Déclarations de M. Jacques Chirac, président du RPR, sur le bilan des gouvernements socialistes et les grands axes du programme de l'opposition pour l'alternance, à Évian le 3 mars 1993, devant les assises du RPR le 7, à Limoges le 12 et à La Thiérache (Aisne) le 15.

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Circonstance : Meetings pour la campagne électorale des élections législatives 1993 à Evian le 3 mars, à Limoges le 12 et à La Thiérache (Aisne) le 15-assises du RPR le 7 mars 1993

Texte intégral

Mes chers amis,

Je vais vous faire un aveu qui va sans doute vous surprendre : je suis un homme politique sans état d'âme. Aujourd'hui, parce que certains ont gravement failli à l'honneur et au devoir, la grande mode est aux politiques qui rasent les murs. Pour ma part, je revendique haut et fort de me battre pour mes idées, d'écouter mes compatriotes partout où ils se trouvent, de prendre devant eux des engagements clairs. Savoir écouter et savoir convaincre. Ce dialogue, c'est la démocratie même. C'est sur lui seulement que peut se construire l'avenir.

Voilà pourquoi j'ai depuis deux mois commencé un long périple. Voilà pourquoi je suis ici, parmi vous en Haute-Savoie, à Évian. C'est tout simplement la volonté de rencontrer chez eux les Savoyards, de faire avec eux le point, d'échanger à cœur ouvert pour leur faire partager une même ambition et une même espérance pour notre patrie.

Par toutes les fibres de votre être individuel et collectif vous êtes profondément enracinés dans une région marquée par l'omniprésence de la montagne, avec ses paysages exceptionnels réputés dans le monde entier pour leur variété et leur beauté.

Pour beaucoup, la montagne aurait signifié milieu hostile, vie précaire, économie repliée sur elle-même. Pas pour vous. Vous en avez fait, par votre opiniâtreté et votre ténacité, une source de richesses. Un développement touristique remarquable a fait de votre département le premier de France pour l'accueil hivernal. Les qualités traditionnelles de patience et de persévérance des Savoyards ont donné naissance à une industrie de haute précision qui ne cesse de s'ouvrir à de nouveaux marchés. Votre agriculture a joué la carte de la qualité tout en s'adaptant, par la pluriactivité, aux conditions particulières de l'économie montagnarde.

Pourtant, vous connaissez aujourd'hui, comme le reste de notre pays, d'importantes difficultés. Entreprises menacées, notamment dans le secteur de l'électrométallurgie, sous-activité du décolletage, rigidité des quotas laitiers, autant d'inquiétudes graves, auxquelles s'ajoutent les conséquences des aléas climatiques récents. Un taux de chômage qui progresse en un an de 24 %. Un nombre d'allocataires du RMI qui augmente de 33 % dans le même temps. Voilà ce que veut dire pour la Haute-Savoie la crise profonde dans laquelle notre pays est aujourd'hui plongé.

Mais vous en avez apporté la preuve vivante : il n'y a pas d'histoire écrite une fois pour toutes, dès lors qu'on a la volonté d'agir pour changer le cours des choses. Refuser la résignation. Prendre en mains son destin. C'est là le message qu'adresse la Savoie à la France tout entière. C'est celui aussi dont je veux convaincre nos compatriotes en ces temps où guettent le découragement et l'attentisme. C'est tout l'enjeu des élections des prochaines semaines. Un enjeu qui n'est ni médiocre, ni subalterne, mais qui met en cause l'essentiel : tout simplement le contrat que les Français ont avec la France.

Le bilan de 12 années de socialisme est cruel : notre société est en crise. Crise économique, faillite morale, échec social ont conjugué leurs effets pour désagréger notre tissu social et saper notre cohésion nationale.

Qu'avons-nous vu grandir en effet sous nos yeux au long de ces dernières années ? Une France de l'exclusion.

Exclusion de l'emploi d'abord, pour près de 5 millions de nos compatriotes privés d'un travail réel, stable, et durable. Douze ans de socialisme, c'est le doublement du nombre des chômeurs proprement dits. C'est plus d'un chômeur sur trois en chômage de longue durée. C'est un jeune sur cinq inscrit à l'ANPE.

De beaux esprits des beaux quartiers s'en vont certes répétant que le travail est une valeur du passé. C'est là faribole et rideau de fumées. La réalité, c'est que le chômage est en soi un drame. C'est de la société elle-même qu'il exclut progressivement. Ce qui est en jeu alors, ce n'est pas un statut social, mais un équilibre personnel que rongent angoisse et désespoir. Ce qui est en jeu, c'est chaque fois la dignité. C'est en cela d'abord que le chômage est intolérable.

La France que les socialistes laissent en héritage, c'est aussi celle qui exclut un grand nombre de la participation à la richesse nationale. Notre pays a l'un des revenus moyens par habitant les plus élevés du monde. Et pourtant, c'est aujourd'hui celui de la "nouvelle pauvreté", des basses rémunérations, du creusement des inégalités de revenus.

La France de la "nouvelle pauvreté", ce n'est pas seulement celle des allocataires du RMI. C'est celle de tous ceux qui subsistent à l'aide de minima sociaux qui n'ont cessé d'être rognés au cours des dernières années. Titulaires du minimum vieillesse, de l'allocation aux handicapés, de l'allocation de fin de droits, de l'allocation veuvage…, ils sont plus de 3 millions parmi nous à être guettés par l'exclusion, à survivre plutôt qu'à vivre.

La France des basses rémunérations, c'est celle des salariés dont le salaire direct est inférieur de 25 %, à niveau de qualification égale, à celui des Allemands. C'est celle aussi de tous ces agriculteurs, marins-pêcheurs, commerçants et artisans qui ne peuvent retirer d'un travail difficile et harassant de quoi faire vivre dignement leur famille.

La France où les inégalités de revenus se creusent, c'est celle où l'argent va aux faiseurs d'affaires et à des professions parasites quand on refuse de rémunérer corn me il convient les métiers de vocations, infirmières, assistantes sociales, magistrats et d'autres encore. C'est celle où ont grandi les inégalités de patrimoine, au rebours de tout le mouvement des décennies antérieures, quand peu à peu les Français, même modestes, étaient devenus copropriétaires de la France.

La France de l'exclusion, c'est aussi celle qui est dans l'incapacité d'offrir un toit à tous les Français. Malgré les grands discours, le logement n'a pas été une priorité pour les socialistes. Stagnation de l'effort budgétaire en faveur du logement social, aggravation de la fiscalité immobilière, ont ramené les mises en chantier de 1992 au niveau de 1954, au pire de la crise du logement de l'après-guerre. Résultats, selon les experts, 200 000 personnes véritablement sans-abri, et 600 000 logées dans des conditions de précarité qu'on ne saurait admettre.

France de l'exclusion aussi que celle de l'échec scolaire. Depuis 1981, les dépenses d'éducation ont certes augmenté de 26 % en francs constants. Mais l'immense machine de l'éducation nationale a fonctionné rendements décroissants. Elle a été de moins en moins capable d'apporter aux enfants les savoirs de base indispensables : 40 % des enfants entrant en 6e maîtrisent avec difficulté la lecture, l'écriture et le calcul. Elle n'a pas davantage réussi à donner aux jeunes les moyens d'une insertion professionnelle : plus de 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucune qualification.

N'en doutons pas, cette triste évolution de notre éducation frappe d'abord les élèves issus de milieux défavorisés qui ne disposent ni du bagage culturel, ni de l'appui familial qui peuvent compenser les ratés de la machine. L'enseignement ne joue plus son rôle le plus noble, celui qui consistait à effacer les hasards de la naissance et à être l'instrument privilégié de la promotion sociale. Par là même, c'est son rôle essentiel de creuset de notre cohésion nationale qui s'en est trouvé affaibli.

France de l'exclusion, aussi, que celle où les droits élémentaires à la sécurité et à la justice sont bafoués. Jamais notre pays n'a connu une situation aussi préoccupante en matière de délinquance et de criminalité, en particulier dans les zones urbaines. La délinquance de voie publique, les vols avec violences, les déprédations diverses, touchent d'abord les plus faibles et les plus vulnérables : elle a, en 1992, augmenté de près de 10 %.

Dans le même temps, la plupart des affaires de petite et majeure délinquance n'aboutissent à aucune sanction pénale. Et quand une peine est prononcée souvent, elle n'est pas mise à exécution.

Une police désorganisée et démotivée. Une justice paupérisée, démoralisée, mise en cause jusqu'au niveau gouvernemental quand elle remplit la mission que la loi lui confie. Une justice soumise aux pressions les plus indignes pour éviter que passent en jugement ceux qui sont impliqués dans les "affaires". Comment les Français n'auraient-ils pas le sentiment d'avoir été exclus d'un État de droit, quand les institutions chargées de dire et de faire respecter ce droit sont à ce point sinistrées ?

Exclusion toujours, quand une politique d'immigration laxiste transforme nos frontières en passoires pour étrangers clandestins. Ceux qui paient le prix des situations explosives ainsi créées, ce sont d'abord les immigrés régulièrement installés sur notre sol. Le prix d'une intégration que la pression démographique de l'immigration clandestine condamne trop souvent l'échec. Le prix d'un racisme profondément contraire à nos traditions qui, hélas, se développe et donne une image caricaturale de la France.

Exclusion enfin dans ces sous-continents à la dérive que sont certains quartiers ou certaines banlieues des grandes villes. Aggravation de la misère, montée de la violence, décomposition des rapports sociaux y sont porteurs des plus graves risques. Risques, d'une économie mafieuse reposant sur le trafic de la drogue. Risques de tensions interethniques s'exaspérant. Risques, devant l'impuissance de l'État dans ces zones de non-droit, d'un retour aux réflexes d'autodéfense. Une politique de la ville au triomphalisme déplacé et aux responsables changeants, n'a fait le plus souvent qu'exacerber tensions et frustrations. Quand il y a un tel décalage entre le discours et la réalité de l'action sur le terrain, quoi d'étonnant aux explosions sporadiques de violence et de casse ?

Voilà, chers amis, quelques-uns des acquis sociaux du socialisme. Les années Mitterrand ont certes apporté aux Français nombre de témoignages verbaux de sollicitude. Mais elles n'ont pas rendu notre société meilleure pour ceux qui y vivent. Bien au contraire, une part grandissante de nos compatriotes y vit désormais comme en exil à l'intérieur même de notre pays.

Je le dis avec force : il y a urgence sociale à agir pour réconcilier les Français avec la France.

Trop de nos concitoyens sont aujourd'hui en proie au pessimisme et au découragement, quand ils ne sont pas véritablement désespérés. Ils n'ont plus confiance ni dans les hommes, ni dans les institutions. Ils n'ont plus confiance même dans la France dont ils mesurent tous les jours combien elle pèse peu aujourd'hui sur la scène internationale.

Résignation désespérée des uns, tentation du "chacun pour soi" chez d'autres, montée parfois des corporatismes. C'est notre cohésion sociale qui est en danger. C'est un climat délétère qui commence à s'installer et qui m'inquiète.

Sur tous les fronts, un socialisme en déroute risque d'entraîner la société avec lui. Sur toutes les grandes questions de l'heure, le gouvernement oscille entre l'immobilisme d'une bonne conscience satisfaite et une agitation en trompe l'œil qui ne dupe personne. Ce que les socialistes entendent préparer, ce n'est pas l'avenir de la France et des Français, c'est leur avenir. Accaparement de l'État par des nominations partisanes, conseil des ministres après conseil des ministres. Indifférence cynique devant les inquiétudes actuelles des Français, mais querelles de dignitaires pour des échéances lointaines.

Les socialistes n'ont plus d'idées pour la France. Il ne leur reste que des ambitions personnelles qui cherchent leur salut dans je ne sais quelle coalition hétéroclite dont on nous rebat les oreilles depuis quelques jours.

Ces débats picrocholins ne sont pas de saison, à un moment où est en jeu l'essentiel : notre capacité à ressouder notre communauté nationale, à rouvrir l'avenir à tous les Français. Rendre à la France son visage d'enthousiasme, de force, et de générosité, c'est précisément tout le sens de notre projet d'alternance.

Pour cela, il faut gouverner autrement. Rompre franchement avec le socialisme et son avatar, la social-démocratie de l'immobilisme. Mettre en œuvre avec détermination une politique de réforme qui refuse l'illusion lyrique comme le fatalisme ou le simplisme des solutions toutes faites.

Refuser l'illusion lyrique, c'est parler aux Français un langage de vérité et de responsabilité. Le 28 mars, s'ils nous font confiance, ce ne sera pas le grand soir de la fin des difficultés. Ce sera le début d'une action continue pour résoudre les graves problèmes qui pèsent sur notre pays, et non pas, déjà, l'heure du bilan. Nous aurons besoin de temps pour, les uns après les autres, lever tous les verrous d'une société bloquée. Ce n'est pas en deux ans, mais sur la durée d'une législature, que nous réussirons à le faire.

D'autant que le gouvernement de M. Bérégovoy n'a plus qu'un souci en tête : laisser, au mépris de toute tradition républicaine, la France dans la situation la pire qui soit en multipliant les jongleries financières, les "opérations confusions", les réformes en trompe l'œil, les promesses non financées. Il aggrave ainsi avec méthode le déficit de nos finances publiques : porté au record historique de 230 milliards de francs en 1992, le déficit budgétaire devrait d'ores et déjà atteindre 300 milliards en 1993. Quant à notre sécurité sociale, la gestion socialiste l'a plongée dans une crise financière sans précédent : elle n'a été en équilibre que 80 jours pendant toute l'année 1992. Et, malgré des contributions récentes de l'État, dignes du sapeur Camembert – celui qui creusait un trou pour en boucher un autre –, son déficit 1993 devrait être tout à fait considérable. Voilà pourquoi, il nous faudra, d'entrée de jeu, dresser le bilan exhaustif, objectif et serein de la gestion socialiste pour apprécier l'ampleur des chausse-trapes et dire la vérité aux Français.

Refuser l'illusion lyrique, ce n'est pas pour autant se complaire dans le fatalisme ou l'attentisme morose. C'est dans les trois mois qui suivront l'élection d'une majorité nouvelle que nous devrons avoir rendu sensible aux Français le changement du cours des choses.

Je pense d'abord bien sûr à l'emploi qui doit être abordé de façon neuve et imaginative, j'y reviendrai dans un instant.

Je pense aussi à la sécurité des Français. Mieux lutter contre la délinquance et la criminalité est sans doute affaire de moyens. Mais aussi d'affirmation de l'autorité de l'État et de confiance retrouvée. Les forces de police ont besoin d'une volonté politique claire, de se sentir commandées, soutenues, et estimées.

La justice est en proie à une crise matérielle, morale et statutaire grave. Pour permettre son bon fonctionnement, nous engagerons sans délai un plan quinquennal de modernisation. Il nous appartiendra aussi de garantir son indépendance par rapport au pouvoir politique par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Enfin, les Français ne reprendront confiance dans leur justice que s'ils y ont plus facilement accès, grâce en particulier à une revalorisation de l'aide légale et à l'institution d'un véritable juge de paix pour le contentieux quotidien.

Un gouvernement déterminé à remettre en état de marche la police et la justice obtiendra rapidement des résultats tangibles, comme de 1986 à 1988, quand les chiffres de la délinquance avaient baissé de 20 %.

Autre domaine, où il importe d'agir sans délai et sans faiblesse, celui de l'immigration. M. ROCARD a eu le mérite de reconnaître que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde. Que n'a-t-il agi ! Au laisser faire des socialistes, il convient de substituer une politique de clarté et de fermeté.

La fermeté, cela veut dire faire respecter nos lois. En revenant à des cartes d'identité infalsifiables qui interdisent tout trafic de faux papiers. En restaurant les contrôles d'identité. En exécutant réellement les décisions de reconduite à la frontière, et non pas une fois sur trois comme aujourd'hui. En étant vigilant sur les conditions de mise en œuvre du droit d'asile.

