,5 MdF (32 Md). Le palier en matière de réduction du déficit de l'Etat est rendu nécessaire par le ralentissement de l'économie, mais je rappelle qu'une nouvelle réduction de ce déficit figure dans la loi de finances pour 2002, qui ramène le déficit à 30,4 Md. Pour le Gouvernement, laisser jouer les " stabilisateurs automatiques " signifie qu'il ne compensera pas les moins-values de recettes par des coupes sombres dans les dépenses : c'est un choix pour la croissance.
En retour, cette stratégie nous impose d'être pleinement respectueux de la norme en dépense que nous nous sommes fixée. Depuis 1997, les objectifs de dépenses ont été tenus. Celles-ci auront progressé en moyenne et en francs constants d'un quart de point par an, ce qui devrait inciter à plus de modestie certains professeurs de gestion, sanctionnés hier pour celle qu'ils avaient conduite. Les ouvertures nettes du budget général s'établissent à 5,1 MdF (0,78 Md). Compte tenu d'une révision de la prévision d'inflation pour l'année 2001 à 1,6% contre 1,2 en LFI, cette progression en valeur courante traduit une stabilité en francs constants par rapport à la loi de finances initiale : le projet de loi de finances rectificative respecte ainsi l'objectif de progression en volume de 0,3% des dépenses du budget général pour 2001. Les ouvertures que nous consentons portent pour l'essentiel sur l'Intérieur et la Défense, en particulier pour financer les mesures que nous avons mises en place après les attentats du 11 septembre, et sur le secteur social, où, en particulier, nous nous attachons à respecter nos engagements vis-à-vis de l'hôpital.
3) Les mesures fiscales de ce projet de loi portent principalement la marque du plan de consolidation de la croissance annoncé à cette tribune le 16 octobre. Ni l'Etat, ni les impôts ne peuvent à eux seuls déterminer la vigueur de la croissance mais, bien orientés, ils doivent la protéger et la conforter.
Les 8,5 millions de foyers qui ont bénéficié voici 3 mois de la prime pour l'emploi la verront doubler pour 2001. La PPE est un instrument fiscal destiné à diminuer les charges fiscales sur le travail. Elle a constitué une innovation et un succès populaire grâce au vote de la majorité en mai 2001 et grâce à une mobilisation sans précédent de nos services. Il est juste et utile de penser aux plus modestes des travailleurs qui, par leurs efforts, ont puissamment contribué à l'activité et, par leur consommation, ont consolidé la croissance face au choc du ralentissement.
En même temps que la demande, le Gouvernement de Lionel Jospin est attaché à soutenir l'offre et l'investissement des entreprises. En période d'incertitude et parfois d'inquiétude, celles-ci ont besoin d'oxygène et de visibilité. Elles ont besoin d'être soutenues dans leurs initiatives et dans leur développement. Les pouvoirs publics sont résolus à être des partenaires fiables et solides pour tous ceux qui entreprennent et prennent des risques. Ainsi, les entreprises peuvent pratiquer jusqu'au 30 mars 2002 un amortissement exceptionnel de 30% sur l'investissement dans les biens d'équipement. Nous avions annoncé que cette mesure démarrait dès le 17 octobre, ce projet de collectif traduit cet engagement.
Par ailleurs, 15 000 entreprises auxquelles l'Etat devait encore de l'argent au titre de la suppression du décalage d'un mois de la TVA seront remboursées dès 2002, avec 5 ans d'avance sur l'échéance. Elles disposeront ainsi de 1,22 Md d'argent frais sans impact sur le solde budgétaire de l'Etat. Enfin, les entreprises d'assurance, qui doivent faire face à l'amplification brutale de certains risques depuis le 11 septembre, verront certaines dispositions fiscales améliorées, avec mesure et en rapport avec les nécessités du moment.
