Texte intégral
M.-C. Courtioux : Une voiture qui démarre en trombe, un téléviseur, une hi-fi qui hurle, la vie est décidément bien bruyante et il y a en France des millions de logements qui ne possèdent pas le confort le plus élémentaire dans le domaine du bruit. Que propose le gouvernement ce matin pour protéger les logements contre le bruit ?
H. de Charrette : C'est un sujet de préoccupations que les Français placent en premier quand ils pensent à leur logement. Et quand ils veulent déménager, construire leur propre maison, ils cherchent d'abord un logement calme, avant toute chose, c'est-à-dire avant la surface du logement, avant le quartier, avant la proximité des écoles et des équipements publics. Ils cherchent à avoir un appartement calme. Pour cela nous allons renforcer sensiblement la réglementation acoustique, c'est-à-dire la réglementation qui s'applique aux travaux neufs. À partir du 1er janvier 1996, parce qu'il faut un certain délai pour que les industriels, les artisans, les architectes soient bien prêts. À partir du 1er janvier 1996 donc, toute construction nouvelle devra obéir à cette nouvelle réglementation acoustique qui sera sensiblement plus sévère.
M.-C. Courtioux : Donc, cela va donner du travail aux entreprises ?
H. de Charrette : Oui, c'est vrai, mais d'abord, ça va donner du confort aux familles.
M.-C. Courtioux : Aux familles qui vont devoir attendre un peu tout de même. Sont-elles encouragées sur le plan fiscal ?
H. de Charrette : Quand il s'agit de logements neufs, ça entre dans le cadre général. Cela fera d'ailleurs une très faible augmentation du coût de la construction puisqu'on l'évalue à 1 % pour un logement neuf. Donc, c'est très peu de chose pour une très grande amélioration du confort.
M.-C. Courtioux : En ce qui concerne le logement ancien, là où la situation est parfois assez détestable à vivre, y a-t-il des mesures prévues aujourd'hui ?
H. de Charrette : Il y a plusieurs mesures qui sont prévues. D'abord, tous les travaux acoustiques seront désormais compris dans les dépenses subventionnables, au titre des crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ou au titre des crédits que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ou au titre des crédits que l'État donne lui-même au propriétaire qui habite son logement et qui veut faire des travaux de rénovation. De même, les crédits de rénovation des logements HLM pourront être utilisés pour l'amélioration du confort acoustique des familles.
M.-C. Courtioux : Le bâtiment est toujours un bon baromètre pour voir si la reprise montre le bout du nez. Est-ce qu'on construit vraiment davantage, quel sont les chiffres ?
H. de Charrette : On peut résumer d'un chiffre simple : le niveau des constructions neuves au dernier trimestre est en amélioration de 20 % par rapport au trimestre précédent de l'année dernière.
M.-C. Courtioux : Cela ne touche pas les régions de façon égale. Il y a eu un gros malaise à cause des affaires que vous connaissez dans le Var. Est-ce que malgré tout cette situation du logement va s'assainir ?
H. de Charrette : Les affaires dont vous parlez n'ont pas de rapport avec le rythme des constructions mais il est vrai que, sur les rivages méditerranéens, la reprise dans le bâtiment est moins importante. Et je vais vous expliquer pourquoi. C'est parce que la reprise que l'on constate dans le bâtiment est générale en France mais elle s'appuie principalement sur le logement social. C'est vrai que, notamment dans les Alpes-Maritimes, et dans une partie du Var, on a, dans les années écoulées, fait moins de logement social qu'ailleurs. Et donc la reprise y est moins vive. Mais tout de même, on voit des signes positifs et je crois que, dans les mois qui viennent, on devrait voir la situation de la Provence-Alpes-Côte d'Azur rattraper le retard qu'elle a aujourd'hui, j'en conviens volontiers, vis-à-vis du reste de la France.
M.-C. Courtioux : Certains s'inquiètent de l'avenir du pactole du 1 % patronal, on a l'intention d'y toucher ou pas ?
H. de Charrette : Ceux qui nous écoutent ne savent peut-être pas très bien ce que c'est, encore que maintenant ça commence à être bien connu. C'est très important, c'est un prélèvement qui est fait sur les salaires et qui est consacré au soutien à la construction. Il faut savoir que chaque année, ce pactole dont vous parlez, c'est 13 milliards de francs. Treize milliards qui permettent de donner des prêts complémentaires aux organismes HLM de façon à équilibrer leurs opérations et à avoir des loyers modestes ou bien qui permettent de faire des prêts à taux très bas auprès des familles qui veulent accéder à la propriété. C'est donc très important, j'y suis très attaché. C'est vrai que la discussion avec mon collègue, N. Sarkozy continue sur un certain nombre de chapitres, dont celui-là, et je crois que dans les prochains jours ou les prochaines semaines, les décisions seront prises autour du Premier ministre.
