Texte intégral
La naissance et la croissance de NAUSICAA sont une belle et étrange histoire. Celle d’une conviction d’un homme épris de mer, confiant dans l’aptitude de ses semblables à l’intelligence et qui veut partager cette espérance.
Votre aventure, Monsieur le maire a commencé au début des années 80. Il vous a fallu batailler, dépasser les réticences pour poursuivre votre projet : construire une vaste maquette du monde de la mer pour que le grande public puisse mieux appréhender cet univers. NAUSICAA, bien au-delà de la tradition des aquariums, se donnait une vocation culturelle.
Vous avez engagé bien des paris pour recréer ce lieu qui abritant autrefois un casino :
– celui de mener à bien ce premier centre de culture scientifique et technique dédié à la mer ;
– celui de le confier à une jeune équipe, inexpérimentée ;
– celui de faire partager votre part de rêve avec le public.
Il nous a fallu de l’audace et de la ténacité pour convaincre les décideurs parisiens que Boulogne-sur-Mer pouvait légitimement revendiquer une ambition culturelle nationale et, de surcroît, maritime, alors que notre pays a tendance à sous-estimer le potentiel de ses mers et de ses 5 500 km de côte. Toutefois, il est certain que vote élan s’est inscrit, dès 1981 dans l’orientation nouvelle donnée par le Président de la République en faveur de la culture.
L’intérêt pour la culture scientifique et technique s’est particulièrement manifesté et développé dans les années 80, sous l’impulsion de l’État, notamment, mais aussi, par la volonté de quelques hommes déterminés. Pour ce qui concerne la mer, votre initiative, Monsieur le maire, comptait parmi les toutes premières.
En France, l’échouage du Torrey Canon faisait prendre conscience de l’importance de l’environnement, de la fragilité et de la vulnérabilité du littoral. Votre souhait de connaître et de comprendre la vie marine, la place de l’homme dans la nature répondait à un besoin non exprimé encore, mais profondément présent chez nos concitoyens.
Pas à pas NAUSICAA prenait corps.
En 1983, vous lancez le concours d’architecture pour donner forme au centre, concours remporté par Jacques Rougerie. Puis votre ténacité est couronnée de succès en 1986 par la reconnaissance du Centre national de la mer au titre des Grands travaux de l’État. En 1991, NAUSICAA ouvrait ses portes, dirigé et animé par un jeune trio.
Monsieur le maire, vous avez fait le pari de la jeunesse et de l’enthousiasme.
En effet, l’équipe qui, aujourd’hui, dirige NAUSICAA, est en place depuis les premiers jours de la conception du centre.
Tout juste sortis de l’université, Christophe Liacopoulos, Stéphane Hénard et Philippe Valette faisaient leurs premiers pas dans la vie active, sous la conduite de ce dernier. Dotés d’un savoir scientifique, d’une volonté de communiquer, portés par l’enthousiasme des pionniers, ils ont su donner corps au concept, s’adapter aux contraintes, avec une passion communicative. Aujourd’hui, ils conduisent, avec efficacité, une entreprise de 160 personnes.
Mes collaborateurs évoquent encore la face cachée de NAUSICAA que Philippe Valette aime raconter avec enthousiasme : la première dialyse subie par un requin ou l’opération d’une autre sous anesthésie afin de recoudre ses blessures, l’aventure de la reproduction des méduses dont certaines évoluent, aujourd’hui, dans le grand aquarium de l’Exposition internationale de la mer de Lisbonne. Il y a deux centres dans NAUSICAA, celui que le grand public visite et admire et puis les coulisses où se prépare la mise en scène : celui des aquariums que l’on surveille, des reproductions que l’on attend ou que nous surprennent, des soins et de la nourriture de la faune, du bouturage de la flore.
C’est avec passion que les dirigeants et l’ensemble du personnel du centre aiment à faire découvrir l’univers marin, tout autant qu’ils le découvrent.
Transmettre votre part de science, diffuser votre part de poésie en créant NAUSICAA constituait un risque devant lequel vous n’avez pas reculé. L’aventure allait-elle être partagée ?
Monsieur le maire, vous avez cru, comme vos collaborateurs, au développement des facultés intellectuelles de l’homme. C’est sur ces bases qu’a été conçue la scénographie. Votre conviction dans le progrès par la culture a trouvé un formidable écho dans le public, et c’est réconfortant.
À l’heure de l’ouverture, on se posait une question majeure : Y aurait-il 100 000 ou 300 000 visiteurs ? Nus ne pouvait le prévoir, car dans ce domaine, les études de marché manquent de critères pour permettre des repères.
NAUSICAA n’accueillait qu’Ulysse et ses compagnons. Piètre hospitalité comparée au centre NAUSICAA qui reçoit, chaque année, 600 000 admirateurs, parmi les visiteurs qui ont abordé le rivage de Boulogne-sur-Mer.
Lieu de culture, NAUSICAA permet une initiation à la mer, aux métiers de la mer, tout d’abord à la mer si proche ici à Boulogne, et les activités de pêche et d’aquaculture pratiquées dans la Manche. Mais NAUSICAA, c’est aussi le souci de préserver la qualité des océans, de gérer les ressources renouvelables et de développer une pédagogie pour comprendre la mer.
Le succès culturel, social et même économique, n’est plus à démontrer. Ce succès s’est porté bien au-delà de la région et des frontières. NAUSICAA est un centre européen qui attire près de la moitié de ses visiteurs des pays voisins.
D’ores et déjà, l’expérience et la maîtrise acquises au centre de la mer ont permis aux responsables de diffuser leur savoir-faire technique et pédagogique. C’est ainsi que NAUSICAA est partenaire du « Festival mondial d’images sous-marines d’Antibes ».
Plus encore, c’est le concept même de centre culture scientifique et technique de la mer que les dirigeants exportant dans le monde, en Allemagne ou plus récemment encore, en Thaïlande.
La volonté culturelle exprimée dès la conception du centre est aujourd’hui reconnue par les accords conclus avec l’UNESCO ;
Maintenir ce succès nécessitait de renouveler les centres d’intérêt. C’est pourquoi vous avez conçu le grand NAUSICAA, que l’on inaugure aujourd’hui.
Plus encore, NAUSICAA nous invite au voyage et à la réflexion par ses trois espaces :
– la réserve californienne avec les lions de mer, exemple de la gestion de la biodiversité marine ;
– l’espace tropical et les formes de tourisme ;
– enfin, le domaine de l’exploitation raisonnée des océans.
Le parti architectural est conduit à nouveau, avec talent, par Jacques Rougerie dont la création est, depuis toujours, conduite par la fascination de l’espace marin.
Plus ludique encore, le grand NAUSICAA s’adresse aux quatre sens, porte au voyage dans les Tropiques et au rêve. Écouter ces noms qui confirment mon propos : les crabes violonistes, les coureurs arc-en-ciel, les carangues bleues ou les raies bouclées.
Le grand NAUSICAA que nous inaugurons en cette année internationale des océans doit permettre l’évasion des visiteurs, mais plus encore développer le respect de la mer, parce qu’il nous fait mieux sentir notre lien au monde des océans et percevoir l’instabilité de ses équilibres. C’est une ouverture sur la composante essentielle de notre planète. J’aime à parler de mondialisation dans ce cas.
Je vous souhaite, Monsieur le député-maire, ainsi qu’à toute l’équipe, qui depuis 16 ans, conduit NAUSICAA, comme à ceux qui les ont rejoints dans cette aventure, la poursuite d’un succès marqué par votre conviction dans l’intelligence de l’homme et l’espoir de sa réconciliation avec le monde de la mer.