Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur le secret défense et la présentation en seconde lecture du projet de loi sur la Commission consultative du secret de la défense nationale, à l'Assemblée nationale le 23 avril 1998 et au Sénat le 13 mai.

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Circonstance : Présentation du projet de loi instituant une commission consultative du secret de la défense nationale, à l'Assemblée nationale le 23 avril 1998 et au Sénat le 13 mai

Texte intégral

Le projet de loi que le Gouvernement vous présente en deuxième lecture a pour objet de créer une commission consultative du secret de la défense nationale. Cette mesure s'inscrit dans le mouvement, déjà engagé de longue date, tendant à mieux encadrer, au profit des libertés des citoyens, l'action de l'administration dans l'exercice de ses diverses missions. Elle avait en outre, vous vous en souvenez, fait l'objet d'un engagement de la part du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.
Ce texte va permettre de bien préciser le régime juridique du secret de la défense nationale en lui conférant un équilibre prenant pleinement en compte la protection des citoyens.
Les débats qui se sont déroulés lors des précédentes lectures ont confirmé que la représentation nationale ne remettait nullement en cause l'existence du secret de la défense, qui est indispensable pour protéger notre démocratie, notamment eu égard à l'ampleur de ses responsabilités internationales, contre les menaces auxquelles elle peut être confrontée.
Dès lors, nous pouvons convenir qu'il est nécessaire de créer une instance permettant de prévenir les abus possibles dans l'utilisation du secret défense. Compte tenu de la nature même de celui-ci, son régime juridique laisse une importante marge de manoeuvre à l'exécutif, qui est responsable en dernier ressort, sous le contrôle du Parlement, de la sécurité nationale. Dans l'état actuel du droit, lorsque l'exécutif oppose le secret de la défense à un juge, celui-ci ne peut - il y a une jurisprudence constante en la matière - que prendre acte de cette opposition et rendre son jugement en vertu des éléments en sa possession.
Cependant, les difficultés rencontrées devant certaines juridictions ont suscité des interrogations légitimes quant à l'utilisation parfois détournée du secret de la défense. En particulier dans certaines affaires, le refus de communiquer des informations a compromis le bon déroulement de l'enquête, alors que la légitimité de l'invocation du secret de la défense par l'exécutif pouvait être discutée. Le présent projet de loi vise donc à dissiper ce doute, et l'Assemblée nationale comme le Sénat ont, lors des précédentes lectures, fait part de leur accord sur cet objectif.
Je veux d'ailleurs vous exprimer la satisfaction du Gouvernement devant l'accueil qu'a reçu ici ce projet de loi puisque la Haute Assemblée en a approuvé l'orientation générale et a loyalement cherché à l'améliorer afin de garantir l'efficacité de la commission consultative du secret de la défense nationale.
Un consensus est déjà intervenu entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la composition de la commission, qui inclura des parlementaires.
Des divergences subsistent, certes, sur certains points, entre les deux chambres, mais elles me paraissent surmontables. C'est bien entendu sur les points en question que va porter notre débat cet après-midi. J'en retiendrai trois, qui revêtent une certaine importance. Sur les deux premiers, l'Assemblée nationale a modifié le texte que lui avait transmis le Sénat. Le troisième est un peu nouveau, et le Gouvernement s'efforce, à cet égard, de tenir compte de la dynamique du débat entre les deux chambres en envisageant l'institution d'un vice-président au sein de la commission consultative.
S'agissant du premier point, qui est relatif à la compétence de la commission consultative pour les secrets opposés aux commissions parlementaires, y compris les commissions d'enquête, le Gouvernement persiste à estimer, rejoint en cela par l'Assemblée nationale, que le présent projet de loi ne saurait avoir pour objet de prévoir que la commission consultative du secret de la défense nationale se prononce sur la demande d'une commission parlementaire. Une commission parlementaire, qu'il s'agisse d'une commission permanente ou d'une commission d'enquête, est une instance démocratique, qui exerce un contrôle politique. Par conséquent, confier à une commission qui a plutôt une orientation juridictionnelle le soin d'apprécier un désaccord entre l'exécutif et une commission parlementaire ne paraît pas conforme à l'esprit de nos institutions.
J'en viens au deuxième point de divergence entre les deux chambres. En première lecture, le Sénat a souhaité que l'autorité responsable ne saisisse la commission consultative du secret de la défense nationale que dans les cas où le Gouvernement ne s'estime pas en mesure de procéder directement à la déclassification demandée.
Le Gouvernement insistera pour maintenir la solution d'une transmission de toutes les demandes de déclassification par l'autorité administrative. Il n'est pas dans l'esprit de ce projet de loi de faire de la commission consultative du secret de la défense nationale une sorte d'instance d'appel après un refus de communication opposé par l'exécutif. Cette commission doit être, conformément à la logique générale des autorités administratives indépendantes, une instance de réflexion permettant aux autorités administratives et, en définitive, à l'exécutif, de prendre ou non des décisions de déclassification en s'appuyant sur un avis éclairé et indépendant, qui sera d'ailleurs, pour l'autorité exécutive, un avis motivé.
De même, il nous paraît important que la saisine de la commission consultative soit exhaustive et qu'elle s'effectue donc dans tous les cas où une demande émane d'une juridiction. Cela permettra en outre aux juridictions de disposer d'une jurisprudence solide de la commission consultative et de procéder à la comparaison de nombreux précédents.
S'agissant, enfin, du troisième point qui donne matière à débat, votre commission propose que la nouvelle autorité administrative indépendante compte parmi ses membres un vice-président qui suppléerait le président en cas d'absence ou d'empêchement. Cette suggestion peut être mise en regard de celle qui a été émise précédemment, sans recueillir l'accord du Gouvernement, et qui prévoyait qu'un membre de la commission pourrait assister le président dans ses investigations. L'institution d'un vice-président apparaît au Gouvernement comme un meilleur gage d'efficacité et de continuité dans le fonctionnement de la commission consulative. En effet, le choix du vice-président est fait en même temps que celui du président et cela évite à ce dernier d'opérer une sélection parmi ses collègues.
Le Gouvernement est donc très ouvert à l'amendement de votre commission, qui lui semble de nature à améliorer le texte. La discussion des articles va permettre de réexaminer l'ensemble du projet de loi et de débattre, notamment sur les trois points que je viens d'évoquer. Je suis convaincu que, au terme de cette discussion ,qui sera certainement de grande qualité, empreinte du souci de voir cette nouvelle institution réussir, nous disposerons d'un texte faisant réellement progresser le dispositif juridique qui vise à conforter les garanties offertes aux justiciables.
En soumettant cette réforme à votre approbation, le Gouvernement souhaite instaurer un climat de confiance encore mieux établi, en assurant un meilleur équilibre entre le maintien d'un secret efficace et la consolidation des droits des citoyens.
(Source http://www.senat.fr, le 13 novembre 2001)