Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur l'importance et le rôle des associations des outre-mers, à Paris le 18 janvier 2002.

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Circonstance : Présentation par M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, des voeux aux associations, à Paris le 18 janvier 2002

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui dans cette maison qui est aussi la vôtre, celles et ceux que leur engagement pour les outre-mers conduit à prendre une part active dans la vie de la cité et dans le débat public.
Grâce à vous, la France se souvient qu'elle ne se réduit pas à l'hexagone.
Grâce à vous, notre communauté nationale s'enrichit de sa pluralité.
Grâce à vous, notre République est constamment rappelée à son devoir d'égalité.
Je vous remercie d'être là aujourd'hui : élus, responsables d'associations, artistes et créateurs.
A vous tous, dont je connais l'attachement profond pour les outre-mers et l'envie de les servir en leur donnant ici la place qui leur revient,
a vous tous qui contribuez quotidiennement à resserrer les liens entre ici et là-bas,
A vous tous, je souhaite une très bonne année 2002.
Meilleurs vux de bonheur et de réussite, personnelle et collective, pour vous-mêmes, vos familles, vos proches et l'action qui est la vôtre.
A vous tous, très nombreux ce soir, je veux dire, le moment s'y prêtre, combien depuis un an et demi, j'ai beaucoup appris dans tous les outre-mers. Là-bas comme avec vous qui vivez ici, j'ai eu plaisir à échanger avec des citoyens actifs, fiers de leur histoire et décidés à peser pour un avenir réellement partagé. A travers tous ces contacts, j'ai pu mesurer combien les outre-mers sont, pour notre République, une formidable source d'inspiration et de renouvellement. Je sais grâce à vous qu'on peut se sentir profondément martiniquais, guadeloupéen, guyanais, réunionnais, mahorais, calédonien, polynésien, mélanésien et aussi passionnément Français pour autant. Je sais grâce à vous combien l'attachement aux cultures de vos terres d'origine fait bon ménage avec l'attachement à la République, à ses institutions, à ses principes. A condition, bien sûr, que notre République sache reconnaître comme une chance la pluralité qui la constitue, comme un droit l'expression talentueuse de sa diversité et comme un objectif commun le combat, jamais achevé, pour l'égalité réelle. Je ne crois ni à la République éthique ni aux identités tristement réduites à une seule dimension. Je crois que notre République est plus forte des échanges, des polyphonies, des métissages dont on a, outre-mer, l'habitude de longue date. Je crois aussi qu'au miroir des outre-mers, la France d'ici apprend à se voir telle qu'elle est. Merci de toujours nous le rappeler par ce que vous êtes et par ce que vous faites.
Par votre action, vous nourrissez ce lien essentiel entre l'hexagone et les outre-mers et faites vivre bien des passerelles. Votre engagement est aussi une dimension déterminante du civisme hexagonal. De mille manières, vous montrez à quel point les outre-mers ne sont pas périphériques mais bien au cur. Vous êtes une force qui compte : près de 800 associations agissent dans l'hexagone, s'impliquent dans la vie locale, transmettent une mémoire et des valeurs, apportent soutien et fraternité à nos concitoyens originaires d'outre-mer souvent éloignés de leur famille, aident les plus jeunes à trouver leur place. A ceux qui déplorent l'érosion des liens sociaux et le triomphe égoïste du chacun pour soi, je conseille de regarder du côté des originaires d'outre-mer, qui savent faire vivre des solidarités quotidiennes et cultiver cette fierté de soi qui est aussi ouverture aux autres.
J'y retrouve, pour ma part, tout l'esprit du nouveau pacte républicain voulu par Lionel Jospin pour les outre-mers. L'inspiration de la politique menée depuis 1997, c'est d'abord la volonté de porter sur ces régions un autre regard que celui, encore marqué par le néo-colonialisme, qui réduisait les cultures au folklore, qui confondait assistance et solidarité, qui opposait l'indifférence ou même la répression à l'aspiration légitime à la reconnaissance. C'est aussi la conviction qu'on ne gouverne pas sans le peuple, qu'on ne réforme pas sans que les populations concernées soient consultées, qu'on ne développe pas équitablement une économie sans tabler sur les talents locaux. C'est faire le choix du dialogue et de la concertation contre l'autoritarisme et la démagogie. C'est donc aussi le choix d'une méthode.
