Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur le projet de loi instituant l'allocation personnalisée d'autonomie, ses enjeux et ses modalités d'application, Tarbes le 15 juin 2001.

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Rencontrer les acteurs de terrain engagés auprès des personnes âgées, est pour moi un plaisir toujours renouvelé. C'est aussi l'occasion de vous réaffirmer que j'attache un grand prix à ce que nous puissions travailler ensemble sur la base d'échanges francs et sans détours.
Vous le savez, la loi instituant l'allocation personnalisée d'autonomie vient d'être adoptée en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale.
J'y vois l'aboutissement d'une démarche collective dans laquelle de très nombreuses personnes âgées et leurs familles ont légitimement placé leurs espoirs. En prononçant ces mots, je pense bien sûr à elles mais aussi à tous les professionnels que j'ai côtoyés au long de mon parcours professionnel et militant.
L'enjeu de l'allocation personnalisée d'autonomie, c'est d'abord les centaines de milliers de personnes âgées qui, en raison de leurs handicaps, sollicitent l'aide d'autrui pour effectuer les gestes les plus essentiels de la vie.
Mais c'est aussi leur conjoint, leurs proches, leur famille, qui se sentent souvent tellement coupables de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir répondre convenablement aux besoins manifestés.
Il s'agit aussi de tous les professionnels, à domicile ou en établissement qui regrettent de ne pas avoir les moyens d'être à la hauteur des situations auxquelles ils sont confrontés, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux ou parce qu'ils manquent de formation et de qualification. J'attache une très grande importance à la professionnalisation de l'aide à domicile, dans le respect du libre choix et de l'autonomie des personnes âgées, et à une meilleure reconnaissance des professionnel(le)s : la loi reconnaît pleinement le rôle des prestataires de service et des professionnels, en particulier pour l'accompagnement des personnes les moins autonomes, et créée un fonds de modernisation qui sera très substantiellement doté, et dont les objectifs majeurs seront professionnalisme et qualité des services rendus.
Pour tous, j'en suis persuadée, le moment que nous sommes en train de vivre est très important : la mise en place coordonnée de l'allocation personnalisée à l'autonomie, de la réforme de la tarification et du plan pluriannuel de financement des soins, par l'assurance maladie, constitue un engagement sans précédent pour relever les défis de prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie.
L'APA innove en créant un droit universel, égal, objectif et personnalisé.
- un droit universel car le montant de l'aide sera déterminé en fonction du degré de dépendance et des revenus des personnes âgées.
- un droit égal et objectif car il y aura un barème national garantissant une égalité sur tout le territoire. La participation des bénéficiaires étant déterminée en fonction de leurs ressources.
- un droit personnalisé car les modalités d'aide seront déterminées en fonction du degré de dépendance de la personne âgée et des besoins qu'elle ou son entourage exprimera.
Les débats parlementaires ont été animés et se sont révélés très constructifs puisqu'ils ont permis d'enrichir le texte initial.
Parmi ces avancées, je voudrais plus particulièrement souligner :
- L'abandon du recours sur succession sur le légataire et sur le donataire pour les bénéficiaires de l'APA ;
- L'expérimentation d'un versement globalisé de l'APA aux établissements, là ou les acteurs locaux y seront favorables. Les modalités de ce mécanisme de financement restent toutefois à approfondir.
- L'amélioration de la grille AGGIR, largement perfectible, car elle prend insuffisamment en compte les problèmes liés aux maladies neuro-dégénératives, à la cécité et à l'environnement. Un comité scientifique sera créé à cet effet et devra présenter ses conclusions au Parlement, dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi.
- La transmission de conseils et d'informations pour les personnes qui relèvent des GIR 5 et 6, qui n'ont pas droit à l'APA et à un plan d'aide. Cette mesure permettra à la personne âgée et à sa famille de mieux s'organiser et de se préparer à la perte progressive d'autonomie. Elle favorisera le dépistage précoce de la démence sénile.
- La professionnalisation des métiers de tous ceux qui accompagnent les personnes âgées grâce notamment aux interventions du fonds de modernisation de l'aide à domicile.
- L'insertion des centres locaux d'information et de coordination dans le dispositif. Ceux-ci pourront signer avec les départements, comme d'autres organismes publics sociaux et médico-sociaux, des conventions relatives à la mise en uvre de l'APA et plus particulièrement des plans d'aide.
Au delà de ces apports, il me semble important de vous préciser la position du Gouvernement sur deux points : le financement de cette nouvelle prestation et les différences de situation entre la prise en charge à domicile et celle en établissement.
La loi réalise une synthèse originale entre la reconnaissance d'un risque social et la gestion décentralisée. Si l'impératif de restauration de la dignité de la personne âgée exige de reconnaître un nouveau droit social fondé sur l'universalité, l'égalité et la solidarité, la nécessité d'une aide personnalisée impose le pragmatisme et la proximité.