La clarté, c'est refuser des situations contraires à nos traditions, comme la polygamie ou les mariages blancs. C'est appliquer les propositions de réforme du code de la nationalité qu'avaient formulées en 1987 la Commission Marceau Long, pour qu'on ne devienne plus Français par hasard alors qu'il s'agit d'un honneur qui implique que l'on en ait conscience et que l'on accepte les devoirs en même temps que les droits qui s'y attachent.

Il est un secteur enfin où agir vite est primordial c'est celui de l'agriculture, et plus largement du monde rural.

Les socialistes ont, en toute tranquillité d'âme, laissé notre agriculture dépérir et se vider nos campagnes. Jachères aujourd'hui, déserts demain. Voilà le sort qui leur est promis. C'est couper la société française de son assise, alors qu'elle cherche à affermir un équilibre vacillant. C'est la priver de sa mémoire quand elle doute de son identité.

Sauvegarder notre agriculture et le monde rural sera une des priorités de notre action. D'abord, par une extrême fermeté dans les négociations internationales, au GATT comme à Bruxelles. Ensuite en allégeant les charges fiscales, sociales, et financières qui pèsent sur les exploitations agricoles. En sachant aussi encourager la pluriactivité et aider les investissements. Sur tous ces points, nos projets sont précis et concrets, car nous refusons une France désertifiée.

C'est pourquoi aussi notre politique d'aménagement du territoire sera à l'opposé de celles des socialistes, qui laissent aux régions les plus défavorisées le soin de payer les infrastructures de désenclavement. Si la géographie est injuste, notre devoir est au contraire d'en atténuer les rigueurs, et non de les amplifier. C'est pourquoi je souhaite qu'une partie des recettes des privatisations soit consacrée, dans un esprit de solidarité, à ces réseaux de transport sans lesquels peu à peu s'éteindront un grand nombre de nos villes et de nos villages. C'est pourquoi aussi, nous donnerons un coup d'arrêt à la politique systématique de fermeture en milieu rural de ces services publics essentiels, écoles, postes, perceptions, gares, gendarmeries, sans lesquels la vie disparaît peu à peu.

Dernière composante de l'esprit de réforme, le refus des solutions toutes faites. J'en prendrai deux exemples : le partage du travail, la politique de la ville et des banlieues.

Ce qu'on appelle le partage du travail est devenu la tarte à la crème des discours des responsables socialistes. Ce serait "la" solution au chômage. Mme AUBRY plaide pour la semaine de 37 heures, M. FABIUS va jusqu'à 32 heures, d'autres tiennent pour 35 heures. Mais chez tous le raisonnement est le même : redistribuons entre les actifs le volume global des heures travaillées dans notre pays, davantage de personnes pourront être au travail, et le chômage baissera. Je crois pour ma part une telle mesure aussi simpliste que dangereuse. Elle est simpliste, puisqu'elle considère le volume de travail disponible comme une donnée fixe insusceptible d'augmenter. Elle est dangereuse, car le résultat inéluctable en serait, comme on l'a vu en Allemagne, un renchérissement important du coût du travail, et, nécessairement, dans un climat de concurrence internationale exacerbée, une nouvelle aggravation du chômage.

À cette solution dogmatique et dirigiste, nous préférons l'aménagement du travail. C'est pour cela que nous entendons encourager le temps partiel : il est une réponse dynamique aux aspirations de nombreux salariés tout en ne pénalisant pas les entreprises, dès lors que charges sociales et fiscales auront été allégées.

Autre exemple, la politique de la ville et des banlieues. J'ai dit tout à l'heure son échec très grave. Échec qui est celui d'un empilement de dispositifs décrétés d'en haut, à raison d'un ou presque par session parlementaire. Échec qui est celui en définitive d'un enchevêtrement des procédures et des responsabilités.

Pour créer les conditions d'une renaissance, nous entendons que l'État ait une politique claire et globale. Cela veut dire désigner dans chaque quartier difficile un délégué chargé de coordonner l'action de tous les fonctionnaires qui seront placés sous son autorité. Cela veut dire rétablir la sécurité et la paix civile, en développant l'îlotage, en cassant les filières de la drogue et en démantelant les filières d'introduction des immigrés clandestins. Cela veut dire aussi réintégrer les banlieues dans la vie économique et sociale du pays, en luttant contre l'échec scolaire par une adaptation de l'enseignement, en favorisant l'implantation d'entreprises par des incitations fiscales. Cela veut dire enfin reconstruire ou réhabiliter un habitat défavorisé.

Refuser l'illusion de la facilité, avoir un langage de vérité, agir avec détermination, savoir imaginer des solutions nouvelles. C'est selon ces exigences que nous mettrons en œuvre le pacte social qui est au cœur de notre projet.

Cette priorité sociale, par laquelle les Français scelleront à nouveau leur pacte avec la France, repose sur trois pôles.

D'abord, tout faire pour lutter contre le chômage qui mine la cohésion du pays et constitue la vraie menace sur les acquis sociaux. Voilà la priorité de nos priorités. Sur tous les fronts, nous engagerons un combat sans merci pour l'emploi en combinant traitement à effets rapides et thérapie de long terme. Nous le ferons avec la rage de vaincre.

Notre économie a besoin d'une relance sectorielle qui agisse comme un électrochoc. Nous prendrons des mesures d'urgence pour soutenir le secteur du bâtiment et des travaux publics, aujourd'hui sinistrés, alors même qu'ils constituent une exigence sociale ainsi qu'un gisement d'emplois très important.

Des crédits supplémentaires seront apportés à la construction de logements sociaux. C'est un impératif catégorique, pour progressivement régler les situations intolérables que connaissent sans-abris et mal logés. C'est aussi la création d'un nombre important d'emplois : 100 000 logements lancés de plus, c'est 150 000 emplois de plus.

Autre action à engager sans délai, le développement des emplois de proximité. Les besoins sont considérables : accueil des enfants, soutien scolaire, garde à domicile des personnes âgées, gardiens d'immeubles, services de renseignements… Mais nous sommes là encore prisonniers de nos tabous. L'un ancien, qui veut qu'il n'y ait d'emploi véritable que dans le secteur productif, sur une machine. L'autre, faussement moderne, qui confond productivité et compétitivité, et conduit à sans cesse davantage robotiser, automatiser, informatiser, et, en définitive, déshumaniser.

Nous avons besoin d'une vraie révolution copernicienne. De là notre volonté de faciliter la mise en place de tels emplois par la déduction fiscale des salaires et charges versés par l'employeur. Il nous faudra aussi savoir privilégier la qualité du service, quitte à payer un peu plus cher, pour favoriser l'émergence de tels emplois. Si nous acceptons de changer ainsi de mentalité, ce seront 200 000 personnes qui, au lieu d'être au chômage, auront un travail.

Mais nous ne réussirons à stabiliser, puis à faire reculer durablement le chômage, que par des mesures structurelles à même de libérer l'initiative, de développer l'investissement, et de relancer la consommation.

Pour cela, l'État doit d'abord alléger ses ponctions sur l'économie. Cela veut dire : être efficace pour ce qui relève de ses missions souveraines, mais être effacé quand d'autres peuvent faire à sa place et mieux que lui. C'est pourquoi je récuse autant l'État évanescent que l'État omniprésent. Je veux un État moderne qui puisse exercer avec efficacité toutes ses responsabilités essentielles, et d'abord être le garant crédible de notre cohésion nationale. En refusant l'État touche-à-tout, nous réussirons à stopper l'emballement d'une dette qui, en 1993, coûtera au pays 50 milliards de plus d'intérêts.

Par là même nous serons mieux en mesure de réduire les charges des entreprises, beaucoup plus lourdement taxées que leurs concurrentes sur le marché international. Si nous ne parvenons pas à leur permettre de se battre à armes égales, l'investissement et l'emploi continueront d'être gravement pénalisés.

Augmenter le salaire direct constitue enfin un autre levier de cette politique de long terme pour lutter contre le chômage. La faiblesse des rémunérations décourage les salariés, émousse la consommation, empêche une épargne suffisante. Le transfert progressif au budget de l'État des 150 milliards de cotisations familiales que supportent actuellement les entreprises permettra d'augmenter les salaires directs, avec possibilité d'utiliser ces sommes à la constitution d'une épargne retraite. Cette réforme de longue haleine illustre notre volonté : ne pas séparer l'économique du social, mais faire progresser du même pas l'efficacité économique et la justice sociale.

Mais notre détermination à reconquérir l'emploi serait vaine, si nous ne mettions pas en œuvre en même temps une autre politique de formation.

Reconstruire une école qui soit réellement celle de l'égalité des chances et de la préparation à l'emploi, c'est la deuxième ambition de notre projet social.

Cela veut dire restaurer une école qui soit celle de la réussite personnelle et professionnelle, pour 100 % des jeunes Français.

Briser l'engrenage de l'échec, c'est accepter la diversité des formations en veillant qu'aucune ne soit sans issue. C'est ainsi créer une véritable filière de l'enseignement professionnel et technique, qui reconnaisse pleinement l'entreprise comme lieu de formation. Cela veut dire développer l'apprentissage et lui permettre de donner accès à tous les niveaux de formation, du CAP au diplôme d'ingénieur. C'est pourquoi nous mettrons en place, en partenariat avec les entreprises, 100 000 places supplémentaires apprentissage ou en formation alternée.

C'est aussi mettre l'accent sur l'acquisition des connaissances de base – lire, écrire, compter – dans le primaire. C'est créer une véritable articulation entre le second cycle du second degré et le premier cycle du supérieur, sans laquelle l'échec massif en fin de deuxième année de l'enseignement supérieur persistera. C'est se doter des procédures d'évaluation, à même de permettre aux familles et aux étudiants de comparer les performances de l'établissement, qu'il s'agisse des succès au baccalauréat ou de la capacité à former à des métiers au débouché incontestable. C'est, en cas d'échec, toujours offrir une deuxième chance.

Une telle transformation ne peut être imposée depuis le centre pour s'appliquer ensuite à ce corps social gigantesque d'un million d'enseignants au service de treize millions d'élèves.

Pour réussir, il faut complètement ouvrir l'école sur l'extérieur : la coopération avec les entreprises, le monde du travail et les collectivités territoriales doit se généraliser, qu'il s'agisse de la détermination des formations, de la définition des programmes, du financement d'actions pilote. Un grand mouvement de déconcentration et de décentralisation doit donner davantage de responsabilité aux chefs d'établissements pour favoriser l'autonomie, le dynamisme et la multiplication des initiatives locales.

Il faudra, si j'ose dire, de la pédagogie pour changer l'éducation nationale. Il faudra aussi, le moment venu, saisir directement les Français par voie de référendum de nos projets pour l'école de leurs enfants. À défaut, je crains fort que les pesanteurs ne finissent par ralentir, puis paralyser un indispensable changement.

Construire de nouvelles solidarité, voilà en troisième lieu notre ambition pour renforcer notre cohésion sociale. Nous avons pour premier devoir de consolider avec imagination et cœur notre sécurité sociale que les socialistes laissent en haillons. Et nous devons aussi avoir l'audace d'ouvrir de nouveaux chemins.

Nous sauverons, j'en prends ici l'engagement le plus formel, notre sécurité sociale. Elle est gravement malade: au bord de l'implosion financière : le déficit de trésorerie au 31 décembre dernier atteignait un abîme historique, 53 milliards de francs. Du jamais vu. Et ce ne sont pas les tours de passe-passe financiers de M. Bérégovoy qui assureront sa survie : sur 20 milliards promis pour 1993, seuls 5 milliards ont été réellement dégagés par des économies sur le budget de l'État.

Je voudrais être tout à fait clair sur les responsabilités des gouvernements socialistes dans cette situation financière désastreuse. Notre sécurité sociale est malade du chômage que leur gestion a laissé exploser, elle est malade des 4 milliards de francs de recettes dont elle est privée chaque fois que notre pays compte 100 000 chômeurs de plus. Mais elle est malade aussi de la décision irresponsable de M. Rocard qui, quand il a créé la CSG, a diminué les cotisations d'assurance vieillesse. Et cela, au moment même où le "Livre blanc sur les retraites" dont il avait passé commande soulignait les perspectives de déficit des régimes. Bel exemple de politique de Gribouille.

Consolider ce qui est, c'est au-delà du refus de toute rupture de paiement, garantir les retraites par répartition. Je voudrais là aussi dire clairement ce que j'ai sur le cœur. Les lectures entre les lignes, les procès en sorcellerie sont indignes de la part de ceux qui n'ont cessé de repousser à plus tard des décisions qu'ils savaient urgentes. Non, nous ne voulons pas revenir sur la retraite à 60 ans. Non, il n'est en aucun cas question de substituer au système actuel de répartition un dispositif par capitalisation. Ce serait une absurdité sociale et économique.

Sur un sujet essentiel, assez de faux procès, assez aussi de mesures en trompe l'œil. Les décisions à la va-vite que le gouvernement a tenté de prendre sur la prétendue garantie des retraites sont aussi inconvenantes que politiciennes. Se préoccuper du déficit des années 2005-2020 quand on est incapable de solder ceux de 1990, 1991, et 1992, et de régler celui de 1993, essayer d'empêcher les privatisations en les baptisant d'atteinte à des acquis sociaux que menace en fait la gestion socialiste, c'est faire injure à l'intelligence des Français, qui ne sont d'ailleurs pas dupes.

Nous entendons quant à nous financer les retraites à longue échéance. Dans cet esprit, nous proposerons aux Français de pouvoir, en toute connaissance de cause, partir à la retraite quand ils le voudront, selon un système à la carte. Parallèlement nous favoriserons, grâce à la déduction fiscale des sommes investies, la constitution d'une épargne-retraite, garantie par une partie des fonds issus des privatisations. Enfin, nous distinguerons clairement entre ce qui relève de la solidarité, qui doit être financé par l'État, et ce qui relève de l'assurance qui doit être géré davantage sous la responsabilité des partenaires sociaux, à l'instar des retraites complémentaires.

Consolider ce qui est, c'est enfin piloter autrement notre système d'assurance maladie. Nos dépenses de santé croissent et croîtront, tout simplement parce que notre société évolue. L'espérance de vie progresse régulièrement. Le nombre de personnes âgées dépendantes augmente. De nouvelles techniques de diagnostics et de soins apparaissent tous les jours.

Face à ces évolutions nous refusons l'alternative simpliste que les socialistes ont trop souvent offert aux Français. Le choix serait entre un service administré de la santé, soumis à un contrôle purement budgétaire et comptable, et je ne sais quel scénario de privatisation de l'assurance-maladie. Le contingentement aveugle ou la "médecine à deux vitesses".

Notre ambition est autre : il ne s'agit pas pour nous de dépenser moins, mais de dépenser mieux, en un mot de moderniser notre système de soins. D'abord par un nouveau partage des responsabilités entre pouvoirs publics, Parlement, médecins, partenaires sociaux et assurés : c'est ainsi qu'en commun nous pourrons définir les conditions d'une évolution adaptée et intelligente du volume des soins. C'est-à-dire mieux utiliser les moyens consacrés aux dépenses reconnues médicalement nécessaires par les professionnels eux-mêmes.

Ensuite, en reconnaissant mieux le rôle essentiel du médecin de famille. C'est pourquoi nous engagerons progressivement une modernisation de la nomenclature médicale qui reconnaisse mieux l'acte médical utile.

Enfin, en mettant en œuvre une grande politique de santé publique et de prévention. Notre pays a la particularité de ne consacrer que 2 % de ses dépenses de santé à la prévention. Les enjeux de santé publique, de qualité des soins, de sécurité ont été négligés depuis trop longtemps. Le drame de la transfusion sanguine n'en est que la plus triste illustration.

