Déclaration de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, sur la collaboration du ministère avec les services douaniers à propos d'exportations illégales d'œuvres d'art, Paris le 11 mai 1994.

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Circonstance : Présentation des œuvres d'art saisies en douane et remises par le ministère du budget au ministère de la culture et de la francophonie.

Texte intégral

Monsieur le ministre, Mesdames et Messieurs, 

Quand le ministre du Budget fait des cadeaux au ministre de la Culture, vous comprendrez que le premier geste de ce dernier soit de remercier particulièrement chaleureusement son collègue… 

Je me réjouis, monsieur le ministre, de vous accueillir aujourd'hui à l'occasion de cette remise aux collections nationales d'œuvres et d'objets d'art ou d'intérêt historique ou scientifique saisies par les services des douanes. 

C'est l'occasion de saluer de travail si efficace accompli par vos services, travail dont l'enrichissement des collections nationales constitue parfois, comme aujourd'hui, l'aboutissement. 

Ce sont 206 œuvres et objets d'art que vous nous remettez, monsieur le ministre celles qui ont été choisies pour être présentées ici même aujourd'hui montrent avec évidence la qualité et la diversité de ces prises : je mentionnerai comme vous les œuvres de Maurice Denis et de Béraud, qui iront toutes deux à Orsay, le grand plâtre de Hans Arp qui ira au MNAM, accompagné d'une collection de dessins d'artistes amis (Kandinsky, Ernst, Delaunay, Modigliani…) ayant appartenu au sculpteur. Cet ensemble devrait être déposé par le MNAM au futur musée d'art moderne de Strasbourg et contribuer ainsi à l'enrichissement d'un grand musée de Région… Je mentionnerai aussi la belle collection d'instruments de musique qui comprend un rare archiluth vénitien de 1638, destiné au futur musée de la Musique que nous inaugurerons l'an prochain à La Villette, et puis les intéressants cylindres pour parlographe, témoins de notre histoire sonore, qui iront au département de la musique de la Bibliothèque nationale de France… 

Je tiens à vous exprimer ma satisfaction et ma reconnaissance pour cet enrichissement des collections nationales dont j'ai la charge et qui sont la propriété de tous les Français. 

Je souhaite à l'occasion de cette cérémonie souligner l'importance que revêt la collaboration entre nos services : directions patrimoniales du ministère de la Culture et de la Francophonie et administration des Douanes dont vous avez la responsabilité. Cette collaboration est essentielle pour réprimer le trafic illicite des œuvres d'art. 

Outre la règlementation fiscale qui relève de votre administration, votre ministère apporte un concours précieux à la répression du trafic des œuvres volées qui constitue un élément essentiel de protection du patrimoine public et privé car elle touche aux aspects déterminants de sa sécurité et de sa stabilité. 

S'agissant de la réglementation concernant spécifiquement la circulation des œuvres d'art, nous sommes conscients que sa libéralisation récente, conforme à l'engagement européen de la France et au développement du marché français – objectif auquel j'attache, vous le savez, une importance particulière – doit aller de pair avec des moyens d'investigation accrus pour assurer le respect de la loi désormais modernisée. 

Saisies entre 1982 et 1993, les œuvres que nous avons sous les yeux l'ont été pour la plupart dans le cadre de l'ancienne législation de 1941 sur la circulation des biens culturels et du code des douanes. 

Depuis le 31 décembre 1992, vous l'avez dit, monsieur le ministre, cet ancien système n'a plus cours et un nouveau cadre législatif a été adopté. Ce nouveau système prévoit que les œuvres d'art dont la valeur dépasse un certain seuil (variable suivant la catégorie à laquelle appartient l'objet), pour pouvoir circuler librement, doivent avoir reçu du ministère de la Culture un certificat. 

Dans notre système de droit, certaines œuvres se voient donc reconnaître une appartenance spécifique au patrimoine national : il s'agit des œuvres protégées au titre de la loi de 1913 sur les monuments historiques, des œuvres auxquelles la loi du 31 décembre 1992 a reconnu, en raison de leur importance historique et artistique, le statut de trésor national. Ces œuvres qui ne disposent pas de certificat de libre-circulation ne peuvent quitter le territoire national. 

Nous avons depuis un an et demi accordé plus de 3 000 certificats et en avons refusé une simple dizaine, ce qui correspond à un usage très modéré de la loi. Mais le coût d'acquisition de ces dix œuvres dépasse de fort loin, je dois vous le dire, monsieur le ministre du Budget, les crédits d'acquisition des musées de l'État et des collectivités locales. 

C'est pourquoi je souhaite vivement que la collaboration qui s'est nouée avec vos services douaniers se développe aujourd'hui avec nos services financiers afin que nous trouvions les solutions financières et fiscales à ce difficile problème. 

En tout état de cause, l'existence de moyens d'intervention destinés à garantir le maintien, sur le territoire national, de ces éléments essentiels du patrimoine culturel, constitue, nous en sommes persuadés l'un et l'autre, une mission fondamentale de l'État. 

C'est dans ce cadre que la collaboration fructueuse entre nos services doit être soulignée comme un motif de satisfaction. Elle doit également être considérée bien entendu comme pouvant et devant se développer encore davantage notamment pour rendre plus rapides et plus efficaces les procédures de concertation et pour favoriser la formation des fonctionnaires concernés. 

Je forme donc le vœu, monsieur le ministre et cher collègue, que cette cérémonie ne soit pas la dernière et qu'en conjuguant nos efforts sur tous les plans, nous manifestions notre commune résolution, qui est celle du gouvernement, à assurer la protection de notre patrimoine.