C'est pourquoi, le Gouvernement a souhaité confirmer la compétence des départements dans la mise en uvre de l'APA, en y associant les caisses de retraite. L'objectif est de généraliser les partenariats qui existent déjà dans nombre de départements et de mobiliser les moyens existants et les différents savoir-faire. Il est par ailleurs sain, dans la perspective d'une réelle solvabilisation de confier à la même autorité la responsabilité des aides versées aux personnes et celle de la tarification des établissements.
Enfin, la conjonction de la solidarité nationale et départementale renforcera le développement local, notamment en milieu rural ou semi-rural. L'expansion des services, la modernisation des établissements, les créations d'emplois directs ou indirects, le maintien des vieux dans leurs lieux de vie, leur pays ou leur quartier, contribuent aux objectifs du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire et de développement humain durable. Cette volonté réelle de se rapprocher toujours davantage, au niveau local, de ceux qui en ont besoin trouvera une traduction pratique par la mise en place de Centres Locaux d'Information et de Coordination gérontologique (CLIC).
S'agissant des différences de situation entre la prise en charge à domicile et celle en établissement, une comparaison n'a de sens que si elle prend en compte l'ensemble des paramètres qui rentrent en jeu. Ainsi, dans le cas qui nous intéresse, il faut intégrer dans cette comparaison les services rendus dans chacun de ces lieux et les conditions de prise en charge des soins.
Dans la mesure où les tarifs de soins en établissement prennent en charge 70 % des dépenses d'aides soignantes et d'aides médico-psychologiques et que ces personnels jouent un rôle important dans la prise en charge globale des personnes âgées, la contribution de l'assurance maladie sera nettement plus importante qu'à domicile. Ainsi, en intégrant le tarif dépendance et la contribution de l'assurance maladie, il apparaît évident que les établissements ne sont pas les perdants de la loi.
Pour faire vivre cette loi, dès le 1er janvier 2002, mes services ont d'ores et déjà engagé la préparation des décrets d'application pour que ces textes puissent être prêts à l'automne.
Je voudrais aborder un dernier point, celui du financement de ces réformes.
- Le financement de l'APA sera partagé entre la solidarité locale et la solidarité nationale. Pour les deux premières années (2002 - 2003), le coût total est estimé entre 15 et 17 milliards de francs.
- Près de 11 milliards seront financés par les départements, par reconduction des moyens existants, auxquels s'ajoutera un effort budgétaire d'environ 2.5 milliards de francs consenti par l'Association des Départements de France ; 0.5 milliards de francs seront financés par les caisses de sécurité sociale ; 5 milliards de francs proviendront du 0.1 point de la CSG actuellement affecté au Fonds de Solidarité Vieillesse. Le projet de loi APA instaure également un fonds de modernisation de l'aide à domicile destiné à soutenir les actions de formation, le développement de la qualité des services et le renforcement de la professionnalisation de l'aide à domicile.
- Concernant la médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, un plan pluriannuel sur 5 ans a été arrêté à hauteur de 6 milliards financé par l'assurance maladie. Ces 6 milliards, qui majorent de près de 30 % les moyens actuellement alloués aux structures, représentent la création d'environ 90 000 places de section de cure médicale à comparer aux 160 000 existantes et le financement d'environ 20000 postes.
- S'agissant des services de soins infirmiers à domicile, le Premier Ministre a rappelé, dans sa déclaration du 21 mars 2000, son attachement à une politique résolue de développement des SSIAD. Il a annoncé un plan pluriannuel sur 5 ans, à partir de 2001, visant à doubler le rythme de création de places nouvelles de SSIAD. Au total, 20 000 places seront créées pour un coût global de 1.2 milliards de francs, soit la création de 4 000 places par an, dès cette année.
- Enfin, concernant les centres locaux d'information et de coordination, il est prévu la création de 1000 CLIC sur 5 ans, dont le financement est inscrit dans le budget de l'Etat. Après une phase d'expérimentation conduite à partir de 25 sites pilotes désignés en 2000, l'année 2001 inaugure la phase opérationnelle de développement des CLIC, avec la création de 140 nouveaux centres.
L'ensemble de ces financements constitue un engagement sans précédent pour affronter les défis de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie.
J'espère que cette présentation synthétique du projet de loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie et des mesures qui l'accompagnent, notamment la mise en uvre de la réforme de la tarification des établissements, vous a permis de mieux comprendre l'action du Gouvernement.
Je souhaite vivement qu'au delà des clivages politiques, tous les acteurs des Hautes-Pyrénées se mobilisent dans les prochains mois afin que les personnes âgées de votre département puissent bénéficier d'une aide personnalisée de qualité tant à domicile qu'en établissement.

(source http://www.social.gouv.fr, le 3 janvier 2002)