Texte intégral
C’est avec un grand plaisir que j’ai inauguré cette nouvelle édition du MIP-TV consacrée à la production audiovisuelle et à sa diffusion sur les chaînes nationales et étrangères. Comme je l’ai souvent dit, les programmes télévisés sont au cœur des enjeux culturels de notre société : en effet, n’oublions jamais que la télévision est la première pratique culturelle des Français qui la regardent en moyenne plus de trois heures par jour. Même si cette donnée statistique a nécessairement un caractère réducteur, il demeure que la télévision est un élément central du lien social, mais aussi de l’information, du divertissement et de la culture de nos concitoyens.
Nous sommes entrés dans une phase de développement de la télévision qui se caractérise par deux tendances fortes qu’il me semble indispensable de considérer parallèlement : la multiplication du nombre de chaînes, dont le mouvement est aujourd’hui largement entamé, et ce que l’on appelle la globalisation des marchés qui s’exprime très fortement dans le secteur de l’audiovisuel. Je tiens à rapprocher ces deux tendances car il me semble qu’elles peuvent conduire à des effets contradictoires : l’augmentation des canaux de diffusion qui s’accompagne de la segmentation des marchés est un facteur crucial de l’enrichissement de l’offre ; la globalisation peut, au contraire, tendre à une certaine uniformisation. Lors d’un colloque récemment organisé par l’UPF dans le cadre du festival de Paris et dont le thème était « Mondialisation et culture », ce risque de l’homogénéisation des contenus a largement été évoqué.
Le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est de nous saisir de la disparition relative de la rareté des réseaux pour offrir au public une télévision plus variée, plus riche — plus généreuse. C’est le défi majeur devant lequel se trouve la production audiovisuelle aujourd’hui.
Je sais que les chiffres de la production audiovisuelle française pour 1997 marquaient un léger fléchissement, d’une baisse de 19 % ayant été annoncée. Je souhaite m’attarder un instant sur cette donnée qui demande un analyse un peu plus approfondie pour être bien comprise : tout d’abord, il convient de noter que ce fléchissement intervient à la suite d’une période de forte expansion de la production, qui avait connu en 1995 une année particulièrement faste. Ensuite, je rappellerai que 15 séries de fiction ont figuré en 1997 dans les meilleures audience des chaînes, souvent devant le sport ou les films américains (Navarro, Julie Lescaut, Une femme d’honneur, l’Instit, Docteur Sylvestre, etc.).
Mais il est vrai également que les commandes des grandes chaînes de télévision ont connu un tassement au cours de l’année dernière. La prudence a prévalu alors que les recettes publicitaires des chaînes connaissaient une certaine baisse — en particulier pour la production de fictions ou de sitcoms diffusés dans la journée. Toutefois, la fiction de prime time a été totalement préservée : les chaînes ont commandé une quarantaine de téléfilms de plus qu’en 1996 et leurs investissements globaux pour la première partie de soirée ont été équivalents à ceux des années passées, voire ont légèrement augmenté.
Autre source de satisfaction : l’augmentation des investissement étrangers en 1997, en particulier dans le secteur de l’animation, le plus tourné vers la coproduction internationale (un peu plus de 40 % des financements proviennent de l’étranger, en particulier du Canada, des Etats-Unis et de l’Allemagne.)
Enfin, en dépit d’une grande fragilité du secteur, plusieurs groupes se sont constitués ces dernières années. Ces groupes sont pour beaucoup indépendants des diffuseurs et ont fait la preuve de leur efficacité, tant au niveau économique que créatif. L’accord récemment signé entre l’USPA et TF1, dans la lignée des accords qui avaient été signés entre le BLIC et l’ensemble des diffuseurs, élargit le recours à des sociétés indépendantes et confirme cette tendance que j’estime hautement souhaitable.
Puisqu’elles sont bonnes et relativisent aussi les données de l’an passé, je dirai un mot des tendances de l’année 1998 telle qu’elle se dessine à ce jour : les chaînes, en réorganisant une partie de leurs grilles de programmes, ont réalisé d’importantes commandes de fiction destinées à être programmées en prime time avec des formats internationaux de 26 et 52 minutes : ceci est de bon augure.