2 septembre 1994
Le Parisien
Le ministre du Logement, Hervé de Charette, a obtenu que les fonds qui serviront à financer les prêts d'accession à la propriété soient débloqués par anticipation : 7 000 dossiers gelés devraient trouver une solution rapide.
Les dossiers de prêt d'accession à la propriété (PAP) de plus de sept mille familles françaises sont actuellement gelés.
En cause : des problèmes de trésorerie rencontrés pas les Directions départementales de l'équipement (DDE) d'une cinquantaine de départements. Chaque année, ces services reçoivent une dotation de l'État destinée au PAP. Ces fonds permettent en fait de compenser les pertes du Crédit foncier qui accorde des prêts immobiliers très compétitifs.
Mais les candidats à l'accession ont été plus nombreux que prévu. Le gouvernement a en effet rehaussé le plafond des ressources nécessaires pour bénéficier de cet avantage et les taux ont baissé. Le ministre du logement, Hervé de Charette, vient d'obtenir l'accord du Premier ministre pour que les fonds soient débloqués par anticipation.
Le Parisien : Pourquoi les dossiers de prêts d'accession à la propriété sont-ils gelés dans une cinquantaine de départements ?
Hervé de Charette : C'est la rançon du succès. Cela prouve en effet que la relance réussit. Au cours des sept premiers mois de l'année 1993, 10 000 prêts d'accession sociale à la propriété avaient été contractés. Sur les sept premiers mois de cette année, l'on en compte déjà 30 000, soit trois fois plus.
L'an dernier, 30 000 PAP, avaient été comptabilisés sur douze mois. Nous en prévoyons désormais 55 000 pour 1994. Nous avions prévu une augmentation, mais pas aussi importante.
Le Parisien : Les fonds supplémentaires sont attendus pour le mois de novembre. N'est-ce pas un peu tard ?
H. de Charrette : Cela ira beaucoup plus vite. Nous avions appris qu'il y avait des problèmes dans le courant du mois d'août. Nous nous sommes immédiatement penchés sur le dossier avec le ministère du Budget et je viens d'avoir l'accord du Premier ministre pour débloquer les fonds par anticipation. Les candidats à l'accession à la propriété doivent donc prendre patience.
Dès la fin septembre, toute les DDE recevront l'argent nécessaire et l'ensemble des dossiers seront alors traités. Mon message est simple : ne vous découragez pas. C'est plus que jamais le moment de devenir propriétaire !
Le Parisien : D'où vient l'argent ?
H. de Charrette : Chaque DDE reçoit une dotation annuelle distribuée en plusieurs phases. Cette année j'ai obtenu une augmentation en portant cette dotation à 2,3 milliards de francs.
Le Parisien : Les problèmes rencontrés aujourd'hui risquent alors d'être à nouveau d'actualité en fin d'année ?
H. de Charrette : À chaque jour suffit sa peine.
Le Parisien : Prévoyez-vous une évolution du taux des prêts PAP ?
H. de Charrette : Malgré la hausse des taux de crédit, le taux des prêts PAP restera à 6,95 % sur vingt ans pour l'année 1994. L'accession sociale à la propriété est pour moi la priorité des priorités, et ce taux est véritablement très intéressant.
8 septembre 1994
Les Échos
Hervé de Charette : il faudrait relever le nombre de PAP distribués
Dans un contexte de reprise du logement, reprise tirée par les crédits publics, le ministre rompt le silence ministériel de rigueur avant l'annonce du projet de loi de Finances 1995, pour mettre en garde contre toute tentative de reléguer au second plan l'effort en faveur du logement. Il plaide pour une continuité de la politique engagée en faveur de l'accession sociale à la propriété, moteur de la reprise, et demande au gouvernement de donner de nouveaux signes de sa volonté de rétablir à terme la neutralité fiscale entre les placements immobiliers et mobiliers.
Alors que des négociations très dures ont lieu avec le ministre du Budget, Hervé de Charette lève un coin du voile sur la bataille du budget 1995. Il plaide pour un maintien des PAP, tout en admettant une diminution des PLA et des Palulos. Il refuse toute ponction sur le 1 % logement, alors que, selon nos informations, le taux de cette contribution des entreprises au logement serait maintenu.
