Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur les enjeux du projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie, les modalités de répartition de son financement, de son attribution et de l'intervention du Fonds de modernisation de l'aide à domicile, à l'Assemblée nationale le 7 juin 2001.

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Circonstance : 2ème lecture du projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à l'Assemblée nationale le 7 juin 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Si je prends la parole maintenant, ce n'est pas pour vous faire un discours sur un projet que vous connaissez ou sur des orientations politiques que j'ai déjà pu exposer. Une seconde lecture n'est pas le moment opportun pour des effets oratoires.
Je voudrais simplement vous dire les enjeux de cette seconde lecture : ce en quoi vous pouvez compter sur le Gouvernement, et ce que le Gouvernement attend de ce débat.
Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour qu'il tienne les engagements qu'il a pris devant vous, de même que vous pouvez compter sur moi pour que je me batte sur les dossiers dont nous reconnaissons ensemble le caractère prioritaire pour les besoins des personnes âgées et de leurs familles.
Je vous avais promis, lors de la première lecture, de vous préciser les intentions du Gouvernement sur quelques enjeux essentiels, en vous exposant le cas échéant une esquisse des textes réglementaires dont la préparation s'est amorcée.
Un certain nombre de points vous sont déjà connus, qu'il s'agisse des barèmes de l'APA, des modalités du nouveau régime tarifaire des établissements accueillant des personnes âgées en perte d'autonomie, de la généralisation des budgets soins à l'ensemble de ces structures, dans le cadre d'un conventionnement mettant l'accent sur l'amélioration de la qualité de la vie, de la priorité donnée aux prestataires de services pour la prise en charge à domicile des handicaps les plus lourds. Je n'y reviendrai pas, je diffuserai du reste à l'ensemble des parlementaires un dossier de synthèse actualisé.
Je m'arrêterais en revanche sur trois points :
Premier point, les modalités de répartition entre les départements des concours du fonds de financement de l'APA. Vous verrez tout à l'heure que le Gouvernement dépose un amendement qui crée une clause de sauvegarde spécifique pour les départements confrontés à une montée en charge plus rapide que la moyenne, et qui diminue du tiers le plafonnement de la dépense maximale des départements. Par ailleurs cet amendement organise un processus d'acomptes sur 80 % des sommes disponibles pour la répartition.
J'aurais aimé pouvoir déposer cet amendement un peu plus tôt, avant la dernière réunion de votre commission des affaires sociales, j'aurais même aimé sur certains points vous en dire encore un peu plus mais vous comprendrez qu'une ultime phase de concertation est nécessaire avec les présidents des Conseils Généraux. Le Gouvernement s'engage à vous apporter sur les quelques points qui pourraient rester en suspens une information définitive avant le terme du processus législatif.
Deuxième sujet d'interrogation, le rôle et les modalités de fonctionnement de la commission départementale d'examen des attributions d'APA.
Il faut rétablir cette commission, non par goût pour la "réunionnite", mais parce que la consultation d'un organe collégial léger est une garantie de transparence, d'équité et d'efficacité, d'abord pour les usagers mais aussi pour les décideurs que seront les présidents des Conseils généraux.
Les dispositions réglementaires envisagées à ce stade par le Gouvernement institueront une commission souple, largement composée de représentants, élus ou techniciens, de la collectivité départementale, y associant deux représentants des organismes de protection sociale, et le cas échéant des élus municipaux, lorsque des communes ou des groupements intercommunaux sont engagés dans l'instruction des dossiers par voie de convention avec le département.
Les textes réglementaires préciseront les dossiers nécessitant un examen individuel : révisions de droits, suspension des droits, discordance manifeste entre le niveau du plan d'aide et la limite des droits ouverts en fonction du degré de handicap. Laissez nous encore quelques semaines pour la formalisation de cette esquisse, mais, vous le voyez, il ne s'agit pas de créer des COTOREP bis ou de nouvelles commissions d'aide sociale.
Troisième sujet sur lequel je m'étais engagée à vous éclairer un peu plus, celui des modalités d'intervention du Fonds de modernisation de l'aide à domicile.
Sur ce point, je suis en mesure de vous apporter quatre précisions importantes :
- premièrement, les professionnels et les grands réseaux seront associés à la définition des orientations du fonds, sans pour autant verser dans la confusion des responsabilités. Dans le cadre des orientations ainsi définies, la gestion des crédits sera largement déconcentrée, sous la responsabilité de l'Etat.
- deuxièmement, nous donnerons la priorité, en matière d'actions de formation, à quelques objectifs nettement affichés : formation des responsables de secteur ou de coordination, qui sont des maillons essentiels pour la modernisation du secteur et l'évolution des pratiques professionnelles ; soutien aux initiatives concertées de développement des formations qualifiantes, de type Engagements de développement de la formation ou comparables dans leur esprit ; expérimentation de filières de qualification ou de processus promotionnels contribuant à l'émergence de véritables carrières.
