Texte intégral
Martine Robert
Alors qu'un certain nombre de parcs de loisirs ont connu des échecs cuisants, comment analysez-vous la réussite du Futuroscope ?
René Monory
Il est difficile de trouver des créneaux porteurs. Ce qui réussit dans un endroit ne marche pas forcément ailleurs. Ainsi, certaines salles de cinéma du Futuroscope ne désemplissent pas, alors que des salles utilisant des procédés similaires dans d'autres sites en France sont délaissées. Il faut une idée, de la volonté, une équipe, savoir prendre des risques. Le concept du Futuroscope, je ne l'ai trouvé nulle part dans le monde.
Beaucoup de parcs ont échoué par manque de visibilité à terme. Le Futuroscope est le parc qui se renouvelle le plus. Chaque année nous remplaçons 20 à 25 % de nos spectacles. Pas question d'être figé, que ce soit au niveau des attractions ou de l'ambiance.
Martine Robert
Les investisseurs privés demeurent très frileux sur ce type de projet, pourquoi ?
René Monory
Ils sont frileux car il est très difficile de rentabiliser ces parcs. A la création du Futuroscope, ils ne croyaient pas au concept. Aujourd'hui, la réussite les encourage à s'impliquer dans les spectacles. Les Banques Populaires ont donné 6 millions de francs il y a trois ans pour la réalisation d'un film « L'Europe en multicoque » et réalisent une nouvelle coproduction avec nous. Miko s'implique dans le cinéma en relief. Orangina est très présent aussi. La Société Européenne des Satellites, opérateur d'Astra, a mis 8 millions de francs dans la réalisation d'un film permettant au visiteur de découvrir les satellites. La Générale de Eaux a quant à elle coproduit « L'Aquascope », voyage au fil de l'eau. Ces participations restent néanmoins mineures.
Martine Robert
Quel est l'impact du Futuroscope sur l'économie locale ?
René Monory
Avec un chiffre d'affaires de 700 millions de francs et un bénéfice net de 25 millions, le Futuroscope me permet maintenant de diminuer la pression fiscale. Même si le parc a été avec de l'argent public, je l'ai toujours géré comme une entreprise privée, ne finançant par emprunt que 10 % des investissements. Au total, nous avons investi 1.8 milliard de francs HT dans le parc et 2 milliards autour du parc dans des activités de formation et de recherche. C'est capital d'être à la fois un parc du savoir et un parc d'attractions.
Le Futuroscope vaut aujourd'hui quelques 400 millions de francs. Ces dis dernières années 15.000 emplois ont été créés dont seulement 1.300 dans le parc lui-même. Et actuellement, on génère 40 emplois nouveaux par semaine. Toutes les activités autour du Futuroscope sont au moins aussi importantes que le parc lui-même. Car on s'est bâti une image internationale, qui renforce notre crédibilité et notre attractivité. Là encore, nous avons prévu ce développement en acquérant 250 hectares dès le départ. Dans les trois ans, on s'attend à 5.000 emplois supplémentaires sur le site.
L'implantation de nouvelles entreprises est constante, et il nous manque 15.000 m2 de bureaux pour les satisfaire. La première école des télécommunications en France va s'implanter prochainement. Une partie de la CNAM vient de s'installer. Cegetel va créer 1.000 emplois d'ici à un an. Les PME se multiplient, elles sont déjà 80, et nous accueillerons 2.000 étudiants d'ici à la fin de l'année. Le Futuroscope concentre aussi 8 à 10 % de la recherche nationale dans le domaine des sciences de l'ingénieur.
Martine Robert
Est-ce que le Futuroscope ne cannibalise pas l'emploi dans le département au détriment d'un développement plus harmonieux du territoire ? Poitiers s'inquiète, par exemple, de l'arrivée du TGV directement sur le site du Futuroscope, qui risque de la priver d'une manne touristique.
René Monory
Cette nouvelle gare dans laquelle le Conseil général de la vienne a mis 90 millions de francs ne va pas bénéficier qu'au Futuroscope. Ainsi la zone industrielle de Chasseneuil sera mieux desservie. Et Poitiers va être désengorgé car, certains jours, jusqu'à 5 trains-charters de 800 personnes sont programmés : or chaque train génère une vingtaine de cars à l'arrivée ; vous imaginez aisément les embouteillages qui s'ensuivent. En nous mettant à 1 h 20 de Paris, le TGV fait du Futuroscope la grande banlieue de Paris, et le met en relation avec les grandes métropoles européennes et françaises.
Le développement du Futuroscope irrigue le département, ayant un effet incitatif sur la création d'autres attractions comme le Château des Aigles, l'île aux Serpents qui reçoit 50.000 visiteurs par an, et bientôt la Vallée des Singes qui devrait accueillir plusieurs milliers de visiteurs à terme. Le département engage 20 à 25 millions de francs par an dans ce type de dépenses structurantes qui génèrent annuellement environ 50 millions de francs de travaux.