Texte intégral
Marc Blondel : "Le RMI conduit à instaurer une plèbe"
Pour le secrétaire général de FO "le RMI a toujours été une fausse bonne idée". Selon lui, "l'étiage que l'on a mis en place crée dans la tête des gens une notion de revenu de subsistance.
Le quotidien : Le ministère du Travail a présenté mercredi deux chiffres. 20 700 emplois de plus pour le premier trimestre 1994 d'une part, et une hausse de 18,1 du nombre de RMIstes en un an d'autre part. Globalement, bonne ou mauvaise nouvelle ?
Marc Blondel : Mauvaise, évidemment. J'ai d'ailleurs toujours considéré que le RMI était une fausse bonne idée. On a voulu se débarrasser d'un problème en ruchant sur pied ce "revenu minimum d'insertion", mais il était certain dès le départ que la notion d'insertion disparaîtrait. Il n'y a pas plus d'insertion aujourd'hui qu'à l'époque pour ceux qui le perçoivent. Ces gens-là sont arrivés à un point où ils n'ont plus rien d'autre, Il aurait été plus sage de les laisser dans le régime d'assurance chômage en leur donnant un revenu de substitution.
Mais à l'époque, le gouvernement à mis en avant le problème des "chômeurs complaisants" et a estimé qu'il fallait prendre des mesures incitatives pour que ces chômeurs reprennent le travail, L'étiage que l'on a ainsi mis en place crée dans la tête des gens une notion de revenu de substitution, ce qui est très dangereux, Cela conduit à stratifier la société, à instaurer une plèbe, Le RMI est un ghetto.
Le quotidien : Le ministère a annoncé également 20 000 emplois de plus pour le premier trimestre…
Marc Blondel : C'est possible. Mais ce n'est pas tant le nombre que la nature de ces emplois qui est important, Les emplois de service posent le problème de la solvabilité. Qui va les payer ?
C'est pour cela que je défends la nation d'augmentation de salaire, et donc de pouvoir d'achat. C'est comme cela que l'on alimente les emplois de service. Mais parmi ces nouveaux emplois, combien y a-t-il d'emploi productifs ? Combien d'emploi industriels qui créent des richesses ? C'est là où je suis en désaccord avec la politique économique du gouvernement actuel, comme j'étais d'ailleurs en désaccord avec celle du gouvernement précédent puisque c'est la même. C'est une politique restrictive.
Maintenant, si parmi ces 20 000 emplois, il y en a une majorité dans le secteur industriel, ce ne serait plus un frémissement mais un début de réalisation.
Propos recueillis par Arnaud Hubert
Le Figaro
Contre le référendum
En matière sociale, la voie référendaire constitue un court-circuitage des structures de la démocratie.
Par Marc Blondel, Secrétaire général de Force Ouvrière
À maintes reprises ces dernières années nous avons expliqué que le chômage pesait lourdement sur les structures de la société et fragilisait la démocratie.
Complémentairement, nous indiquions que nous ne souhaitions pas que, par sentiment de démission ou d'échec des partis politique, le syndicalisme soit amené à apparente comme un recours, ce qui induirait une politisation de son rôle et de son action, non conforme à la nécessité de l'indépendance syndicale, indépendance liée dans les faits à l'existence de la démocratie.
Au fil du temps, la persistance et l'augmentation du chômage conduisent de fait des hommes politiques, y compris pour "se disculper" à formuler des propositions qui, si l'on n'y prend pas garde, auront des effets pervers et dangereux pour la démocratie.
Il en est ainsi quand certains plaident pour des structures de représentation spécifique des chômeurs, conduisant à les mettre dans un ghetto, en opposition avec ceux qui ont un travail. Ce qui constitue une tentative de transférer les oppositions d'intérêt en voulant introduire un conflit entre les travailleurs actifs et les travailleurs privés d'emploi.
