Texte intégral
Je vous rends compte de l'essentiel du Conseil Affaires générales qui n'a pas encore tout à fait fini ses travaux ; il va aborder les problèmes industriels pour lesquels le ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur est actuellement en salle.
Nous avons eu d'abord le débat sur la présidence allemande : ce débat était public, vous y avez assisté donc je n'insiste pas là-dessus ; vous aurez noté que, au nom de la délégation française, j'ai confirmé notre approbation sur les priorités dégagées par cette présidence, notamment la lutte contre le chômage, les divers aspects du Livre blanc, la paix en Europe, la Bosnie, la conférence sur la stabilité, la préparation de l'élargissement – réussite de l'élargissement en cours, préparation de l'élargissement futur à l'Europe centrale et orientale – et j'ai ajouté un point qui nous paraît important : commencer dès maintenant, sans attendre 1996 et la révision institutionnelle, à mieux faire fonctionnelle deuxième et le troisième pilier. C'est un problème d'organisation, un problème de méthode de travail : depuis novembre dernier, nous avons commencé à traiter à chaud un certain nombre de problèmes au titre de la politique étrangère et de sécurité commune, comme en Bosnie, nous avons eu aussi plusieurs réunions des ministres de la Justice au titre du troisième pilier et nous découvrons que la fonction qui, pour ce qui est communautaire – les politiques internes classiques – est assurée par la Commission européenne, n'est pas assurée dans les mêmes conditions et dans des conditions satisfaisantes pour les deuxième et troisième piliers. Il est nécessaire que l'évaluation de la situation, la proposition d'action, et ensuite l'application, le suivi soient assurés, ce qui n'est pas le cas, dans des conditions parfaites, c'est une litote, actuellement et ceci peut être amélioré sans attendre 1996.
Pour le reste, au titre du suivi de Corfou, en ce qui concerne la mise en place de la commission consultative sur la lutte contre le racisme et la xénophobie, j'ai indiqué que la France avait désigné pour ce qui la concerne, M. Jean Kahn, Président du CRIF et du Congrès juif européen. Tous nos partenaires n'ont pas encore désigné leur membre et donc, c'est lors d'une réunion ultérieure que l'on désignera le Président de cette Commission.
Nous avons parlé du Rwanda. La discussion a été assez longue cet après-midi et nous sommes arrivés à une solution aussi satisfaisante que possible, pour ce qui concerne l'Union européenne. Vous vous souvenez que la semaine dernière, au Conseil européen extraordinaire, le Premier ministre avait lancé un appel portant sur deux points : d'une part que nos partenaires participent au groupe de contact qui est à New York, qui réunit l'ensemble des pays donateurs pour l'opération humanitaire au Rwanda, et précisent à bref délai le contenu, le montant, les modalités de leur participation. D'autre part, il avait indiqué qu'il y avait un besoin financier d'extrême urgence liée à la situation humanitaire que vous connaissez, sur laquelle je ne reviens pas, et que, selon Mme Ogata, il fallait trouver environ 10 millions d'écus à très bref délai.
