Texte intégral
CONSEIL RÉGIONAL D'AQUITAINE – BORDEAUX, le 13 janvier 1994
Monsieur le Président du Conseil régional,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents de Conseil général,
Monsieur le Président du Conseil Économique et Social régional,
Mesdames et Messieurs,
Dès le discours de politique générale que j'ai prononcé devant le Parlement en avril dernier, j'avais annoncé la priorité donnée par le Gouvernement à une politique d'aménagement du territoire rénovée et ambitieuse.
Certains, au nom d'une appréciation exclusivement financière, se sont demandés si la politique d'aménagement du territoire n'était pas un luxe dans une période de difficultés.
Ma réponse est claire. C'est parce que nous faisons face à des difficultés que, plus que jamais, l'aménagement du territoire s'impose.
Comme l'a d'ailleurs exprimé le conseil économique et social de votre région, cette politique traduit « une volonté (…) de refus d'exclusion ou d'abandon ».
Trois objectifs guident la politique que le Gouvernement a engagée :
– développer l'emploi par une exploitation plus complète et plus équilibrée des ressources nationales ;
– retrouver la cohésion sociale pour restaurer l'équité entre les citoyens et affirmer l'unité nationale ;
– et enfin, restaurer la confiance en faisant partager au plus grand nombre le sentiment d'appartenir à une société en construction.
Des décisions immédiates ont été prises par le Gouvernement parmi lesquelles je citerai le moratoire de la fermeture des services publics en milieu rural, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la renégociation des zones éligibles aux fonds structurels de l'Union Européenne.
Parallèlement, le Gouvernement, sur proposition du ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du Territoire, a pris l'initiative d'engager un grand débat national. La participation de tous et la mobilisation de chacun sont en effet nécessaires pour dessiner la France que nous voulons en 2015 et préparer un projet de loi qui sera soumis au Parlement, au printemps 1994.
Ce débat est très bien engagé. Nous en sommes à mi-chemin.
Des éléments de synthèse qui me parviennent, je note d'abord que ce débat suscite un grand intérêt.
Partout en France, les Français s'interrogent, disent leurs attentes souvent avec passion, et formulent des propositions. J'y vois leur satisfaction de pouvoir s'exprimer sur des sujets pratiques, et hors d'un débat politique. J'y vois la confirmation de leur sentiment d'appartenir à une communauté nationale dont ils se sentent responsables du devenir.
J'avais souligné, au mois d'avril 1993, combien la France était inquiète. Je constate que le débat sur l'aménagement du territoire contribue à restaurer confiance et unité.
La seconde phase du débat, plus institutionnelle, renforcera, je le souhaite, cette tendance.
La presse, surtout la presse écrite, joue un rôle actif dans ce débat. Je m'en réjouis, je l'en remercie.
À ce stade, deux préoccupations dominent : l'emploi, l'égalité des chances.
La lutte pour l'emploi constitue la priorité du Gouvernement. Tout ce qui pouvait être fait, l'a été. J'ai appelé les collectivités locales, les organismes patronaux, les banques à se joindre à l'action du Gouvernement.
Les premiers résultats apparaissent. Les charges qui pénalisent l'emploi ont été allégées. L'emploi des jeunes a été favorisé. La loi quinquennale sur l'emploi, le travail et la formation professionnelle a posé de nouveaux principes.
La récession a été stoppée et plusieurs conditions sont réunies pour un redémarrage de notre économie. Mais la tâche reste immense.
Mon espoir est que la courbe du chômage s'inversera en 1994. S'il apparaissait que les résultats tardaient à venir, je prendrais d'autres initiatives, comptant à nouveau sur toutes les forces de la nation et m'inspirant de certaines orientations novatrices que le débat sur l'aménagement du territoire tend à faire émerger.
Ce qu'il faut également garantir, ce sont les solidarités élémentaires entre les hommes, les métiers, les générations, les territoires. Ces solidarités de proximité sont à retrouver. Jointes à l'expression d'une ambition nationale, elles constituent le plus sûr moyen de renforcer la cohésion du pays, condition nécessaire pour mieux faire face à la compétition internationale.
Quant à une plus grande égalité des chances entre les Français, elle repose sur des décisions des pouvoirs publics qui prennent mieux en considération la relativité des situations. Le Gouvernement a d'ores et déjà pris des décisions en ce sens. Dès le mois de mai dernier, trois orientations ont été fixées :
– soutenir les zones en difficulté qu'elles soient rurales ou en reconversion industrielle ;
– préserver la cohésion sociale dans les villes et leurs banlieues ;
– contenir le développement de la région Île-de-France sans, pour autant, porter atteinte à ses fonctions de région capitale.
