Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, dans "Ouest-France" du 13 août 1998, sur les perspectives pour le sport après la Coupe du monde de football et sur la lutte contre le dopage.

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Média : Ouest France

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Ouest-France
La Coupe du monde a remué toute la France. Demain il va falloir (bien) « digérer » cet événement. Sommes-nous capables de gagner ce nouveau défi ?

Marie-George Buffet
- « Outre bien sûr qu’il a remporté la coupe, notre pays a montré qu’il avait la capacité d’organiser une manifestation de cette ampleur. Mais pour moi, l’essentiel vient aussi de ce qui s’est passé autour du Mondial, au niveau des quartiers, des clubs, des associations. La priorité est de ne pas gâcher cet esprit. Dès septembre, avec le soutien de nos partenaires, nous allons donc lancer une grande opération nationale sur le thème « 99, esprit Coupe du monde ». En relation avec toutes les associations, pas seulement celles qui proposent du foot. Dans la foulée de cet enthousiasme collectif, nous devons montrer que la France qui bouge ne s’est pas arrêtée en juillet. Il va donc falloir également travailler aux rapports futurs entre le public et le sport, ne pas perdre les acquis. D’où l’idée d’une incitation, type « carte jeunes », permettant à beaucoup de continuer à venir dans les stades à des conditions financières raisonnables.
Par ailleurs, et sur un plan plus général maintenant, nous allons également travailler, avec le mouvement sportif, à la mise en place d’aides facilitant l’accès de tous à la licence sportive. Dès cette année, 70 000 familles bénéficiant de l’allocation de rentrée scolaire pourraient être concernées. »

Ouest-France
La France, championne du monde de football, a désormais un rôle de leader à tenir. Ce ne sera sûrement pas facile…

Marie-George Buffet
- « Nous avons la capacité de poursuivre sur la lancée du Mondial, parce que nous avons un sport de masse, amateur, très important et un haut niveau de qualité. Nous allons travailler à la cohésion de toutes ces composantes pour, qu’ensemble, elles tirent vers le haut. »

Ouest-France
Il n’en reste pas moins vrai que l’étranger attire toujours de nombreux sportifs français, footballeurs entre autres…

Marie-George Buffet
- « Je crois que nous ne pourrons pas répondre seuls à ces problèmes. De notre côté, nous pouvons certes travailler sur des sujets spécifiques, comme la fiscalité, mais il faudra des réponses globales cohérents au niveau de l’Europe. Le 10 juin, dans le cadre du Mondial, nous en avons déjà parlé ; début 99, sous la présidence autrichienne, j’espère que le sujet viendra en discussion, officiellement cette fois, entre tous les ministres européens des Sports. »

Ouest-France
Après le Mondial, le dopage. Le cyclisme est au cœur de la tempête. Comment réagissez-vous alors que les affaires se multiplient ?

Marie-George Buffet
- « Le dopage, hélas, ne touche pas uniquement le cyclisme et pas seulement le haut niveau. Des championnats départementaux sont concernés, souvent des sportifs très jeunes. Il faut être déterminé, et je le suis, à lutter contre cela. Le projet de loi, voté à l’unanimité par le Sénat, viendra devant l’Assemblée nationale le 18 novembre. Il permettra de développer la prévention, par un suivi de la santé des athlètes, en relation avec le mouvement sportif. Je crois qu’il faut, entre autres, réfléchir aux calendriers proposés aux sportifs. On leur demande de plus en plus. Certains sont sûrement aussi trop dépendants du système, des contrats qu’ils ont signés… Enfin, on va durcir la loi contre les pourvoyeurs. Il faut toucher les filières et assécher la source. »

Ouest-France
On a aussi parlé d’une commission indépendante…

Marie-George Buffet
- « Une commission complètement indépendante, composée de magistrats, de scientifiques, etc, va se mettre en place. Elle suivra, aidera et conseillera les Fédérations et l’ensemble des parties prenantes. Sans aucune pression. Je suis persuadée qu’il y a une mobilisation réelle du mouvement sportif et en tout cas une détermination du Gouvernement à vouloir faire reculer le fléau pour qu’il ne soit pas un jour banalisé. »

Ouest-France
Sur le Tour, on a beaucoup évoqué l’action de la justice et de la police. Justifiée, exagérée ?

Marie-George Buffet
- « L’encadrement, les sportifs, ont les mêmes devoirs mais aussi les mêmes droits que tous les citoyens. Dans certaines affaires, la recherche de médiatisation n’est pas souhaitable. Il faut de toute manière respecter la présomption d’innocence. Je suis très attentive à cela. »

Ouest-France
En résumé, le sport français : bien portant ou un peu malade quand même : du dopage, de l’argent, de la crise du bénévolat ?

Marie-George Buffet
- « Le sport est menacé. Il faudra donc, comme partout, combattre le dopage, mais aussi savoir maîtriser l’argent et tout ce qui aurait tendance à en faire un sport-spectacle. En ce qui concerne le bénévolat, un important travail de fond est à venir. Dès janvier-février 99, le Premier ministre devrait annoncer une série de mesures dans cette direction. »