Interview de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, dans "Ouest France" du 3 juillet 1998, sur la réforme de l'Etat, le rôle des fonctionnaires dans la modernisation de l'administration et les relations du Parti radical de gauche (PRG) avec la majorité gouvernementale.

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Média : Ouest France

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Alain Besson : Un récent rapport de la Cour des comptes juge l’administration française « opaque, lente, coûteuse et incohérente ». On peut difficilement être plus aimable. Votre réaction ?

Emile Zuccarelli : Le diagnostic ne date pas d’hier : il est ancien. En général, l’administration française est un élément de fierté pour notre pays, mais ceci compte des rigidités. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on s’est mis en tête de lui faire gagner en efficacité sans perdre bien entendu ses valeurs. Le constat du président Joxe est un constat que je peux faire mien dans une large mesure. Cela dit, il faut savoir que ceci ne se réglera pas par des effets d’annonce mais par une action déterminée et tenace et c’est ainsi que le Gouvernement l’a entreprise.

Alain Besson : Ceci regroupe-t-il ce qu’on appelle la réforme de l’Etat ?

Emile Zuccarelli : Effectivement, c’est la réforme de l’Etat. Ce qu’il faut tout d’abord, c’est se donner un objectif clair : améliorer le service donné à nos concitoyens. Ceci nous renvoie à la communication que j’ai faite au conseil des ministres du 5 novembre dernier et qui est notre charte.

Alain Besson : Concrètement ?

Emile Zuccarelli : Cela va notamment se traduire dans le projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration. Je pourrais, bien sûr, vous donner davantage de détails sur l’ensemble des mesures que nous envisageons. J’en souligne juste une : le délai maximum des réponses aux demandes formulées par les citoyens serait réduit de moitié, il passera en règle générale de 4 mois à 2 mois.

Alain Besson : Il y a, dans le débat gauche-droite, un thème récurrent, c’est celui qui concerne le « plus d’Etat », le « moins d’Etat » et le « mieux d’Etat », qu’on peut aussi traduire en termes d’augmentation, de diminution ou de statu quo des effectifs de fonctionnaires. Où vous situez-vous dans ce débat ?

Emile Zuccarelli : Puisqu’on en est aux formules, certains dans le Gouvernement précédent parlaient d’un « Etat plus modeste ». Nous, nous voulons un Etat plus moderne. Cette modernité se veut celle d’un Etat fier et assuré de ses missions celle d’un Etat qui évolue dans son organisation pour être plus efficace et performant en intégrant tous les éléments de la modernité. Je pense par exemple aux nouvelles technologies de l’information et de la communication qui sont aussi un des thèmes de la réforme de l’Etat.

Alain Besson : Quel rôle les fonctionnaires doivent-ils jouer dans ce processus réformateur ?

Emile Zuccarelli : Le réforme de l’Etat doit se faire par et avec les fonctionnaires. C’est une chose très importante et c’est la raison pour laquelle j’ai prévu de rapprocher, sous une autorité commune, la direction générale de l’administration et de la fonction publique et la délégation interministérielle à la réforme de l’Etat. Pour qu’il soit clair que la réforme de l’Etat ne se fait pas contre les fonctionnaires mais avec eux.

Alain Besson : Les 35 heures ? L’Etat ne se doit-il pas de donner l’exemple vis-à-vis de ses propres salariés ? Apparemment, il se hâte lentement ?

Emile Zuccarelli : Il faut dire les choses clairement dans la fonction publique on ne peut agir en ignorant tout ce qui se passe autour mais il faut prendre la mesure de la complexité du sujet. Il y a trois fonctions publiques. Dans chacune d’entre elles, il y a des foules de situations différentes ; Les unités de mesures aussi sont différentes. Vous ne pouvez pas mesurer de la même manière une heure de cours, une heure bureau et une heure d’astreinte. Avant même d’adopter une quelconque orientation, nous sommes convenus avec les syndicats de faire d’abord un état des lieux qui a été confié à M. Rocher. Quand il remettra son rapport à la fin de l’année, nous regarderons ce qu’il y a lieu de faire pour la fonction publique.

Alain Besson : Le parti radical de gauche (PRG) auquel vous appartenez – et que vous avez présidé – ne décolle guère électoralement. Votre sentiment ?

Emile Zuccarelli : Ce n’est pas mon avis. Jamais, dans la période récente, le PRG n’a été aussi « costaud » qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse de la présence de ses militants et de ses élus petits et grands. Nous avec 35 parlementaires et de nombreux élus de terrain dans un plus grand nombre de départements. Bien sûr, l’Ouest, où je viens aujourd’hui, n’est pas une terre de tradition radicale, mais le radicalisme n’est plus cantonné au Sud-Ouest ou à la Corse.

Alain Besson : On n’entend guère les radicaux de gauche dans le débat politique ?

Emile Zuccarelli : De fait, le PRG se sent en accord avec la politique menée par le Gouvernement et il a donc moins d’occasions que d’autres partenaires de la majorité plurielle de manifester des points de désaccord. Encore que cela nous soit arrivé récemment. Vous savez, on peut montrer sa différence non seulement en s’opposant, mais en proposant. C’est ce que nous faisons. Et il arrive même qu’on nous « emprunte » quelques-unes de nos idées.