Pour restaurer l'égalité des chances, l'esprit de réforme et d'innovation doit s'exprimer largement. En effet, mettre aujourd'hui en œuvre ce principe fondamental de la République, suppose des modalités nouvelles dans l'intervention des pouvoirs publics.
La loi d'orientation sur l'aménagement du territoire devra esquisser des solutions conformes à cet esprit et susceptibles d'être acceptées par tous, dans le respect des principes généraux du droit français. Il faudra admettre une hiérarchie dans les choix.
Enfin, dernière observation, le débat national révèle que derrière les mots un peu mythiques ou abscons que sont : « l'aménagement du territoire », les Français placent une attente considérable.
À leurs yeux, l'aménagement du territoire, c'est l'intérêt général qui l'emporte sur les intérêts particuliers et les corporatismes. C'est un moyen d'engager des réformes difficiles mais nécessaires pour renforcer la France.
Ces réformes doivent viser l'État, les collectivités, les représentations professionnelles. Elles peuvent être institutionnelles, fiscales, réglementaires. Elles peuvent alléger, renforcer, rapprocher.
Il faut s'engager résolument dans la voie de la réforme : obligation nous est faite, à nous élus, de répondre aux Français.
Leur participation au débat national sur l'aménagement du territoire montre qu'ils ont compris que la crise n'est pas seulement économique, que des transformations en profondeur de notre société sont nécessaires. Ce n'est pas simplement une question d'infrastructures ou de compétences de collectivité. Il y a une dimension sociale. Il y a une dimension économique. Il y a aussi une dimension géographique.
À cet égard, il nous appartient de corriger le développement rapide de l'arc qui, du sud de l'Angleterre, va au nord de l'Italie, en passant par la vallée du Rhin.
Le développement de la France implique une stratégie qui intègre totalement le sud et l'ouest de notre pays. J'ai déjà eu l'occasion lors de mes déplacements à Nantes et à Poitiers, de dire combien le Gouvernement est attentif à la façade atlantique. Je le dis à nouveau ici, en Aquitaine, région qui est articulée entre le Grand Sud de l'Europe l'Arc Atlantique. Sa fonction d'interface doit donc être source de dynamisme.
Le Gouvernement a donc défendu avec grande vigueur l'éligibilité des régions françaises aux fonds structurels de l'Union Européenne.
La population qui relèvera dans les prochains programmes des soutiens pour la reconversion industrielle et le développement rural, est nationalement en augmentation de 57 % par rapport à la période 1988-1993.
En région Aquitaine, l'augmentation est plus sensible encore. La population concernée passe de 710 000 habitants à 1 million 870 000, soit une progression de 163 %.
Dans l'hypothèse d'un maintien de la dotation par habitant, un montant d'au moins 25 milliards de francs serait consacré à la France pour le développement des zones concernées, entre 1994 et 1999. En raison de l'augmentation prévisible de la dotation, les enveloppes devraient être supérieures.
Ces crédits viendront soutenir la politique d'aménagement du territoire engagée par le Gouvernement.
L'Union Européenne a adhéré au principe de solidarité prôné par la France, également dans les négociations du GATT.
L'accord finalement obtenu, me paraît devoir préserver les intérêts de l'agriculture européenne. La Politique Agricole Commune est maintenant reconnue au niveau international ce qui écarte le risque de voir nos produits d'exportation, pris en otage dans des conflits commerciaux. Par ailleurs, nos partenaires ont pris l'engagement que la mise en œuvre du volet agricole du GATT n'entraînera pas de restrictions nouvelles, et notamment pas de jachère supplémentaire.
Il nous appartient maintenant de veiller à ce que les modalités de mise en œuvre de la réforme de la Politique Agricole Commune soient améliorées. À cet égard, les résultats du dernier Conseil des ministres de l'Agriculture sont satisfaisants : la France a obtenu la consolidation définitive de ses plans de régionalisation, une simplification du régime de la jachère ainsi que la gestion, sur une base nationale, des surfaces oléagineuses.
Au plan interne, une réflexion d'ensemble permettant de tracer des perspectives d'avenir pour notre agriculture doit être engagée. Je m'en entretiendrai prochainement avec les responsables des organisations professionnelles agricoles.
Je voudrais souligner la place de l'agriculture et la forêt dans votre région.
L'agriculture occupe 40 % du territoire aquitain et les activités agricoles et agro-alimentaires concernent près d'un actif sur quatre.
L'Aquitaine se classe au premier rang des régions françaises en matière d'exportation de produits agro-alimentaires.
