Texte intégral
S'agissant des droits sociaux reconnus aux nationaux et aux étrangers, j'ai fait il y a quelques jours des déclarations qui ont donné lie à un certain nombre de commentaires souvent virulents, pas toujours de bonne foi. Après avoir laissé chacun se prononcer, je crois utile, afin d'éviter de voir mes propos déformés, de répondre aux questions posées.
Pourquoi avoir utilisé le terme de « Préférence nationale » alors qu'on ne peut ignorer la charge dont il est porteur ? Quels que soient les mots utilisés, je n'aurais pas échappé à la polémique. Ce qui compte, c'est le fond : est-il licite ou pas, dans une société démocratique et fidèle au respect des droits de l'homme, de réserver ou non des droits particuliers aux nationaux ?
La question est posée devant l'opinion. Elle l'est depuis toujours, mais avec une charge polémique et un contenu politique depuis une dizaine d'années. Serions-nous le seul pays au monde à nous interdire de débattre ? Il faut avoir le courage de s'affranchir du tabou, de se libérer du conformisme pesant qui règne et de débattre.
Pourquoi avoir fait référence au traité d'Amsterdam ? Il institue une politique d'immigration commune pour les quinze pays européens avec des contrôles communs aux frontières. Dès lors, il importe de vérifier que les législations sociales des quinze pays sont à peu près homogènes les unes par rapport aux autres, afin d'éviter de créer, à l'intérieur du territoire de l'Union, des mouvements de population suscités par des différences de statuts sociaux des étrangers. L'union monétaire entraînera le rapprochement des législations fiscales ; une politique commune d'immigration aura comme conséquence inéluctable le rapprochement des législations sociales.
Dès lors que cette harmonisation sociale entre les Quinze serait faite, la question qui se poserait serait celle du statut social des étrangers non communautaires à l'intérieur de l'Union.
Le problème ne serait plus français, mais européen.
Pourquoi avoir préconisé la présence des représentants du Front national au sein d'une commission Marceau Long sur la nationalité, que j'avais préconisée en son temps, était, comme je l'ai rappelé, composée de personnalités n'appartenant pas au monde politique, mais qui ont entendu tous les intéressés, syndicats, associations, partis… On a donc le choix entre associer les forces politiques au sein de la commission ou à l'extérieur. Mais compte tenu des commentaires, parfaitement injustifiés d'ailleurs, auxquels ce débat a donné lieu, je doute fort que quiconque ait le courage d'instituer cette commission.
Mes déclarations peuvent-elles apparaître comme une main tendue au Front national ? Aux yeux de qui ? Des hommes de bonne foi ? J'en doute fort. Qu'on me permette de rappeler que, s'agissant des élections régionales, j'ai, cinq mois à l'avance, déclaré que je ne serais pas candidat à la présidence de la région Ile-de-France si les listes que je conduisais ne disposaient pas de la majorité relative. J'ai tenu parole. Je n'ai de leçon à recevoir de personne.
J'assume complètement de faire en sorte que ma proposition de créer une commission d'étude soit suivie d'effet ? Aucun. Mais on peut faire deux choses : la première, c'est que les gouvernements européens, eux-mêmes signataires du traité d'Amsterdam, décident de procéder à l'étude que je suggère ; je suis sûr qu'ils seront obligés de le faire tôt ou tard pour que le traité sur la libre circulation et le contrôle commun aux frontières soit appliqué. Seconde réponse : puisque créer une commission soulève un tel émoi, eh bien ! Cette étude, je vais la faire moi-même avec les moyens du bord. J'espère être en mesure de la publier au mois de septembre. Chacun pourra alors juger, plus sereinement je l'espère, de mon état d'esprit et de mes objectifs.
Il s'agira de comparer les statuts sociaux des étrangers à l'intérieur de l'Europe des Quinze et de vérifier sur quels points les législations européennes sont à peu près homogènes ou divergentes.
Les principes de notre droit constitutionnel et les conventions internationales interdisent-ils de ne pas réserver les mêmes droits aux nationaux et aux étrangers ? Notre Constitution évolue, je l'ai moi-même fait modifier à deux reprises, à propos du statut de la magistrature et de l'interprétation par le Conseil constitutionnel du droit d'asile tel qu'il est prévu dans le préambule de la Constitution. Autre exemple : j'ai proposé, il y a peu, une évolution vers le régime présidentiel. Il faut s'adapter.