Nous sommes arrivés à la situation suivante : d'abord, à titre d'aide d'extrême urgence, en raclant les fonds de tiroir, nous avons décidé l'affectation de 22,7 millions d'écus tout de suite ; d'autre part, nous nous sommes assurés qu'en ce qui concerne les besoins alimentaires des personnes déplacées, qu'il s'agisse de celles qui sont dans la zone humanitaire sûre ou des personnes à Goma, 40 000 tonnes de vivres étaient disponibles, ce qui correspond donc à leurs besoins pour un mois. Naturellement, ceci devra être renouvelé après. Le problème numéro 1 n'étant donc pas un problème d'approvisionnement alimentaire mais d'acheminement de cette aide alimentaire. Pour assurer le transport, on pourra prélever notamment dans cette aide d'extrême urgence de 22,7 millions d'écus. Au-delà de l'extrême urgence pour les semaines qui viennent, il a été décidé un effort communautaire à hauteur de 150 millions d'écus – on évalue en gros à 50 millions d'écus par mois les besoins les réfugiés au niveau actuel –. Ceci devra être financé en priorité sur les programmes de Lomé en accord avec les pays ACP et le commissaire Marin a été mandaté pour négocier immédiatement avec eux, il avait d'ailleurs déjà pris des contacts exploratoires. Il nous est paru en effet logique de demander aux pays africains de participer à cet effort comme nous le faisons nous-mêmes compte tenu du fait qu'ils sont les premiers concernés par cette tragédie africaine. Pour être sûrs que nous disposerons bien de ces 150 millions d'écus, quel que soit le résultat des négociations avec les Africains, en gros, le commissaire Marin estime que les réserves disponibles sur le FED sont de l'ordre de 300 mécus et donc la proposition consisterait à affecter la moitié de cette réserve à l'opération Rwanda. Mais pour être sûr que ces sommes seront bien disponibles, et pour ne pas prendre de risque, j'ai demandé que l'on diffère à la semaine prochaine d'ici là le commissaire Marin aura pris contact avec les représentants des ACP la décision sur l'aide alimentaire au pays du Caucase.
C'est un problème différent, d'échéance d'ailleurs un peu plus lointaine, un peu moins immédiate, il s'agit d'assurer l'approvisionnement en denrées alimentaires de base des populations de plusieurs pays du Caucase, de l'Arménie au Tadjikistan, c'est assez vaste, qui sont touchées notamment par des guerres civiles, l'approvisionnement pour l'hiver prochain. C'est à partir du 15 novembre prochain, que des problèmes graves risquent de se poser. La Commission nous a proposé une aide à hauteur ordre de grandeur de 200 millions d'écus, nous n'y sommes pas hostiles, mais à condition que l'on traite les problèmes les plus urgents d'abord, et que l'on soit sûr que les sommes qui sont ainsi envisagées, notamment par prélèvement sur des excédents disponibles du FEOGA ne sont pas nécessaires de manière plus urgentes au Rwanda. Donc, décision la semaine prochaine, sous réserve que le Commissaire Marin ait convaincu les représentants des ACP pour ce qui concerne leur participation attendue pour le Rwanda.
Enfin la présidence allemande a demandé, sur notre suggestion, à chacun des États membres de préciser, dans le courant de la semaine, quelle serait sa participation technique, financière, humaine, à la mise en place de la MINUAR II et à l'accélération de la mise en place de la MINUAR II. Plusieurs ministres ont déjà indiqué ce qu'il en était pour leur pays, c'est le cas des ministres allemand, britannique, portugais, belge, néerlandais et l'ensemble de nos collègues le préciseront d'ici la fin de la semaine.
Voilà pour ce qui concerne le Rwanda.
Nous avons parlé au déjeuner de la Yougoslavie ; il a été décidé de lancer un ultime appel aux parties, avant le 19 juillet. Vous avez certainement entendu le Président Kinkel et lu le texte par lequel nous pressons instamment les trois parties au conflit d'accepter le plan de paix. Par ailleurs, il a été confirmé la mise en place de l'autorité administrative provisoire de l'Union européenne sur Mostar. Ceci se fera naturellement sous la double condition de l'acceptation par les Croates et les Bosniaques qui sont les deux communautés concernées par Mostar du plan de paix dans le délai prévu, avant le 19 juillet, et deuxième condition, de la démilitarisation de la zone bien entendu. Sous cette réserve, la troïka et la présidence de l'UEO, se rendront le 23 juillet, donc samedi prochain, à Mostar pour procéder à l'installation officielle de M. Koschnick, à qui a été allouée une dotation de cinq cent mille écus pour ses premiers frais de fonctionnement.