Ces remarquables résultats sont tout d'abord le fait d'agriculteurs qui ont su développer des productions très compétitives, comme celle du maïs. Ils sont aussi le fruit des efforts en faveur de la qualité qui font que les produits de la région sont mondialement renommés. Je me réjouis, à ce propos, que le Parlement ait récemment adopté la loi sur la reconnaissance de qualité des produits agricoles et alimentaires.
En ce qui concerne la forêt et le bois, l'Aquitaine est de loin la première région française. Cette filière traverse depuis fin 1992 une crise liée à une baisse de la consommation et à l'incidence des dévaluations monétaires des pays du nord de l'Europe.
Cette situation a conduit le Gouvernement à prendre des mesures pour conforter l'ensemble de la filière. La loi de finances pour 1994 a mis en place un financement durable du Fonds Forestier National. Les entreprises de transformation ont été soutenues. Tout dernièrement, la France a décidé de mettre en place un régime de surveillance préalable des importations de bois et de papier en provenance de Finlande. Le Gouvernement continuera à intervenir auprès de la Commission pour que les dispositifs permettant de restaurer une plus juste concurrence soient mis en œuvre.
En ce qui concerne l'activité industrielle, vous savez l'action volontariste que l'État a déployé au bénéfice de l'Aquitaine. Les Aquitains ont su faire fructifier ces décisions. Aujourd'hui, des efforts considérables sont réalisés par le Gouvernement pour accompagner des évolutions qui sont douloureuses.
Des mesures adaptées à chacun des sites concernés ont été prises dès juillet 1993 pour atténuer l'impact local des décisions de réorganisation des armées.
Des moyens de reconversion ont été mis en place dans les bassins d'emploi touchés par l'évolution des industries aéronautiques et d'armement.
Ces activités sont stratégiques pour la souveraineté nationale. Elles font donc l'objet d'une grande attention. Le budget de la Défense en augmentation en termes de moyens disponibles en 1994, permet de préserver les grands programmes. La loi de programmation militaire devrait être présentée au Parlement à la session de printemps. Enfin, le soutien apporté pour conquérir des marchés à l'exportation est sans faille.
Je souhaite la mobilisation de tous les partenaires au service des bassins d'emplois en difficulté, et de tous les moyens disponibles.
Le contrat de plan État-région est l'un de ces moyens. Je sais les difficultés rencontrées ici sur certains des volets du contrat de plan.
J'ai donc décidé d'accorder une dotation complémentaire de 195 millions de Francs en partie pour les opérations liées à la construction du tunnel du Somport et en partie pour renforcer les capacités de l'Aquitaine en matière d'enseignement supérieur.
J'ai également décidé d'accélérer l'amélioration de l'axe routier Bordeaux-Pau pour en faire une liaison rapide et moderne plus conforme aux impératifs économiques et aux aspirations exprimées par toute la région. Ainsi, les financements sont prévus dans le contrat de plan pour que le contournement d'Aire-sur-Adour soit réalisé à deux fois deux voies. Au surplus, les extrémités de l'axe sont programmées sur deux fois 25 kilomètres, en caractéristiques autoroutières et par concession.
Par ailleurs, j'ai décidé un effort particulier au bénéfice des transports publics.
J'avais demandé il y a quelques mois au ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme, de réfléchir à une réforme du financement des transports collectifs.
L'objectif était d'apporter un soutien au développement de ce type de transport qui soit à la hauteur des besoins considérables qui existent dans les grandes agglomérations.
Cette réforme vient d'aboutir. Elle repose sur trois principes : la garantie d'une aide de l'État aux projets de nouveaux transports dans les grandes agglomérations, l'impartialité de l'État quant au choix du mode de transport ; la responsabilité des collectivités locales dans la définition des projets retenus.
La communauté urbaine de Bordeaux est la première agglomération française à bénéficier de ce nouveau système. Une subvention de 402 millions de francs sera allouée au projet de métro qui a été choisi en ce début de semaine.
L'Aquitaine a également le souci de développer les transports ferroviaires régionaux et d'améliorer la qualité du service rendu à ses habitants. Avec d'autres régions françaises, vous vous intéressez à une nouvelle génération de rames expresses régionales, qui sont techniquement prêtas, mais dont la fabrication n'a pas encore été lancée par le constructeur.
Afin de faciliter le lancement de cette fabrication, et de contribuer ainsi au maintien de l'emploi dans l'industrie ferroviaire, le Gouvernement propose la mise en place d'une aide exceptionnelle au développement de ce nouveau matériel. Si parmi les régions françaises, 50 de ces nouvelles rames étaient commandées de façon ferme dans les prochains mois, la SNCF pourrait prendre en charge une partie des frais de lancement de la fabrication. Elle recevrait pour cela une subvention spécifique de l'État de 80 millions de Francs.