Vous le savez, des actes politiques forts ont été accomplis, des lois historiques ont été votées : celles sur la Nouvelle-Calédonie, après l'accord de Nouméa (dont je suis heureux d'accueillir ici les signataires la semaine prochaine); la loi d'orientation pour les départements d'outre-mer et celle sur le nouveau statut de Mayotte, que nos compatriotes mahorais attendaient depuis 25 ans. Des réformes nécessaires s'appliquent aujourd'hui sur le terrain, j'y ai personnellement veillé en suivant la mise en uvre sur place des décisions prises. Elles lient solidement ensemble les dimensions statutaires, économiques, sociales et culturelles des évolutions voulues outre-mer. L'emploi, l'égalité des droits sociaux, l'éducation, la sécurité, la coopération régionale, l'accès de tous aux nouvelles technologies de la communication, le partage de la culture, tout cela doit marcher ensemble car c'est ainsi que l'on vit mieux et plus dignement. Au fond, il s'agit à la fois de permettre à chacun de mieux trouver sa place, à sa manière, dans l'ensemble français et d'assurer, pas simplement dans le transport aérien, la mise en uvre effective de la continuité territoriale républicaine.
Ne voyez dans ce rapide survol aucun triomphalisme. Je sais les blocages structurels et les difficultés quotidiennes qu'affrontent nos compatriotes d'outre-mer. Je sais aussi les discriminations auxquelles certains, ici, se heurtent encore. A notre République de tenir ses promesses. C'est mon combat. C'est aussi le vôtre. Nos compatriotes d'outre-mer peuvent aussi compter sur la solidarité de l'Europe dont ils sont, eux aussi, partie prenante. L'euro est désormais en vigueur dans les Amériques et dans l'Océan indien. C'est même à la Réunion que, du fait du décalage horaire, la France a expérimenté en premier cette nouvelle monnaie qui manifeste, dans la vie de tous les jours, une appartenance commune. La solidarité économique de l'Europe est, outre-mer, une chance de plus et je souhaite que l'espace européen devienne, pour nos enfants, le cadre naturel d'échanges et d'expériences, scolaires ou professionnelles, fructueuses.
Mes chers amis,
Les associations que vous animez avec conviction et dynamisme sont, pour notre communauté nationale, facteur de cohésion et de créativité.
J'ai souhaité que cette maison vous soit ouverte car je ne conçois pas mon action sans la vôtre. J'ai voulu que le Secrétariat d'Etat soutienne davantage vos initiatives et vous aide plus efficacement à les inscrire dans la durée.
Le futur site Internet du Secrétariat d'Etat, sur lequel une rubrique vous est consacrée, contribuera à faire connaître votre action. J'ai voulu aussi que nous apportions notre aide à la création d'un annuaire en ligne de l'ensemble des associations car cet outil favorisera votre visibilité et les moyens de vous contacter. Une des difficultés de la vie associative, beaucoup d'entre vous me l'ont dit, c'est la précarité des moyens à court terme et l'incertitude qui en résulte: c'est pourquoi j'ai voulu que nous puissions signer des conventions pluriannuelles d'objectifs qui permettent de mieux assurer la pérennité de la vie associative. J'ai eu le plaisir de signer, il y a quelques semaines, une de ces conventions avec la Case sociale, cette association qui effectue dans le 18ème arrondissement de Paris un travail exemplaire auprès de populations en grande difficulté et de personnes sans abri.
A chacun de mes déplacements en province, je rencontre les associations locales. Cela me permet de constater que les originaires d'outre-mer, s'ils sont particulièrement nombreux en Ile de France, ont aussi essaimé dans tout l'hexagone. A Nantes, à Marseille, à Montpellier, à Toulouse et ailleurs, des militants associatifs remarquables m'ont parlé de leurs réalisations, de leurs réussites et de leurs difficultés. J'en ai tiré de précieux enseignements sur les conditions de vie et les aspirations de nos compatriotes originaires d'outre-mer vivant dans l'hexagone. J'y ai pris la mesure de leur rôle non seulement culturel ou social mais pleinement civique.
Vos associations font vivre des valeurs et savent que les seules valeurs vivantes sont celles qu'on défend pied à pied. Elles portent aussi une mémoire qui nous incite à mieux assumer notre histoire commune, condition d'un avenir réellement partagé. En mai 2001, comme vous le savez, le Parlement a enfin adopté la proposition de loi de Christiane Taubira, notre amie députée de la Guyane, reconnaissant la traite et l'esclavage pour ce qu'ils furent : un crime contre l'humanité. Cette loi, soutenue par le gouvernement, j'en suis fier avec vous, était attendue outre-mer comme et dans l'hexagone. Je me souviens que le jour du dernier vote au Sénat, les tribunes étaient pleines de représentants de vos associations. Je me souviens d'avoir, dans l'hémicycle, rappelé que l'abolition n'a pas été octroyée mais conquise par les luttes menées ici et là-bas. Avant Schoelcher, en somme, il y avait eu Delgrès dont nous évoquerons cette année la mémoire, 200 ans après le sacrifice de Matouba. Je me souviens qu'en sortant, sur le perron du Sénat, nous n'arrivions pas à nous quitter et que nous sommes restés plus d'une heure ensemble, à discuter de ce que nous mesurions tous comme une décision historique, une décision de justice enfin rendue à ce passé-là d'un crime trop longtemps orphelin.
