Texte intégral
Michèle COTTA : Alors réunis sur ce plateau des invités favorables à l’ouverture anticipée de la chasse aux oiseaux migrateurs et puis des invités qui lui sont hostiles.
Alors parmi les favorables, Anne HEINIS qui est sénateur indépendant de la Manche et rapporteur de la loi au Sénat, la proposition de loi qui vient d'être adoptée.
Didier FREMAUX qui est président du Conseil départemental des chasseurs de gibier d’eau au Pas-de-Calais. Vous êtes, vous, conseiller général avec l'étiquette « Chasse, Pêche, Nature et Traditions ».
Michel SUCHOD, député « Mouvement des citoyens » de Dordogne. Pas de socialistes. Je suis incapable de savoir si c'est les occupations qui les retenaient dans leur circonscription ou une volonté de ne pas participer à ce débat.
Contre alors l'avancée des dates de chasse, Marie-Hélène AUBERT, députée Les Verts d’Eure-et-Loir.
Simon CHARBONNEAU, président de l'association « Pour une chasse écologiquement responsable ».
Corinne LEPAGE, ancien ministre de l'environnement, maintenant président du club CAP 21 et autre ancien ministre de l’environnement, Brice LALONDE. Vous êtres président de « Génération écologie. »
Je vous préviens tous qu'on va peut-être s'interrompre suivant la chronologie des faits pour l’hommage rendu à Monsieur TABARL Y qui doit se passer entre 11 h 30 et 12 h 35. Alors Didier FREMAUX, au fond, la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée aboutit à faire passer la durée de chasse de cinq mois à sept mois et demi. Est-ce que ce n'est pas beaucoup ? Est-ce que ce n'est pas comme disent les gens tuer l’œuf... ?
Didier FREMAUX : Non, pas du tout. Je crois que là, dès le départ, il y a une erreur, une erreur assez grave qui a été certainement lancée par certains, certaines associations au niveau des médias...
Michèle COTTA : Mal intentionnée ?
Didier FREMAUX : C'est qu'il n'y a pas du tout à la suite de cette loi qui vient d'être votée un allongement de la période de chasse mais qu'au contraire on reste sur la période de chasse telle qu'on l'a connaît, l’année dernière, l’année encore avant etc. Depuis déjà une dizaine d'années, on a cette période de chasse qui se situe au plus tôt à la mi-juillet selon les départements et qui se termine fin février. Alors il faut savoir que cette période de chasse a déjà été énormément raccourcie en 79 où on a limité la fermeture au 21 mars, c'est-à-dire, a la première journée du printemps. On avait là une chasse qui se pratiquait jusqu'à la fin de l'hiver. Ensuite, on est arrivé au 28 février. Et pour les dates d'ouverture de la chasse du gibier d'eau, les premières dates traditionnelles, c'était le 14 juillet, la mi-juillet. On est arrivé au samedi suivant et avec un certain décalage dans les marées. Donc, il est absolument faux de dire que les périodes ont été allongées, les périodes ont été maintenues.
Michèle COTTA : Je suppose quand même que si les technocrates de Bruxelles comme vous les appelez ont dit qu’il ne fallait pas chasser à partir du début du mois de juillet, c'est bien pour une raison.
Anne HEINIS : Mais non. Je crois, Madame, qu'il y a une extraordinaire désinformation sur ce sujet. Les directives de Bruxelles ne parlent pas de dates. Je l'ai, la directive, je peux vous la montrer. Il n'y a aucune date dans la directive. C'est le rôle des pays membres de fixer des dates pour respecter les objectifs de la directive. Les dates actuelles, il faut savoir qu'elles ont été si vous voulez accepter par la Commission de Bruxelles, par l'Europe il y a déjà plusieurs années et ce n’est pas du tout nous qui les avons inventées, c'est le Comité ORNIS (phon). Et le Comité ORNIS... mais si, Madame LEPAGE, je regrette de vous le dire. C'est écrit en toutes lettres dans tous les textes que j'ai lus. Et ce Comité ORNIS a validé en quelque sorte avec des experts des dates dont il ne m'appartient pas de dire si elles sont justes ou pas, je n'en sais rien, mais en tous les cas, ça été validé par ce comité fait pour ça. Et c'est là-dessus qu'on s'appuie.
Michèle COTTA : Alors vous, vous dites, pas du tout, le lobby de la chasse n’est pas du tout intervenu, ce n'est pas par clientélisme qu'on fait ça. Je ne suis pas sûre que Brice LALONDE…
Anne HEINIS : Je ne vous ai parlé ni de clientélisme, ni de lobby. Je vous ai dit l'origine de ces dates.