Je forme le vœu que cette offre, que je crois tout à fait intéressante, rencontre le succès et qu'ainsi, l'initiative conjointe de l'État, de la SNCF et des régions, permette de contribuer à un objectif important pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le train à grande vitesse, l'Aquitaine a bénéficié de la deuxième ligne française. Elle a apporté un progrès considérable en mettant Paris, à 3 heures de Bordeaux. Ce progrès a été apprécié des Aquitains comme le montre le succès commercial de la ligne.
Vous me faites part de votre souhait d'une deuxième étape, dans laquelle on construirait une voie nouvelle après Tours, ce qui rendrait encore plus rapide le trajet de Paris/Bordeaux et permettrait d'envisager une liaison complète Paris/Bordeaux/Madrid.
Je partage entièrement votre appréciation de l'intérêt d'un tel projet pour l'aménagement du territoire. C'est d'ailleurs l'avis de la SNCF qui considère que la poursuite de la ligne nouvelle après Tours est l'un des meilleurs investissements parmi ceux qui figurent au schéma directeur national des trains à grande vitesse.
La difficulté, c'est bien sûr le financement. Vous le savez, la SNCF connaît une situation financière très difficile. Elle n'a plus les mêmes moyens pour financer, dans l'immédiat, de nouveaux grands projets.
Pour autant, doit-on renoncer à des investissements utiles à la fois pour le développement régional et pour le développement économique national ? Je ne le pense pas. Je crois que la solution d'avenir pour les nouveaux investissements TGV est celle qui est en train de se dégager pour le TGV. Est, c'est-à-dire un financement de projet spécifique.
Puisque la SNCF n'est plus en mesure de réaliser l'infrastructure par elle-même, il est intéressant de créer une structure de financement à part, différente de la SNCF, dans laquelle peuvent investir les collectivités territoriales et les partenaires intéressés et à laquelle pourra contribuer la Communauté européenne dans le cadre de l'initiative de croissance. S'agissant d'un grand projet européen comme le TGV Paris/Madrid, une telle contribution est particulièrement justifiée.
Je serais donc très heureux que le SNCF, les partenaires et les collectivités territoriales concernées par ce projet puissent se réunir pour réfléchir à une telle idée. Afin de faciliter la réflexion, l'État vous propose d'ouvrir le débat sur l'intérêt économique et social de cette grande infrastructure et de prévoir les études correspondantes. Enfin vous pouvez être assurés que si ces réflexions aboutissaient à une structure adaptée à ce projet, le Gouvernement défendrait le dossier très fermement à Bruxelles.
Les décisions que je viens d'énoncer témoignent de !' attention qu'accorde le Gouvernement à la région Aquitaine et à la façade Atlantique.
Elles sont une des expressions de la politique d'aménagement du territoire rénovée que le Gouvernement a engagé.
Le débat national sur l'aménagement du territoire nous permettra de renforcer cette nouvelle politique et d'avancer ensemble, avec résolution et confiance, sur la voie de la réforme au service de tous les Français.
Je compte sur vous.
DISCOURS DU PREMIER MINISTRE, ÉDOUARD BALLADUR, À LA MAIRIE DE BORDEAUX, LE 13 JANVIER 1994
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de me rendre aujourd'hui à votre invitation et d'abord à celle de votre Maire Jacques Chaban-Delmas.
Monsieur le maire, vous savez l'ancienneté des liens qui nous unissent.
Je souhaite vous dire toute mon amitié et toute mon estime, rendre hommage à votre grande contribution à la vie publique de notre pays, depuis les heures difficiles nationale, en saluant aussi bien sûr l'œuvre que vous accomplissez à Bordeaux et en Aquitaine.
Cette action inlassable en faveur de Bordeaux porte aujourd'hui sur le projet de métro. Vous m'en avez parlé avec l'ardeur et l'enthousiasme qui sont les vôtres. Je suis venu vous dire que le Gouvernement vous a entendu et vous donnera tout son appui pour la réalisation d'un équipement de transports collectifs dont chacun reconnaît la nécessité.
Vous vous en souvenez peut-être, j'avais demandé il y a quelques mois à monsieur Bernard Bosson, Ministre de l'Équipement, des Transports et du Tourisme, de réfléchir à une réforme du financement des transports collectifs, permettant d'assurer un développement à la hauteur des grands besoins qui existent dans ce domaine dans beaucoup de villes de France comme à Bordeaux.
Cette réforme vient d'aboutir, monsieur Bernard Bosson en communiquera prochainement les modalités. Permettez-moi seulement de vous en donner les grands principes :
– Premier principe, une aide de l'État à l'ensemble des transports collectifs.