C'est encore le cas, et c'est complémentaire, quand il est considéré que les syndicats ne représentent que les travailleurs actifs, ce qui est une leçon de les rendre responsables du chômage. C'est toujours le cas quand il est proposé un référendum "zéro exclusion" pour dépasser les prétendus conservatismes autobloquants pour la société, empêchant de prendre à bras le corps la question du chômage.
Dans cette logique, il est clair que sont visés ce qu'on appelle improprement les corps intermédiaires. Il s'agit bien entendu des syndicats qui, en campant sur la "défense des acquis" empêcheraient toute réforme. Que les syndicats soient amenés, ou plutôt contraints, ces dernières années à pratiquer souvent l'autodéfense est une évidence que nous n'avons jamais niée.
De quoi s'agit-il concrètement ?
Des conditions de travail, des salaires, de l'emploi, de la protection sociale collective : autant de domaines et questions essentielles pour l'ensemble des salariés, mais aussi pour la société dans son ensemble. Il est dès lors clair que ceux qui considèrent que la solution au chômage doit passer par la diminution des salaires, le partage du travail, la remise en cause des droits sociaux, c'est-à-dire la régression sociale, perçoivent le rôle du syndicat comme une rigidité. Mais, on peut penser qu'il s'agit aussi du Parlement, c'est-à-dire des élus de la Nation qui, pour des raisons qu'il ne nous appartient pas d'évoquer, seraient eux aussi des freins à la réforme.
Dans ces conditions, et sous ce regard, la voie référendaire constitue le court-circuitage des structures de la démocratie par délégation.
On retrouve ainsi l'appel à la démocratie dite directe, où le but recherché est bien souvent le plébiscite. Or, pour mille raisons, le référendum n'est pas toujours l'outil adapté, et peut souvent se révéler comme un outil préjudiciable à la démocratie.
Il suppose d'abord une égalité d'information des citoyens dont on sait, malheureusement, qu'elle est illusoire. C'est encore, selon le mode binaire des référendums, un outil souvent inapproprié.
Comment traiter du chômage sous tous ses aspects, au travers d'une logique simpliste : oui/non ? En permettant la manipulation, l'outil référendaire peut se révéler porteur de populisme.
Il serait quand même dangereux de considérer le référendum comme le moyen d'effectuer une révolution (au moins dans les esprits) sans pour autant remettre en cause les titulaires du pouvoir !
Plus sérieusement, les mouvements sur la laïcité et contre le CIP ont montré quo sur les valeurs essentielles les intéressés savaient réagir. De ce point de vue, le droit de manifester. Le droit de grève, sont plus expressifs et démonstratifs que le référendum. Mais, surtout, Il ne faudrait pas que ce soit l'occasion d'évacuer les questions de fond, par définition incompatibles avec la voie référendaire.
Quelle politique économique et sociale ? Quelle Europe ? Quelles conséquences à la révolution du temps et de l'espace a laquelle nous assistons ? Quelles relations internationales ? Quelles perspectives à moyen et long terme ? Quelles relations et priorités entre te social et l'économique ?
Force ouvrière hebdo
L'éditorial de Marc Blondel
Référendum et démocratie
* "Version complète de l'article paru dans le Figaro" du 26 mai 1994, sous le titre "contre le référendum".
À maintes reprises ces dernières années nous avons expliqué que le chômage pesait lourdement sur les structures de la société et fragilisait la démocratie. Ce fut d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles, en octobre 1991, force Ouvrière avait lancé une journée interprofessionnelle de grève contre le chômage
Complémentairement, nous indiquions que nous ne souhaitions pas que, par sentiment de démission ou d'échec des partis politique, le syndicalisme soit amené à apparente comme un recours, ce qui induirait une politisation de son rôle et de son action, non conforme à la nécessité de l'indépendance syndicale, indépendance liée dans les faits à l'existence de la démocratie.
Au fil du temps, la persistance et l'augmentation du chômage conduisent de fait des hommes politiques, y compris pour "se disculper" à formuler des propositions qui, si l'on n'y prend garde, auront des effets pervers et dangereux pour la démocratie.