Michèle COTTA : Absolument, alors…
Didier FREMAUX : Il y a eu des enquêtes scientifiques, il faut le dire. II y a un rapport de l'OMS et du Muséum qui ont conforté ces dates.
Marie-Hélène AUBERT : II y a un point sur lequel Madame a raison, c'est qu'en effet la directive ne fixe pas de dates mais, mais elle précise quelque chose d'extrêmement important, c'est que l'objectif est une protection complète des espèces d'oiseaux migrateurs concernés et notamment qu'il ne faut pas les chasser en périodes prénuptiales ou en périodes de retour, donc dans des périodes où elles sont évidemment fragilisées. Ça implique que, par simple bon sens, eh bien, il faut limiter effectivement les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse. Certains proposent le 31 janvier comme fermeture pour toutes les espèces, d'autres proposent, enfin les mêmes, une ouverture au 1er septembre. Il y a eu un compromis d'ailleurs qui se dessinait pour le 15 août.
Didier FREMAUX : Non, non, pas du tout, pas du tout. Nous n'avons jamais accepté le moindre compromis dans ce domaine.
Marie-Hélène AUBERT : Alors ça, on a remarqué que vous n'acceptiez rien du tout, ça, c'est clair.
Didier FREMAUX : Pour nous, l’ouverture, c'est à la mi-juillet depuis des années, ça correspond à un niveau de la nidification...
Michèle COTTA : Ne parlez pas tous les trois, s'il vous plaît. Monsieur, vous aurez la parole.
Michel SUCHOD : Moi, je voudrais répondre à la question « est-ce le lobby ? » parce que...
Michèle COTTA : Ça vous tourmente, ça.
Michel SUCHOD : Eh oui, parce que nous sommes suspectés, la majorité du Sénat et l'écrasante majorité de l'Assemblée, d'agir sous la pression d'un lobby. C'est assez grave. Et du reste, vous montrez les photos des manifestations de février etc.
Michèle COTTA : Oui, ça, on ne peut pas les oublier.
Michel SUCHOD : Bien sûr, mais ce que je peux vous dire, c'est que, ce qu'on ne comprend peut-être pas, c'est que le monde rural est extrêmement attaché au droit de la chasse. C'est une conquête de la Révolution.
Marie-Hélène AUBERT : Mais personne ne la remet en cause.
Michel SUCHOD : Mais si, mais si, Marie-Hélène. Et par conséquent, toute cette pratique si vous voulez qui tente à diminuer ce droit de chasse est considéré comme une atteinte à ce droit, et je dois vous dire...
Michèle COTTA : On reparlera si vous voulez des conquêtes de la Révolution. On s'interrompt pour l'hommage à Éric TABARLY que nous avons en direct. Voici donc les deux couronnes. Benoît DUQUESNE est en direct.
Benoît DUQUESNE : Nous sommes ici en rade de Brest à bord de la frégate « De Grasse ». C'est là que se trouvent le chef de l'État, Madame TABARLY, ses proches. Et après une minute de silence qui vient de se dérouler, le chef de l'État, Madame TABARLY et deux élèves de l'école navale vont jeter cette couronne à la mer en signe d'hommage à ce grand marin disparu qu'est Éric TABARLY. C'est assez frappant ici depuis que nous sommes là autour de cette rade de Brest de voir à quel point cet homme a pu marquer à la fois des générations de navigateurs de plaisance, de sportifs mais aussi tout ce monde de la mer qui était excessivement sensible à l'image à la fois qu'il a donné de la mer et puis de l'homme qu'il véhiculait à travers son attitude au cours de toutes ces années. II y a là autour de cette frégate « De Grasse » un ensemble assez impressionnant de bateaux. Vous les verrez sans doute tout à l'heure. Les choses étaient très simples ici. La cérémonie à laquelle on a assisté était d'une grande simplicité. Et voici cette couronne qui est jetée à la mer. C'est une tradition, vous savez, ici dans le monde maritime. Lorsqu'un marin disparaît en mer, il est d'usage de célébrer sa mémoire de cette façon. Et on attend maintenant cinq coups de canon.
Michèle COTTA : Merci, Benoît DUQUESNE, pour cette cérémonie rapide mais émouvante à laquelle donc participaient le Président de la République et l’épouse de TABARLV Attendez, Monsieur SUCHOD n'a pas tout à fait fini, pardon. Je l'ai interrompu d'une manière rapide et presque grossière. Allons-y, finissez et puis vous aurez des interlocuteurs.