Il faut que l'État donne aux villes françaises, et en particulier aux grandes agglomérations comme Bordeaux, les moyens de créer des infrastructures de transport, qui permettent d'échapper à l'engorgement de la circulation automobile. Dans l'intérêt de l'environnement, de la qualité de la vie que demandent à juste titre nos concitoyens, il faut proposer des alternatives à l'automobile individuelle. Pour cela il faut une grande politique des transports publics à laquelle je suis attaché.
– Deuxième principe, l'impartialité de l'État. L'État doit donner à chaque collectivité, indépendamment de toute préférence partisane, les moyens qui sont objectivement justifiés par sa situation. Le ministre des Transports précisera quels en sont les critères d'appréciation, qui se fondent sur des éléments objectifs tels que le coût du kilomètre de voie à construire. L'application de ces critères aboutira à calculer de façon précise et incontestable une subvention de l'État pour les projets des villes françaises.
– Troisième principe, la responsabilité des collectivités locales.
La subvention par l'État n'impliquera pas une prise de position sur les choix techniques à privilégier. En particulier l'adoption d'un mode de transport plutôt que d'un autre doit relever de la libre détermination des collectivités. La subvention étant acquise, sur une base, je le répète, objectivement calculée, il appartiendra aux responsables locaux de retenir les solutions qui leur apparaîtront les meilleures pour leur ville.
Je suis heureux de vous dire aujourd'hui que Bordeaux est la première ville française à bénéficier de ce nouveau système. Une subvention de 402 millions de Francs a été calculée sur ces bases et vous sera allouée au fur et à mesure de la réalisation du projet : c'est je crois un montant tout à fait significatif, qui permettra de mener à bien le projet de métro pour lequel vous êtes engagés.
Je suis convaincu que vous en ferez une réalisation exemplaire.
Monsieur le maire, mesdames et Messieurs les parlementaires, permettez-moi de vous dire pour conclure :
Bonne chance pour Bordeaux et bonne chance pour le métro de Bordeaux.
DISCOURS DE MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, LE JEUDI 13 JANVIER 1994, À L'UNIVERSITÉ DE BORDEAUX !
Mesdames, Messieurs
Si j'ai souhaité me rendre aujourd'hui dans votre université et plus précisément dans le laboratoire de micro-électronique, rattaché à l'UFR de Physique et associé au CNRS, c'est pour vous dire l'intérêt majeur que j'attache à la recherche française. J'ai d'ailleurs accepté et approuvé l'initiative du ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, François Fillon qui est ici avec moi, d'organiser un large débat national sur les objectifs de la recherche scientifique et technologique française. Je considère en effet qu'il est indispensable, d'une part de faire le point sur la recherche fondamentale et de stimuler son efficacité par des mesures appropriées, d'autre part de travailler à une coopération toujours plus étroite entre las institutions de recherche ou de formation supérieure et le monde des entreprises.
La recherche n'est pas à mes yeux un univers replié sur lui-même, en marge du développement global de notre nation. Je suis convaincu qu'elle représente au contraire un atout essentiel pour l'économie et la prospérité de la France. Sa dimension européenne et internationale ne fait que renforcer son influence sur la marche de notre pays.
Je suis donc particulièrement attaché à tout ce que je viens de voir puis d'entendre ici, et je salue la richesse du travail accompli qui non seulement prouve l'importance de la recherche fondamentale mais qui montre que, lorsqu'elle devient appliquée, cette recherche constitue le moteur de l'équilibre économique. Ce qui se fait dans cette université et dans cette région Aquitaine est assurément exemplaire, et je félicite tous les acteurs, universitaires et chercheurs, chefs d'entreprise, responsables de l'État et des collectivités locales.
Je salue à ce propos monsieur le Doyen Valade que je sais précurseur en matière de recherche appliquée puisqu'il a fondé ici l'Institut du pin.
Par vos travaux, vous démontrez d'une manière éclatante que la matière grise est un véritable facteur de développement, et que la recherche, sous toutes ses formes, a sa part dans l'aménagement du territoire.
La recherche de base dont l'objectif est essentiellement l'accroissement des connaissances joue ici pleinement ce rôle, car vous avez su harmoniser le schéma du développement universitaire avec celui des organismes concernés en premier lieu par la recherche de base, tel le CNRS ou certaines composantes du CEA.
La recherche finalisée par grands secteurs économiques et sociaux est justement menée par vous en cohérence avec les priorités du schéma d'aménagement du territoire.
Quant à la recherche industrielle, vous savez l'appréhender pour contribuer à la reprise de la croissance économique, c'est-à-dire à travers les liens entre innovation et croissance.