En revanche, le ministre du Budget souhaite toujours prélever des fonds sur le 1 % logement en 1995 pour alimenter le fonds national d'aide au logement (FNAL).
Les Échos : En 1993, le gouvernement avait clairement affiché le logement comme l'une de ses priorités. Dans un contexte d'austérité budgétaire, les professionnels ont l'impression que ce sujet va être relégué à l'arrière-plan, alors que la reprise reste fragile. Leurs craintes sont-elles fondées ?
Hervé de Charette : Ce serait une grave erreur si le logement passait au second plan, car la conjoncture du bâtiment est aujourd'hui excellente en volume et en tendance, mais elle présente des zones d'ombre. Les mises en chantier de logements ont augmenté de 21,3 % sur les sept premiers mois de l'année, et le rythme de construction annuelle atteint sur les douze derniers mois 287 500 logements, ce qui confirme la reprise. Mais il ne faut pas oublier que la progression se mesure par rapport au premier semestre 1993, le plus noir dans l'histoire du bâtiment, et que, d'autre part, on est encore assez loin du niveau de 300 000 à 330 000 mises en chantier annuelles, jugé nécessaire par les experts.
En outre, en examinant le contenu de cette croissance, on s'aperçoit que le secteur aidé marche bien et le secteur non aidé moins bien. La relance s'appuie donc sur des crédits publics au logement. C'est pourquoi si l'on avait l'idée que l'on veut réduire aujourd'hui cette intervention, alors on commettrait une grave imprudence, car rien ne nous assure que l'investissement privé va prendre le relais dans les mois qui viennent. Il me paraît donc prématuré de réduire l'effort de l'État.
Les Échos : Les PAP ont rencontré un vif succès. Le gouvernement va-t-il poursuivre le même effort ?
H. de Charrette : L'accession à la propriété a, depuis l'origine, été au centre de la politique gouvernementale : parce qu'elle répond à l'aspiration des Français d'être propriétaires et parce que la relance du bâtiment en dépend fortement. Les prêts PAP ont fait un bond en avant passant d'une distribution annuelle de moins de 30 000 à un rythme de consommation de 60 000 cette année, et qui peut encore se développer. Il faut poursuivre et développer la priorité donnée à l'accession sociale à la propriété. Certes, cela ne va pas sans difficultés. Ces dernières semaines, face à la pression de la demande, nous nous sommes heurtés à la difficulté d'accélérer la mise à disposition des crédits. Cela vient de ce que, au premier semestre 1994, 30 000 PAP ont été distribués contre 10 000 PAP à la même période de 1993. La décision vient d'être prise de débloquer 10 000 prêts PAP supplémentaires, mais je doute que cela suffise pour répondre à la demande.
Par ailleurs, l'augmentation des taux longs et notamment des taux de l'OAT à 10 ans alourdissent le coût de la bonification de ces prêts, ce qui finit par poser un problème budgétaire. Mais le Premier ministre a décidé de maintenir le taux du PAP (6,60 % sur 15 ans) à son niveau actuel pour le moment (en théorie jusqu'à la fin de l'année).
Les Échos : Le niveau des aides à la pierre pourra-t-il être maintenu ?
H. de Charrette : En 1994, nous avons programmé 55 000 PAP à la demande sera légèrement supérieure. Pour l'année prochaine, les négociations sont ardues, mais je n'imagine pas qu'on puisse donner un signal négatif en fixant un chiffre inférieur.
À l'avenir et dans les conditions actuelles, pour répondre à la demande qui se manifeste, il nous faut aller bien au-delà des chiffres actuels. Il ne s'agit pas en effet de répondre seulement à un besoin conjoncturel, même si la politique du logement est un des leviers les plus efficaces d'une politique de croissance et de création d'emplois. C'est aussi une nécessité structurelle, car l'accession sociale à la propriété a une dimension sociale et familiale reconnue par tous.
C'est ainsi la seule façon de diminuer la pression qui pèse sur le logement HLM. Le mouvement HLM accompli un effort considérable avec un rythme de construction de 100 000 logements par an depuis deux ans, et qui peut difficilement être poursuivi. Quant aux Palulos (prêts affectés à la réhabilitation des HLM), il reste à réhabiliter quelque 600 000 logements d'ici à six ans.
