Texte intégral
Europe 1 : Jeudi 16 mai 1994
Q. : Les plages françaises sont mieux qu'en 1993, y a-t-il plus de « pavillons bleus » ?
R. : « Ça va mieux mais il faut persévérer. Il y a, nous l'avons constaté avec le ministre de la Santé, puisque chaque année, au printemps, nous publions avec des soucis de vérité, la qualité des eaux de baignade, sur le littoral et à l'intérieur du territoire sur des rivières, nous publions la qualité des eaux, nous avons constaté une amélioration sensible de la qualité de ces eaux de baignade et en même temps, plus de communes qui se portent candidates pour recevoir, si elles le méritent, le « pavillon bleu ». Il y a, cette année, 76 communes du littoral et 54 ports qui ont été distingués ce matin. Je voudrais rendre hommage aux élus locaux également, pour l'accueil, l'architecture, le traitement des déchets, un effort global.
Q. : Y a-t-il des plages célèbres qui gagnent « le pavillon bleu » ?
R. : Ce n'est pas mon rôle de donner des bonnets d'âne ou des mauvais points. On peut se renseigner sur un 36 15 Villette rubrique Met, qui permettra de savoir quelles sont les plages qui perdent ou gagnent « le pavillon bleu ». Je note qu'il y a plus de communes et de ports qui ont été candidats cette année. Il y a encore des efforts à faire et globalement, pour le ministre de l'Environnement, il y a un meilleur accueil de cette préoccupation de qualité sur la côte littorale. C'est ma principale priorité. J'ai augmenté de 25 % cette année, dans mon budget, les crédits du Conservatoire du littoral, pour mettre à l'abri les sites les plus extraordinaires qui appartiennent à la nation. Et le seul moyen de les mettre à l'abri, de toutes les convoitises et de toutes les spéculations, c'est de les acheter, ce que nous faisons avec le Conservatoire.
Q. : Et si une commune n'a pas les moyens de s'offrit la station d'épuration permettant qu'on ne se baigne plus dans le bras d'égout, vous l'aidez à financer les travaux ?
R. : Nous aidons les communes à travers les agences de l'eau, à travers les contrats de plans. Un effort considérable est entrepris, 81 milliards de francs, dans les années 1992-1996, sont engagés pour un programme d'assainissement. C'est un objectif européen et national, de qualité des eaux.
Inter : Vendredi 24 juin 1994
Trois Français sur quatre estiment que l'environnement ne cesse de se dégrader. C'est le résultat d'une enquête menée par l'Institut français de l'environnement. Remarquez, les Français disaient à peu près la même chose il y a dix ans. Mais aujourd'hui, ils ont le sentiment de mieux connaître les sources de pollutions. Autre élément, 55 % des personnes interrogées trouvent que les pouvoirs publics ne s'occupent pas assez de ces questions. Elles veulent un air plus pur, une eau potable, l'élimination des déchets industriels.
Q. : C'est un constat plutôt rude que dresse l'enquête de l'Institut de l'environnement ?
R. : Pour l'action des pouvoirs publics au-delà de la seule action du ministre actuel, c'est un résultat qui interpelle. Je le reçois comme un encouragement davantage que comme une critique. L'explication que je donne en partie de cette progression du sentiment d'insatisfaction des Français, c'est que de plus en plus de Français vivent dans les villes, 80 %, et donc avec les pollutions, le bruit, les transports, l'asphyxie de certains axes routiers, ils ont un sentiment de dégradation de l'environnement quotidien. Je trouve que c'est bien que les Français attendent davantage, ils ont raison, on peut toujours faire plus pour l'environnement.
Q. : Cela veut-il dire que les politiques, hormis vous, ont conscience que l'environnement est une grande priorité des Français ?
R. : Ma réponse est oui. Je peux le dire pour ce qui concerne Édouard Balladur mais aussi des membres du gouvernement. Je suis un peu moins isolé que je ne le craignais en arrivant dans un contexte difficile de crise économique. Les écologistes avaient été battus en 1993, et d'ailleurs aux européennes, dont tout cela ne favorise pas bien la prise de conscience de l'environnement. Sur plusieurs plans importants, des avancées ont été obtenues, je pense au plan de relance des travaux publics qui, pour la première fois, comportait des travaux publics d'environnement. 1,8 milliard pour insonoriser, démonter des lignes électriques, entretenir des berges, décontaminer des sols pollués. Mais encore une fois, on peut toujours faire plus. Dans le texte de M. Pasqua sur l'aménagement du territoire, il y a des avancées, il faut lire ce texte très précisément.
Q. : Est-ce que M. Pasqua a vraiment la fibre écologiste ?
R. : Parlez-en avec lui. Ce qui compte ce sont les faits. Et dans le texte, qui a justement pour objectif de lutter contre la plus grande menace écologique qui est justement qu'il n'y ait plus de paysans et que 80 % du territoire soient vides. Dans son texte, il y a des avancées importantes. Je vais en citer deux : le fonds de gestion de l'espace qui consiste à financer avec les agriculteurs, l'entretien et la gestion de l'espace, à les aider dans ce travail qui complète leur mission de production. Et puis, il y a une mesure très importante qui consiste à faire payer une partie du transport des marchandises sur le rail. On sait que l'autoroute ferroviaire coûte très cher, le transport combiné par les péages autoroutiers. Donc, une solidarité entre l'autoroute et le transport combiné pour qu'il y ait moins de camions sur les routes.