- troisièmement, nous encouragerons la création de services polyvalents de soutien à domicile, dépassant la coupure entre le sanitaire et le social.
- quatrièmement, nous appuierons la mise en uvre de conventions globales, associant les prestataires et les différents financeurs. Ces conventions permettront de décliner des objectifs qualitatifs, un peu à l'image de ce qui est fait en direction des établissements. Elles faciliteront une meilleure adaptation des financements, en gardant un tarif horaire comme unité d'uvre, mais en apportant plus de sécurité aux gestionnaires, en cadrant mieux les concours financiers de la collectivité, en donnant aux services les moyens de se coordonner, de diversifier leurs activités et de mettre en place des réponses à des besoins nouveaux. Ce pourrait être là un levier puissant pour une restructuration de ce secteur, à laquelle je souhaite m'attacher.
C'est sur ces bases qu'a commencé la concertation avec nos partenaires. Là aussi, il faut concerter pour réussir, nous ne pouvons pas prendre le risque de rater cette opportunité.
J'en viens maintenant à quelques points particuliers que je m'étais engagée à réévoquer devant vous en seconde lecture.
Je m'étais engagée à accompagner la réforme de la tarification en constituant un groupe de suivi. Le groupe est constitué et fonctionne. Au delà de sa mission de suivi et de régulation, il aura à donner son avis sur les modalités de tarification provisoire pour les établissements non encore conventionnés. C'est un sujet complexe, qui nécessite un calibrage délicat, afin de maintenir pour les établissements une incitation réelle au conventionnement et aux enjeux de qualité de prise en charge qui lui sont liés.
Je m'étais engagée à créer un groupe de réflexion sur le devenir des petites structures d'hébergement. Ce groupe va être installé prochainement. Président et rapporteur sont désignés ; ils devront me remettre une note de propositions avant la fin octobre. Sur la question distincte des problèmes spécifiques que peuvent rencontrer les foyers logement, qui ne sont pas tous de très petites structures, je ne crois pas légitime de les exonérer en bloc de la réforme des financements, de les priver aussi de la généralisation des budgets soins alors qu'ils sont de plus en plus massivement confrontés à une détérioration de l'autonomie des résidents. Je me battrais en tout cas pour leur offrir plus de moyens pour se restructurer - en termes de PALULOS ou de crédits d'investissement pour leur modernisation - lorsque la restructuration du bati est la condition d'une prise en charge plus digne des personnes âgées.
Enfin, dernière disposition, je m'étais engagée à procéder à une mise à plat des aides au logement pour les personnes hébergées en institution, non pas pour aujourd'hui mais d'ici les échéances financières de l'Automne. Il s'agit d'améliorer l'effectivité des aides au logement, et de faciliter l'accès à l'APL, en particulier pour les résidents en logement foyer.
La voie est étroite, compte tenu des contraintes juridiques ou budgétaires que nous devons intégrer, mais je la crois plus féconde que celle de l'extension des réductions d'impôts, qui déséquilibrent nos finances publiques et ne bénéficient qu'aux seuls contribuables, laissant à l'écart près de 50 % des personnes concernées. J'ai commencé à travailler sur ce sujet, et continuerai de vous tenir informés de cette démarche.
Vous voyez donc que dans ces six dernières semaines le Gouvernement n'a pas chômé, et que nous construisons sans relâche une vraie politique de l'aide à l'autonomie.
La deuxième partie de mon intervention, très brève, porte sur l'enjeu politique du débat d'aujourd'hui, ce que le Gouvernement en attend.
Nous devons d'abord réaffirmer les ambitions de l'APA. Le petit jeu de déconstruction-reconstruction qui caractérise la navette parlementaire à ce stade va nous obliger à une gymnastique complexe, dont j'espère ce projet sortira indemne, et qui ne doit surtout pas nous détourner de l'essentiel. L'essentiel c'est d'affirmer fortement notre volonté de dignité pour quelques centaines de milliers de personnes âgées et leurs familles.
Le Gouvernement a montré sa capacité d'écoute sur un sujet aussi capital que la récupération sur succession ; il est ouvert à toute concertation, et toujours prêt à de nouvelles ouvertures, sur des sujets ciblés permettant par exemple de faciliter l'intervention des acteurs de la prise en charge, à domicile ou en établissement.
N'oublions surtout pas, et c'est là dessus que je voudrais terminer, que nous pouvons dire aux Français que nous mettons en uvre une réforme attendue depuis 10 ans, que nous sortons par le haut de ce régime provisoire et improvisé de la P.S.D, et que la collectivité y consacrera, dès 2002, 10 milliards de francs supplémentaires, en totalisant le fonds de financement de l'APA, l'effort supplémentaire des départements de 2,5 milliards et les crédits nouveaux de l'Assurance maladie. 10 milliards de plus dont les proviennent de la solidarité nationale sous ses diverses formes, voilà ce qui je l'espère ressortira de nos débats d'aujourd'hui.



(source http://www.social.gouv.fr, le 3 janvier 2002)