La dispersion des moyens et l'absence de coordination des efforts se font sentir dans de multiples domaines : Sida, bien sûr, mais aussi toxicomanie, et les nouveaux types de risques liés aux évolutions de notre société. Nous devons renforcer les structures intervenant en matière de santé publique. Nous devons aussi, avec le concours actif des professionnels de santé, et notamment des médecins généralistes, améliorer l'état des connaissances sur la santé des Français, puis définir objectifs et axes prioritaires en termes de prévention et de surveillance.

Deux efforts urgents doivent être entrepris : contre la propagation du Sida grâce à un accroissement des moyens consacrés à la prévention et à la recherche, et contre l'usage de la drogue, en particulier chez les jeunes. Face à ces nouveaux fléaux, les socialistes ont en fait baissé les bras. Pour nous, nous refusons de nous résigner à la non-assistance à personne en danger. Nous mettrons en œuvre une politique globale et cohérente de prévention, de prise en charge, et de soins, et pour la toxicomanie, de répression chaque fois que c'est nécessaire. C'est là un enjeu essentiel qui engage toute notre vision de l'homme et de la société.

Si l'on ajoute à ces orientations prioritaires une gestion différente de l'hôpital, qui parie sur l'innovation et la souplesse pour sortir de la crise grave où il se trouve, j'ai confiance que nous guérirons notre système de santé.

Mais consolider ne suffit pas. De nouveaux besoins de solidarité sont à prendre en compte.

Je pense à la montée de la dépendance qui constitue pour notre société un défi majeur. Nous entendons affirmer solennellement la solidarité de la nation à l'égard de nos aînés. Au-delà du développement des dispositifs d'aide à domicile et de l'élargissement des capacités d'hébergement médicalisé, nous créerons une allocation dépendance. Et, contrairement à M. Bérégovoy, qui en décembre dernier, quand il avait cherché un effet d'annonce électorale, n'avait dégagé des financements qu'à hauteur de 10 % de son coût, nous la financerons intégralement.

Je pense aussi aux familles qui sont tout l'avenir de notre pays. Les familles changent, et notre politique familiale doit s'adapter. Cela veut dire faciliter la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, en développant toutes les formes d'accueil des enfants. Cela suppose aussi de mieux reconnaître la fonction de la mère de famille : c'est un métier, qui comme tel, doit permettre de bénéficier de droits à la sécurité sociale. Nous compléterons en ce sens le statut que nous avions commencé à construire en 1987. Cela implique enfin de réfléchir aux modalités selon lesquelles une mère de famille pourrait plus librement choisir de se consacrer à l'éducation de ses enfants. C'est en ce sens que je souhaite la création d'une allocation parentale de libre choix à l'image de ce que j'ai commencé à faire à Paris.

Je pense enfin aux handicapés pour lesquels il reste beaucoup à faire pour qu'ils bénéficient d'une véritable insertion professionnelle et sociale. Bien sûr il faut mieux appliquer les dispositifs existants, et notamment les lois de 1975 et de 1987 que j'ai moi-même fait votées. Mais il faut aller bien au-delà : programmer sur la moyenne durée la création des centres d'aide par le travail dont les handicapés manquent cruellement, développer l'accessibilité de la ville et du logement, faciliter le maintien à domicile, développer l'intégration à l'école.

Voilà chers amis, quelques exemples qui illustrent combien est vaste la tâche de modernisation sociale qu'il est urgent d'entreprendre pour notre pays. Pour transformer à nouveau en communauté soudée une société qui se désagrège.

Notre projet a pour principe l'égalité des chances. Pour méthode, la réforme. Pour exigence, l'espérance. Il veut associer tous les Français, les plus défavorisés, comme ces millions de nos compatriotes qui ne sont ni riches, ni pauvres, aux progrès de notre société. Il entend faire avancer d'un même pas efficacité économique et ambition sociale.

Ce projet-là dessine en réalité un nouveau contrat social entre la France et les Français.

Au moment où vous allez regagner vos villes et vos villages, soyez porteurs de ce message d'espoir : une autre France est possible, grande, enthousiaste et généreuse. Elle n'est pas une utopie : nous avons les idées, les projets et les hommes pour lui donner vie. Ensemble, convainquons nos compatriotes de nous rejoindre pour faire de la victoire annoncée de mars celle de tout le peuple de France. C'est une nation rassemblée qui alors construira la France de demain dans la fidélité à la France éternelle.

Ce grand dessein qui est le nôtre, cette grande ambition à laquelle je vous invite, je les servirai de toutes mes forces. Vous pouvez compter sur moi comme je sais pouvoir compter sur vous.

Ensemble nous reprendrons en main notre destin et nous redonnerons confiance à notre peuple. Ensemble nous ferons rimer alternance avec espérance. C'est ce que la France attend de nous. C'est ce que j'attends de vous. J'ai confiance.

Vive la Haute-Savoie 
Vive la République 
Vive la France
     


Dimanche 7 mars 1993

Compagnons, mes amis,

Je suis heureux. Heureux de vous retrouver, vous, la grande famille gaulliste, venue de toute la France, rassemblée, mobilisée, enthousiaste.

Nous avons mené ensemble bien des combats. Nous avons connu la victoire et nous avons connu la défaite. L'exaltation d'être suivis par notre peuple, et aussi parfois la tristesse d'être incompris.

Nous nous sommes réjouis de nos succès. Nous nous sommes aussi enrichis de nos échecs.

Notre mouvement a traversé bien des épreuves. Pourtant, même aux heures sombres où notre unité était en péril, chacun de nous a su privilégier ce qui rassemble. Chacun de nous a su faire les efforts nécessaires pour sauver l'essentiel. Le résultat est là. 17 ans après la création du Rassemblement pour la République, nous sommes désormais la première formation politique du pays. Une formation où chacun, quelle que soit son appartenance, quelle que soit sa sensibilité, peut trouver sa place.

C'est à vous que nous le devons, amis et militants de toujours, à votre fidélité, à votre force d'âme. J'ai toujours pu compter sur votre engagement. J'ai toujours pu compter sur votre soutien. J'ai toujours pu compter sur votre amour de la France. En ce 7 mars, à la veille des élections législatives, je suis venu vous dire merci.

Dans quinze jours, notre peuple devra choisir. Soit la France continuera à s'enfoncer dans la grisaille, dans la fatalité de ses échecs. Soit elle empruntera résolument une route nouvelle, avec, au fond du cœur, l'envie de retrouver ce qui fait vivre : une confiance dans l'avenir. Une espérance peur demain. Il est là, l'enjeu de ces élections législatives. C'est pour cela que j'ai besoin de vous. Je veux donner à chacun la chance d'un avenir où il pourra trouver sa place.

Compagnons, mes amis, je voudrais vous dire que j'aborde avec sérénité et détermination le grand rendez-vous qui nous attend.

J'ai une ambition pour la France. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas les deux ans qui viennent. Ce sont les dix ans qui viennent.

Cette ambition, quelle est-elle ?

Tout simplement, faire de la France, qui est aujourd'hui un pays désuni, désabusé et affaibli, une nation solidaire, imaginative, puissante. C'est en réalité l'idéal même du gaullisme, quand le Général de Gaulle, souvenez-vous, s'adressait à son "cher et vieux pays". Il lui demandait d'être lui-même. Il le faisait avec une tendresse qui n'avait d'égale que son exigence.

Vieux pays, sans doute. Mais aussi nation forte, imprévisible, capable de tous les enthousiasmes, riche de son Histoire, de ses atouts économiques, de sa place dans l'Europe. Riche, aussi et surtout, de ses hommes et de ses femmes, toujours prêts à se mobiliser pour peu qu'on leur propose une cause qui en vaille la peine. Pour peu qu'on sache leur rappeler qu'avant d'appartenir à telle profession, à telle religion, à telle province, ils sont d'abord et avant tout Français.

Et qu'en est-il aujourd'hui ?

La France est un pays éclaté. Non pas sous la pression de nationalismes ou de conflits religieux, bien sûr. Mais sous la pression de la désespérance et des angoisses quotidiennes. 3 millions de chômeurs qui ne savent pas de quoi demain sera fait. 5 millions d'exclus, qui vivent une à une les étapes de ce qui ressemble à un calvaire. La succession des échecs. La perte du logement. Parfois, la perte ou la dispersion de la famille. La pauvreté. La marginalisation progressive. Face à cette réalité insupportable, la réaction de chacun est d'étreindre ce qu'il possède, et de s'occuper d'abord de lui-même. Comment ne pas le comprendre ? Notre devoir, mon devoir, est de convaincre qu'il existe un autre chemin.

Des inégalités qui se creusent entre les métiers où l'argent continue de circuler, malgré la crise, et les autres métiers, insuffisamment reconnus et rémunérés, bien qu'ils soient les plus nécessaires à la vie de la nation.

Infirmières, instituteurs, fonctionnaires modestes, qui ont certes la sécurité de l'emploi, mais qui ont tellement de mal à joindre les deux bouts. Artisans et commerçants de villages ou de cités frappés par la crise. Vous êtes la France qui travaille et qui n'est pas récompensée de ses efforts. Comment ne pas comprendre votre amertume ? Rejoignez-nous. Vous avez votre place à nos côtés.

Des inégalités qui se creusent entre les régions. Des régions riches qui deviennent encore plus riches, et des régions pauvres qui deviennent encore plus pauvres. Des villes hypertrophiées, avec les problèmes que cela entraîne, face à des campagnes désertées. Une France citadine que les socialistes ont voulu opposer à une France rurale. Agriculteurs, et vous tous qui donnez vie au monde rural dans son ensemble, comment ne pas comprendre votre angoisse et entendre votre colère, quand vous vous sentez abandonnés par l'État qui a vocation à vous protéger ?

C'est tout cela qui fait la désunion de la France. C'est cela que nous voulons combattre en restaurant le lien social, lien quasi charnel entre tous les Français.

Il faut nous attaquer au chômage avec la rage de vaincre. On nous dit : « C'est impossible ! Le chômage est une fatalité contre laquelle nous ne pouvons rien ! On nous dit : tous les pays connaissent le même fléau, et la situation en France est meilleure qu'ailleurs ! »

Pourquoi, alors, l'Allemagne, le Japon, les États-Unis, font-ils tellement mieux que nous ? Que signifie cette attitude défaitiste ? Faut-il que la France reste les bras croisés, et assiste, impuissante, à son propre drame ? Je n'accepte pas ce discours de renoncement et de démission. Nous avons des idées, nous avons des projets pour sauver l'emploi. Nous avons la volonté de conforter nos entreprises et notamment nos 2 millions de PME frappées de plein fouet par la récession, par des charges excessives, par des taux d'intérêt prohibitifs souvent par une concurrence étrangère sauvage dans une Europe qui devient une passoire. Parce que je crois à l'idée européenne, j'affirme que le temps est venu de défendre la préférence communautaire. Beaucoup de nos emplois en dépendent.

Notre objectif est clair. Nous voulons irriguer la France d'un flux nouveau. Combattre, à sa source, l'inquiétude majeure des Français : le chômage, et par là même, renforcer la cohésion sociale du pays.

Il faut, dans le même esprit, conduire une vraie politique agricole. On nous dit que l'agriculture n'est plus un enjeu. On nous dit que notre pays pourrait très bien se passer de ses paysans. On nous dit que la France citadine n'a pas les mêmes intérêts que la France rurale. Tout cela est faux ! Je vous dis, moi, que la France ne serait plus la France si elle devenait une terre de friches et de jachères. Je vous dis que les paysans n'ont pas vocation à devenir des assistés, et qu'ils doivent pouvoir exercer leur métier dans toute sa dignité. Je vous dis que dans le monde tel qu'il est, avec des millions d'hommes, de femmes et d'enfants victimes de la famine, la France doit jouer pleinement son rôle de grande puissance agricole. Je vous dis, enfin, qu'il n'y a pas deux France, que l'on opposerait l'une à l'autre, la paysanne et la citadine. Il y a une seule France, diverse et solidaire. À nous de restaurer sa cohésion et de conforter son unité.

La France est aujourd'hui un pays désabusé, qui n'en finit pas de se remettre de l'illusion socialiste. Illusion d'une société plus fraternelle. Illusion d'un État proche des citoyens, qui serait garant d'un idéal de justice et de morale publique. Douze ans après, notre nation, qui s'est construite autour d'une certaine idée de l'État, voit celui-ci se déliter sous ses yeux.

Messieurs les socialistes, qu'avez-vous fait de l'État ? Hier respecté, aujourd'hui contesté. Hier obéi, aujourd'hui bafoué. Hier impartial, aujourd'hui partisan.

Qu'avez-vous fait de la sécurité des citoyens, garantie de leurs libertés, donc l'un des premiers des droits de l'homme ? 7 crimes ou délits commis chaque minute dans notre pays. Certains quartiers ou certaines banlieues livrés à la loi du plus fort. Cette France inquiète, est-ce la France que nous aimons ?

Qu'avez-vous fait de la souveraineté nationale ? La loi et le droit sont bafoués en Corse, chaque jour, impunément, comme si la Corse ne faisait plus partie de notre nation. Cette France amputée d'une part d'elle-même, est-ce la France que nous aimons ?

Qu'avez-vous fait en matière d'immigration ? Vous avez dit, Messieurs les socialistes, que notre pays ne pouvait plus accueillir de nouveaux immigrés. Pourtant, en 1992, plus de 100 000 étrangers ont été autorisés à s'installer sur notre sol. Vous nous avez dit que vous alliez lutter contre l'immigration clandestine. Pourtant, il n'a jamais été aussi facile de se procurer des faux papiers. Pourtant, les décisions de reconduite à la frontière, quand elles sont prises, ne sont presque jamais appliquées. Cette France ouverte à tous les vents, est-ce la France que nous aimons ?

Je veux, pour ma part, une politique d'immigration ferme et rigoureuse. Je veux que la France cesse d'être l'un des pays les plus attractifs du monde pour les étrangers. Je le veux tout simplement parce que le laxisme nourrit l'intolérance.

Seule cette politique ferme et rigoureuse permettra de traiter avec dignité les étrangers qui concourent à la richesse de notre pays et permettra à la France de rester une terre d'asile pour les vrais opprimés et les vrais proscrits.

Enfin nous réformerons le code de la nationalité. Être Français est un honneur qui se mérite, et qui impose des devoirs. Nous sommes prêts à accueillir celui qui en manifeste le désir et la volonté. Encore faut-il qu'il le fasse solennellement.

Voilà la France que nous aimons : une France généreuse, mais aussi une France exigeante.

Messieurs les socialistes, qu'avez-vous fait de la justice ? À force de scandales, à force de pressions et d'interventions de toutes sortes, vous avez affaibli l'institution judiciaire, vous avez plongé les magistrats dans un malaise profond. Récemment encore, la réforme du code de procédure pénale a provoqué leur colère. Vous n'avez pas donné à la justice les moyens d'être efficace. Que peut-elle faire, avec un budget qui représente seulement 1,5 % des dépenses de l'État ? Plus grave encore, vous avez donné aux Français le sentiment d'une justice à plusieurs visages, à plusieurs vitesses. Messieurs les socialistes, votre responsabilité est grande. Cette France malade de sa justice, est-ce la France que nous aimons ?

C'est pour retrouver cette France que nous aimons, cette France souveraine, cette France juste, cette France protectrice, que je veux que l'État soit restauré, et que les grandes institutions renouent avec leur prestige. Nos compatriotes ont besoin de respecter. Ils ont besoin d'éprouver de la confiance et de l'estime.

Je sais, il n'y a pas de loi qui puisse décréter la confiance. Il n'y pas de loi qui puisse imposer individuellement, dans la vie quotidienne, le respect d'une certaine éthique. Il reviendra à chacun de nous d'avoir constamment présent à l'esprit que notre pays a soif de vertu, cette vertu que Montesquieu désignait comme le fondement même de la République.

