Texte intégral
F. Laborde
Nous allons revenir sur l’initiative d’E. Balladur qui propose une commission extra-parlementaire pour réfléchir sur les prestations qui pourraient être réservées aux nationaux et pas aux étrangers. Et puis une commission extra-parlementaire où siégerait, éventuellement, le Front national. Que pensez-vous de cette initiative ?
C. Millon
– « Tout d'abord, je crois qu'E. Balladur a eu raison de dire que l'on pouvait débattre de tous les sujets dans une démocratie. En cela, il n'a fait d'ailleurs que reprendre un certain nombre d'expressions qui étaient utilisées, soit par J. Daniel, le directeur du Nouvel Observateur, qui, dans un éditorial remarqué, avait dit : "On peut discuter de tout, même de la préférence nationale". Personnellement j'avais pris cette position aussi car je crois que si l'on veut dégonfler des problèmes, il faut pouvoir en parler. Et E. Balladur a en fait embrayé sur le même ton, et je crois qu'il a eu raison. Ensuite il fait des suggestions. Personnellement, je serai très réserve sur ces suggestions, car je crois que le problème de la préférence nationale est un problème qui traite une conséquence – la conséquence de l'immigration –, et que je préfère traiter les causes. Ca veut dire : savoir comment on peut réguler les flux migratoires. »
F. Laborde
Ca veut dire concrètement que vous, quand on vous dit : faut-il réserver certaines prestations aux nationaux et les interdire aux étrangers, vous êtes pour, contre ?
C. Millon
– « C'est très difficile dans une émission très courte de répondre à cette question. La préférence nationale existe en France ; elle existe pour les fonctionnaires. Car on considère qu'il y a des postes qui relèvent de la souveraineté nationale, qui ne peuvent être occupés que par des citoyens français. Et puis il n'y a pas en fait de préférence nationale pour ce qui est de l'économie privée. Personnellement, quand quelqu'un cotise, je suis pour qu'il puisse toucher les prestations. Ca me paraît la moindre des choses. Et c'est la raison pour laquelle je suis non seulement réticent, mais opposé à des prestations sociales qui seraient réservées aux Français. Je pense que les prestations sociales doivent être réservées à ceux qui ont payé les cotisations. »
F. Laborde
Qu’ils soient français ou étrangers ?
C. Millon
– « Bien sûr. Mais étrangers réguliers. C'est la raison pour laquelle le problème de la préférence nationale soulève le problème de l'immigration. Et c'est pourquoi il convient de ne pas couper les problèmes les uns après les autres, de ne pas les scinder, car on arrivera en fait à des solutions qui seront inadaptées. »
F. Laborde
Est-ce que dans cette commission extra-parlementaire, si elle voit le jour, doit figurer le Front national ?
C. Millon
– « Je crois tout d'abord que c'est aller très vite en manœuvre. Vous savez, le problème du Front national, il est clair : aujourd'hui, on entend plein de réflexions à son sujet. Certains voudraient mettre un cordon sanitaire autour. Je rappelle une chose : c'est que le Front national, aujourd'hui, est reconnu ; il est reconnu, subventionné par l'Etat ; il a l'accès aux médias. C'est un parti qui a été, reconnu. Alors on voudrait, par certains côtés, continuer à le reconnaître, et puis, par d'autres côtés, le mettre à l’écart. Il va bien falloir un jour qu'on tranche la question, et puis qu'on dise : les partis politiques qui sont reconnus, eh bien seront invités à débattre de certains sujets et ce, pour éviter l'extrémisation d'un certain nombre de positions. Ou alors, eh bien, il faut que ces partis-là, parce qu'ils ne respectent pas les principes républicains, soient mis à l'écart de la République. Mais on ne va pas pouvoir garder l'hypocrisie totale, comme on est train de le faire actuellement, où un jour on dit : ce parti est reconnaissable, il est reconnu, parce que la République l'a inscrit parmi les partis qui touchent des subventions, et puis d'un autre côté dire : ce parti est infréquentable. Je crois qu'on ne peut pas garder cette hypocrisie-là. »
F. Laborde
Si je vous ai bien compris, vous condamnez partiellement seulement les propos d'E. Balladur ?
