Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur le développement des relations économiques et commerciales franco-japonaises, Paris le 29 novembre 2001.

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Circonstance : Symposium "Fenêtres ouvertes sur le nouveau Japon", à Bercy le 29 novembre 2001

Texte intégral


Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir au Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie pour cette grande journée de travail et d'échanges consacrée à la relation franco-japonaise. Je veux naturellement remercier très chaleureusement, tous ceux d'entre vous qui ont fait le voyage depuis le Japon. Votre présence témoigne, s'il en était besoin, de la volonté du Japon d'approfondir encore cette relation privilégiée qui déborde largement le cadre de l'économie. Je remercie également les autres acteurs de la relation franco-japonaise qui nous font l'honneur et l'amitié de leur participation au premier rang desquels Maurice Gourdault-Montagne.
Ce dialogue entre la France et le Japon est déjà ancien. Il s'est nourri depuis longtemps d'une admiration réciproque pour nos artistes, nos créateurs de mode, nos écrivains, nos réalisateurs Est-ce une facétie de l'histoire de l'art si les peintres impressionnistes qui trouvent aujourd'hui au Japon leur plus fervents admirateurs furent en leur temps les premiers à succomber à l'influence picturale des estampes d'Hiroshige ou d'Hokusai ? Est-ce un hasard si Takeshi Kitano est aujourd'hui une véritable star en France ? Préparant, fin mars, mon voyage à Tokyo et dans les régions japonaises, j'avais compté pas moins de 24 films présentés en salles aux seuls cinéphiles parisiens !
Ce dialogue s'est approfondi récemment dans le travail en commun, dans la vie partagée de nos entreprises. L'installation de Toyota à Valenciennes a été une étape symbolique importante tout comme le mariage de Renault et de Nissan.
Au Japon, j'avais surtout été frappé par la différence de perceptions qui pouvait exister à propos de ce pays entre certains analystes économiques et les acteurs de terrain, notamment les responsables d'entreprises françaises implantées. Les premiers étaient versaient dans le pessimisme, quand les seconds au contraire m'ont fait part de leurs bons résultats et de leur confiance dans l'avenir.
J'avais notamment rencontré des Français engagés au Japon dans les nouvelles technologies de l'information. Je peux vous assurer que le tableau qu'ils m'ont brossé n'était pas celui d'un Japon vieillissant.
Ce tableau n'était pas non plus celui d'un Japon assoupi : réunis dans l'ombre pour ainsi de la tour NTT Docomo, nous étions presque écrasés symboliquement par sa puissance. Nous étions en tout cas conscient de l'avance technologique de cette entreprise, et surtout de la capacité de cette dernière, encore inégalée hors du Japon, à développer un modèle commercial répondant aux attentes des usagers.
Je suis donc revenu de ce voyage avec la conviction qu'il fallait confronter ces perceptions assez largement contradictoires. Voici pourquoi avec Laurent Fabius, nous avons décidé de la tenue d'un grand séminaire sur le Japon. Je suis sûr que vos perceptions et vos analyses seront diverses, vivantes et appelleront questions et débats.
En tout cas, depuis le printemps dernier, j'ai le sentiment que cet apparent " paradoxe japonais " n'a fait que s'accentuer.
D'un côté, la conjoncture s'est dégradée, entraînée par les difficultés économiques mondiales et l'éclatement de la bulle de la nouvelle économie. Il y aura un recul de l'activité en 2001 et vraisemblablement en 2002. De l'autre, les électeurs japonais ont fait le choix des réformes en soutenant très massivement le Premier Ministre M. Koizumi. Il a fait de son programme de réformes sa priorité politique et malgré les résistances, il va de l'avant.
Les entreprises pour leur part continuent de se restructurer. Les fusions-acquisitions au Japon impliquant des acteurs étrangers devraient progresser en montant investi de plus de 60% en 2001 par rapport à 2000.
De plus, l'ouverture à la concurrence accentue les écarts entre les gagnants et les perdants des transformations économiques. Le Japon ne doit plus être pris comme un ensemble homogène ou indistinct. Entre les différentes régions, entre les secteurs qui se réforment et ceux qui restent protégés, entre les entreprises qui conduisent le changement et celles qui résistent, il n'est pas possible d'avoir une grille de lecture unique. Il faut apprendre à décliner le Japon au pluriel. Nos débats d'aujourd'hui n'en seront que plus indispensables et passionnants.