Q. : Mais il y a des lobbies très forts ?
R. : Oui, mais ce n'est pas l'intérêt des transporteurs routiers de voir s'asphyxier petit à petit le couloir rhodanien, la traversée des Alpes ou celle des Pyrénées. Donc, je suis sûr que les transporteurs routiers comprennent qu'ils ont intérêt à favoriser un peu plus le transport par le rail. On parlait de l'Europe tout à l'heure, le grand projet d'autoroute ferroviaire pour passer sous les Pyrénées et sous les Alpes.
Q. : On en est où, pour le Somport ?
R. : Les travaux ont commencé. Tout le monde, localement, le souhaitait. Je ne veux pas qu'on mélange tout et notamment la question des ours qui n'a rien à voir avec le tunnel. J'ai lancé un programme de protection et de réintroduction d'ours au cœur des Pyrénées et dans la Haute-Garonne. Il y avait quarante ours il y a vingt ans en France, il n'y en a plus que sept ou huit aujourd'hui. Donc, ça prouve que le problème ne vient pas du tunnel. Ce qu'il est important de dire, je le dis au nom du gouvernement, c'est qu'il n'y aura jamais d'autoroute dans la vallée d'Aspe.
Q. : Quand va-t-on interdire la circulation des camions dans certaines petites agglomérations ?
R. : Ne montrons pas du doigt l'ensemble des transporteurs routiers parce qu'il y a quelques criminels ou quelques inconscients parmi eux. Je suis, personnellement et pour différentes raisons, très sensible à la question de la sécurité routière. J'ai approuvé vraiment de tout cœur les mesures d'une grande sévérité et rigueur qui viennent d'être prises par le Premier ministre. C'est dans le cadre de ces mesures générales qu'on doit répondre à votre question et à la limitation de la vitesse, au repos qui doit être respecté. Il y a un contrat de progrès qui vient d'être négocié par le ministre en charge de ces problèmes, M. Bosson, avec les transporteurs routiers. Mais nous travaillons ensemble. Cette prise de conscience commence. Mais voilà pourquoi je plaide pour qu'il y ait davantage de transports de marchandises par le rail, parce qu'il y a certains axes où on ne peut plus supporter le nombre de camions actuellement.
Q. : Vous soutenez une proposition de loi pour fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse pour les oiseaux migrateurs. Et si j'ai bien compris, vous êtes fâché avec tout le monde, les écologistes et les chasseurs ?
R. : Ça prouve que le gouvernement a adopté la bonne voie, celle de la raison. Quand on est entre les feux de deux extrémistes, ça prouve qu'on est probablement dans le juste. Le texte consiste à sécuriser le calendrier actuel de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs qui concerne toute l'Europe, c'est donc normal qu'elle s'en occupe. Il y a une directive européenne qui fixe les règles de la chasse mais elle est assez imprécise et a donné lieu à des interprétations restrictives. Et si on ne faisait rien, on supprimerait un mois de chasse l'année prochaine. Je suis ministre de la chasse en même temps que le ministre protecteur.
Q. : On va encore être hors la loi, aux yeux de l'Europe ?
R. : Pas du tout, parce que le texte de loi qui a été adopté ce matin est au mot près, à la virgule près, le texte d'une proposition de Jacques Delors pour adapter, pour compléter la directive européenne. Donc, ce qu'a fait le Parlement ce matin, c'est d'inscrire dans le droit français la proposition de Jacques Delors. Donc, nous sommes en cohérence.
Q. : Et si les chasseurs ne respectent pas cette loi, que fera le gouvernement ?
R. : Je ne crois pas qu'on puisse dire, à part quelques exceptions très localisées, que les chasseurs n'aient pas respecté la loi et les instructions de fermeture de la chasse.
Q. : La commission européenne a reçu beaucoup de plaintes sur ce sujet ?
R. : Mais les écologistes ont gagné parce que la directive européenne n'était pas suffisamment précise. Le Parlement a adopté un texte très simple et qui va nous permettre une avancée. À partir de l'année prochaine, toute la chasse aux oiseaux migrateurs s'arrêtera le 28 février pour tout le monde. C'est surtout un progrès parce qu'ayant mis dans le texte de loi ces dates de fermeture, enfin, on va pouvoir parles des vrais problèmes qui sont la protection des milieux, des habitats, la reconquête des zones humides. Ce qui m'intéresse, c'est de passer de l'énergie et du temps avec les chasseurs et les protecteurs de la nature pour les vrais problèmes que je viens de citer.
Q. : Pour la fête des 1 000 défis de la planète demain, c'est l'environnement et les jeunes ?
R. : 135 000 jeunes ont bossé et fait un travail formidable à travers 1 300 projets. Nous avons lancé ce projet avec trois autres ministres et demain, c'est une fête de conclusion, de remerciements pour ces jeunes qui ont donné l'exemple. Ça prouve que, dans l'environnement, on ne traite pas des problèmes seulement en en parlant, mais en agissant sur le terrain. Et à travers ces 1 300 projets concrets, les jeunes ont donné un formidable exemple. Je les réunis pour les remercier avec des entreprises partenaires, avec de grands noms de la science, de l'art, de la littérature qui vont leur parler d'environnement. J'espère simplement que le succès de cette opération nous donnera envie et l'idée au gouvernement de continuer, parce qu'il y a tellement de défis.