C. Millon
– « Mais je ne condamne... Moi je ne suis pas là pour condamner. Je dis qu'E. Balladur a posé un problème. Ce problème, tout le monde le connaît. Ce n'est pas parce que ce problème va provoquer des perturbations dans le marigot politique qu'on va condamner les propos d'E. Balladur. E. Balladur a dit qu'aujourd'hui, il y a, premièrement, le problème de préférence nationale ; personnellement, je pense qu'il aborde la question dans un monde trop limité, et qu'il faut poser le problème de l'immigration, c'est le problème de l'immigration qui est posé. Et puis, deuxièmement, il dit : ne faut-il pas interroger toutes les familles politiques ? Il pose le vrai problème. S'il y a des familles politiques qui sont reconnues, dans ce cas-là il faut les interroger. »
F. Laborde
Comment ça se passe dans la région Rhône-Alpes ?
C. Millon
– « Mais dans la région Rhône-Alpes ça se passe très bien. Il y a aujourd'hui une majorité et une opposition. Cette majorité, c'est une majorité qui est d'origine RPR-UDF, et puis l'opposition. Vous avez d'un côté, une opposition Front national et de l'autre côté, une opposition Parti socialiste - Parti communiste - Ecologistes. »
F. Laborde
Il y a eu quand même quelques difficultés, notamment pour voter les budgets sur certaines bourses étudiantes. C'est résolu ?
C. Millon
– « Tout à fait. Il y a eu des difficultés, c'est évident ; puisque le Parti socialiste a opté pour une attitude qui me paraît un peu irréaliste, c'est-à-dire de faire une politique d'obstruction systématique, et de dire non à tous les dossiers que je présente. À partir de ce moment-là, le Parti socialiste a pris en otages un certain nombre de dossiers – dont les étudiants – et a fait du Front national l'arbitre de la situation. Je crois qu'aujourd'hui le Parti communiste a renoncé à cette politique du pire ; que le Mouvement des citoyens, hier après-midi, a renoncé lui aussi à cette politique du refus systématique ; et qu'il y a déjà chez les socialistes un certain nombre de responsables qui disent : il faut étudier dossier par dossier. Demain, après-demain, va se tenir la commission permanente du conseil régional. Et je suis sûr qu'à cette occasion-là, nous pourrons voter les bourses, car raison reviendra. »
F. Laborde
Votre formation, La Droite, commence à exister – 5000 inscrits aujourd'hui. On dit que beaucoup sont sympathisants, voire inscrits aussi au Front national.
C. Millon
– « Je ne connais pas l'origine partisane des personnes qui s'inscrivent. La seule chose, c'est que je crois que c'est très très diversifié. Il y a des personnes qui viennent du RPR, d'autres qui viennent de l'UDF, d'autres qui n'avaient pas de parti ; et puis certainement certaines personnes qui doivent venir du Front national. Il n'y a pas en fait une étude des origines des personnes qui sont inscrites. Actuellement, nous sommes 10 000 ; nous avons à peu près 300 à 400 personnes qui s'inscrivent chaque jour ; elles viennent de la France entière. Et ces personnes-là acceptent, enfin adhèrent à un mouvement qui à une charte que l’on connaît maintenant, puisque je l'ai exposé au Palais des congrès de Paris le 6 juin dernier. Et je crois que ça répond évidemment à un besoin. Je crois que les femmes et les hommes de droite, en France, souhaitent une grande formation de droite qui soit diverse, qui soit ouverte, qui soit tolérante, et qui permette ainsi de faire contrepoids dans une démocratie d'alternance, au Parti socialiste. »
F. Laborde
Vous avez été exclu de l'UDF. Ça vous pose quelques problèmes, et est-ce une affaire qui est réglée pour vous ?
C. Millon
– « J'ai été exclu par F. Léotard au moment de l’élection du président du Conseil régional de Rhône-Alpes. Mais je ne sais pas de quoi j'ai été exclu parce que, est-ce que l'UDF existe encore ? »