Michel SUCHOD : Mais l'événement le justifiait tout à fait. Simplement, je voulais dire aussi que si le Parlement s'est prononcé ainsi unanimement, c'est qu'il y a le sentiment partagé par les plus hautes autorités de l'État et notamment le Président de la République, il l'a redit à Cardiff, que les directives européennes ont exagéré. On a couvert trop de domaines. On a imposé trop aux États nationaux. Et on estime que ce problème-là comme peut-être la définition de qu'est-ce qu'un fromage ou d'autres affaires, cela nous concerne nous d'abord et que, par conséquent, c'est une sorte de révolte des deux assemblées du Parlement contre l'excès des directives. C'est ça, le problème au-delà des contestations sur les durées de la chasse.
Michèle COTTA : Je ne suis pas sûre que votre voisine soit d'accord ni même Monsieur CHARBONNEAU.
Corinne LEPAGE : Je voudrais dire trois choses. La première, c'est que, manifestement, on est en face de l'échec d'une concertation qui aurait dû avoir lieu car quand on entend Marie-Hélène AUBERT dire : « on n'est pas contre la chasse » et le représentant de CPNT dire : « si », manifestement, il y a quelque chose qui ne s'est pas passé et qui aurait dû se passer, première observation, et je crois que cette concertation, elle aurait permis d'éviter l'humiliation qu'a subie le ministre de l'environnement. C'est un premier point. Deuxièmement, il y a incontestablement un problème de droit communautaire et il faut être très clair sur le fait que la loi qui vient d'être votée ne change strictement rien. Philippe de VILLIERS, vous disiez tout à l'heure qu'avec Amsterdam le droit communautaire allait primer sur le droit national. C'est déjà le cas et le Conseil d'État fait déjà primer le droit communautaire sur le droit national y compris la loi. Par conséquent, ça ne change rien. Reste, qui va payer les 500.000 francs par jour que cette affaire peut risquer de coûter ? C'est le contribuable français qui va payer. Ça, ce n'est pas les chasseurs. Donc, c'est un deuxième problème. Troisième problème, est-ce que ce n'est pas un précédent dangereux ? Qu'il y ait un problème au niveau de la subsidiarité, je veux bien, c'est vrai et c'est une question qui doit être discutée. Qu'il y ait un problème au niveau de la tradition française très forte dans ce domaine du monde rural, c'est vrai, il faut en... non mais c'est vrai, il faut en discuter. Mais je ne crois pas que ce soit en prenant des positions aussi anti-communautaires et provocatrices à la limite que cela que nous allons résoudre le problème.
Michèle COTTA : Monsieur CHARBONNEAU, vous êtes responsable de cette association Pour une chasse écologiquement...
Simon CHARBONNEAU : J'aimerais dire... c'est important.
Michèle COTTA : On va vous laisser répondre mais c'est important de voir qu'un autre chasseur n'est pas sur la position de « Chasse, Pêche, Culture (sic) et Traditions ». Monsieur CHARBONNEAU, qu'est-ce que vous diriez, vous ?
Simon CHARBONNEAU : Écoutez, chez nous, on a toujours défendu l’identité culturelle et les traditions. Je pense que ça fait d'ailleurs partie des préoccupations écologiques mais que le problème, c'est que, pour que les traditions continuent à s'exercer, il faut tenir compte de la réalité biologique. Et moi, je vais vous dire une chose, je suis chasseur de grives. Dans le Sud-Ouest, il y a une chute de population qui est spectaculaire. Alors est-ce qu'on peut continuer à revendiquer des traditions suicidaires ? II faut tout simplement avoir une perspective gestionnaire qui permette à ces traditions de continuer s'exercer. On est en pleine polémique, je veux dire, les problèmes sont mal posés au départ. Il y a un côté passionnel et en plus, je pense que, politiquement, c'est un terrain un peu de défouloir parce qu'on a beaucoup avalé de couleuvres dans certains domaines tels que l'euro, le maïs transgénique etc. Donc, on va un peu se défouler sur le domaine de la chasse. Alors la chasse, alors Ià on est d'un nationalisme à tous crins. C'est dommage parce que, quand même, si une réglementation européenne concernant les oiseaux migrateurs a quand même une raison ou du moins même au-delà de l'Europe, je veux dire, une réglementation transnationale, c'est bien sûr les oiseaux migrateurs. Je veux dire, il faut arrêter de faire de l'exception culturelle un peu trop bornée. Moi, je suis pour les compromis.
Didier FREMAUX : Sur ce que vient de dire Monsieur CHARBONNEAU et je voudrais aussi réagir sur une question beaucoup plus intéressante de Madame LEPAGE. D'une part, monsieur CHARBONNEAU, je voudrais rappeler, qu’il représente l'association des chasseurs...
Michèle COTTA : Écologiquement responsables... ça vous paraît incompatible ?
Didier FREMAUX : Enfin, ne pinaillons pas sur les points. C'est une association qui regroupe quelques dizaines de membres et qui est tout à fait minoritaire au niveau français quelques dizaines de membres et qui est tout à fait minoritaire au niveau français.