Enfin, après ces dix ans de socialisme, la France est un pays affaibli au plan international. Monsieur Mitterrand s'est révélé incapable de suivre le rythme de l'actualité géopolitique. Toujours décalés, souvent dépassés, les socialistes ont manqué les grands rendez-vous de l'Histoire récente.

Qui n'a pas cru à la réunification de l'Allemagne ? Monsieur Mitterrand. Monsieur Rocard. Monsieur Delors.

Qui a été le dernier chef d'État occidental à rendre visite à Monsieur Honnecker ? Monsieur Mitterrand.

Qui a lu à la télévision la lettre du dictateur Iannaeff, le putschiste de Moscou ? Monsieur Mitterrand.

Qui n'a pas compris qu'il y avait en Yougoslavie des agresseurs et des victimes, se contentant d'évoquer des "haines ancestrales" dont il valait mieux ne pas se mêler ? Encore Monsieur Mitterrand.

Certes, nous avons participé à la guerre du Golfe. Nous sommes intervenus en Somalie, aux côtés des troupes américaines. Mais chaque fois que se pose la question de l'intervention française, apparaît en pleine lumière le sous-équipement de nos armées, auquel la valeur de nos soldats ne peut rien. Les gouvernements socialistes successifs n'ont cessé de diminuer notre effort de défense, année après année. Leur seule préoccupation a été de toucher les dividendes illusoires de la paix. Nous en voyons les résultats. La France pèse de moins en moins sur la scène internationale. Son rôle et son influence se réduisent, y compris dans les pays de vieille tradition française. Quelle tristesse pour une nation comme la nôtre, qui, du temps du Général de Gaulle, grâce à son dynamisme intérieur, grâce à une défense puissante fondée sur sa force de frappe, occupait la scène internationale avec un panache digne de son histoire. C'est cette France-là que nous voulons voir renaître. Une France solidaire. Une France confiante. Une France puissante. Une France qui sache s'adapter aux nouvelles exigences de notre temps. Tel est l'esprit de notre projet.

Ce projet, je veux que nous le mettions en œuvre avec rapidité et esprit d'ouverture. Avec mesure et détermination. Il n'y a pas de temps à perdre. La période qui suit l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle majorité est propice à la mise en œuvre des réformes. Dès les premières semaines, il faudra prendre les décisions qui auront valeur de symbole. Il faudra lancer de manière irrépressible le train du changement. Nous aurons besoin de toutes nos forces, de toute notre résolution. Non pas pour imposer notre volonté sans concertation, sans discussion, comme l'ont fait trop souvent les socialistes. Nous avons bien l'intention de restaurer la politique contractuelle et le dialogue entre les organisations syndicales et professionnelles, les pouvoirs publics et bien sûr les citoyens.

Nous aurons besoin de toutes nos forces pour lutter contre les immobilismes, les corporatismes, les résistances en tous genres qui se mobilisent toujours dès que l'intérêt général l'emporte sur des intérêts particuliers. Il y faudra détermination et opiniâtreté. Nous n'en manquons pas. Oui, nous ferons la politique pour laquelle vous nous aurez élus. Quand on fait la politique de ses adversaires, on perd ses amis sans gagner ses adversaires. Pas de socialisme sans les socialistes. Douze ans, cela suffit. Il est temps de tourner la page.

Il y faudra aussi ce qui fait souvent défaut à la gestion des affaires publiques : l'imagination. On ne peut gouverner une France à ce point éprouvée, qui compte cinq millions d'exclus, comme l'on gouvernait la France des années glorieuses.

Oui, nous avons la volonté de créer les conditions d'une plus forte croissance, et de permettre aux entreprises d'investir et de se développer, en allégeant notamment le coût du travail. Cela ne dispense pas les entreprises d'une réflexion nécessaire sur la notion de productivité.

Nous vivons de plus en plus dans une société déshumanisée, où la machine est reine, où la notion de "service" se perd lentement. Il est urgent de la retrouver. Service aux personnes qui en ont besoin, dans leur vie quotidienne. Mais aussi service rendu par les entreprises publiques d'abord, par les entreprises de service ensuite, qui, à trop vouloir réduire leurs effectifs, finissent par manquer à leur vocation.

Il ne s'agit pas d'être nostalgique d'un monde où les petits métiers étaient nombreux. Il s'agit d'être à la fois réaliste et imaginatif. Ceux qui étaient là pour conseiller, pour vendre, pour surveiller, pour contrôler, pour aider, manquent à nos sociétés modernes. Les emplois qu'ils occupaient nous font défaut. L'évolution qui se dessine et dont je me félicite, participe d'un vrai changement dans les mentalités. Nos entreprises commencent à prendre conscience que la compétitivité ne passe pas forcément par la productivité à tout prix, mais par la qualité. Nos sociétés commencent à comprendre que l'économie doit être au service de l'homme et non le contraire.

Dans ce monde en constante évolution, il importe que le pouvoir politique comprenne et accompagne les changements. C'est pourquoi nous devrons ouvrir grand les portes des expériences nouvelles, de la souplesse, de la liberté. En bref, de l'imagination.

Dans cette aventure, nous aurons besoin des Français. Aucune grande réforme ne peut se faire sans le soutien du peuple. Il faut savoir précéder. Il faut savoir proposer. Mais il faut aussi savoir convaincre et rassembler des majorités quand l'intérêt général est en jeu. Ainsi, pour réformer notre système éducatif dont chacun connaît les blocages, les scléroses, l'inadaptation aux besoins de notre temps, nous devrons être soutenus par l'opinion publique. C'est pourquoi je tiens tant à ce qu'un référendum permette à notre peuple de s'exprimer sur ce sujet sensible, qui touche à l'avenir de nos enfants. C'est ainsi que l'assouplissement, la modernisation, l'ouverture du système pourront s'imposer aux différents corporatismes si présents dans l'éducation nationale. La spécificité du mouvement gaulliste, c'est de ne jamais craindre le verdict populaire.

J'ai la conviction que les Français ont compris qu'il n'y avait pas d'alternative aux réformes que nous proposons. Notre peuple est adulte, informé, conscient des problèmes et de leur gravité. Il n'a plus cette conception magique de la politique, selon laquelle tout pouvait être dispensé par un État-Providence aux ressources infinies. Il veut qu'on lui dise la vérité, et que l'on mette chacun devant ses responsabilités, pouvoirs publics comme citoyens. À cette condition, il nous suivra, j'en suis persuadé, sur les voies du changement.

Voilà, chers amis, les principes qui seront les nôtres dans la mise en œuvre de notre projet. Vous le voyez ! il s'agit d'une grande, d'une vaste ambition.

Mes chers compagnons, c'est dans cette perspective que nous devons situer notre combat.

Si les Français nous font confiance, et si Monsieur Mitterrand ne tire aucune conséquence des résultats du scrutin – n'est pas le Général de Gaulle qui veut – s'ouvrira alors une période de cohabitation.

Je peux vous assurer que nous n'accepterons aucune entrave à notre action, de quelque manière que ce soit. Si les Français approuvent notre projet, s'ils nous donnent la majorité, et si Monsieur Mitterrand n'en tient aucun compte, l'Histoire le jugera. En ce qui nous concerne, nous ferons notre devoir. Rien ni personne ne nous en empêchera. Ni compromis, ni compromission. Nous ferons notre devoir et nous appliquerons notre politique.

Cette cohabitation, j'en connais, mieux que tout autre, les dangers et les difficultés, difficultés que le gouvernement socialiste actuel et le chef de l'État lui-même se plaisent à aggraver, par avance, contre tout esprit civique et démocratique. Jamais pouvoir en partance n'aura à ce point miné le terrain derrière lui. Déficit deux fois plus élevé que prévu. Crédits annuels dépensés dès le mois de février. Rafales de nominations socialistes à tous les postes possibles et imaginables. Tout cela est vrai.

Je suis conscient de tout cela. Pourtant, moi, Jacques Chirac, dans la situation qui est aujourd'hui la mienne, je vous dis que nous devons faire le choix de nos institutions. Nous devons faire le choix de la République. Nous devons faire le choix de la démocratie. Nous devons faire le choix de la France.

Quels que soient les intérêts de la future majorité, quel que soit mon intérêt propre, je vous dis que notre pays est plus grand que nous-mêmes, et que nous devons faire ce qui est le mieux pour la France, c'est-à-dire gouverner. Tout simplement parce que la France ne peut plus attendre.

Depuis 1976 j'ai eu la responsabilisé de conduire la famille gaulliste. Aujourd'hui encore vous m'avez renouvelé votre confiance. Je mesure l'honneur et le poids de la charge. Je ne vous décevrai pas. Je serai toujours avec vous pour les combats de demain et d'après-demain.

Voilà, chers amis, le message que je voulais vous transmettre ce soir. Message de confiance. Message d'espoir. Mais aussi message de mobilisation.

Méfions-nous des victoires trop largement annoncées. Battons-nous jusqu'à la dernière minute pour convaincre.

Battons-nous comme si la victoire ne dépendait que d'une seule voix.

Battons-nous pour que le vote en notre faveur soit un vote d'adhésion, et non un vote de rejet du socialisme.

Battons-nous pour remporter une grande victoire qui balaie d'un souffle puissant les doutes et les incertitudes.

Il nous faut une grande victoire, parce qu'elle peut créer une situation nouvelle. Comment ne pas entendre le peuple quand il parle haut et fort ?

Il nous faut une grande victoire, parce qu'elle portera notre projet vers son accomplissement. À l'heure où l'illusion socialiste est définitivement morte, que restera-t-il si nous échouons, quelle autre alternance sera possible, sinon celle de l'extrémisme ?

Il nous faut une grande victoire parce qu'elle sera la preuve, à la face de l'Europe et à la face du monde, que la France veut clore une période grise et délétère, et repartir de l'avant avec des forces nouvelles.

Mes chers compagnons, une fois encore, j'ai besoin de vous. J'ai besoin de votre dévouement. J'ai besoin de votre affection. J'ai besoin de votre engagement. J'ai besoin de votre passion pour la France. La route est encore longue que nous allons parcourir ensemble. J'ai confiance en l'avenir parce que j'ai confiance en vous.

 

Vendredi 12 mars 1993

Mes chers amis,

Voilà presque quatre mois que je parcours la France. Quatre mois pendant lesquels je suis allé à la rencontre des Français. Ces quatre mois comptent parmi les plus enrichissants qu'il m'ait été donné de vivre.

À travers le dialogue, les échanges, les visites sur le terrain, j'ai écouté battre le cœur de notre pays. Les inquiétudes et les interrogations sur l'avenir étaient souvent au rendez-vous. Mais aussi une formidable attente, qui m'a conforté dans le combat qui est le mien.

Je suis très heureux de vivre cette fin de campagne avec vous, chers amis de Limoges. Quand je suis chez vous, je suis un peu chez moi. La Corrèze n'est pas loin.

J'ai toujours aimé votre belle cité, riche de contrastes, ainsi que nos superbes campagnes limousines. D'autres villes revendiquent le titre de "riant portait du midi". Moi qui connais Limoges, je sais que l'on y respire déjà la douceur de vivre et la cordialité du Sud. Mais je n'oublie pas que votre ville est aussi liée aux régions plus austères du Massif Central, et que les limougeauds se signalent par leur goût de l'effort, leur amour du travail, leur sens des vraies valeurs.

Même si Limoges reste la capitale de la porcelaine, industrie que vous avez su faire entrer dans le XXIe siècle, la crise qui sévit partout en France n'a pas épargné votre ville ni votre région. Entreprises menacées. Plans de licenciements, y compris dans les entreprises publiques, je pense bien entendu à Renault. Exploitations agricoles touchées de plein fouet par la crise et par la réforme de la PAC.

Fidèles à votre caractère, vous ne vous laissez pas abattre par les difficultés. Bien au contraire. Vous voulez que les choses changent, et votre présence ici ce soir en est une nouvelle preuve. Conscients que le changement passe par l'alternance politique, vous êtes prêts à vous mobiliser pour qu'une nouvelle majorité, demain, gouverne autrement. Je voudrais vous en remercier. Vous avez compris l'enjeu de ces élections législatives.

Pour votre département qui, depuis trop longtemps, a subi la loi lourde et pesante du socialisme. Pour notre région, la seule en France qui soit dirigée par un président socialiste, élu d'ailleurs de justesse à la suite des dernières élections régionales.

Je suis venu, en voisin et en ami, pour soutenir les candidats qui s'inscrivent dans la vision nouvelle qu'incarne aujourd'hui une opposition qui sera demain largement majoritaire et dont le Limousin ne peut pas s'exclure.

Dans la 1re circonscription, l'espoir est porté par Alain Marsaud. Limoges a besoin d'une personnalité, issue de sa terre et d'audience nationale.

Alain Marsaud est né chez vous, il y a fait toutes ses études et c'est ici qu'il a puisé la force et la culture qui l'ont conduit à devenir l'image même du juge intègre, efficace et déterminé. Ces qualités, ajoutées à son courage, en ont fait un chef du service central de lutte anti-terroriste, au moment le plus difficile et le plus dangereux de notre histoire contemporaine.

Fondateur de l'Observatoire des Libertés, il a su allier le strict respect des Droits de l'Homme et l'efficacité dans la lutte contre le terrorisme. Son image nationale et internationale en ont fait l'incarnation même des vertus de la République.

Avec son suppléant, Jean-Marie Brachet, jeune et dynamique président de la chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Vienne, ils forment une équipe digne de votre confiance et dont votre ville et notre région auront besoin pour la mise en œuvre d'une politique de défense de nos intérêts et de restauration de l'État républicain.

Je vous demande de vous mobiliser pour qu'ils soient brillamment élus à l'occasion de ces législatives.

Dans la 2e circonscription, je voudrais apporter mon soutien sans réserve à une femme de grande qualité. Évelyne Guilhem, maire et conseiller régional est une exploitante agricole qui mettra son dynamisme au service de la sauvegarde de nos zones rurales et de la défense des intérêts de nos paysans. Femme de conviction et de terrain, elle sera demain, j'en suis sûr, une parlementaire respectée et écoutée.

Avec son suppléant, Michel Planchat, spécialiste des problèmes concernant l'entreprise et ancien pilote de l'armée de l'air, elle est candidate unique de l'ensemble de l'Opposition RPR et UDF dans cette circonscription. Je vous demande de soutenir sa candidature et son action.

Dans la 3e circonscription, Jacques-Michel Faure, limougeaud d'origine, et président d'une importante entreprise internationale, est le candidat unique de l'Opposition UDF-RPR dans cette circonscription.

Avec son suppléant, Jean-Marie Thoury, il a déjà engagé une bataille déterminée en faveur de l'emploi et de la défense des zones rurales.

Il s'est aussi engagé à promouvoir le label de Limoges, capitale européenne des Arts de la Table. Homme d'expérience, il est le candidat auquel je souhaite que vous apportiez vos suffrages car votre département aura besoin de lui.

Enfin, dans la 4e circonscription, mon ami Camille Geutier, conseiller municipal de Limoges, homme de terrain mais aussi homme de fidélité, doit être votre candidat. Spécialiste des problèmes concernant le commerce, l'artisanat et les petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire des secteurs les plus touchés par la crise, il sera demain, avec son suppléant, Jean-Claude Vialard, un parlementaire dynamique et porteur d'une certaine vision de l'avenir de votre département.

Ensemble, ces candidats constituent une équipe sérieuse, compétente et soudée. Ils sont porteurs d'un changement indispensable si l'on veut gouverner autrement notre pays et rendre l'espoir à notre région.