Les Échos : Vous évoquez une distribution de PAP largement supérieure au niveau actuel. Comment y parvenir sans alourdir les dépenses budgétaires ?
H. de Charrette : Fixer un objectif (pourquoi pas 80 000 PAP par an) n'interdit pas de réfléchir à des évolutions souhaitables. Je crois par exemple qu'à l'avenir il faudra certainement élargir l'offre de prêts. Nous avons un système trop rigide, trop compartimenté, avec d'un côté la distribution de prêts sociaux par un réseau efficace mais limité et, de l'autre côté, les prêts bancaires. Peut-être qu'en mobilisant d'autres ressources, Livret A, épargne-logement, on pourrait élargir le secteur de l'accession sociale aux banques. Il n'y aurait rien d'anormal à faire appel aux ressources du Livret A.
Les Échos : Alors que vous défendez l'accession à la propriété, le gouvernement souhaite puiser dans les ressources du 1 % logement, qui servent justement à aider les salariés à acheter des logements ?
H. de Charrette : Je suis un défenseur convaincu du rôle du 1 % logement. Tout doit être fait pour éviter d'y porter atteinte. Il faut se débarrasser des faux débats, selon lesquels cette contribution des entreprises au logement ne servirait à rien et serait mal utilisée. Le 1 % logement apporte au logement 13 milliards de francs chaque année, soit à peu près le même montant que les aides budgétaires à la pierre. Ces sommes servent pour moitié à aider les salariés accédants à la propriété et pour moitié à financer des logements HLM. Or, dans les deux cas, plus de la moitié des opérations ne pourraient se faire sans le soutien du 1 % logement.
La question a été soulevée de baisser le taux de cette contribution, mais c'est un leurre sauf à réorganiser totalement la politique de financement du logement et à trouver de nouvelles ressources. Devant les pressions du ministère du Budget au cours des dernières semaines, certains cercles du patronat ont cru devoir faire une proposition. Quelle que soit la décision finale, y compris dans l'hypothèse d'une ponction, que, pour ma part, je regretterai vivement, la convention par laquelle les organismes collecteurs se sont engagés à soutenir l'accession à la propriété devra être poursuivie.
Les Échos : L'autre volet de votre politique était d'encourager l'investissement dans la pierre. À la fin de l'année, les mesures fiscales adoptées dans le cadre du plan de relance viennent à échéance, alors que la reprise du secteur privé reste fragile ? Que peut-on attendre dans le budget 1995 ?
H. de Charrette : Les mesures de relance, temporaires, vont prendre fin. La priorité du budget 1995, outre le développement de l'accession à la propriété, doit être le retour de l'épargne vers la pierre. Dans ce domaine, les résultats sont modérés, car la fiscalité de l'épargne investie dans la pierre apparait toujours excessive aux investisseurs. Nous avons élaboré un programme destiné à assurer l'objectif de la neutralité fiscale que le Premier ministre avait approuvé il y a un an. Diverses mesures permettent d'y parvenir : augmentation de la déduction fiscale, amélioration du régime des plus-values, réforme des droits de mutation. Mais, compte tenu du contexte budgétaire, que je comprends, l'attention devrait se porter plus particulièrement sur deux mesures, qui ont un effet direct pour le soutien de la conjoncture.
Je souhaite que le plafond pour l'imputation du déficit foncier sur le revenu global soit relevé de 50 000 à 100 000 francs. Et je propose une mesure qui réformerait en profondeur des déductions fiscales auxquelles ont droit les accédants à la propriété. Dans le système actuel, ces derniers peuvent déduire de leurs revenus 25 % des intérêts d'emprunts dans la limite d'un plafond qui varie selon la situation familiale. Cette mesure coûte cher (5 milliards par an) et a un effet peu incitatif. Elle incite davantage à emprunter qu'à mobiliser ses fonds propres et elle n'est jamais prise en considération au moment de l'achat. Je suggère qu'à masse financière constante, on remplace ce dispositif par un système selon lequel l'investissement dans une résidence principale serait assorti d'un avantage fiscal égal à 10 % de l'investissement dans la limite d'un plafond et sur une durée de deux ans. L'acquéreur d'un logement de 600 000 francs pourrait ainsi déduire 60 000 francs sur deux ans. Ce système serait plus simple, plus incitatif et ne coûterait pas plus cher à l'État.
Les Échos : Ces mesures vont-elles être adoptées ?
H. de Charrette : Le budget logement est encore en discussion, mais il faut que la politique du logement ne soit pas sacrifiée.