Simon CHARBONNEAU : Attendez, ça, c'est de la diffamation.
Didier FREMAUX : Et j'en ai d'ailleurs pour preuve une pétition qui est en train de circuler au niveau des fédérations départementales de chasseurs et qui dit que l'ANCER ne défend pas les thèses des chasseurs mais celles de leurs opposants. Il apparaît donc particulièrement inopportun pour ne pas dire hypocrite de placer l'ANCER parmi les représentants des intérêts des chasseurs.
Michèle COTTA : Vous réglerez peut-être vos problèmes de chasseurs en sortant.
Didier FREMAUX : Cette pétition a été signée par 50 présidents de fédération départementale de chasse. Donc, Monsieur CHARBONNEAU, évidemment, il est tout à fait normal qu'il puisse s'exprimer. Ça, je le conçois tout à fait. Mais, il faut savoir que Monsieur CHARBONNEAU ne rassemble que 0,01 %, ça, c'est clair.
Michèle COTTA : Monsieur CHARBONNEAU, vous répondez mais brièvement parce que...
Simon CHARBONNEAU : Je voudrais dire que, puisqu'on parle comme ça, brièvement, je dirais, sur ce dossier, je veux dire, la chasse française est l'otage d'une minorité de chasseurs qui sont les sauvaginiers. Vous représentez 3 % de la classe française et vous ne pouvez pas prétendre...
Didier FREMAUX : 3 % de la chasse française, les sauvaginiers ? Mais il faudra vous renseigner Monsieur CHARBONNEAU.
Anne HEINIS : Je voudrais intervenir sur trois points, l’un très vite réglé. C'est l’histoire des plans de gestion. Nous avons introduit dans la loi des plans de gestion justement...
Michèle COTTA : Des plans de gestion, c’est-à-dire ?
Anne HEINIS : Eh bien, ce sont des plans qui permettent de surveiller l’état de conservation d'une espèce et de son biotope et de prendre des mesures si on estime que cette espèce est en voie de conservation défavorable, de prendre des mesures justement pour la protéger et de ne pas en prendre lorsque... vous permettez madame.
Marie-Hélène AUBERT : ...La loi propose des dates très précises qui débordent largement...
Anne HEINIS : Vous permettez une petite seconde. Ce n'est pas nous qui avons proposé ces dates. Elles existent et elles ont été faites au niveau européen il y a plusieurs années.
Marie-Hélène AUBERT : Vous venez de dire le contraire.
Anne HEINIS : Mais pas du tout. Les plans de gestion après permettent par rapport à ces dates si on estime, si on découvre qu'elles ne sont pas bonnes de pouvoir le corriger. C'est ça, l'objectif du plan de gestion. Deuxième chose, Madame AUBERT a parlé de la protection complète. C'est un des sujets de contentieux si j'ose dire européano-européen car c'est un contentieux qui existe entre la Cour de justice européenne et ses décisions, le Parlement européen et la Commission européenne. Jamais la directive n'a parlé de protection complète.
Michèle COTTA : Protection complète, c'est-à-dire qu'on déclare une espèce...
Marie-Hélène AUBERT : C'est qu'on ne chasse pas les espèces quand elles sont fragilisées, c'est tout.
Anne HEINIS : Mais oui, mais c'est un grand problème, Madame. C'est-à-dire qu'on surprotège une espèce et quand on surprotège une espèce de façon définie, elle devient un fléau pour les autres. Prenez l'exemple des cormorans.
Corinne LEPAGE : Mais on l’a modifié.
Anne HEINIS : Oui mais pas suffisamment, Madame en 79...
Corinne LEPAGE : Je l’ai fait modifier précisément pour ça.
Anne HEINIS : C'est vrai, c'est vrai, vous avez permis la destruction des œufs. En 79, il y avait 30 000 cormorans. On a jugé probablement à juste raison qu'il n'y en avait pas assez. On a donc décidé la protection complète moyennant quoi, aujourd'hui, vous en avez 800 000 et on en prévoit 2.000.000 pour l'an 2000. Or, qu'est-ce que font ces cormorans ? Ils vident les rivières, les piscicultures et ils mangent quantités d'espèces de poissons qui, de ce fait, disparaissent...
Corinne LEPAGE : J'ai fait la législation communautaire pour ça.
Michèle COTTA : La question qu'on peut poser à tout le monde, peut-on chasser des espèces en voie de disparition on est-ce qu'on peut ignorer complètement qu'elles sont en voie de disparition et continuer à les chasser ?
Anne HEINIS : Par définition, on ne chasse pas une espèce en voie de disparition.