Mais je voudrais également saluer nos candidats de la Creuse venus ce soir en voisins. Pour la circonscription de Guéret, je voudrais dire, par votre intermédiaire, à nos amis creusais, tout l'espoir que je mets dans la candidature de mon ami et collaborateur Bernard de Froment. Maître des requêtes au Conseil d'État, ayant occupé d'importantes responsabilités dans la haute administration, notamment des finances et de l'agriculture, je lui ai demandé de porter nos couleurs pour ces prochaines élections.

Intelligent et compétent, Bernard de Froment apportera à la Creuse cet esprit de renouveau dont elle a tant besoin. Je me réjouis qu'il ait pris pour suppléant un agriculteur, mon ami Elie Giraud, dont chacun connaît la qualité et la compétence.

À Aubusson, le candidat unique de l'Opposition RPR-UDF est le maire d'Aubusson, conseiller régional du Limousin, Thierry Ratelade. Je salue l'ami et le voisin qu'il est pour moi. Je peux porter témoignage de la qualité du travail qu'il a engagé au service de sa ville et je souhaite lui apporter, avec l'ensemble des responsables du RPR, mes souhaits ardents de brillante réussite.

Avec son suppléant, mon ami Pierre Lavedrine, conseiller général de Chénérailles, ils représentent également l'alternance nécessaire pour rendre à ce département sinistré par le socialisme, ses chances et son avenir.

En tant que député de la circonscription d'Ussel, je souhaite pouvoir demain travailler la main dans la main avec Thierry Ratelade pour la défense des intérêts et la promotion de notre petite région.

Voici pour ce qui concerne nos candidats et je voudrais maintenant vous faire part de quelques réflexions sur la situation de l'avenir de notre pays.

Nous sommes à quelques jours d'un scrutin essentiel pour l'avenir de notre peuple. L'alternance, je le crois et je l'espère, est à l'ordre du jour. Il est temps. La France n'en peut plus du socialisme et des socialistes. Après ces douze années, notre société est en morceaux. Crise économique et sociale, crise de l'État, crise morale et psychologique, crise d'identité, tout s'est conjugué pour affaiblir notre pays, pour briser ce qu'il a de plus précieux : son unité, sa cohésion sociale.

La France est désormais le pays de l'exclusion, des inégalités et de l'injustice.

Exclusion de l'emploi, d'abord, pour 3 millions de nos compatriotes, auxquels il faut ajouter les 2 millions de personnes concernées par ce que l'on appelle "le traitement social du chômage". Un jeune sur cinq est inscrit aujourd'hui à l'ANPE. Un chômeur sur trois est un chômeur de longue durée. Sont-ce là les "acquis sociaux" que monsieur Mitterrand se targue de défendre ? Arrêtons-nous un instant, non sur les chiffres, mais sur la réalité qu'ils recouvrent. 5 millions d'exclus, plus de 10 % de notre population active, cela veut dire que chaque famille française vit le drame du chômage, soit dans son sein, soit dans son entourage immédiat. Cela veut dire que chaque jeune, dès son âge le plus tendre, sait qu'il lui faudra batailler durement pour trouver sa place. Que d'inquiétudes que d'angoisses à la clé ! C'est cela, la France de l'exclusion. Des citoyens inquiets, et parfois désespérés.

Mais l'exclusion n'est pas vécue seulement par les chômeurs, par les RMIstes. Elle menace des milliers et des milliers de Français qui vivent, ou plutôt qui survivent, au seuil de la pauvreté. Je pense à toutes ces personnes âgées, ces handicapés qui n'ont guère, pour faire face à leurs besoins quotidiens, que des allocations telles le "minimum vieillesse", l'allocation aux handicapés, l'allocation veuvage, etc., autant de minima sociaux qui n'ont cessé d'être rognés au fil des années.

Je pense aux agriculteurs étranglés, aux artisans et aux commerçants qui ne savent plus comment faire face à leurs charges dans des villages désertés, ou dans des cités touchées par le chômage. Je pense aux marins-pêcheurs victimes d'une Europe qui ne se protège pas de la concurrence étrangère, et qui ne fait pas jouer, comme il serait normal, la préférence communautaire. Tous sont des travailleurs qui ne retirent pas de leur travail de quoi faire vivre dignement leurs familles. Trop souvent, ils se trouvent contraints d'abandonner leur métier, leurs exploitations pour aller grossir le nombre des chômeurs dans les villes. Trop de chemins, aujourd'hui, mènent à l'exclusion.

Exclusion, enfin, pour beaucoup d'étrangers installés depuis longtemps sur notre sol, et qui concourent à notre richesse nationale. Ils paient, au prix fort, le laxisme gouvernemental en matière d'immigration. Les socialistes ont été incapables de donner un coup d'arrêt à l'immigration régulière 100 000 étrangers supplémentaires se sont établis officiellement en France en 1992. Ils ont été incapables de combattre l'immigration clandestine : 150 000 clandestins entrent chez nous chaque année, rien n'est plus facile aujourd'hui que de se procurer des faux papiers qui permettent de toucher des prestations sociales. La France est une passoire, et ce sont les étrangers depuis longtemps chez nous qui en pâtissent. Le laxisme a toujours nourri l'intolérance, qui provoque à son tour des phénomènes d'exclusion et alimente les extrémismes.

Pays de l'exclusion, la France est aussi le pays des inégalités. Étrange paradoxe. Terrible échec pour des gouvernements socialistes qui n'avaient à la bouche que le mot de "justice".

Inégalités, parce que notre système éducatif, hypertrophié, sclérosé, échoue à remplir ses missions. Alors que le budget de l'Éducation nationale absorbe chaque année la quasi-totalité de l'impôt sur le revenu, alors que les dépenses de l'éducation ont augmenté de 26 % depuis 1981, jamais la sélection par l'échec n'a été aussi sensible. Un enfant sur deux qui entre en 6e sans savoir lire et écrire correctement. 60 % des étudiants qui quittent le premier cycle de l'enseignement supérieur sans diplôme. 100 000 jeunes qui sortent du système, chaque année, sans la moindre qualification. Comment tant de moyens ne donnent-ils pas de meilleurs résultats ?

La faute n'en incombe pas aux enseignants qui sont en général compétents et dévoués. Elle incombe au système lui-même qui n'a pas su faire sa révolution culturelle, qui n'a pas su se décentraliser et s'ouvrir sur l'extérieur. Il est bien évident que les carences de notre éducation nationale pénalisent surtout les enfants issus de milieux modestes, pour qui l'école représente l'unique chance de trouver sa place dans la société. Au lieu de compenser les hasards de la naissance, et de permettre la promotion sociale, le système actuel fige les inégalités. Comment accepter cette injustice ?

Inégalités, parce que l'écart des revenus ne cesse de se creuser entre les métiers où l'argent coule à flot et les autres métiers, ceux que l'on fait par vocation, et qui sont absolument nécessaires à la vie du pays. Instituteurs, infirmières, assistantes sociales et combien d'autres, ne sont pas rémunérés comme il convient, comme le mériteraient leur dévouement et l'importance du service rendu. Comment ne pas comprendre leur amertume quand ils apprennent ce que l'on gagne dans certaines professions ?

Inégalités, parce que la sécurité n'est pas la même quand on vit dans des banlieues difficiles et quand on vit dans des quartiers protégés. L'incapacité des socialistes à assurer ce droit élémentaire des citoyens qu'est la sécurité a eu pour conséquence une aggravation considérable de la délinquance, qui touche évidemment les plus faibles et les plus vulnérables. En 1992, les délits sur la voie publique ont augmenté de près de 10 %. Dans le même temps, la plupart des affaires de petite et moyenne délinquance ne sont plus sanctionnées pénalement. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les Français ne se sentent plus protégés, et tout particulièrement ceux qui auraient le plus besoin de l'être. Comment ne pas comprendre leur inquiétude ?

Inégalités parce que le fossé se creuse entre les régions riches, qui deviennent de plus en plus riches, et les régions pauvres, qui deviennent de plus en plus pauvres. Élu d'une ville riche : Paris, et d'une région pauvre : le Limousin, je suis bien placé pour mesurer ces déséquilibres croissants. Vous le savez bien, chers amis de Limoges, les socialistes n'ont rien fait pour compenser les inégalités régionales. Bien au contraire. Au lieu de mobiliser, au profit des régions en difficultés, les ressources de la collectivité nationale, ils leur ont facturé le prix des infrastructures dont elles avaient besoin pour s'en sortir. Étrange conception de la solidarité !

Enfin, la France est le pays de l'injustice, parce qu'elle est le pays où la justice est bafouée. Jamais l'institution judiciaire ne s'est aussi mal portée qu'aujourd'hui. Le malaise des magistrats est profond. Objets de trop de pressions et d'interventions de toutes sortes, ils n'hésitent plus à s'opposer ouvertement au pouvoir politique, comme ils l'ont fait récemment en dénonçant les effets pervers de la réforme du code de procédure pénale. Les abus de ces dernières années, l'impunité érigée en système pour les proches du pouvoir en place, la loi d'amnistie que les socialistes ont fait voter, tout cela a donné à nos compatriotes le sentiment d'une justice à plusieurs visages, à plusieurs vitesses. Ils ne le supportent plus. Il est devenu urgent de redonner tout son sens à la notion de responsabilité, en politique comme ailleurs. Notre peuple veut pouvoir respecter la justice, de même que les magistrats veulent retrouver la fierté de la servir. Il faut rendre à la justice son honneur et son indépendance. C'est un enjeu essentiel pour la démocratie.

Exclusion. Inégalités. Injustice. Voilà, chers amis, les acquis sociaux et les réussites morales de ces douze ans de socialisme. Il y a peu à défendre, et beaucoup à faire oublier. Le temps est venu de tourner la page et de repartir sur une voie nouvelle. Cela sera possible dans quelques jours, si les Français nous donnent leur confiance.

Je vous le dis avec force. Il est possible de gouverner autrement. Il est urgent de gouverner autrement parce qu'il est urgent de réconcilier les Français avec la France.

Ce ne sera pas facile, j'en suis conscient. Il y a la situation sociale, que je viens d'évoquer. Il y a la récession, qui frappe nos entreprises de plein fouet. Il y a l'état de nos finances publiques, qui n'a jamais été aussi catastrophique. Songeons que le déficit public pour 1992 a été porté au record historique de 230 milliards, et qu'il devrait d'ores et déjà dépasser 300 milliards en 1993. Songeons que notre sécurité sociale est en pleine crise financière. Tout cela rend indispensable l'audit serein et objectif que nous avons l'intention de faire, afin que soient clairement établies les responsabilités de chacun.

Il y a aussi l'attitude du gouvernement socialiste actuel qui s'ingénie, contre tout esprit civique et démocratique, à laisser derrière lui la situation la plus mauvaise possible, pratiquant allègrement la politique de la terre brûlée. Promesses non financées. Crédits annuels dépensés dès le mois de février. Rafales de nominations socialistes à tous les postes possibles et imaginables. Tout est fait pour compliquer, voire pour entraver la tâche du gouvernement futur. Je suis indigné par ces comportements si peu républicains et, pour tout dire, franchement malhonnêtes.

Il y a enfin l'attentisme un peu désabusé de beaucoup de Français. Ils en ont trop vu. Pour n'évoquer que la mandature qui s'achève, ils ont successivement entendu monsieur Rocard promettre d'accomplir "Douze Travaux d'Hercule". Sans résultat. Puis madame Cresson déclarer la guerre à nos concurrents étrangers, spécialement les Japonais. Sans résultat, hormis une agitation internationale bien inutile. Ils entendent aujourd'hui le même monsieur Rocard, dressé au milieu des ruines de Carthage, annoncer une déflagration dont le premier effet sera de détruire ce qu'il restait du parti socialiste. On peut sourire de cette ruse, qui consiste à s'absoudre par avance de toute responsabilité dans l'échec, et à enjamber, en quelque sorte, l'étape du scrutin législatif, qui s'annonce douloureuse.

On peut aussi s'étonner de ce qu'elle révèle d'indifférence pour les problèmes des gens. Que signifient ces débats abscons autour d'une coalition qui n'existe pas encore, quand la France compte 5 millions d'exclus ? La vérité c'est que les socialistes et leurs champions présents et futurs se préoccupent fort peu de la situation et de l'avenir des Français. C'est leur propre avenir qui les soucie au premier chef. Mise en coupe réglée de l'État par des nominations partisanes. Manœuvres de dignitaires socialistes, qui cherchent à se positionner au mieux en vue d'échéances lointaines. On chercherait en vain, dans tout cela, le souci du bien public. Dépourvus de projet et d'idées, les socialistes n'ont plus que des ambitions personnelles. Face au spectacle qui leur est donné, comment s'étonner de la tentation du "chacun pour soi" qui est celle aujourd'hui, de beaucoup de Français ?

J'ai, en ce qui me concerne, une toute autre conception de la responsabilité politique. Pour moi, le devoir des responsables politiques, aujourd'hui, c'est de prendre en compte les problèmes des hommes et des femmes, de les mobiliser autour d'un projet, de susciter un élan. L'honneur des responsables politiques, aujourd'hui, c'est de ressouder notre communauté nationale, et de rendre à la France son vrai visage.

Je place au premier rang de mes préoccupations le lien social entre les Français, lien quasi charnel qui s'est distendu au cours de ces dernières années. Il faut renouer ce lien. Il faut restaurer les solidarités.

Pour cela, deux priorités. La première, c'est de lutter efficacement contre le chômage, qui constitue la vraie menace sur les acquis sociaux. Les socialistes viennent de découvrir soudain une nouvelle panacée pour vaincre ce fléau : le partage du temps de travail. Leur raisonnement est simple : redistribuons entre les actifs le volume global des heures de travail, et davantage de personnes pourront travailler. Ce raisonnement est simpliste et irresponsable. De deux choses l'une. Soit on réduit le temps de travail sans diminuer les salaires, et on fragilise alors nos entreprises, donc l'emploi. Soit on le fait en diminuant les salaires, et on réduit nécessairement la consommation, donc la croissance. Dans les deux cas, l'emploi est pénalisé.

À cette solution dogmatique et irréaliste, je préfère une politique d'ensemble qui combine traitement à effets rapides et thérapie sur le long terme.

La thérapie sur le long terme, qui vise d'abord à stabiliser, puis à faire reculer durablement le chômage, ce sont des mesures structurelles afin de libérer l'initiative, de développer l'investissement et de relancer la consommation.

Pour libérer l'initiative, il faut que l'État allège ses ponctions sur l'économie. Cela ne veut pas dire que l'État doit renoncer à ses missions. Au contraire. Cela veut dire que pour remplir au mieux ses missions de souveraineté et de solidarité, il doit s'effacer dans les domaines qui ne sont pas de sa compétence. Si l'État fait des économies, parce qu'il ne sera plus omniprésent et touche-à-tout, il sera capable, comme nous en avons l'intention, de réduire les charges des entreprises, beaucoup plus taxées en France que chez nos concurrents. On en voit le résultat quand, pour fuir nos charges sociales, des multinationales choisissent de quitter notre sol, et de s'installer en Grande-Bretagne, par exemple.

Pour relancer la consommation, il faut ensuite augmenter le salaire direct. La faiblesse des rémunérations décourage les salariés, fait obstacle à la consommation, empêche l'épargne. C'est pour permettre aux entreprises d'augmenter les salaires directs, et éventuellement de constituer une épargne-retraite pour les salariés, que nous voulons transférer au budget de l'État les 150 milliards de cotisations familiales que les entreprises supportent actuellement. Tel est notre principe : faire progresser en même temps l'efficacité économique et la justice sociale.

Mais cette politique n'aura pas des effets immédiats. Notre économie a également besoin de relances sectorielles qui agissent comme des électrochocs. C'est pourquoi nous prendrons des mesures d'urgence pour faire redémarrer le bâtiment et les travaux publics, aujourd'hui complètement sinistrés.

