Articles de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, et interview de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, dans le supplément de "La Revue politique et parlementaire" du 3ème trimestre 1998, sur la voiture propre et le GNV (Gaz naturel pour véhicules).

Prononcé le 1er juillet 1998

Intervenant(s) : 

Média : Revue politique et parlementaire

Texte intégral

Article de Dominique Voynet

Dans les semaines qui ont suivi mon arrivée au gouvernement, plusieurs épisodes de forte pollution atmosphérique ont mis en lumière l’impatience des citadins face à ce qui était perçu comme un laisser-aller des pouvoirs publics en matière de pollution automobile.

La première application de la circulation alternée, le 1er octobre 1997, a également montré que les mentalités avaient changé sur ce sujet. Enfin, des études épidémiologiques ont prouvé que la pollution atmosphérique a de graves conséquences sur la santé des enfants. des personnes âgées, des asthmatiques, etc.

C’est pourquoi j’ai fait accélérer les procédures d’application de la loi sur l’air qui privilégient les véhicules dits « propres », c’est-à-dire équipés d’un pot catalytique ou fonctionnant en émettant peu de polluants dans l’environnement immédiat (GPL, GNV, électricité…). De même, la pastille verte, qui permettra aux véhicules qui l’arboreront de circuler en cas de pic de pollution, commence dès cet été à être distribuée.

L’Europe est également un puissant levier dans ce combat pour un air plus pur, grâce en particulier aux directives « auto-oïl », qui vont entraîner une réduction sensible des émissions de polluants par véhicule, dès 2000 et de nouveau en 2005, par une action conjointe sur les carburants et sur les moteurs. La fiscalité sera par ailleurs utilisée pour dissuader les carburants les plus polluants. Simultanément, il faut aussi repenser l’organisation des transports pour que les modes alternatifs de déplacement retrouvent la place qu’ils ont perdue. C’est le début des plans de déplacements urbains (PDU). C’est aussi un enjeu fondamental pour le respect de l’environnement, car des voitures moins polluantes ne règlent ni le problème du bruit, ni celui de l’encombrement de l’espace public, ni celui de la sécurité de tous les usagers de la route et de la rue.


La revue politique et parlementaire – 3ème trimestre 1998
Un entretien avec Christian Pierret

Le GNV représente-t-il une orientation prioritaire ?

Christian Pierret : En matière de diversification des carburants et de nouvelles applications du gaz, très certainement. Avec une vision plus large, je tiens à insister sur ce développement, parce qu’il répond à une attente forte de nos concitoyens et des collectivités locales, qui sont de plus en plus préoccupées par la qualité de l’air en milieu urbain et par les pics de pollution. Le GNV est en mesure d’apporter une réponse immédiate à ces préoccupations.

Quels sont pour vous les atouts spécifiques du GNV au sein de l’ensemble des filières alternatives ?

Christian Pierret : Ses atouts sont au nombre de trois. Tout d’abord du point de vue environnemental, le GNV, si l’on envisage l’ensemble de la chaîne de production, est le carburant qui offre les plus grandes qualités en matière de promotion de l’air et de l’environnement. En second lieu, il offre une diversification à notre approvisionnement en carburants et par là une plus grande sécurité pour l’avenir. Enfin, il offre à l’industrie française des opportunités économiques importantes. Les constructeurs et les équipementiers français doivent être au rendez-vous de ce marché émergent qui connaît déjà un substantiel développement en Amérique du Nord ainsi que dans plusieurs pays d’Europe.

Cette filière industrielle vous semble-t-elle suffisamment mobilisée pour assurer le développement du GNV ?

Christian Pierret : Aujourd’hui oui, mais il est vrai que la période de démarrage fut difficile. Il est toujours complexe de mettre en œuvre des filières industrielles nouvelles avec toutes les hypothèques qu’elles peuvent présenter. Ce sont des paris économiques qui engagent des investissements considérables et ils sont d’autant plus délicats à entamer qu’ils impliquent plusieurs acteurs qui se doivent d’être complémentaires.
Mais aujourd’hui, la conviction de ces acteurs est faite, et tous les partenaires collaborent de manière significative. Les constructeurs ont investi dans la recherche pour optimiser les rendements et développer des motorisations dédiées, tandis que Gaz de France s’est attaché à optimiser les procédés de distribution. L’exemple des pays étrangers nous prouve que toutes les expériences réussies en matière de GNV ont ainsi fédéré leurs acteurs à tous les stades de la filière.