En premier lieu, la France n'est pas le seul pays pour lequel ce problème risque de se poser. Il se pose à tous. Il est probable qu'il n'y aurait que des avantages à ce que les Etats membres de l'Union le traitent conjointement.
En deuxième lieu, la France n'est pas le seul pays pour lequel ce problème risque de se poser. Il se pose à tous. Il est probable qu'il n'y aurait que des avantages à ce que les Etats membres de l'Union le traitent conjointement.
En deuxième lieu, les conventions internationales évoluent elles aussi. Personne ne se formalise, aujourd'hui, de ce que notre pays conclue avec certains autres des conventions dont les stipulations posent expressément comme critère d'entrée en France l'état du marché national de l'emploi.
Enfin, il y a fort à parier que l'essentiel des problèmes pratiques à résoudre peut l'être moyennant un aménagement des conditions de durée de séjour des étrangers en France. Il n'y a rien là qui remette en cause, si peu que ce soit, les grands principes de la République ni le respect des droits de l'homme. Je rappelle que, pour ce qui est du droit au RMI, institué par les gouvernements socialistes, il faut une présence régulière de trois ans pour y prétendre. C'est un exemple parmi d'autres.
Si l'étude faisait apparaître que des problèmes voisins se posent aux Quinze, cela voudrait dire qu'ils auraient un intérêt commun à mettre en ordre leurs législations par référence aux textes des conventions internationales et des principes généraux du droit.
On ne peut pas répondre à la question avant d'avoir examiné en quels termes elle se pose. De tout manière, l'Europe est, dans les dizaines d'années qui viennent, appelées à demeurer un territoire riche et relativement peu peuplé proche de territoires beaucoup plus pauvres et beaucoup plus peuplés. La pression démographique sur elle va s'accentuer. Il faut qu'elle le sache et se donne les moyens d'y faire face sans renier ses idéaux.
Comment est-ce que je m'accommode des critiques, qu'elles viennent de gauche ou de droite ? Je suis libre de ma parole et de ma pensée ; le service que je peux rendre aujourd'hui est de poser les problèmes sans agressivité envers quiconque, mais clairement et d'aider à dégager des solutions. Je crois aux vertus de la discussion, du dialogue et de l'information. Il y a quelques années, les socialistes tenaient-ils sur la sécurité les mêmes discours qu'aujourd'hui ? A l'époque, la droite était soupçonnée d'avoir une « idéologie sécuritaire ». Aujourd'hui, la gauche elle aussi tient souvent un discours sécuritaire. Le lui a-t-on reproché, même si son action n'est pas toujours en harmonie avec son discours ?
Je prends le pari : avant longtemps, chacun reconnaîtra que la question que je posée est une vraie question et qu'il faut l'examiner. Si, finalement, il apparaissait que, compte tenu des autres législations européennes, la question ne se pose pas en France plus qu'ailleurs, chacun pourra le constater, et en tirer les conséquences.
Finalement, est-ce que je regrette d'avoir soulevé ce problème, compte tenu de toutes les critiques dont je suis l'objet ? Pas le moins du monde. Une société où on met l'éteignoir sur les préoccupations des uns ou des autres n'est pas une société démocratique. Je déteste le conformisme et je n'ai nulle intention de me laisser censurer sans réagir.
Les polémiques de ces derniers jours font apparaître que notre pays a du mal à s'adapter à la vie démocratique, que les sujets tabous foisonnent, comme si l'on n'avait plus le droit de parler de rien.
Il ne faudrait pas parler du statut social de la population étrangère parce que ce serait une atteinte aux droits de l'homme ; de la baisse des impôts directs car ce serait contraire à l'idée que certains se font de la justice ; de l'âge de la retraite parce que ce serait une remise en cause des droits acquis ; de la nécessaire adaptation de nos institutions car cela porterait atteinte aux Tables de la loi ; de sécurité parce que l'on est aussitôt suspecté de menacer les libertés élémentaires ; de la mise en cause de la responsabilité des familles à l'occasion de la délinquance des jeunes parce que ce serait contraire à notre tradition ; du maintien de prérogatives de la nation dans la construction de l'Europe car ce serait être un mauvais Européen. L'énumération pourrait continuer.
C'est à cela qu'il faut porter remède. La France est à un tournant de son histoire. Parler de tout, c'est le meilleur moyen de déminer le débat, de dévoiler les intentions cachées, de montrer aux citoyens que les idées reçues que les uns et les autres cherchent à leur inculquer sont fausses. Dans une société moderne, il faut pouvoir parler de tout. C'est la définition même de la démocratie.