Didier FREMAUX : Il y a des espèces qui sont classées protégées.
Michèle COTTA : Attendez, j'aimerais bien que Brice LALONDE vous réponde sur ce point.
Anne HEINIS : Permettez Monsieur le ministre, juste un tout petit mot parce que c'est important. La loi que nous avons votée et que j'ai eu l'honneur de rapporter, j'en suis très fière – je ne voudrais surtout pas qu'on croit que je viens ici avec un autre sentiment – n'est pas du tout basée sur une position anti communautaire, bien au contraire ! J'ai eu de... non, mais je regrette de le dire, j'ai eu de très nombreux échanges avec la Commission...
Miche SUCHOD : C'est comme ça que vous avez trouvé votre majorité aux deux chambres tout de même, par l'anti communautaire.
Anne HEINIS : Mais pas du tout, c'est exactement le contraire.
Michel SUCHOD : Je sais tout de même pourquoi j'ai voté.
Anne HEINIS : J'ai même dit dans l'exposé des motifs...
Michel SUCHOD : Oui mais c'est ce que vous avez dit mais ce n’est pas la raison pour laquelle moi et mes amis avons voté.
Brice LALONDE : Cette polémique est intéressante parce que, de mon point de vue, je trouve qu'il y a énormément d'hypocrisie dans tout ça et qu'on assiste à une espèce de farce française. La première hypocrisie, c'est, excusez-moi, c'est celle du Premier ministre. Le Gouvernement est maître de l'ordre du Jour au Parlement. Et comment ça se fait que, tout d'un coup, cette loi arrive alors qu'il y a une proposition de loi sur, je ne sais pas, moi, sur 500 qui arrivent à l'ordre du jour, tiens, celle-là, elle arrive comme par hasard et comme par hasard, le parti dominant la vote. Alors c'est très simple, ou bien le Gouvernement a été mis sévèrement en minorité et il en tire les conséquences, le Gouvernement, ou bien alors nous sommes devant une façon de gouverner tout à fait étrange ou un ministre – alors je ne sais pas si c'est avec sa complicité ou pas, il ne semble pas – est lâché par son Premier ministre. Et c'est la première fois dans l'histoire du ministère de l'environnement que nous assistons à un dessaisissement du ministère de l'environnement. Ce n'est plus le ministère de l'Environnement qui est responsable de la chasse maintenant, c'est le Parlement. C'est donc quand même, du point de vue du Gouvernement, du point de vue quand même de l’action écologique du Gouvernement, un recul majeur et franchement, je trouve que c'est assez grave. Alors pourquoi est-ce que c'est arrivé maintenant ? C'est vrai que, lorsqu'on regarde la loi elle-même, ce n'est pas exactement ce qu'on avait dit. Ça fixe les pratiques actuelles. Mais c'est arrivé parce que le ministre de l'environnement n'a pas voulu fixer les dates de la chasse prochaine. Comme il ne voulait pas fixer les dates actuelles, alors du coup, on demande au Parlement de le faire. Et donc, Madame LEPAGE à raison, il y a quand même une intransigeance excessive. Je me souviens – alors personnellement, j'ai été ministre de l'environnement, j'ai eu cette chance, cet honneur – et je me souviens avoir négocié avec les chasseurs et nous sommes passés sans problème. Alors pour le coup, excusez-moi, même si c'était peut-être difficile, nous sommes passés sans problème de la fin mars à la fin février, preuve que l'on peut discuter. Et ce qui est terrible si vous voulez, c'est que chacun veut maintenant avoir raison.
Michel SUCHOD : Sur la majorité plurielle, je dois dire une chose, deux choses du reste, le premier, je le redis, Monsieur CHARBONNEAU l'avait du reste pressenti, ce dossier sert d'exutoire à un problème plus général. Le problème plus général, c'est quel doit être le rôle de la directive en droit français ? Et ça ne peut pas continuer comme ça et le Président de la République lui-même l’a remarqué. Le deuxième point, c'est que cette action ne se déroule pas contre Madame VOYNET. Je suis moi-même le rapporteur du budget de l'environnement. Madame VOYNET va avoir un budget augmenté de 20% ce dont je me félicite...
Michèle COTTA : C'est un petit peu ennuyeux de la désavouer sur un sujet aussi important.
Michel SUCHOD : Mais c'est sur un sujet marginal parce que nous souhaitons, c'est que l’environnement s'occupe des ordures ménagères et des ordures nucléaires, des déchets, de l'eau, de la pollution, du bruit, de ce qui intéresse vraiment les Français et non pas des petits oiseaux parce que ça, c'est un sujet d'importance départementale.