Les exemples internationaux que vous évoquez, ont reçu un appui décisif de leurs autorités nationales respectives. Quel sera le rôle des pouvoirs publics dans le contexte actuel du développement ?

Christian Pierret : Ce rôle consistera à créer et maintenir un cadre favorable à ce développement. Tout d’abord, ce seront un ensemble de mesures économiques et fiscales, telles qu’un niveau de fiscalité adapté à ce carburant, ainsi que des incitations à l’investissement. La loi de finances pour 1998 comporte déjà plusieurs mesures significatives en faveur du GNV : abaissement du taux de TIPP, exonération partielle ou totale de la vignette pour les véhicules fonctionnant au GNV. Ce sera aussi un rôle d’exemplarité par l’obligation faite aux gestionnaires de flottes publiques de plus de vingt véhicules légers, d’intégrer au moins 20 % de véhicules alternatifs propres lors du renouvellement des parcs. Ces décisions seront détaillées dans le décret d’application de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie.
De plus, le gouvernement est attentif au développement de la recherche en matière de qualité et de performances des moteurs et des équipements. Il soutient celle-ci grâce à l’intervention du PRÉDIT, le programme de recherche et de développement technologique pour les transports.

Le GNV vous semble-t-il avoir aujourd’hui des champs d’application spécifiques ?

Christian Pierret : Ce sujet est essentiellement du ressort des acteurs industriels, car la viabilité économique est un élément prépondérant du succès. Mais il est vraisemblable que cette filière trouvera plus particulièrement son développement dans le marché des véhicules urbains lourds tels que l’autobus. À ce titre, je me félicite qu’avec Jean-Claude Gayssot, nous ayons convaincu la RATP de se lancer dans un programme d’équipement de bus au GNV qui a vocation à se développer.

Quatre ans après la signature du protocole de développement du GNV, cette filière vous semble donc prête pour une montée en puissance ?

Christian Pierret : Pour moi, toutes les conditions semblent réunies pour que le GNV prenne sa place au sein de l’offre de carburant propres à laquelle nous allons de plus en plus faire appel. Les industriels de cette filière exportent déjà de manière significative leurs matériels et leur savoir-faire hors de nos frontières dans des pays tels que la Belgique ou l’Australie. Le temps est venu pour que nos concitoyens bénéficient eux aussi d’une énergie qui préserve leur environnement sans entraver leur capacité de développement.


Article de Jean-Claude Gayssot

Jusqu’ici, il était de bon ton d’opposer transport et protection de l’environnement. Ma conviction est que les transports ont tout à gagner à prendre en compte aussi bien dans leurs évolutions technologiques que structurelles ou modales non seulement l’objectif de protection de l’environnement, mais l’amélioration du cadre de vie de nos concitoyens, notamment en zone urbaine.

Le concept de voiture propre n’est pas seulement pour moi synonyme d’évolutions technologiques, même si celles-ci sont à l’évidence prometteuses. Il implique que soit progressivement repensée la place même de la voiture dans la ville.

Le développement de la mobilité ne peut plus en effet être assuré par une croissance sans fin du trafic routier. La solution durable, et compatible avec le fait que pour huit français sur dix, la qualité de la vie, c’est d’abord la qualité de la ville, réside dans le développement des transports publics urbains. Ceux-ci sont directement concernés par les technologies propres et des actions sont engagées pour qu’en la matière, ils soient exemplaires. Des systèmes de transport tels les tramways – ou plus généralement les transports sur site propre par voie de surface – ont montré en outre qu’ils constituaient un moyen privilégié pour réaménager les zones urbaines environnantes et revitaliser le tissu urbain.

La place de la voiture – et celle d’autres modes de transport tels les deux roues – doit dès lors être beaucoup plus conçue en complémentarité qu’en opposition avec celle des transports publics. Les nouvelles technologies permettent de ce point de vue d’envisager des réponses novatrices, avec par exemple la mise en place – actuellement en cours d’expérimentation dans plusieurs villes – de flottes de véhicules en libre-service pour desservir des zones où des systèmes de transports plus lourds soit ne peuvent pas accéder, soit sont d’une mise en œuvre trop coûteuse.

Et si la voiture individuelle reste un mode privilégié de transport familial, l’innovation technologique, organisationnelle et sociale constitue pour l’avenir à la fois un facteur essentiel d’évolution pour mieux vivre la ville et un vecteur de diffusion plus rapide des technologies propres dans le domaine des transports.