4) Ce projet de loi de finances rectificative est le dernier que l'Assemblée nationale aura à examiner avant le passage à l'euro. 28 jours nous séparent de la monnaie unique. Pour 300 millions d'Européens, le 1er janvier 2002 marquera véritablement l'entrée dans le nouveau siècle. Un siècle, nous le souhaitons, de paix. Un siècle de développement économique grâce au renforcement, dans un contexte de stabilité monétaire, de la coordination européenne. Un siècle d'approfondissement de la construction européenne avec, dans les années et les décennies qui viennent, une subsidiarité étendue et une volonté revendiquée d'organiser et de gouverner humainement la globalisation. Pour l'heure, l'euro joue son rôle de bouclier pour les économies des 12 nations qui l'ont adopté, notamment pour la nôtre, ses emplois et ses entreprises. Depuis le début de l'année, l'euro a amorti les effets du ralentissement. Depuis le 11 septembre, il a contribué à déjouer le dessein des terroristes qui, après avoir détruit des milliers de vies, projetaient de briser nos économies et de casser les échanges. Cette fonction infirme les postures nostalgiques de ceux qui, regrettant le temps où les monnaies européennes étaient en compétition, font sans le dire l'apologie des dévaluations en cascade et du chômage de masse. L'euro nous a protégés ; il nous protégera encore. Le devoir des pouvoirs publics est de tout mettre en oeuvre pour que le passage à l'euro en pièces et billets soit un succès.
Le passage à la monnaie unique n'est pas sans effet sur le collectif qui vous est présenté. Un article vous propose les dernières conversions de montants ou de seuils intervenus depuis l'ordonnance de septembre 2000 qui, sur votre habilitation, avait réalisé le gros du travail. Je précise que nous n'avons pas hésité à corriger certaines conversions, qui, à tort ou à raison, pouvaient sembler trop approximatives ou trop peu généreuses. En matière de conversion de seuils fiscaux comme dans les autres domaines, la neutralité du passage à l'euro doit prévaloir. Les conversions opérées sont d'une précision bien plus scrupuleuse que la fourchette autorisée par le règlement communautaire qui permet une approximation de plus ou moins 7%. Pour plus de 8 sur 10 d'entre elles, nos conversions sont comprises entre plus ou moins 1%. Quand on regarde l'ensemble des niveaux ou seuils fiscaux susceptibles de s'appliquer à une famille, on constate que la conséquence est neutre, voire favorable. Cela étant, certaines conversions de montants bien connus ont paru exagérément sévères. C'est la raison pour laquelle il vous est proposé de les revoir de manière plus ajustée.
Dernière loi de finances avant l'euro, ce projet comporte aussi des dispositions utiles pour mieux intégrer notre fiscalité, donc notre économie, dans l'Europe. Par exemple, la transposition de la directive sur le redevable de la TVA va permettre une simplification importante pour les opérateurs qui souhaitent commercer dans l'Union. Sans que soient diminuées pour autant les possibilités de contrôle fiscal, ils n'auront plus à désigner de représentant fiscal. Autre avancée : 2 régimes fiscaux qui étaient considérés comme dommageables sont remis en conformité, afin que notre pays soit exemplaire et puisse garantir à nos entreprises des choix fiscaux sûrs et à l'abri de contentieux communautaires. Bâtir l'Europe, c'est aussi simplifier la vie des agents économiques au sein de l'Union.
Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que je vous présente au nom du Gouvernement et que je vous demande d'adopter, est le dernier acte budgétaire d'une législature consacrée au soutien à la croissance, à la création d'emploi et à la solidarité. Grâce aux choix pris sous l'autorité du Premier ministre, la France est aujourd'hui plus forte que celle que nous avons trouvée en accédant aux responsabilités. Plus forte pour convertir la croissance en emplois et en investissements lorsque la conjoncture est favorable. Plus forte pour préserver l'activité et le pouvoir d'achat lorsque l'économie mondiale est affaiblie. De nombreuses réformes économiques, industrielles et financières ont été engagées, d'autres restent à initier. Elles ne seront possibles que si elles sont conçues avec sérieux. Elles ne seront acceptées que si elles sont menées dans un esprit de concertation. Elles ne seront viables que si elles prennent en compte les exigences du long terme. Elles ne mobiliseront nos concitoyens que si elles sont porteuses de nouvelles espérances. C'est le sens de notre action. La France ne manque ni d'atouts, ni d'ambitions. Que cela renforce encore notre volonté de conduire notre pays sur le chemin de la démocratie et de la prospérité.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 7 décembre 2001)