C'est en créant de nouveaux produits, en innovant dans les procédés de production que notre économie pourra surmonter avec succès la concurrence des nouveaux pays industrialisés, renouveler le tissu industriel frappé par la crise, assurer un meilleur équilibre du territoire. À cet égard, les PMI innovantes sont un objectif essentiel et l'action gouvernementale en fait une priorité en 1994.
Les PMI nécessitent un soutien technologique important et une liaison étroite avec le monde de la rechercha au sens large. L'innovation se fait en partenariat avec des laboratoires de recherche, des centres de compétences technologiques, des lycées techniques ou IUT, des entreprises. Ce dialogue bénéficie aujourd'hui de progrès incontestables, en particulier dans la région Aquitaine.
Je souhaite ainsi évoquer en premier lieu le laboratoire d'études de l'intégration des composants et systèmes électroniques de l'université de Bordeaux 1, qui nous accueille. En intégrant dès l'abord le transfert du savoir dans les missions des enseignants-chercheurs, ce laboratoire s'est délibérément orienté dans la voie du partenariat avec les entreprises. Les réussites que vous m'avez présentées témoignent de la qualité et de la volonté d'un partenariat industriel et institutionnel très dynamique, très soudé et très développé. Les nombreux contrats de recherche et de brevets et les multiples transferts technologiques conclus ces dernières années avec, en majorité, des PME, illustrent l'utilité de cette démarche et attestent de son succès.
Je souhaite également évoquer l'exemple du Centre d'Études Scientifiques et Techniques d'Aquitaine, qui a délibérément cherché à faim profiter les PME de son savoir-faire. Grâce t la convention conclue par ce grand centre de recherche avec la CGPME et aux liens établis avec l'ANVAR, de très nombreux conseils ont pu être prodigués aux PME de la région et plusieurs contrats de diagnostic ou d'expertise ont été signés.
Ces expériences peuvent encore être qualifiées de pilote, ce qui montre l'intérêt de renforcer le dialogue entre entreprises et recherche. L'enjeu pour le pays est considérable. C'est pourquoi ce thème sera pleinement étudié et débattu dans le cadre du débat national sur la recherche qui sera mené dans les mois prochains.
Ainsi, l'entreprise sera au cœur de deux des six colloques thématiques nationaux qui, dans les régions, du 15 février au 15 mars prochains, illustreront la consultation nationale. Un colloque sera consacré au problème de la recherche et de l'innovation dans les PME-PMI, un autre aux relations entre la recherche et les entreprises pour une meilleure compétitivité. L'action de l'État en faveur de la recherche, tant dans les entreprises industrielles que dans les grands organismes, vise en effet l'accroissement de la compétitivité des entreprises françaises, et donc la défense de l'emploi.
Parmi les autres priorités assignées à la recherche française, la consultation nationale approfondira le lien entre Science et Société, les problèmes de structures et de métiers dans les formations supérieures et les organismes de recherche, la dimension internationale de recherche, et les moyens de conforter les atouts de la France dans le domaine de la recherche fondamentale. Il s'agit là de questions décisives qui, dans le prolongement de la consultation nationale, feront l'objet d'un débat parlementaire au cours de la prochaine session de printemps.
Ce travail qui est indispensable pour aider à mieux utiliser et à mieux diriger l'important effort que notre pays consacre aux missions de la recherche, répond, je le sais, à une triple attente :
– celle de la société qui a besoin à la fois d'être mieux informée sur ses préoccupations immédiates, comme l'emploi, la santé ou l'environnement, et de voir ces dernières mieux prises en compte ;
– celle des entreprises qui doivent mieux bénéficier de l'effort national pour accroître leur compétitivité ;
– celle enfin des personnels, chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, qui peuvent légitimement désirer connaître des métiers plus variés, imbriquant toujours mieux la formation, la recherche et la diffusion des connaissances.
Mesdames et Messieurs,
Il est décisif que les implantations de recherche puissent avoir un réel impact sur la solidité et la capacité de développement du tissu économique local ; c'est le cas ici où les implantations ont fait l'effort de s'intégrer dans de véritables lieux d'innovation résolument tournés vers les mutations à venir.
Ainsi, vos actions de recherche construites sur le terrain et placées dans une vision-stratégique du futur, s'inscrivent dans la durée et aboutissent à un enrichissement du tissu économique local. Vous montrez que ce sont bien les hommes qui font la différence.
Sud-Ouest : 13 janvier 1994
Sud-Ouest : Vous avez fondé votre politique sur le retour de la confiance. Pensez-vous que celle-ci est revenue chez les principaux acteurs de l'économie ?