Nous avons, d'autre part, eu un assez long échange sur les relations avec les pays d'Europe centrale et orientale et la manière dont on aiderait ces pays à se préparer à l'adhésion. Il ne s'est pas dit grand-chose de neuf. La présidence allemande a confirmé ce qu'elle avait déjà indiqué antérieurement, son intention d'inviter ces pays à participer officieusement à une réunion, en marge du Conseil européen, ainsi qu'à deux réunions, pendant la présidence allemande, en marge du Conseil Affaires générales, qui permettront donc de donner un contenu concret à l'engagement qui avait été pris à Copenhague d'avoir des relations politiques régulières avec les dirigeants de ces pays et qui permettra en même temps de préciser avec eux les modalités de leur préparation à l'adhésion.
J’ai insisté pour ma part sur trois points : d'abord, le très grand intérêt qui s'attache à ce que les 12, et demain les 16, sur ce sujet très sensible et très délicat, parlent d'une voix et qu'il n'y ait pas d'initiative isolée, faisant ainsi une allusion à des problèmes que nous avons rencontré il y a quelques mois pour la négociation d'adhésion précédente ; deuxième point, j'ai indiqué qu'en ce qui concerne les conditions d'adhésion, elles figurent dans le traité et dans le cas particulier des PECO, elles ont été précisées dans la déclaration et dans les conclusions de Copenhague, il n'y a pas lieu d'en rajouter. En revanche, ce qui serait souhaitable, c'est que l'on commence à réfléchir entre nous et avec eux, aux critères permettant de mesurer les progrès de ces pays dans la convergence de leurs économies et de leur société avec les nôtres de façon à pouvoir mesurer les progrès qui sont faits, par rapport aux objectifs qu'ils se sont eux-mêmes donnés, en accord avec nous, dans leur réforme économique interne, dans le développement de leurs relations avec nous, et, que l'on puisse, le moment venu, constituer les « trains » d'adhésion.
Puisque, de même que les pays de l'Association européenne de libre-échange seront entrés dans la Communauté européenne par plusieurs « trains », le premier train en 1972-73 puis en 1980, puis le troisième train en 1986 et nous sommes en train de faire entrer un dernier train en gare, de la même manière, il est souhaitable que ces pays puissent entrer par petits groupes et la définition de ces critères permettrait de constituer les trains. Troisième point sur lequel je suis intervenu, par rapport au document que la Commission européenne nous avait distribué – je ne sais pas s'il a été publié, c'est une sorte de document de travail, qui servira de cadre ensuite à la Présidence pour préparer le Conseil européen d'Essen sur ce sujet – j'ai indiqué qu'il y avait une lacune qui porte sur les incitations car il nous parait souhaitable que ces pays développent leurs relations entre eux. Nous restons dans une situation un peu paradoxale dans laquelle chacun veut avoir des relations privilégiées avec nous, avec l'Union – relations commerciales, accord de libre-échange, relations politiques – sans qu'un même effort soit fait par chacun pour développer le même type de relations privilégiées avec tous ses voisins. Or, notre propre expérience, dans l'Europe de l'ouest, et le bon sens, montrent qu'il est souhaitable que tous ces pays, s'ils veulent participer à une communauté plus vaste, ne négligent pas les relations avec leurs voisins immédiats.
Ceci vaut dans le domaine politique, c'est d'ailleurs le sens et l'objectif de l'exercice du Pacte de stabilité. Ceci vaut également en matière d'économie et de commerce. Donc, forts des remarques faites par les uns et par les autres, la Commission va préciser ses orientations et la Présidence allemande travaillera sur la base de ces orientations.
Voilà, je crois vous avoir indiqué ce qui me paraissait le plus important.
Q. : Sur le Rwanda, avez-vous parlé d'autres choses que de la situation humanitaire ?
R. : Non, nous n'avons parlé que de l'humanitaire.
Q. : Pourquoi ?
R. : Nous avons eu une très longue discussion sur ce problème qui nous paraissait le plus urgent à traiter à Douze aujourd'hui.
Q. : Les 150 Mécus, est-ce uniquement alimentaire ?
R. : Non, les 150 Mécus sont de l'aide humanitaire, on a eu un débat. Nous n'avons pas tout à fait la même appréciation avec la Commission ; la Commission en gros estime que les besoins alimentaires sont satisfaits au moins pour un mois, par contre, il y a d'immenses besoins humanitaires soit de transport, d'acheminement, de cette aide, considérée comme humanitaire et pas alimentaire ; et puis, le traitement, soigner les gens, les héberger, leur donner des couvertures, les vacciner, de l'eau, etc.