Marie-Hélène AUBERT : Moi, je pense qu'il est clair que le Premier ministre a probablement sous-estimé ce dossier. On ne peut pas le cacher. La position du Gouvernement néanmoins a été très claire. Elle a été réaffirmée plusieurs fois au sein de l'Assemblée. Dominique VOYNET a reçu le soutien aussi très clairement de Monsieur VEDRINE, de Monsieur MOSCOVICI, de Monsieur VAILLANT et d'autres. Néanmoins, Lionel JOSPIN avait tout à fait la possibilité de ne pas laisser passer cette proposition de loi. Donc, nous espérons que la leçon portera parce qu'effectivement, c'est un dossier qui, certes, marginal dans les préoccupations des Français, c'est clair, mais qui néanmoins très symbolique effectivement d’un état d'esprit par rapport à l'Europe. C'est pour ça qu'il y a une grande confusion par rapport à ces questions-là et par rapport effectivement à une certaine inquiétude sur l'identité des territoires que nous défendons par ailleurs d'ailleurs et que tous les écologistes défendent. Alors sur le manque de concertation, alors je vois bien Brice LALONDE piquer Madame VOYNET comme il en a l'habitude.
Brice LALONDE : Les Verts.
Marie-Hélène AUBERT : Mais je rappelle tout de même que la directive date de 1979, que le problème traîne donc depuis bientôt vingt ans et qu'on ne peut pas accuser...
Anne HEINIS : Non, Madame. À l'époque, la transmission de la directive n'était pas obligatoire. C'est depuis l'acte unique qu'elle a été...
Marie-Hélène AUBERT : La directive a été adoptée par Monsieur BARRE, Premier ministre. Donc, cette question traîne depuis vingt ans. Manque de concertation. On voit l'état d'esprit de Monsieur qui refuse absolument tout compromis, tout changement de date.
Didier FREMAUX : On en a eu déjà suffisamment.
Marie-Hélène AUBERT : Alors comment on fait, Monsieur, pour se mettre autour d'une table comme l'a proposé Dominique VOYNET avec toutes les parties concernées ?
Brice LALONDE : Monsieur ne représente pas les chasseurs. Monsieur est un élu qui ne représente pas les chasseurs. Il vient des fédérations...
Anne HEINIS : Madame VOYNET n'a pas proposé de concertation.
Marie-Hélène AUBERT : Si, il y a une concertation en cours et on n'a même pris la peine, le temps de...
Anne HEINIS : Avec les gens qu'elle a désignés elle-même pour être sûrs qu'ils étaient de son bord,
Michèle COTTA : Philippe de VILLIERS qui n'a pas parlé sur ce sujet.
Philippe de VILLIERS : Moi, je voudrais dire, il y a deux débats, il y a un débat interne. Bon, Madame VOYNET n'aime pas les chasseurs.
Didier FREMAUX : Elle est membre des opposants à la chasse. Déjà là, il y a une anomalie. II y a une anomalie déjà là au départ, Monsieur de VILLIERS, vous en conviendrez.
Philippe de VILLIERS : Bien sûr.
Didier FREMAUX : En tant qu'opposant à la chasse, elle est ministre de l'environnement charge de la chasse. Donc, là, il y a quelque chose dès le départ.
Philippe de VILLIERS : Moi, quand j'écoute Madame VOYNET, moi, j'ai envie d'aller chercher un permis de chasse parce qu'elle préfère faire la défense des pétards aux cartouches des chasseurs.
Marie-Hélène AUBERT : C'est inadmissible ce que vous dites, Monsieur de VILLIERS, vraiment. C'est incroyable. Vous êtes le reflet justement d'une espèce de machisme ambiant.
Corinne LEPAGE : Exactement, moi, je voudrais souligner ça aussi parce que je trouve vraiment ça bas, vraiment.
Anne HEINIS : Mais chacun a le droit d'éprouver les sentiments qu'il veut.
Marie-Hélène AUBERT : Vous venez de... que vous êtes censé défendre avec des propos pareils.
Michèle COTTA : Ne parlez pas en même temps, ça suffit, pardon. Non, personne ne vous entend, Philippe de VILLIERS à la parole et il continue. Vous direz après ce que vous voulez.