L’ensemble des paramètres que je viens d’évoquer est trop contrasté pour qu’on puisse considérer le fléchissement des commandes des grandes chaînes en 1997 comme inquiétant. Il constitue cependant un signal qui exige en 1998 d’être vigilant. Sachez que je le serai.
Je souhaite à présent développer devant vous les orientations et les grandes lignes des moyens que j’ai déjà mis en œuvre et que je vais dans les semaines et les mois à venir développer pour encourager ce secteur à répondre aux enjeux que j’évoquais il y a un instant :
— En ce qui concerne le financement du service public : j’ai déjà commencé dès mon arrivée, et je vais continuer dans le budget 1999 et dans la loi sur l’audiovisuel, à donner au service public les moyens d’une production et d’une programmation véritablement à l’image de ce que doit être un service public télévisuel. Cela a un coût, que l’Etat doit assumer, car c’est la condition indispensable de l’encouragement de la production et de la diffusion d’œuvres dans tous les domaines, qui doivent ouvrir le spectre de l’offre télévisuelle.
— Pour ce qui est du compte de soutien, dans cette période de tassement des commandes et de multiplication des diffuseurs, le compte de soutien à l’industrie de programmes devient un instrument clé de la production audiovisuelle. Dès 1998, j’ai tenu à ce que les sociétés de production puissent disposer dès le début de l’année du montant de leurs comptes automatiques afin d’améliorer leur trésorerie de plusieurs mois. Je réfléchis actuellement à d’autres améliorations du fonctionnement du système qui permettraient d’optimiser la gestion des aides pour les entreprises qui en sont bénéficiaires.
— Et je n’oublie pas les chaînes du câble et du satellite : les mesures d’encouragement à la production pour ces chaînes, dont le régime de taxation a été harmonisé, après une large concertation, avec celui des chaînes hertziennes doit permettre aux producteurs de bénéficier à la fois d’aides plus importantes et d’accéder au compte de soutien avec de moindres contraintes.
En particulier, les subventions aux programmes audiovisuels consacrés au spectacle vivant vont être encouragées en parallèle avec le développement de chaînes thématiques qui investissent courageusement en ce sens : Paris Première, Muzzik ainsi que Mezzo récemment lancée par le service public.
D’une manière générale, j’envisage de favoriser la signature par le CNC d’accords cadres avec les chaînes thématiques et les producteurs afin d’optimiser les financements et les aider à s’orienter vers la production de programmes inédits sans obérer leur développement au cours des premières années.
— L’exportation des programmes : c’est pour moi un enjeu fondamental, tant sur le plan économique que culturel. A l’heure où le Gouvernement réfléchit à une réforme de notre action audiovisuelle extérieure, j’ai estimé indispensable de doter les actions à l’exportation de moyens supplémentaires. J’ai ainsi accru cette année de plus de 30 % les aides accordées à TVFI qui regroupe l’ensemble des distributeurs de programmes français. J’ai également souhaité accompagner le programme d’actions pluriannuel que met en œuvre cet organisme. Je tiens à rendre hommage à son action qui, en quelques années, a permis d’augmenter le chiffre des exportations françaises de manière considérable. J’ai également mandaté le Directeur général du CNC pour redéfinir les procédures d’aides à l’exportation de programmes qu’il gère — en particulier les aides au doublage, au sous-titrage et au reformatage — en concertation avec les professionnels.
Bien évidemment, je considère que la relance des coproductions européennes et une meilleure circulation des œuvres audiovisuelles en Europe sont deux objectifs prioritaires. C’est l’un des points que je vais évoquer à Birmingham, dans la conclusion que je ferai aux Assises de l’audiovisuel la semaine prochaine.
Voici en quelques mots les orientations que je souhaite suivre. Je vous remercie de votre attention et vous donne à présent la parole.