Des crédits supplémentaires seront notamment affectés à la construction de logements sociaux. C'est une nécessité absolue, à l'heure où la France compte 200 000 sans-abri, et 600 000 personnes logées dans des conditions inacceptables. C'est aussi la source possible de nombreux emplois. 100 000 logements de plus, c'est 150 000 emplois de plus.

Dans le même esprit, nous voulons développer les emplois de proximité, grâce à la déduction fiscale des salaires et charges versés par l'employeur. Dans nos sociétés de solitude et d'isolement, les besoins sont énormes. Accueil et garde des enfants. Soutien scolaire. Aide-ménagère. Garde à domicile des personnes âgées dépendantes. Gardiens d'immeuble, etc. Il y a là une considérable source d'emplois.

Cela suppose, bien sûr, un profond changement dans les mentalités. À l'exemple du Japon, qui n'est pas suspect d'archaïsme, nous ferions bien de revenir sur certains tabous. Le premier, c'est de s'imaginer qu'il n'y a de véritable emploi que dans le secteur productif. Il est ancien, et à la vie dure. Le second, c'est de confondre systématiquement productivité et compétitivité, avec l'obsession de robotiser, d'automatiser tout ce qui peut l'être et de supprimer le plus grand nombre possible d'emplois. Vous êtes bien placés pour en mesurer les conséquences, chers amis de Limoges, vous qui avez subi les plans de licenciement de Renault Véhicules Industriels et de la Cogéma, cela sans la moindre politique de reconversion industrielle qui aurait pu compenser les pertes d'emplois.

Il ne s'agit pas de renoncer à être productif. Il s'agit de prendre en compte la dimension humaine, et de retrouver la notion de service, tout particulièrement dans les entreprises publiques et dans les entreprises de service. Vendeurs, gardiens de parkings, contrôleurs d'autobus, pompistes, tous les employés qui étaient là pour aider, pour conseiller, pour contrôler, pour vendre, tous manquent à nos sociétés modernes. Je me réjouis que de plus en plus d'entreprises prennent conscience que la compétitivité passe aussi par la qualité du service. Je me réjouis que notre société prenne conscience que l'économie doit être au service de l'homme et non le contraire. Faire des réformes et prendre des mesures, c'est bien. Changer les mentalités c'est mieux.

Bien évidemment, réformes structurelles et mesures ponctuelles ont un coût. Mais en tout état de cause, ce coût est infiniment moindre que celui du chômage. Mieux vaut dépenser un peu pour conserver ou pour créer des emplois, que dépenser beaucoup quand ces emplois ont été perdus. C'est tout simplement le prix de la cohésion sociale.

Deuxième grande priorité : la préservation des grands équilibres, qui passe par une vraie politique d'aménagement du territoire.

On ne peut accepter que 40 % de notre territoire soient aujourd'hui en voie de désertification. Villes hypertrophiées, avec leurs banlieues de plus en plus ingérables. Villages à l'abandon. Quelle France préparons-nous à nos enfants ? Il est urgent de retrouver le chemin de l'équilibre et de la raison.

Je sais que de nombreux technocrates et euro-technocrates, notamment socialistes, vont répétant que notre pays pourrait très bien se passer de ses paysans, que l'agriculture n'est plus un enjeu, et que la France citadine n'a pas les mêmes intérêts que la France rurale. Je vous le dis clairement, chers amis de Limoges, tout cela est faux. Si je suis convaincu d'une chose, c'est que la France ne serait plus la France si elle devenait une terre de friches et de jachères. Les agriculteurs n'ont pas vocation à devenir des assistés, et doivent pouvoir exercer leur métier dans toute sa dignité. Il n'y a pas deux France, la paysanne et la citadine, artificiellement opposées l'une à l'autre, mais une seule France, diverse et solidaire. Enfin, dans le monde tel qu'il est, où tant d'hommes, de femmes et d'enfants souffrent de la faim, notre pays doit jouer pleinement son rôle de grande puissance agricole. Voilà ma conviction.

Il faut donc donner un coup d'arrêt à une évolution mortelle pour les équilibres de notre pays. Cela suppose une politique agricole digne de ce nom. Les agriculteurs du Limousin vont tout particulièrement souffrir de la réforme de la PAC, notamment en ce qui concerne l'élevage qui devra affronter une concurrence accrue. Il n'est plus possible d'accepter tout et n'importe quoi dans les négociations internationales. Cela signifie que nous devrons refuser fermement le volet agricole du GATT, de même que nous devrons tout mettre en œuvre pour obtenir des compensations à la réforme de la PAC. S'il y a crise à Bruxelles, elle sera surmontée comme le fut celle de 1965. L'enjeu en vaut la peine.

Tenir bon dans les négociations. Aider directement nos paysans en allégeant les charges fiscales, sociales et financières qui pèsent sur les exploitations. Favoriser les investissements, telles seront les lignes de force de notre politique agricole.

Cette action s'inscrit naturellement dans une politique plus vaste d'aménagement du territoire. Maintenir les exploitations agricoles, c'est bien sûr concourir à la sauvegarde des villages. Mais cela ne suffira pas. Nous devrons aussi avoir pour objectif le maintien des services publics – écoles, postes, perceptions, gendarmeries, gares… – ainsi que le maintien des commerces et de l'artisanat grâce à des incitations fiscales, sociales et financières appropriées. Enfin, il faudra revoir au plus vite les modalités de calcul de la Dotation Globale de Fonctionnement, qui pénalise actuellement les petites communes.

Au plan du département et de la région, le maître-mot est "désenclavement". À l'heure de l'Europe comment des régions enclavées ou isolées pourraient-elles retrouver le chemin du développement ? Vous le savez bien, vous dont la région a été abandonnée par les socialistes. L'A 20 progresse, certes, mais le moins que l'on puisse en dire est que les travaux se hâtent lentement. Le TGV du Limousin, annoncé dans le schéma national, a été purement et simplement oublié quand le gouvernement a négocié le schéma européen des trains à grande vitesse. Résultat les crédits européens ne pourront être mobilisés quand il s'agira de réaliser votre TGV. Étrange façon pour les socialistes de remercier une ville et une région qui leur ont été fidèles depuis des décennies !

Pour ma part, l'élu de Corrèze que je suis mesure l'enjeu du désenclavement. Quand la géographie est injuste, le devoir du pouvoir politique est d'en atténuer les rigueurs. C'est pourquoi, je souhaite qu'une partie des recettes des privatisations soit consacrée à ces réseaux de transports, tant ferroviaires que routiers, sans lesquels s'éteindront peu à peu un grand nombre de nos villes et de nos villages. C'est aussi cela la solidarité nationale.

Voilà, mes chers amis, quels sont nos objectifs majeurs si nous voulons que la France redevienne unie et solidaire, et retrouve confiance en elle-même. C'est l'ambition même de notre projet d'alternance.

Comment le mettrons-nous en œuvre ?

Quatre principes en forme d'exigences me paraissent essentiels.

Le premier, c'est la rapidité. Chacun sait que la période qui suit immédiatement une élection majeure est propice à la mise en œuvre des réformes. Il faudra prendre, sans perdre une semaine, les décisions urgentes qui s'imposent, tout particulièrement celles qui ont valeur de symbole. Si du temps sera nécessaire pour conduire certaines réformes structurelles, et surtout pour en recueillir les fruits, point n'est besoin de grands délais pour adopter un certain nombre de mesures dans des domaines précis.

Ainsi, en matière d'immigration, il ne faut pas des mois pour restaurer les dispositifs de contrôle d'identité, ou pour imposer des cartes d'identité infalsifiables. Ni pour rendre notre pays moins attractif, en limitant les regroupements familiaux. Ou encore pour créer un corps d'officiers de l'immigration qui lutteront, partout sur notre territoire, contre l'immigration clandestine.

De même, il ne faut pas des mois pour réformer le code de la nationalité, afin que l'acquisition de la nationalité française, qui est un honneur, ne soit plus le résultat d'un hasard. Il ne faut rien d'autre que de la volonté politique.

En matière de sécurité, il ne sera pas si difficile, j'en suis convaincu, de remobiliser les forces de l'ordre. Définir clairement leurs missions. Leur donner la certitude qu'elles sont soutenues par le pouvoir politique. Les encourager financièrement servir dans les zones difficiles. Développer l'îlotage, et la police de proximité. Tels sont les grands axes de notre politique. Elle pourra et elle devra être rapidement appliquée. De notre promptitude à agir, dépend notre crédibilité.

Deuxième principe : la détermination. Je prendrai l'exemple de la justice. Chacun se lamente sur sa lenteur, son opacité. Chacun dénonce les atteintes portées à son indépendance. En ce qui nous concerne, parce que nous croyons qu'une grande démocratie a besoin d'une justice restaurée et respectée, nous sommes résolus à prendre les décisions indispensables et à consentit l'effort nécessaire.

La justice a besoin d'indépendance. C'est pour cela que nous voulons réformer le Conseil supérieur de la magistrature, parce qu'il n'est plus possible que la carrière des magistrats soit dans les mains du Président de la République. La justice a besoin d'efficacité. Que peut-elle faire aujourd'hui, alors que son budget ne représente que 1,5 % du budget de l'État ? C'est pourquoi nous voulons lui donner les moyens nécessaires à son fonctionnement et engager sans délai un plan quinquennal de modernisation. Enfin, la justice a besoin de proximité avec les citoyens. C'est pourquoi nous voulons créer des juges de paix qui pourront intervenir dans les affaires de petite et moyenne importance, ce qui désengorgera nos tribunaux. Tels sont les engagements que nous prenons. Les tenir sera encore une question de volonté politique. Cette volonté, nous l'avons.

Troisième principe, troisième exigence : l'esprit d'ouverture et de concertation. Faire des réformes, poursuivre des objectifs précis, ce n'est pas imposer sa volonté sans discussion, comme si l'on détenait la vérité révélée. Pour ma part, je suis un partisan déclaré de la politique contractuelle et du dialogue avec les syndicats.

Contrairement à ce qu'ont fait les socialistes, nous devrons avoir le souci de restaurer un véritable dialogue entre les organisations syndicales et professionnelles, les pouvoirs publics, et bien sûr les citoyens. C'est une exigence élémentaire de la démocratie.

Enfin, quatrième principe : tout faire pour que notre politique de réforme soit soutenue par les Français$. C'est désormais possible. Notre peuple est adulte, et mieux informé des problèmes qu'il ne l'a jamais été. Il n'a plus cette conception magique de la politique, selon laquelle tout pouvait être dispensé par un État-Providence aux ressources infinies. Les Français veulent qu'on leur dise la vérité, et que l'on mette chacun devant ses responsabilités. À cette double condition, ils sont prêts à nous suivre, j'en suis sûr, parce qu'ils savent qu'il n'y a pas d'alternative à la politique que nous proposons.

Je prendrai l'exemple de l'Éducation nationale. Nos compatriotes savent parfaitement que notre système est sclérosé, à bout de souffle, incapable d'assurer une réelle égalité des chances.

Nous avons, dans ce domaine, comme dans tous les autres, des projets précis qui heurteront beaucoup d'habitudes. Ainsi, alors que les syndicats de l'éducation nationale ont toujours voulu que le système éducatif vive en vase clos, nous voulons, nous, que l'enseignement, et tout particulièrement l'enseignement professionnel, fasse l'objet de partenariats entre les collectivités locales, les acteurs économiques locaux, le monde éducatif et l'État. Ainsi, alors que le monde de l'éducation est habitué à dépendre en toute chose du ministère de la rue de Grenelle, nous voulons que les chefs d'établissements aient de plus en plus d'autonomie et de responsabilités. Ils doivent pouvoir, par exemple, disposer à leur gré d'une enveloppe budgétaire pour répondre aux besoins de leur population scolaire. Ainsi, alors que la carrière des enseignants est régie par les oukases de l'ordinateur, selon certains barèmes, nous voulons, et beaucoup de professeurs avec nous, que le travail et le mérite soient enfin reconnus.

Nous voulons, en bref, introduire la souplesse là où règne la rigidité. Nous voulons penser le système éducatif en termes d'individus, qu'il s'agisse des élèves comme des enseignants, au lieu de le penser en termes de collectivités.

Ces projets, révolutionnaires dans leur esprit, ne pourront réussir que si l'opinion publique les impose aux corporatismes de la rue de Grenelle. C'est pourquoi je tiens tant à ce qu'une réforme d'ensemble soit soumise à référendum, à l'issue d'un débat national. Faire appel aux Français est un principe gaulliste auquel je suis profondément attaché.

Tels seront les principes qui seront les nôtres dans la mise en œuvre de notre projet d'alternance. Vous le voyez, il ne s'agit pas d'appliquer un programme pour une durée plus ou moins brève. Il s'agit de réaliser, ensemble, une grande, une vaste ambition pour la France.

Mes chers amis, j'ai envie, comme vous, sans doute, de retrouver la France que j'aime. Une France solidaire. Une France juste. Une France forte. Une France sûre de ses valeurs et de ce qu'elle représente dans le monde.

Pour construire cette France, j'ai besoin de chacun et de chacune d'entre vous. Méfions-nous des victoires trop largement annoncées.

Rien ne sera gagné avant le soir du second tour. Battons-nous jusqu'à la dernière minute pour mobiliser, pour rassembler, pour convaincre.

Battons-nous comme si la victoire ne dépendait que d'une seule voix.

Battons-nous pour que le vote en notre faveur soit un vote de confiance et d'adhésion, et non un vote de rejet du socialisme.

Battons-nous pour remporter une grande victoire qui balaie la morosité, le doute, l'incertitude.

Battons-nous pour remporter une grande victoire qui sera la preuve, à la face de l'Europe et à la face du monde, que la France veut clore une période grise et délétère, et repartir de l'avant avec des forces nouvelles.

Vous tous qui êtes prêts à vous engager dans la plus belle aventure qui soit, celle qui vise au renouveau de sa patrie, je vous donne rendez-vous les 21 et 28 mars. Je sais que je peux compter sur vous comme vous pouvez compter sur moi.

Vive le Limousin,
Vive la République,
Vive la France.

 

lundi 15 mars 1993

Mes chers amis,

Je voudrais tout d'abord remercier le professeur Christian Cabrol, un homme dont l'autorité morale et scientifique est reconnue dans le monde entier, et qui a bien voulu m'inviter ce soir à La Capelle.

Je voudrais ensuite remercier chacune et chacun d'entre vous. Vous avez répondu nombreux à son invitation. J'y suis particulièrement sensible et je vous en remercie.

Je voudrais enfin saluer les autorités départementales, ainsi que nos candidats aux prochaines élections législatives puisque c'est bien cela qui est en cause entre nous, ce soir.

Merci d'abord à mon collègue et ami Louis Hennebelle, maire de La Capelle et vice-président du conseil général, qui nous accueille ce soir dans une commune qu'il dirige avec cœur et compétence.

Je souhaite également saluer Charles Baur, président du conseil régional et Paul Girod, mon collègue sénateur et président du conseil général du département. Permettez-moi de saluer aussi la présence du sénateur Jacques Braconnier qui est, pour moi, un ami et un compagnon de longue date.

Enfin, je tiens à exprimer ma solidarité sans réserve et mon soutien amical à nos candidats, tous candidats uniques de l'Opposition, ayant l'investiture à la fois de l'UDF et du RPR.

André Rossi, votre députe sortant, mon ancien collègue au gouvernement, homme d'expérience, de cœur et de courage.

Charles Baur, votre dynamique président du conseil régional de Picardie, député européen, et qui a bien voulu mettre sa compétence et sa détermination au service du département dans la 2e circonscription. Je lui souhaite une victoire d'autant plus éclatante qu'il mène un combat difficile et courageux.

Jean-Claude Lamant, candidat dans le 1re circonscription. Le maire de Laon, vice-président du conseil général fut un député de l'Aisne qui apporta à mon gouvernement son soutien sans défaillance de 1986 à 1988.