Édouard Balladur : Je suis heureux de me trouver à Bordeaux et d'y être reçu par mon ami Jacques Chaban-Delmas. Quand j'ai pris mes fonctions de Premier ministre, en mars dernier, la France connaissait pour le deuxième trimestre consécutif, une récession sans précédent depuis 1945. Le chômage s'accroissait à un rythme très rapide. Aujourd'hui, la situation reste délicate. Le chômage continue à croître même si sa progression a été ralentie. Certains signes conduisent à une opinion plus optimiste. En 1994, la France retrouvera le chemin de la croissance. Certes, la reprise sera insuffisante, mais elle sera réelle. Certains secteurs, tels le bâtiment ou les travaux publics, se portent mieux.
L'investissement reprend. La trésorerie des entreprises, grâce notamment, au remboursement du décalage d'un mois de la TVA, est aujourd'hui plus saine.
Mais le plus important, c'est l'opinion des chefs d'entreprise. Après plusieurs trimestres de post-même, ils redeviennent plu confiants dans l'avenir.
La politique que nous avons traversé, l'accord du GATT, la bourse des déficits publics, la baisse des taux d'intérêts sont, je le crois, de nature à redonner de la confiance qui confortera la reprise de notre économie en 1994 et donc de permettra la stabilisation du chômage.
Sud-Ouest : Ne regrettez-vous pas, aujourd'hui, les conditions dans lesquelles La réforme de la loi Falloux a été votée par le Parlement ?
Édouard Balladur : Le vote de la réforme de la loi Falloux est intervenu au terme de cinquante-deux heures de discussion parlementaire.
Pour ma part, je souhaite que le débat qui se développe sur ce sujet ne soit pas politisé à l'excès. Notre objectif en matière d'éducation, se doit d'abord être de parvenir à mieux former les jeunes pour leur permettre de trouver un emploi.
Pour cela, il nous faut, en particulier, un enseignement public solide et de bonne qualité. C'est dans cet esprit que j'ai décidé une aide de l'État aux établissements publics. Cette aide, d'un montant annuel de 5600 millions de francs, sera attribué pour une durée de cinq années et permettra de mieux prendre en compte les impératifs de sécurité dans les établissements. Ce gouvernement est le premier à l'avoir décidé.
Sud-Ouest : Écartez-vous la possibilité, un moment envisagé de prendre vous-même la tête d'une liste unique de la majorité aux élections ?
Édouard Balladur : Oui. Ce que j'ai souhaité, c'est que la majorité puisse mettre en commun ses efforts pour élaborer un seul projet et donc une seule liste. Cette procédure est actuellement en cours. Elle doit aboutir.
En ce qui concerne les ministres, j'ai également dit que je ne souhaitais pas qu'ils participent à cette liste. Je pense, en effet, que ce que les Français attendent du gouvernement, c'est qu'il s'attache à résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés et qui sont difficiles.
Le redressement de notre pays est en cours. Déjà, la récession est derrière nous. Devons poursuivre notre effort sans relâche afin d'arrêter l'aggravation du chômage. C'est là notre priorité. C'est ce qu'attendent de nous nos concitoyens.
Sud-Ouest : Quelques semaines après les engagements pris pour la liaison TGV Montpellier-Barcelone, le Sud-Ouest attend avec impatience le soutien de l'État pour la mise en place d'un axe ferroviaire Paris-Bordeaux-Madrid. Pouvez-vous donner quelques espoirs à ce projet ?
Édouard Balladur : L'Aquitaine a bénéficié de la deuxième ligne française de TGV qui a apporté un progrès considérable en mettant Paris à trois heures de Bordeaux. Ce progrès a été apprécié des aquitains comme le montre le succès commercial de la ligne.
Vous me faites part de votre souhait d'une deuxième étape, dans laquelle on construirait une voie nouvelle après Tours, ce qui rendrait encore plus rapide le trajet de Paris à Bordeaux et permettrait d'envisager une liaison complète Paris-Bordeaux-Madrid.
Je partage entièrement votre appréciation de l'intérêt d'un tel projet pour l'aménagement du territoire.
La difficulté, c'est bien sûr le financement. Vous le savez, la SNCF connaît une situation financière très difficile. Elle n'a plus les mêmes moyens pour financer, dans l'immédiat, de nouveaux grands projets. Puisque la SNCF n'est plus en mesure de réaliser l'infrastructure par elle-même, il est intéressant de créer une structure de financement à part, différente de la SNCF, dans laquelle peuvent investir les collectivités territoriales et les partenaires intéressés et à laquelle pourra contribuer la Communauté européenne dans le cadre de l'initiative de croissance. S'agissant d'un grand projet européen comme le TGV Paris-Madrid, une telle construction est particulièrement justifiée.