Q. : Sur le programme de Lomé, il doit y avoir une partie « programme » pourquoi aller prendre dans la réserve ?
R. : Quand on dit « ne pas dépenser les réserves » – c'est pour cela que j'ai mis le pluriel, cela signifie des sommes disponibles – il y a une réserve à proprement parler et puis il y a des sommes disponibles sur d'autres chapitres budgétaires – le commissaire Marin d'ailleurs ne nous a pas donné la liste exacte, les lignes sur lesquelles il estimait avoir des disponibilités – mais naturellement, il faudra prendre d'abord sur ce qui était prévu pour le Rwanda, ce qui pour l'instant est interrompu puisqu'il n'y a pas d'autorités légales au Rwanda.
Q. : Pour les 150 millions d'écus, au préalable, doit-il y avoir un accord des ACP ?
R. : Oui bien sûr, la décision politique prise est un effort communautaire à hauteur de 150 millions d'écus. En plus de tout ce qui a été fait, le commissaire Marin a rappelé que depuis la mise en place de la première MINUAR, en matière d'aide humanitaire et alimentaire, nous avons au titre de l'Union européenne consacré déjà 200 millions d'écus depuis presque un an. Là-dessus vont s'ajouter, à la suite de la demande du Premier ministre, ce que j'ai appelé les fonds de tiroirs, de l'aide humanitaire encore disponible, c'est à dire un peu moins de 23 millions d'écus. Puis, la décision prise aujourd'hui, c'est de rajouter 150 millions d'écus, effort au niveau de l'Union européenne, qui seront financés prioritairement par les réserves disponibles sur l'accord de Lomé. Pour mobiliser ces réserves, il faut l'accord de nos partenaires de Lomé. Espérons qu'on aura l'accord et qu'on l'aura à ce niveau. Si on n'a pas tout à fait ce niveau, on verra ce que nous faisons.
Q. : C'est dans ce cas que l'on prendrait les 200 millions du Caucase ?
R. : Voilà, nous verrons ce que nous pouvons faire du côté des excédents du FEOGA. On en est vraiment à voir, dans le budget européen, où il y a de l'argent disponible à cette période de l'année, car des sommes sont engagées.
Q. : Pouvez-vous préciser les contributions européennes à la MINUAR ?
R. : Sur la MINUAR, j'ai indiqué quels étaient les ministres qui avaient pris la parole sur ce sujet pour dire ce qu'ils faisaient d'ores et déjà : l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Portugal, la Belgique et les Pays-Bas. Le ministre belge a proposé une sorte de parrainage, c'est-à-dire qu'il y aura plusieurs contingents dans la MINUAR II essentiellement des contingents africains, chaque État européen parrainerait, c'est à dire en fait, financerait l'équipement, l'armement, les véhicules de chacun de ces contingents.
Q. : Sans envoyer de troupes eux-mêmes ?
R. : Sans envoyer de troupes eux-mêmes, pour ceux qui ne souhaitent pas envoyer de troupes.
Q. : Dans la MINUAR II, est-il prévu des contingents européens ?
R. : Je ne crois pas, il est prévu des Africains et les Canadiens.
Q. : Oui, mais les pays africains tardent à apporter leur contribution…
R. : Oui, mais justement, les pays africains nous disent : nous sommes prêts à envoyer x centaines d'hommes, mais on n'a pas de quoi les transporter, les équiper, les habiller, etc. D'autres pays disent : nous sommes prêts à apporter une aide logistique, mais encore faut-il savoir quels sont les gens que nous avons à aider. C'est pour cela que nous avons demandé, que pour ce qui concerne les Européens, que chacun mette clairement sur la table ce qu'il est prêt à faire, de façon à ce que l'on sorte de cette logique de la poule et de l'œuf.
Voilà je vous remercie.