Texte intégral
LA TRIBUNE - 18 juin 1998
La Tribune : Approuvez-vous les orientations du projet de loi agricole que Louis Le Pensec vient de présenter ?
Pascal Coste : « Le CNJA ne peut qu'approuver les missions qualitatives que ce projet confie à l'agriculture. A travers le contrat territorial d'exploitation qui marie l'économie avec le territoire, le texte crée un outil pour les remplir. Reste à voir maintenant comment, concrètement, ces contrats seront mis en place à différents niveaux nationaux et locaux, comment ils seront financés, comment ils seront articulés par rapport au projet de réforme de la politique agricole de la Commission de Bruxelles. Bref ! Nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée, mais nous ne donnons pas de chèque en blanc au Gouvernement. »
La Tribune : Envisagez-vous la remise à disposition des Etats membres d'une partie du budget agricole européen ?
- « On peut effectivement basculer une partie des crédits communautaires pour gérer le contrat territorial d'exploitation. Encore faut-il créer la mécanique de modulation qui permettra de réaliser ce transfert. En tout état de cause, l'outil doit être européen et applicable à l'ensemble des Etats membres. Et, pour être dynamique, et non plus horizontale, la règle de prélèvement doit croiser plusieurs critères : l'emploi, le revenu et les droits à produire. Cependant, les crédits générés dans un pays doivent rester à la disposition de ce pays. »
La Tribune : Faut-il prendre en compte aussi les soutiens indirects, comme dans les secteurs du sucre ou du lait, pour renflouer les crédits mis à la disposition des États membres ?
- « Le rééquilibrage des aides publiques doit forcément tenir compte de tous les soutiens, y compris les aides indirectes. Il nous faudra parvenir établir des équivalences pour permettre d'intégrer l’ensemble des facteurs qui font le revenu d’une exploitation. »
La Tribune : Comment définissez-vous la fonction de production de l’agriculture ?
- « Même si nous aurons toujours besoin d'une production de masse, de matière première, la tendance lourde des années passées nous incite à aller vers des produits plus élaborés. Demain, il faudra encore davantage renforcer la production à haute valeur ajoutée pour deux raisons. Les pays d'Europe centrale et orientale qui vont rejoindre l'Union européenne seront beaucoup plus compétitifs que nous sur les marchés de matières premières. Les produits à haute valeur ajoutée sont exportés sans subventions, donc hors contingentement de l'Organisation mondiale du commerce. Pour un pays exportateur comme la France, réorienter la production agricole vers la valeur ajoutée revient à faire coup double. »
LA DÉPÊCHE - 18 juin 1998
Q - Vous accueillez le ministre de I' Agriculture au congrès. Qu’allez-vous lui demander ?
- « D'abord de compléter la loi d’orientation sur certains points comme la transmission d’exploitation, la définition du statut de l'agriculteur, l'adoption de mesures fiscales séparant le revenu du travail et le revenu réinvesti. Nous allons aussi marquer notre attachement au contrat territorial et à ses effets attendus, en particulier dans la création d'activités nouvelles et la reconnaissance des services rendus par I' agriculture hors sa fonction de production. Sur le projet PAC 2000, nous demanderons au ministre de la fermeté pour préserver les instruments de régulation du marché, et mieux intégrer la multifonctionnalité de l'agriculture.
Enfin, nous voulons rompre avec une logique anti-jeune qui voit les primes accordées en fonction des surfaces et des quantités produites. Nous sommes pour une modulation dynamique des aides. »
Q - Après la très médiatique Christiane Lambert, y aura-t-il un style Pascal Coste ?
- « J'ai eu la chance de participer à un gros travail de réflexion avec Christiane Lambert. L'ensemble de la nouvelle équipe va le poursuivre. Ce qui change, c’est le contexte. Après quatre années d'accalmie syndicale entre deux réformes, nous allons mettre en musique notre révolution culturelle. »
Q - Vous êtes corrézien. On vous présente comme un satellite de l’Elysée...
- « Je pourrais tout aussi bien être considéré comme un satellite de mon député, François Hollande... Les agriculteurs qui m’ont élu ne se posent pas cette question. Le CNJA a toujours été l'aiguillon de la profession, quel que soit le gouvernement en place. »