Je serai donc très heureux que la SNCF, les partenaires et les collectivités territoriales concernés par ce projet puissent se réunir pour réfléchir à une telle idée. Afin de faciliter la réflexion, l'État propose d'ouvrir le débat sur l'intérêt économique et social de cette grande infrastructure et de prévoir les études correspondantes. Enfin, vous pouvez être assurés que si ces réflexions aboutissaient à une structure adaptée à ce projet, le gouvernement défendrait le dossier fermement à Bruxelles.
Sud-Ouest : La nouvelle augmentation du capital d'ELF Aquitaine permettra-t-elle à l'État de veiller à la pérennité des engagements contractés par ce groupe dans la région où il est né ?
Édouard Balladur : Elf Aquitaine a toujours été gérée comme une entreprise du secteur concurrentiel. Elle a su le faire de manière dynamique et constructive, demeurant une des premières entreprises françaises. La nouvelle composition de l'actionnariat d'Elf confortera cette stratégie et toutes les précautions sont prises pour que la privatisation ne puisse conduire à ce que des intérêts étrangers dictent sa conduite à l'entreprise. L'État disposera d'une action spécifique qui lui donnant le droit de s'opposer aux prises de participation hostiles. Il restera au capital de la société pour une part significative. Il y aura un noyau important d'actionnaires stables français.
Pour ce qui concerne l'ancrage régional de l'entreprise. Elle a mis en valeur les garanties découvertes dans la région, comme elle l'a fait dans le Bassin parisien et dans de nombreux pays étrangers. Pour la région, cela s'est traduit par des créations d'emplois et d'installation industrielles qui ont contribué à son développement.
La perspective de la réduction des problèmes a été attribué par ELF depuis de nombreuses années. Comme le déclin des gisements a déjà commencé, la réduction des effectifs directs des activités pétrolières a été engagée. Mais, dans le même temps, les activités non pétrolières du groupe ont créé plus de 3000 emplois dans cette région et la SOFREA et les autres instruments régionaux d'ELF plus de 7000 emplois. Elf a aussi contribué à créer 10 000 emplois pétroliers directs au moment du maximum de production.
Ainsi les richesses sont renouvelables du sous-sol ont servi à bâtir une reprise internationale qui assure des activités et des emplois pour les Français et, en particulier pour les habitants de votre région.
Je suis persuadé que l'entreprise restera un acteur important de la vie économique locale et cela d'autant plus que la privatisation, avec les garanties qui l'entourent, lui donnera davantage d'atout.
Sud-Ouest : Les industries aéronautiques et spatiales en Aquitaine sont suspendues à la décision sur le lancement du futur missile militaire air-sol M5. Quand sera-t-elle prise ?
Édouard Balladur : Le budget de la défense nationale pour 1994 permet de préserver les compétences, scientifiques, techniques et industrielles nécessaires aux grands programmes militaires en général et à celui du M5 en particulier. Ce système d'armes donnera aux sous-marins nucléaires de la nouvelle génération une amélioration majeure, celle de la portée.
La décision de lancement du programme M5 ne pourra être prise que dans le cadre de la loi de programmation militaire qui sera soumise au vote du Parlement au printemps prochain. Les travaux préparatoires à l'élaboration de cette loi préparatoire à l'élaboration de cette loi de programmation auront été précédés par une réflexion sur l'avenir de notre défense dont les concessions seront consignées dans un livre blanc qui paraîtra dans quelques semaines.
Sud-Ouest : Le Conseil régional d'Aquitaine vient de solliciter à l'unanimité l'appel de l'État pour la réalisation de la liaison rapide Bordeaux-Pau. Êtes-vous prêt à donner quelques assurances à ce sujet ?
Édouard Balladur : M. Jacques Valade, président du Conseil régional, ainsi que M. François Bayrou, président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, m'ont fait part à plusieurs reprises de l'intérêt qu'ils portent à la réalisation de la liaison routière rapide Bordeaux-Pau. J'ai noté que le plan pour l'Aquitaine 1993-1998 adopté par l'assemblée régionale souligne le caractère prioritaire de cette opération et que le Conseil régional vient d'adopter une motion jugeant indispensable l'engagement de travaux sur cette liaison.
J'ai été d'autant plus sensible aux arguments qui m'ont été présentés que la région Aquitaine constitue, pour la France, un lieu entre la péninsule ibérique et les parties septentrionales de l'Europe. La voie Bordeaux-Pau répond donc à une préoccupation d'aménagement u territoire.
Cette réalisation doit pouvoir créer des richesses nouvelles pour la région. C'est donc avec une attention particulière que le dossier a été examiné.