Il en est ainsi quand certains plaident pour des structures de représentation spécifique des chômeurs, conduisant à les mettre dans un ghetto, en opposition avec ceux qui ont un travail. Ce qui constitue une tentative de transférer les oppositions d'intérêt en voulant introduire un conflit entre les travailleurs actifs et les travailleurs privés d'emploi.
C'est encore le cas, et c'est complémentaire, quand il est considéré que les syndicats ne représentent que les travailleurs actifs, ce qui est une leçon de les rendre responsables du chômage.
C'est toujours le cas quand il est proposé un référendum "zéro exclusion" pour dépasser les soi-disant conservatismes autobloquants pour la société, empêchant de prendre à bras-le-corps la question du chômage,
Dans cette logique, il est clair que sont visés ce qu'on appelle improprement les corps intermédiaires fait apparaître les structures concernées comme des écrans superfétatoires.
Il s'agit bien entendu des syndicats qui, en campant sur la "défense des acquis" empêcheraient toute réforme.
Que les syndicats soient amenés, ou plutôt contraints, ces dernières années à pratiquer souvent l'autodéfense, est une évidence que nous n'avons jamais niée.
De quoi s'agit-il concrètement ?
Des conditions de travail, des salaires, de l'emploi, de la protection sociale collective : autant de domaines et questions essentiels pour l'ensemble des salariés, mais aussi pour la société dans son ensemble.
Il est dès lors clair que ceux qui considèrent que la solution au chômage doit passer par la diminution des salaires, le partage du travail, la remise en cause des droits sociaux, c'est-à-dire la régression sociale, perçoivent le rôle du syndicat comme une rigidité.
Mais, on peut penser qu'il s'agit aussi du Parlement, c'est-à-dire des élus de la Nation qui, pour des raisons qu'il ne nous appartient pas d'évoquer, seraient eux aussi des freins à la réforme.
Dans ces conditions, et sous ce regard, la voie référendaire constitue le court-circuitage des structures de la démocratie par délégation.
On retrouve ainsi l'appel à la démocratie dite directe, où le but recherché est bien souvent le plébiscite. Où le but recherché est bien souvent le plébiscite.
Or, pour moult raisons, le référendum n'est pas toujours l'outil adapté, mais peut souvent se révéler comme un outil préjudiciable à la démocratie.
Il suppose d'abord une égalité d'information des citoyens dont on sait, malheureusement, qu'elle est illusoire.
Faut-il rappeler certains commentaires, après le référendum sur Maastricht, selon lesquels les citoyens les plus intelligents auraient voté oui…
C'est encore, selon le mode binaire des référendums, un outil souvent inapproprié.
Comment traiter du chômage sous tous ses aspects au travers d'une logique simpliste oui/non.
En permettant la manipulation, l'outil référendaire peut se révéler porteur de populisme.
Il serait quand même dangereux de considérer le référendum comme le moyen d'effectuer une révolution (au moins dans les esprits), sans pour autant remettre en cause les titulaires du pouvoir !
Plus sérieusement, les mouvements sur la laïcité et contre le CIP ont montré que sur les valeurs essentielles, les intéressés savaient réagir. De ce point de vue, le droit de manifester, le droit de grève, sont plus expressifs et démonstratifs que le référendum.
Mais, surtout, il ne faudrait pas que ce soit l'occasion d'évacuer les questions de fond, par définition incompatibles avec la voie référendaire.
Quelle politique économique et sociale ?
Quelle Europe ?
Quelles conséquences à la révolution du temps et de l'espace à laquelle nous assistons ?
Quelles relations internationales ?
Quelles perspectives à moyen et long termes ?
Quelles relations et priorités entre le social et l'économique ?
On ne joue pas avec la démocratie. Le dicton ne dit-il pas : qui veut tuer son chien, l'accuse de la rage.