Philippe de VILLIERS : Moi, je voudrais témoigner. Je suis président d'un conseil général. Dans mon département, les chasseurs sont des gens qui défendent l'environnement. Il faut arrêter de les mettre à part et de dire il y a d'un côté les défenseurs de l’écologie et de l'autre côté les chasseurs. Ça, c'est absurde et c'est tout à fait injuste. Moi, je ne suis pas chasseur, donc j'en parle librement. Mais il y a un autre débat qui a été abordé par monsieur SUCHOD à l'instant et Madame LEPAGE qui est le débat européen en effet. Qu'est-ce que nous dit madame VOYNET ce matin ? Elle nous dit : « de toute façon, la France va être condamnée par l'Europe à un demi-million par jour d'astreinte ». Mais où est-on là ? Voilà la souveraineté. Et Madame LEPAGE ajoute : « mais c'est déjà le cas, le droit communautaire est déjà supérieur au droit français ». Vous avez raison sauf que, maintenant, c'est la jurisprudence, Conseil d'État, Cour de cassation, mais demain, ça sera un traité, c'est-à-dire ad vitam aeternam, on ne pourra plus revenir dessus. On va constitutionnaliser en quelque sorte le dessaisissement de tous nos pouvoirs. Et alors je voudrais dire qu'aujourd'hui c'est la chasse...
Marie-Hélène AUBERT : Mais s'il y en a une qui doit être traitée au niveau européen, c'est bien celle-ci.
Philippe de VILLIERS : Attendez, je voudrais donner un exemple. Quand Monsieur CHIRAC et Monsieur KOHL parlaient à Cardiff il y a quelques heures de la question de la subsidiarité, c'est-à-dire, de l'idée de dire : « laissez-nous tranquille, les technocrates, laissez-nous discuter en paix de notre mode de vie, de nos traditions » etc. au même moment – c'est passé inaperçu – les ministres à Bruxelles votaient à l'unanimité une directive sur le diamètre des barreaux des cages à lions des zoos européens. Donc, ils sont incorrigibles. Et moi, cette Europe, je la rejette.
Brice LALONDE : Est-ce que quelqu'un peut aussi prendre la parole au nom des oiseaux quand même ? On est aussi chargé de défendre le patrimoine commun de l'humanité on pourrait dire quand même...
Didier FREMAUX : Et là, on est tout à fait d'accord pour y participer.
Brice LALONDE : Mais peut-être. C'est là que la négociation, la concertation a été insuffisante. Il y a une vraie question. II y a un patrimoine naturel très important. II est en voie de disparition ou il est menacé. Ces oiseaux migrent. Ils passent d'un pays à l'autre. Et donc, il n'est pas anormal que les différents États se mettent autour d'une table pour voir comment on peut régler la question. Et ce qui est très important pour les fédérations de chasseurs comme pour les associations d'environnement, il faut qu'elles contribuent à cet effort. Rien n'est meilleur que, par exemple, de recevoir un coup de fil quand on est dans la Manche, Madame le sénateur, des chasseurs par exemple irlandais qui disent : « attention, il y a un coup de gel » etc.
Anne HEINIS : Bien sûr, c'est très important.
Brice LALONDE : Il faut arriver à ça si vous voulez. Cette guerre est absurde. C'est vraiment dommage mais il faut que chacun comprenne que la contribution à une œuvre transnationale dans le domaine de l’environnement est indispensable.
Corinne LEPAGE : Il y a quand même deux questions qui sont au fond du débat, d'abord un aspect très machiste. Moi, j'ai été très choquée, je le dis très clairement, des propos qui ont été tenus notamment au moment de la manifestation des chasseurs à Paris contre Dominique VOYNET et là, il y a….
Philippe de VILLIERS : Mais vous avez vu comment elle parle des chasseurs, Madame VOYNET ?
Michèle COTTA : Pas dans les mêmes termes.
Corinne LEPAGE : Oui mais quand même, ce n’est pas pareil. Et deuxièmement, l'aspect très anti-européen. C'est un sujet qui peut paraître très léger à côté par exemple des OGM qui est infiniment plus important pour notre société que la question des chasseurs et des oiseaux, c'est bien plus fondamental mais sur un sujet hautement symbolique, nous avons la...
Philippe de VILLIERS : Et sur les OGM, qu'est-ce que fait l'Europe ? Elle se couche devant les Américains.
Corinne LEPAGE : Nous sommes d'accord. Je suis d'accord avec vous, monsieur de VILLIERS.
Philippe de VILLIERS : Parce qu’il y a des grandes multinationales derrière qui sont liées à la Commission de Bruxelles. Il faut oser le dire.
Michèle COTTA : Philippe de VILLIERS, vous laissez finir Corinne LEPAGE.
Corinne LEPAGE : Ce qui veut donc dire, c'est que, derrière ce sujet, on a pris un sujet apparemment minime pour mener un combat anti-européen. Il ne faut pas en être dupe, je crois que c'est tout à fait clair.