Jean-Claude Lamant est également pour moi un ami au sens fort du terme et un compagnon respecté et aimé au sein du RPR et dans toute l'Opposition. Ses responsabilités dans son département et son expérience, notamment dans le domaine essentiel de l'enseignement, en feront demain un représentant important et écouté dans la nouvelle majorité. Je lui souhaite le succès qu'il mérite et je lui renouvelle mes sentiments de très fidèle amitié, mais aussi de très grande reconnaissance pour l'action efficace et généreuse qu'il mène à mes côtés.

Emmanuelle Bouquillon, candidate dans la 4e circonscription est une des trop rares femmes qui siègeront, je l'espère, dans la prochaine Assemblée. Sa jeunesse, son intelligence politique, son dévouement et surtout la conception humaniste de la politique qui est la sienne en feront un député dont la sensibilité, qui correspond si bien aux exigences de notre temps, enrichira la prochaine majorité.

Enfin ici, en Thiérache, Christian Cabrol, un homme qui a donné dans le monde, de notre pays, une image d'intelligence et de générosité.

Je connais bien le Professeur Cabrol. Lors des dernières élections municipales à Paris, il m'a fait le très grand honneur d'accepter de figurer sur les listes que je présentais dans la capitale. Christian Cabrol fait partie de ces très grands médecins qui considèrent que les dons exceptionnels dont ils ont hérité doivent être mis non seulement au service des hommes, mais aussi au service de la collectivité et de la Nation.

Il aurait pu être candidat dans beaucoup de circonscriptions faciles. Il a lui-même choisi de se mettre au service du département où il a ses racines et son origine et, dans ce département, au service de la région la plus touchée par la crise.

Il a l'ambition et la capacité de sauver la Thiérache qui s'enfonce peu à peu dans des difficultés croissantes. Ardent défenseur d'une politique nouvelle pour lutter contre le chômage, d'un aménagement du territoire plus juste et plus équilibré, notamment en faveur des zones rurales, d'une agriculture réhabilitée et reconnue pour ce qu'elle est, c'est-à-dire nécessaire à la vie de la Nation, mais aussi ouverte sur les débouchés nouveaux, en particulier les bio-carburants.

Le Professeur Cabrol est, sans aucun doute, l'homme qui peut sortir la Thiérache de sa léthargie et rendre à ses enfants l'espoir auquel ils ont droit.

Les responsabilités, qui ne manqueront pas d'être demain celles du Professeur Cabrol dans la Nation, le désignent tout particulièrement pour assumer cette tâche et je souhaite qu'il y réussisse brillamment.

Il a la chance d'avoir à ses côtés un homme expérimenté et déterminé en la personne de mon ami Georges Lapeyrie, maire d'Hirson, qui a bien voulu accepter d'être son suppléant. On peut avoir toute confiance en lui : il est d'origine corrézienne.

Je ne peux pas imaginer que la Thiérache, touchée par un chômage dramatique, dont l'agriculture est aujourd'hui sinistrée, pour laquelle le socialisme a si peu fait, puisse ne pas comprendre que l'avenir passe par un renouveau et qu'une chance lui est donnée d'avoir demain ses intérêts défendus par une équipe d'hommes aussi exceptionnels. Cher Professeur, je ne doute pas que la majorité de vos électeurs l'ait déjà compris.

Je voudrais enfin remercier tous les élus, conseillers régionaux, conseillers généraux et maires de la majorité départementale qui ont bien voulu répondre à notre invitation et apporter leur soutien à nos candidats.

Voilà presque quatre mois que je parcours la France. Quatre mois pendant lesquels je suis allé à la rencontre des Français. Ces quatre mois comptent parmi les plus enrichissants qu'il m'ait été donné de vivre.

À travers le dialogue, les échanges, les visites sur le terrain, j'ai écouté battre le cœur de notre pays. Les inquiétudes et les interrogations sur l'avenir étaient au rendez-vous. Mais aussi une formidable attente, qui m'a conforté dans le combat qui est le mien.

Je voudrais donc maintenant vous dire quel est notre sentiment sur la façon de solder l'expérience grise et délétère du socialisme et d'engager une autre politique pour la France.

En 1981, le programme de M. Mitterrand tenait en trois mots : "changer la vie". Il était prêt à tout révolutionner, à tout bouleverser sur son passage. Très vite, sous la contrainte des événements, il dut abandonner ses anciennes certitudes, ses vieux schémas, pour se convertir aux dures lois de la réalité.

En 1988, les socialistes disposaient de deux atouts, rarement réunis dans la main d'un gouvernement : le temps, puisqu'aucune échéance politique nationale ne s'imposait à eux avant cinq ans. Et l'argent, grâce aux 300 Mds F de plus-values fiscales héritées de notre gestion et de la politique de redressement que mon gouvernement avait mise en œuvre.

Qu'ont-ils fait de ces atouts ? Qu'ont-ils fait de l'espérance qu'une majorité de nos compatriotes, un moment séduit par la générosité de leur discours et de leurs promesses, avaient mis en eux ?

Ils ont laissé le chômage frapper près de 5 millions d'hommes et de femmes, touchés dans leur dignité, leur niveau de vie et leur espérance.

Ils ont laissé notre système éducatif fonctionner comme une formidable machine de sélection par l'échec.

Ils ont sacrifié notre agriculture aux intérêts américains, avec toutes les conséquences qu'une telle capitulation comporte pour notre économie, pour l'équilibre de notre territoire, pour notre identité nationale.

Ils ont laissé la dette publique atteindre des niveaux records et peser, par là même, sur les taux d'intérêt, au détriment de l'activité et donc de l'emploi.

Ils ont laissé s'accumuler les déficits de notre protection sociale, hypothéquant ainsi l'avenir de notre régime de retraite et de notre politique de santé.

Ils ont démobilisé les forces de l'ordre, ne leur ont pas donné les moyens et les directives nécessaires, mettant en cause notre sécurité intérieure et l'efficacité de la politique de lutte contre l'immigration clandestine.

Ils ont fragilisé les institutions de la République, à commencer par la justice qui vient de perdre, avec la dernière réforme du code de procédure pénale, les moyens de lutter efficacement contre les délinquants professionnels et la grande criminalité.

Ils ont réduit notre politique étrangère à l'action humanitaire et cantonné la France au rôle de puissance de seconde zone. Partout, notre influence dans le monde s'est réduite. Partout, nous avons été dépassés par rythme de l'Histoire.

C'est un fait : le socialisme a échoué. Il a échoué parce qu'il n'a pas su répondre aux aspirations de nos compatriotes. Les Français veulent des emplois : il leur offre le chômage et la pauvreté. Les Français veulent préserver leurs racines : il fait tout pour asphyxier nos campagnes et creuser les inégalités entre régions riches et régions pauvres. Les Français veulent préserver leur protection sociale : il n'a pas su maintenir ses équilibres financiers et développer les indispensables solidarités envers les plus démunis. Les Français veulent un État respecté et impartial : il leur offre le spectacle d'une République souvent partisane, parfois corrompue.

La France est aujourd'hui en danger. En danger de chômage, menacée par ce terrible cancer social qui diffuse ses métastases dans l'ensemble de notre pays. Trois millions de chômeurs officiellement recensés ; un million et demi de soi-disant bénéficiaires du traitement social du chômage ; 550 000 RMIstes. Voilà la triste réalité du monde du travail dans notre pays.

Quelle que soit la difficulté de l'entreprise, quelle que soit l'âpreté du combat à mener, nous devons décréter dès le 28 mars au soir la mobilisation générale contre le chômage. Il s'agit de convaincre les Français que, si tout ne dépend pas de nous, beaucoup est de notre responsabilité. La France n'est pas condamnée à rester les bras croisés et à assister, impuissante, à son propre drame. Nous avons des idées, des projets, une détermination sans faille pour reconquérir l'emploi.

Il dépend de nous d'exiger de nos partenaires européens que la Communauté ne pratique plus le désarmement commercial unilatéral. Qu'elle ne se transforme pas progressivement en une zone de libre échange ouverte à toutes les concurrences, même les plus déloyales. Qu'elle se dote d'une politique commerciale commune qui lui permette de s'organiser, comme le font avec une si grande efficacité les Américains et les Japonais. En un mot, il faut qu'elle devienne l'Europe européenne que nous avons toujours appelée de nos vœux. Une Europe consciente de ses intérêts et déterminée à les protéger. Une Europe qui réaffirme la préférence communautaire. Notre emploi en dépend dans une large mesure.

La Communauté doit être lucide. Elle ne doit réduire les protections dont bénéficient ses produits qu'à la condition qu'une véritable concurrence puisse s'établir à l'échelle internationale. Elle doit exiger l'ouverture, réciproque et progressive, des marchés extérieurs dont l'accès est aujourd'hui fermé par des droits de douane abusifs ou des mesures discriminatoires. Elle doit contrôler les importations de produits fabriqués par une main d'œuvre sous-payée. Elle ne doit pas permettre que les USA jouent du cours du dollar pour fausser la concurrence. Tout ceci est nécessaire cour notre agriculture, mais aussi pour notre industrie, je pense notamment au textile, et pour nos services.

L'intérêt de la France exige également un renforcement de la coopération avec l'Allemagne au sein du Système monétaire européen. C'est ainsi que nous conduirons notre principal partenaire européen à plus de rigueur dans sa gestion budgétaire et que nous parviendrons à initier un mouvement coordonné de baisse des taux d'intérêt en Europe. Mais, parce que je crois à l'idée européenne, j'attends de l'Allemagne qu'elle accepte les disciplines de vie en communauté et qu'elle révise les orientations de sa politique monétaire. Il appartiendra au prochain gouvernement d'alternance de mettre tout son poids politique dans cette direction.

Il dépend aussi de nous de relancer l'activité économique intérieure en stimulant, par des mesures fiscales et budgétaires, des secteurs en récession comme celui du bâtiment ou des travaux publics. Nous avons dans ces domaines des propositions précises et la volonté farouche de les mettre en œuvre sans délai : relance du logement social ; aides fiscales en faveur du secteur privé ; développement des infrastructures routières et ferroviaires, si nécessaires pour désenclaver nos régions. Et comment, ici, ne pas évoquer l'urgence de la mise à 2 fois 2 voies de la RN 2, épine dorsale du département, l'amélioration de la RN 31 et surtout la réalisation de l'autoroute A 29 dont la décision avait été prise par mon gouvernement.

Dans la même perspective, il nous appartiendra d'engager un vigoureux programme de baisse des charges et d'allégement des contraintes qui asphyxient aujourd'hui les PME, qui représentent la principale source de création d'emplois. C'est le sens du transfert de la charge des cotisations familiales au budget de l'État. C'est aussi la logique des exonérations de cotisations sociales que nous préconisons pour les emplois nouvellement créés, notamment dans les zones rurales.

Il faut baisser les taxes qui pénalisent l'activité. Tout simplement parce que les Français supportent des prélèvements obligatoires, impôts et cotisations sociales confondus, beaucoup plus élevés que nos partenaires. Avec pour conséquences un taux de croissance voisin de zéro, un pouvoir d'achat qui stagne, un investissement productif en net recul, un esprit d'initiative systématiquement découragé. La France est engagée dans un engrenage particulièrement dangereux. Il faut en sortir : plus que jamais, l'allégement des prélèvements obligatoires est l'ordre du jour. C'est l'un des engagements que prend l'actuelle Opposition devant le pays. N'oublions pas qu'un chômeur coûte à la collectivité 100 000 F par an. Par conséquent toute mesure, touchant à la fiscalité ou aux cotisations sociales et permettant de créer ou de maintenir un emploi, et coûtant moins de 100 000 F par an est favorable à la fois à l'emploi, aux finances publiques et à la reprise de l'activité dans nos zones rurales qui en ont tant besoin, notamment dans les secteurs actuellement asphyxiés du commerce, de l'artisanat, des professions libérales ou touristiques.

Il dépend également de nous de réformer en profondeur l'éducation nationale. De diversifier les filières de formation. De rendre leur attrait et leur dignité à l'enseignement technique et professionnel, l'apprentissage et à toutes les formations en alternance, tant il est vrai qu'engager tous nos enfants sur les voies de l'enseignement général traditionnel, c'est en condamner un trop grand nombre au chômage. Là aussi, l'esprit de réforme doit nous inspirer.

Comme nous devrons faire preuve d'imagination pour aménager le temps de travail, développer le travail à temps partiel, instituer une réelle retraite choisie et non subie, promouvoir la productivité par la responsabilité et la participation du salarié plutôt que par la compression aveugle et systématique des effectifs. C'est à une véritable révolution des mentalités que nous devons convier les Français.

C'est ainsi que nous faciliterons le développement des nouveaux métiers dont notre société a besoin pour protéger l'environnement, améliorer la sécurité des enfants dans la ville, aider les personnes âgées dépendantes dans leur vie quotidienne. Sur les 450 milliards de francs que coûte à la collectivité le chômage, il s'agit d'en affecter une partie au financement des emplois considérés comme non solvables aujourd'hui, plutôt que de maintenir trop d'hommes et de femmes dans l'inaction et l'assistance. Il est grand temps de redécouvrir le sens des réalités : un salarié, même si son employeur est aidé pour lui donner du travail, coûte moins cher à la collectivité qu'un chômeur indemnisé.

La reconquête de l'emploi sera longue et difficile. Les initiatives de l'État seul ne suffiront pas. C'est pourquoi je parle de mobilisation de toute la Nation : régions, départements, entreprises, familles. Il y a tant à changer dans les mécanismes économiques et plus encore dans les comportements ! Mais convenez avec moi que l'enjeu en vaut la peine. Nous ne sommes pas condamnés à faire moins bien que l'Allemagne, les États-Unis ou le Japon. Nous ne sommes pas condamnés à voir plus de cinq millions de nos compatriotes prisonniers d'une spirale infernale qui les conduit à la pauvreté et à la marginalisation progressive.

La solidarité doit aussi s'exprimer en direction des régions rurales qui traversent une crise sans précédent. Vous êtes, dans l'Aisne, et particulièrement dans La Thiérache, je le sais, particulièrement sensibles à cette situation.

Vous êtes, plus que d'autres, attentifs aux inégalités qui se creusent entre la France des villes et la France des campagnes.

Les Socialistes comprennent mal le désarroi et la révolte de nos paysans. Ils ne perçoivent pas la gravité de la crise que traverse l'agriculture française et les conséquences qu'elle comporte. Et pourtant nous sommes tous concernés.

Conséquences sociales d'abord : les paysans voient leurs revenus se réduire peu à peu, leur rôle contesté et leur avenir se fermer. Ils ont le sentiment que, non seulement leur fonction de producteur et de chef d'entreprise n'est plus reconnue, mais qu'on leur reproche de vivre de l'aide publique. Eux qui exercent cette mission éminente qui consiste à nourrir les hommes. Eux qui ont tant contribué au rayonnement de notre pays. Ce sont des familles entières condamnées à la pauvreté, avec pour seules issues la mort lente ou la révolte.

Conséquences économiques ensuite : l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire représentent un emploi sur cinq pour notre économie et un excédent de 50 Mds F chaque année pour notre solde extérieur. On l'oublie trop souvent. D'autres, plus lucides, comme les États-Unis, ont compris le bénéfice qu'ils pouvaient retirer de la conquête du pouvoir vert. Demain, ils en revendiqueront le monopole. Nous ne pouvons l'accepter : la France ns doit pas renoncer à faire de son agriculture un atout de sa puissance économique. Elle ne peut se résoudre à une "agriculture musée" : elle doit être activement présente sur les marchés mondiaux. L'intérêt national le commande.

À travers l'agriculture, c'est l'équilibre de la société entière qui se trouve menacé. C'est la qualité de l'environnement, ce sont nos racines, c'est notre identité qui sont mises en cause.

