Texte intégral
Dominique Perben : "J'ai le sentiment de mettre en pratique la politique que voulait le RPR"
Pour le ministre des DOM-TOM, qui fut secrétaire général adjoint du RPR aux côtés d'Alain Juppé, "les choses ne se présentent pas en termes d'affrontement ou de choix ». Il regrette les tensions qu'il observe entre le RPR et Matignon, mais estime "mettre en pratique la politique que nous avions voulue" du temps où il occupait "des responsabilités rue de Lille".
Le Quotidien : Avant mars 1993, vous avez été, aux côtés d'Alain Juppé, un des principaux animateurs du RPR. Vous êtes aujourd'hui ministre d'Édouard Balladur. Est-ce facile de concilier, comme le dit Juppé, la "fidélité" envers Chirac et la "loyauté" envers Balladur ?
Dominique Perben : Les choses ne se présentent pas en terme d'affrontement ou de choix. Dans l'exercice de mes fonctions gouvernementales, je ne me sens en aucune manière mal à l'aise. À mon poste, et sous l'autorité d'Édouard Balladur, j'ai le sentiment de mettre en pratique la politique que nous avions voulue du temps où j'occupais des responsabilités rue de Lille.
Le Quotidien : Seriez-vous le seul ministre RPR épargné par les tensions actuelles entre Matignon et la rue de Lille ?
Dominique Perben : J'observe qu'il y a effectivement des tensions entre le RPR et Matignon. Je le constate à regret.
Le Quotidien : Croyez-vous à la probabilité de calmer le jeu ?
Dominique Perben : Malheureusement pas dans l'immédiat. Mais je crois que la raison et l'intérêt bien compris de tous l'emporteront. Je souhaite que chacun y mette du sien pour que les clivages que l'on observe ne s'élargissent pas. Notre succès en 1995, auquel je travaille dans les fonctions qui m'ont été confiées, est à ce prix. Une élection présidentielle n'est jamais gagnée d'avance, et la division de notre camp serait le plus sûr moyen de perdre l'an prochain.
Le Quotidien : La loi Perben sur les DOM-TOM est aujourd'hui à mi-chemin de son périple parlementaire. Quel bilan dressez-vous au lendemain du vote des députés ?
Dominique Perben : Le travail des députés a été de bonne qualité. La discussion a permis d'apporter des améliorations intéressantes. L'ensemble du dispositif est complété par deux dispositions utiles. D'une part, les petits exploitants agricoles seront exonérés de cotisations sociales, les artisans des DOM bénéficieront, d'autre part, de l'exonération de charges sociales pour le deuxième et le troisième salarié.
Le Quotidien : N'êtes-vous pas déçu, de l'attitude de l'opposition, qui refuse de voter un texte qui apporte autant aux DOM ?
Dominique Perben : Politiquement le débat a été de très bonne qualité. Si les élus socialistes de l'outre-mer se sont finalement prononcés contre le texte, après avoir pourtant activement et positivement contribué à la discussion et après avoir approuvé bon nombre d'articles, c'est en réalité sous la pression des patrons métropolitains du PS. Je regrette que sur un texte qui engage l'avenir des départements d'outre-mer, les élus PS des DOM se soient laisser ainsi dicter leur vote par Paris.
Le Quotidien : Votre loi est très ambitieuse. Combien coûtera-t-elle au total ?
Dominique Perben : Le montant des efforts consentis est de l'ordre de 1,2 milliard de francs ; 1,4 si l'on y ajoute les dispositions en faveur du logement social annoncées par Édouard Balladur au cours de son voyage aux Antilles. Mais l'augmentation de deux points de la TVA allège la note d'environ 600 millions.
Il s'agit là de sommes importantes. Mais elles sont à la hauteur des enjeux, et elles permettront de rattraper le retard pris par l'outre-mer français au cours des dernières années. Notre effort est ainsi l'expression naturelle de la solidarité que nous devons à nos compatriotes d'outre-mer.
Le Quotidien : L'effort consenti en faveur de l'outre-mer est considération. Pourtant le débat s'est déroulé dans une certaine indifférence médiatique…
Dominique Perben : C'est vrai, et ce désintérêt est dramatique. Tout se passe comme si nos compatriotes de métropole n'avaient pas conscience de l'importance géostratégique de l'outre-mer. C'est aussi particulièrement regrettable en ce qui concerne les entreprises de l'Hexagone. Une fois la loi votée, je lancerai une importante action de communication pour faire connaître aux entreprises un dispositif fiscal et social particulièrement intéressant pour les investisseurs. Il sera désormais rentable de délocaliser vers les DOM, et non plus en direction des pays du tiers monde.
Le Quotidien : Au cours du débat, il n'a jamais été question d'un sujet, pourtant essentiel, à savoir l'explosion démographique qui menace de rendre toutes les mesures adoptées inefficaces. Allez-vous vous saisir de ce dossier ?
Dominique Perben : Ce problème est effectivement très préoccupant. Mais seulement à La Réunion, en Polynésie française et à Mayotte. On ne peut pas continuer au rythme actuel de l'augmentation de la population dans ce département et dans ce territoire. Mais le contrôle de la démographie ne s'impose pas du sommet. Il nous faudra accomplir un effort de persuasion. Et la bataille de la démographie ne pourra être gagnée, comme elle l'a été dans les autres collectivités française d'outre-mer, que si tout le monde prend conscience du problème et s'implique. Tout particulièrement les Églises.
Le Quotidien : Il est impossible de parler de l'outre-mer sans évoquer le lancinant problème de la corruption. À voir s'allonger, semaine après semaine, la liste des élus mis en examen et quelques fois incarcérés, on est effaré. Y-a-t-il quelque chose de pourri outre-mer ?
Dominique Perben : L'outre-mer n'a malheureusement pas le monopole des "affaires". Je constate que la justice y fait son travail sans faiblesse. La manière dont elle frappe tous azimuts commence à être bien comprise, et intégrée dans les comportements. La situation s'améliore donc incontestablement. C'est d'autant plus nécessaire que la corruption entache l'image de l'outre-mer, et provoque des réticences de la part des investisseurs qui répugnaient jusqu'ici à mettre le doigt dans quelque chose qui peut paraître dangereux.
Propos recueillis par Philippe Reinhard