Je veux ici souligner un point par lequel le Ministre en charge du commerce extérieur aurait pu commencer. Le sujet de notre journée n'est pas pour nous abstrait. Il est au cur des enjeux français.
Le Japon produit chaque année 14% de la richesse mondiale. Par habitant, il crée le plus de valeur ajoutée des pays du G7, avec un PNB par habitant de plus de 32 000 dollars contre 24 000 environ dans notre pays, et une richesse financière par ménage de plus de 100 000 euros, contre 50 000 pour un ménage français. Enfin, ses entreprises restent au premier rang dans de nombreux secteurs industriels.
Pour toutes nos entreprises, le potentiel de développement est énorme, que ce soit en terme de marché, de partenariat technologique, de projets communs en Asie et dans d'autres pays tiers, ou encore d'investissement. C'est pourquoi, j'ai lancé en mars de cette année à Tokyo, avec la participation active du Jetro et le soutien du METI, la campagne " France-Japon l'esprit partenaire ", dans lequel s'inscrit notre rencontre aujourd'hui.
" L'esprit partenaire " consiste à démontrer que notre relation déjà très riche dans les échanges, peut s'étendre à de nouveaux secteurs, aux transferts de savoir-faire, aux investissements croisés sous toutes leurs formes, aux coopérations commerciales ou technologiques. Le potentiel est grand : à nos entreprises de saisir leur chance, je suis résolu à les y encourager.
Beaucoup d'entre elles ne nous ont d'ailleurs pas attendus ! On compte déjà plus de 450 filiales d'entreprises françaises établies au Japon, et les entreprises françaises sont les deuxièmes au Japon après les entreprises américaines pour l'investissement direct. Ces investissements leur ont ouvert des secteurs où la France était trop peu présente.
Je pense au secteur automobile, bien sûr, où aux côtés de nos constructeurs, sont désormais présents nos grands équipementiers comme Faurecia et Valeo à travers quatre alliances capitalistiques nouées en 18 mois, trois pour Valeo, une pour Faurecia. Je le vois aussi dans le domaine des technologies de l'information. Les trois premiers imprimeurs japonais ont choisi un partenaire français pour développer leur expertise et leur production : Daï Nippon a contracté avec Schlumberger, Kyodo avec Oberthur, Toppan avec Gemplus.
Ce sont enfin les secteurs où la relation franco-japonaise pouvait paraître peut-être moins " naturelle " comme la sidérurgie ou la production de ciment. Aujourd'hui, Usinor s'est rapproché de Nippon Steel pour des programmes de développement et d'achats communs, et Lafarge est lié à Aso Cement.
Sur le plan des échanges, nos entreprises ont également répondu à la nouvelle donne japonaise. Sur les 18 derniers mois, leurs ventes vers le Japon ont progressé de près de 35%, principalement pour les biens destinés aux ménages, malgré l'atonie globale de la consommation.
Mais elles ne sont pas les seules. La présence plus forte des pays d'Asie de l'Est, en premier lieu de la Chine, sur le marché japonais peut être une chance si elle libère du pouvoir d'achat qui se reporte sur des produits plus prestigieux. Mais ces pays ne seront pas condamnés très longtemps aux gammes très bon marché. Dans un registre plus proche du notre, nos concurrents italiens cherchent à valoriser leur image ludique et créative.
Le Japon bouge. Ses consommateurs sont très informés, sophistiqués, à la recherche de l'innovation. Il n'y a plus désormais de positions acquises. La France et ses entreprises sur le marché japonais doivent également être en mouvement et montrer qu'elles sont, elles-aussi, innovantes, créatives, imaginatives. Ce sera l'une de mes priorités pour la deuxième année de la campagne " France Japon l'esprit partenaire ". A cette fin, j'ai demandé à UbiFrance, l'agence pour le développement international des entreprises françaises, de travailler à l'organisation d'un grand événement français à Tokyo sur le thème de la création et de l'innovation industrielle française.
Je suis certain que cette journée à l'écoute des acteurs japonais et français de ce Japon en mouvement ouvrira de nouveaux horizons à la relation franco-japonaise.
Je laisse maintenant la parole à ces acteurs.
Aligato gosaïmas !!!
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 3 décembre 2001)