On nous dit que l'agriculture n'est plus un enjeu. On nous dit que notre pays pourrait très bien faire l'économie de ses paysans. On nous dit que la France citadine n'a pas les mêmes intérêts que la France rurale. Tout cela est faux : il n'y a pas deux France. Il n'y en a qu'une, diverse et solidaire. À nous d'en garantir l'unité.

C'est pourquoi, je ne pardonnerai jamais au gouvernement socialiste d'avoir accepté la honteuse réforme de la Politique Agricole Commune qui prévoit le gel de 15 % des terres. Une décision moralement inacceptable alors que plus d'un milliard d'hommes, de femmes et d'enfants souffrent de la faim dans le monde.

La réforme de la Politique Agricole Commune est une faute politique et économique majeure. Et l'une des principales responsabilités du futur gouvernement de la France sera d'en infléchir les modalités. Notre pays ne peut plus accepter de subir les décisions politiques imposées par des technocrates irresponsables dans un secteur vital pour son économie. Il doit arrêter sa propre stratégie et la faire connaître au niveau européen. Comme il doit exiger le respect scrupuleux des principes fondateurs de l'Europe Verte, à commencer par le principe de la préférence communautaire.

Une telle politique permettrait de reconquérir une grande partie du marché de l'alimentation animale, en réduisant au minimum les importations de produits de substitution des céréales et en favorisant les utilisations non alimentaires des produits agricoles, comme par exemple la fabrication des bio-carburants, diester et éthanol, pour lesquels votre région a déjà fait des efforts qui correspondent bien à l'intérêt national et qui doivent être résolument encouragés.

Mais pour réussir, cette politique exigera la mobilisation de moyens financiers pour faire évoluer les structures agricoles, en rendant supportable, là où cela sera possible, une certaine extensification de la production. Pour compenser les handicaps naturels. Pour diversifier les filières de formation. Pour réorienter le développement agricole. Enfin, pour accompagner financièrement cette évolution, grâce à une politique de crédit adaptée.

Que l'accent soit mis sur le renforcement de la capacité exportatrice de notre agriculture ou sur sa vocation de mise en valeur de l'espace rural, il est impératif de réduire très fortement l'ensemble des charges pesant sur l'exploitation agricole. Je songe en particulier aux charges fiscales, aux charges sociales et aux charges financières. C'est le principal moyen de réhabilitation du revenu de nos agriculteurs.

L'impôt foncier agricole notamment doit être supprimé, y compris la part communale, la compensation en faveur des communes rurales se faisant moyennant une réforme de la dotation globale de fonctionnement.

Les taxes frappant les mutations de terres agricoles doivent être ramenées au niveau européen, 2,5 % maximum de la valeur vénale, et le plafond d'exonération pour les successions et donations doit être sensiblement relevé. Tout le monde y gagnera, car ces pertes de recettes, par définition étalées dans le temps, seront compensées à moyen terme par des rentrées fiscales fiées à une amélioration de l'activité agricole et rurale.

De même, doivent être renforcées les aides fiscales à l'installation des jeunes agriculteurs et à l'investissement. Enfin le taux d'imposition des revenus agricoles devra être aligné sur le taux de l'impôt sur les sociétés, afin d'éviter des créations de sociétés anonymes agricoles dont les seules motivations seraient de nature fiscale.

Par ailleurs, la règle de l'évolution des cotisations sociales en fonction de celle des revenus agricoles doit être strictement appliquée, avec une prise en charge particulière pour les agriculteurs en difficulté.

Enfin, l'agriculture, plus qu'aucun autre secteur économique, en raison de l'importance des capitaux à investir et de leur faible rotation et rentabilité devra bénéficier de conditions de crédit adaptées. Il est urgent de revenir à une véritable politique de prêts bonifiés.

Voilà pour les indispensables mesures d'accompagnement de la réforme de la PAC. Mais avant cela, se posera à très court terme la question de la défense de nos intérêts au sein du GATT. Dans ce domaine comme dans tant d'autres, le gouvernement français et la majorité qui le soutient ont fait preuve d'irresponsabilité, laissant à la Commission de Bruxelles le soin de négocier avec les États-Unis, au prix de concessions unilatérales et en tous points inacceptables.

Je le dis très clairement, ici à La Capelle, nous ne nous estimons pas liés par un accord qui sacrifie les intérêts français face aux prétentions américaines. Au nom de quel principe laisser les États-Unis décider du nombre d'hectares que nous pouvons labourer, des animaux que nous devons élever ?

Nous devrons faire preuve d'une fermeté sans faille dans la poursuite des négociations internationales au GATT. Ce ne sera pas facile. Mais c'est nécessaire. Et ce que je dis pour l'agriculture est également vrai pour les secteurs des services comme pour l'industrie. La Communauté européenne, je le répète, doit apprendre à protéger son marché de la concurrence étrangère sauvage. C'est une question de survie pour nos entreprises.

L'avenir des zones rurales passe aussi par une autre politique d'aménagement du territoire. Une politique plus ambitieuse qui favorise, par des incitations adaptées, l'implantation d'activités nouvelles dans les régions en voie de désertification. Je songe en particulier au tourisme, à l'artisanat et au commerce de proximité qui doivent être aidés. Comme doivent être également aidées les petites communes rurales grâce à des concours budgétaires accrus de l'État. Comme il est indispensable de donner un coup d'arrêt à la politique systématique de fermeture en milieu rural des services publics les plus essentiels : les écoles, les postes, les gendarmeries, les perceptions. C'est aussi cela la solidarité.

Enfin, je le répète, il faut relancer les grands programmes d'infrastructures, notamment routières et autoroutières, que les socialistes ont considérablement ralentis. Ces grands équipements participeront d'une nouvelle logique d'aménagement du territoire, plus soucieuse des intérêts des régions les plus pauvres. Il faut les relancer pour donner aux parties de notre territoire les plus isolées les moyens de leur développement. Et s'il y a des surcoûts d'investissement, inévitables dans une région périphérique, qu'ils soient largement supportés par la Communauté européenne à qui revient, avec les États, la responsabilité de garantir le développement harmonieux des régions.

Pour réussir, il nous faudra du temps. De l'imagination. Une volonté sans limite. Il nous faudra aussi, parce que l'époque est particulièrement dure pour nombre de Français, une qualité de cœur tout à fait exceptionnelle.

La France compte aujourd'hui plus de cinq millions d'hommes et de femmes vivant dans la précarité, confrontés à la peur du lendemain. C'est un terrible défi auquel la future majorité devra s'attaquer, consciente des difficultés, mais animée d'une volonté farouche de changer le cours des choses.

Refuser la résignation. Prendre en mains son destin. C'est possible et c'est ce dont je veux convaincre nos compatriotes en ces temps où guettent le découragement et l'attentisme.

Je suis persuadé que nous ne parviendrons à redonner une chance à ces exclus qu'en retrouvant une économie dynamique, performante et créatrice d'emplois. Tout simplement parce que, pour asseoir le progrès social, pour réaliser un meilleur partage, il faut d'abord accroître la richesse nationale. À défaut, on construit sur du sable et on s'expose, comme le montrent aujourd'hui les socialistes, aux pires déconvenues. Je le dis avec force : nous ne réussirons à stabiliser, puis à faire reculer durablement le chômage, qu'en changeant de politique économique, par des mesures structurelles de nature à libérer l'initiative, développer l'investissement et relancer la consommation.

Il appartiendra aussi à la future majorité de dégager une nouvelle ambition sociale pour la France. De construire de nouvelles solidarités. Avec pour principe directeur, l'égalité des chances. Pour méthode, la réforme. Pour objectif ultime, l'espoir qu'il faut rendre à ces millions de Français qui ont le sentiment de vivre dans une société qui se désagrège.

Vous le savez, je condamne l'égalitarisme qui refuse de récompenser le mérite et désespère l'initiative. Il est tout à fait naturel que ceux qui font preuve de dynamisme aient davantage de responsabilités et de revenus. Mais cela à une condition impérative : que tout ait été mis en œuvre pour garantir, au préalable, une véritable égalité des chances.

Égalité des chances en permettant à tous les Français d'accéder au même niveau de protection sociale, à la même qualité de service public, quel que soit leur lieu de résidence. Égalité des chances aussi en substituant à l'actuelle politique d'assistance généralisée envers les plus démunis, qui aboutit ni plus ni moins qu'à salarier la pauvreté, une politique d'insertion qui donne à tous une place et un avenir dans la société. Égalité des chances en donnant la possibilité à chaque enfant de s'épanouir en fonction de sa personnalité et de ses qualités, à l'abri des risques qui le menacent, au premier rang desquels la drogue qui fait tant de mal en France et qui appelle des mesures immédiates et résolues. Égalité des chances pour tous ceux dont la vie aujourd'hui est difficile parce que les gouvernements socialistes n'ont pas su mettre en œuvre une politique de la ville et des banlieues à la hauteur des enjeux.

Oui, mes chers amis, j'entends que la nouvelle majorité mette en œuvre un nouveau pacte social. Un pacte qui donne à tous une chance et une place dans notre société.

Comme je souhaite qu'elle fasse preuve de toute l'imagination et de la volonté nécessaires pour moderniser et consolider notre sécurité sociale. Une sécurité sociale que les socialistes ont laissé imploser.

Notre système de retraite tout d'abord, dont l'équilibre financier est gravement compromis. Le déficit cumulé de la branche "vieillesse" devrait atteindre 85 Mds F en 1994, si aucune mesure d'ajustement n'est prise d'ici là. C'est clair : il est urgent d'agir. Il nous faut sortir de l'attentisme actuel qui consiste à multiplier les rapports d'experts et les palliatifs en tous genres en différant constamment l'adoption des mesures qui s'imposent. Bel exemple d'irresponsabilité politique.

Je souhaiterais, dans ce domaine, disperser les ambiguïtés qui pourraient subsister au terme de cette campagne. Trop de procès en sorcellerie ont été instruits contre l'actuelle Opposition, suspectée de nourrir de noirs desseins à l'encontre des Français.

Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, il n'entre pas dans les projets de l'actuelle Opposition de remplacer notre système de retraite par répartition par des pensions financées par de l'épargne individuelle, ce que les techniciens appellent la capitalisation. Ce serait une absurdité économique et sociale. Notre principal souci est de maintenir la retraite à 60 ans, mais aussi de mettre en place un système de retraite "à la carte", permettant à chaque Français de choisir librement l'âge auquel il cesse son activité professionnelle. C'est aussi d'inciter les Français à constituer une épargne volontaire en vue de la retraite grâce à de puissantes incitations fiscales. Enfin, nous distinguerons clairement entre ce qui relève de la solidarité, qui doit être financé par l'État, et ce qui relève de l'assurance qui doit être géré sous la responsabilité des partenaires sociaux, a l'instar des retraites complémentaires. C'est ainsi que l'on garantira l'avenir de notre système de retraite et la continuité du versement des pensions.

Il faudra aussi, parce que c'est l'un des principaux enjeux des vingt prochaines années, répondre aux problèmes posés par la forte progression du nombre de personnes âgées dépendantes. Il faudra favoriser le maintien à domicile, médicaliser les maisons de retraite et créer une allocation spécifique destinée à financer les soins et les services auxquels ont recours les personnes qui n'ont plus une complète autonomie. Il faudra y mettre le prix, et ne pas se contenter, comme l'a fait M. Bérégovoy en décembre dernier, d'effets d'annonce purement électoraux sans dégager les moyens financiers nécessaires. La prise en charge de la vieillesse mérite autre chose que ces médiocres calculs politiques. Nous en garantirons la mise en œuvre et le financement.

Nous devrons également réfléchir à l'évolution de notre système de santé. Il est urgent d'arrêter la baisse des prises en charge par la sécurité sociale qui conduit tout droit à une "médecine à deux vitesses".

Il est grand temps de se poser la question des performances et du coût de notre politique de santé. Sans diminuer les prestations, sans se satisfaire d'une augmentation régulière des cotisations sociales, une nouvelle organisation de l'hôpital et de la médecine de ville doit permettre, non pas de "dépenser moins", mais de "dépenser mieux", tout en veillant à une meilleure égalité d'accès aux soins. Tout le monde y trouvera son compte.

C'est dans cette perspective que je préconise une revalorisation du statut de la médecine générale qui doit devenir une spécialité à part entière et s'accompagner d'un relèvement du prix de la consultation chez le médecin de famille. Il s'agit de rémunérer comme il le mérite l'acte médical utile. C'est aussi pourquoi je souhaite un développement rapide de la politique de santé publique, c'est-à-dire de la médecine scolaire, de la médecine du travail, de l'épidémiologie et des campagnes d'information qui permettent de mieux sensibiliser nos compatriotes aux grands fléaux sociaux, à commencer par le SIDA et la drogue.

Je plaide aussi pour une plus grande transparence dans le fonctionnement des structures d'hospitalisation, publiques et privées, grâce à une meilleure connaissance des coûts et une évaluation plus fine et systématique des performances des différents services. Toutes ces réformes devant se réaliser, bien entendu, avec le concours actif des professionnels de santé.

La modernisation de notre système de santé demandera du temps, du courage et parfois des décisions difficiles. Je pense en particulier à la reconversion de certains lits hospitaliers pour permettre l'accueil des personnes âgées dépendantes ou encore à la recherche d'une démographie médicale plus harmonieuse, à la fois sur le plan géographique et par spécialité. Mais ce sera l'honneur et la responsabilité de la nouvelle majorité que de ne pas éluder les difficultés et de traiter sérieusement les dossiers que les gouvernements socialistes, par négligence ou par calcul politique, n'ont pas su évoquer à temps.

Il est aussi venu le temps de repenser notre politique familiale. Les familles changent et leurs besoins évoluent. Nous devons en tenir compte. Cela implique notamment de faciliter la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, en développant toutes les gammes possibles de garde des enfants. Cela suppose aussi de reconnaître, comme elle le mérite, la fonction de mère de famille. C'est une vocation sans égale. C'est aussi une lourde responsabilité qui, comme telle, doit ouvrir des droits à la sécurité sociale. C'est pourquoi nous sommes décidés à compléter le statut de la mère de famille que mon gouvernement avait commencé à élaborer en 1987.

Voici quelques-unes des réformes de notre projet d'alternance. Vous le voyez, il ne s'agit pas d'appliquer un programme pour une durée plus ou moins brève. Il s'agit de réaliser, ensemble, une grande, une vaste ambition pour la France.

Mes chers amis, j'ai envie, comme vous, sans doute, de retrouver la France que j'aime. Une France solidaire. Une France juste. Une France forte. Une France sûre de ses valeurs et de ce qu'elle représente dans le monde.

Pour construire cette France, j'ai besoin de chacun et de chacune d'entre vous. Méfions-nous des victoires trop largement annoncées.

Rien ne sera gagné avant le soir du second tour. Battons-nous jusqu'à la dernière minute pour mobiliser, pour rassembler, pour convaincre.

Battons-nous pour nos candidats présents ici ce soir.

Battons-nous comme si la victoire ne dépendait que d'une seule voix.

Battons-nous pour que le vote en notre faveur soit un vote de confiance et d'adhésion, et non un vote de rejet du socialisme.

Battons-nous pour remporter une grande victoire qui balaie la morosité, le doute, l'incertitude.

Battons-nous pour remporter une grande victoire qui sera la preuve, à la face de l'Europe et à la face du monde, que la France veut clore une période grise et délétère, et repartir de l'avant avec des forces nouvelles.

Vous tous qui êtes prêts à vous engager dans la plus belle aventure qui soit, celle qui vise au renouveau de sa patrie, je vous donne rendez-vous les 21 et 28 mars. Je sais que je peux compter sur vous comme vous pouvez compter sur moi.

Vive la Thiérache,
Vive-la Picardie, 
Vive la République,
Vive la France.