Michel SUCHOD : Deux choses. Sur Madame VOYNET, je dois dire que c'est très regrettable de la brûler en effigie ou de la prendre en effigie dans les manifestations d'autant que nous savons aujourd'hui comment ces choses commencent – je pense à Monsieur RABIN par exemple – nous ne savons jamais comment ces choses finissent parce qu'il y a toujours quelques excités. Donc, ça, c'est malencontreux et il faut renoncer à cela. Mais je dois dire qu'à l'inverse, quand j'entends Madame VOYNET ce matin dire : « oui, la France sera sanctionnée par une amende de 500 000 francs » etc. c'est extrêmement grave. C'est le même système... Mais non, mais ça veut dire que vous allez monter toute la population contre la construction européenne si vous faites cela parce que ça veut dire... c'est la même chose que les amendes de Maastricht du reste. Si nous ne respectons pas les critères, nous serons financièrement sanctionnés. Comment voulez-vous rendre l'Europe populaire si c'est une Europe de contraintes, c'est une Europe si vous voulez technocratique.
Brice LALONDE : Le respect de loi est quand même un principe extrêmement important. Ou bien dans notre pays nous expliquons à nos enfants dans les écoles qu'il faut obéir aux lois, à ce moment-là, ne les votons pas, à ce moment-là...
Michel SUCHOD : Des lois librement consenties par un Parlement, pas des lois faites par des technocrates, des lois faites par des commissaires européens qui n'ont de comptes à rendre à personne.
Brice LALONDE : Mais vous soutenez un Gouvernement qui continue cela alors.
Michèle COTTA : Monsieur FREMAUX, prenez la parole et gardez-la.
Didier FREMAUX : Madame LEPAGE nous disait tout à l'heure la prédominance de la directive sur la loi française. Alors Madame VOYNET a déclaré vendredi matin si la loi telle vient d'être élue par nos amis sénateurs et députés est appliquée, la France sera taxe d'amendes faramineuses. C'est scandaleux ! Alors ou Madame VOYNET dit vrai et alors c'est complètement scandaleux, c'est-à-dire que nos élus ne servent plus à rien etc.
Corinne LEPAGE : Elle dit vrai puisque la directive ne le permet pas.
Didier FREMAUX : Eh bien, c'est tout à fait scandaleux ! Nos élus donc doivent complètement s'aplatir devant les directives européennes. Et ça, c'est absolument inadmissible. On ne peut pas accepter des directives qui vont venir tous les jours réglementer les moindres activités de tous les Européens, du Nord au Sud.
Corinne Lepage : Alors modifions la directive. Quand une loi est mauvaise, on la change. Alors modifions la directive.
Didier FREMAUX : Modifions la directive, d'accord. Et c'est bien dans cet esprit que les chasseurs ont souhaité que la loi fixe pour cette année et peut-être les années suivantes ces dates et ensuite, on espère bien obtenir une modification de la directive.
Corinne Lepage : Essayons, mais nous sommes quinze en Europe.
Philippe de VILLIERS : C'est au Parlement français de dire ce qu'il entend faire pour le peuple français. Nous, les députés, nous sommes les représentants du peuple français. Je rejoins là tout à fait Monsieur SUCHOD. Seulement, je voudrais lui dire qu'il serait bon de dire à Monsieur CHEVÈNEMENT de rejoindre Charles PASQUA et moi-même...
Brice LALONDE : Exactement parce que c'est un grand débat dont les oiseaux sont les victimes.
Philippe de VILLIERS : Je suis sûr que Monsieur CHEVENEMENT n'est pas d'accord avec Madame VOYNET.
Simon CHARBONNEAU : Je voudrais simplement prendre la parole en tant que professeur de droit constitutionnel et rappeler qu'il n'y a pas que le droit européen qui est en cause dans cette affaire-là. Vous avez voté une loi qui est inconstitutionnelle, je veux dire, on va bientôt adopter une loi qui va fixer les dates des bancs des vendanges et de la cueillette des champignons. Mais où on va ? Je veux dire, là, on est en plein délire juridique.
Philippe de VILLIERS : Attendez, ce n'est pas nous. C'est l'Europe, ce sont les technocrates de Bruxelles qui s'occupent des cages à lions, de nos fromages, des cages de hamster etc. Donc, le message du Parlement français, il est simple, il consiste à dire aux technocrates de Bruxelles : « foutez-nous la paix, laissez-nous tranquilles, laissez-nous nos traditions, nos coutumes, notre mode de vie ! ».
Simon CHARBONNEAU :Vive l'Europe, vive la Nation !
Philippe de VILLIERS : Vive la Nation, vive l'Europe des nations.
Michèle COTTA : Merci beaucoup. A 13 heures, le journal sera présenté par Laurence PIQUET. C'était la dernière de « Polémiques » de la saison et comme vous l'avez vu, elle était particulièrement animée. J’espère quand même qu'au milieu des bruits divers, vous vous êtes fait une opinion. Donc, bonnes vacances ! On se retrouve début septembre.