Je suis heureux que cette année, tous les lycées de France soient invités, dans le cadre du concours René Cassin, à présenter un projet traitant de l'esclavage. Cette histoire doit également faire l'objet d'un effort particulier de recherche et c'est pourquoi j'ai créé une bourse incitant les jeunes chercheurs de toutes disciplines à travailler sur cette question. Nous venons de recevoir les premiers projets et je me félicite qu'une nouvelle génération de scientifiques se mobilise. Nous y reviendrons également lors des premières journées annuelles de la recherche outre-mer que j'organise en mars prochain.
Sur ce front aussi, vos associations ont été fort actives depuis le début, et encore récemment, comme j'ai eu l'occasion de le voir à Cergy, à Gonesse et dans bien d'autres communes où elles ont organisé des manifestations riches de signification.
Le 4 février prochain, date anniversaire de la première abolition de l'esclavage, la rue Richepance perdra le nom de celui qui brisa dans le sang la résistance guadeloupéenne au rétablissement de l'esclavage, et gagnera celui du chevalier de Saint George, dont nous avons entendu tout à l'heure la belle musique, qui fut aussi défenseur de la République assiégée et formidable figure du 18ème siècle parisien. Je tiens à remercier Bertrand Delanoë qui n'a pas hésité à prendre, avant d'être élu, un engagement qu'une fois maire de Paris, il a scrupuleusement respecté, associant nombre d'entre vous au choix qui débouche aujourd'hui, le 4 février, sur la nouvelle rue St George.
Que les outre-mers occupent dans le débat public toute la place qui doit leur revenir, vous savez combien j'y suis attaché. C'est le but de nos rendez-vous réguliers des Entretiens d'Oudinot, dont nombre d'entre vous sont des habitués. C'était le but du colloque organisé à Sciences Po sur " les outre-mers dans une République et un monde en mutation " : 900 personnes y sont venues, preuve d'un vrai désir de réflexion et d'échanges. Mieux connaître et reconnaître les apports d'outre-mer, c'est aussi rendre à de grandes figures aujourd'hui disparues, la place qui leur revient dans notre histoire, de Gaston Monnerville, éminent artisan de notre République, à Frantz Fanon dont la pensée critique et les choix courageux n'ont rien perdu de leur actualité.
Ce sont, au fond, les mêmes raisons qui m'ont conduit à vouloir à Paris un lieu d'excellence qui mette en valeur les cultures vivantes, les savoirs et les savoir-faire de tous les outre-mers. Je souhaite que cette Cité des outre-mers porte avec force une image à la mesure de leurs apports de longue date à notre culture commune. Je souhaite qu'elle combine l'ambition et l'exigence d'un grand projet de qualité avec la volonté d'accueillir tous les publics. Je souhaite qu'elle permette à tous les Français de mieux connaître et comprendre l'extraordinaire diversité culturelle dont nous sommes riches et les influences croisées qui n'ont cessé d'être à l'uvre, ici comme là-bas. Que l'outre-mer soit chez lui à Paris, quoi de plus normal car sans ses artistes et ses intellectuels qui, de tous temps, s'y sont retrouvés, notre capitale ne serait pas ce qu'elle est et ne rayonnerait pas autant. Je tiens à remercier tout particulièrement les associations qui ont, depuis plusieurs années, porté l'espoir d'un tel projet et avec l'aide desquelles il a été possible d'en prouver la nécessité et d'en préciser les contours. Elles sont toutes là aujourd'hui. Nous allons continuer à travailler ensemble sur ce beau projet dont le Maire de Paris et le Premier Ministre ont dit, lors de la journée des maires d'outre-mer du 19 novembre dernier, qu'ils le soutenaient avec enthousiasme. Je me réjouis que nous entrions maintenant dans une phase active que nous réussirons, je l'espère, ensemble.
Je pars demain en Martinique où j'aurais l'occasion d'évoquer ce beau projet. Je le ferai avec Aimé Césaire dont l'uvre entière plaide magnifiquement pour la reconnaissance de cultures qui sont notre patrimoine commun et célèbre la fécondité de leurs influences réciproques. Evoquant Césaire, je ne peux vous cacher que ma pensée va aussi vers Senghor, son frère en négritude, le compagnon africain qui, lui aussi, s'attacha sa vie durant à faire, entre ici et là-bas, la part égale et le lien fécond.
Je n'ignore pas que l'année qui vient ne comptera pas, sur le plan ministériel, douze mois pleins. Autant vous le dire comme je le pense : ce ne sera pas pour moi une année au rabais mais une année de travail intense et de travail avec vous.
Encore une fois tous mes vux, de bonheur et de succès, personnels et collectifs. Place maintenant à la musique qui sait, mieux que les mots, nous unir et nous ravir.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 25 janvier 2002)