Éditoriaux de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, parus dans "La Lettre de Jean-Marie Le Pen" des 1er et 15 avril et du 1er mai 1994, sur la corruption de la vie politique, le risque d'un afflux de réfugiés algériens en France et le silence des médias sur le défilé du 1er mai organisé par le FN.

Prononcé le 1er avril 1994

Intervenant(s) : 

Média : La lettre de Jean-Marie Le Pen

Texte intégral

Pour une opération "mains propres"

Les chômeurs appréciaient le goût des gros cigares de Michel Charasse. Les contribuables se souviennent encore du "Carrefour du Développement".

On connaissait les dépenses fastueuses de M. Attali à la tête de la BERD. Les jeunes auxquels le Gouvernement de M. Balladur proposait encore récemment de travailler pour 80 % du SMIC auront sans doute apprécié que l'État couvre les ruineuses "erreurs de gestion" de M. Haberer au Crédit Lyonnais : un déficit de 6,9 milliards de francs en 1993, auquel s'ajoute la garantie de l'État pour 18,4 milliards de créances douteuses. Combien de salaires maternels auraient pu être versés à la place de cette gabegie ?

Les sommes englouties dans les différents scandales politico-financiers de ces dernières années sont colossales. Mais les coupables courent toujours pour la plupart. Quelques juges courageux ont bien tenté ici et là de faire leur devoir. C'est grâce à leur ténacité que certaines affaires comme Urba-Graco ont pu être révélées sur la place publique. Mais pour un juge Beffy qui questionne Tapie sur les magouilles de l'OM ou un juge Van Ruymbeke qui enquête sur Gérard Longuet et sur le financement occulte du PR, combien de magistrats préfèrent se taire ! Et ne parlons pas des morts mystérieuses, jamais éclaircies, du bon ami du président de la République, M. Patrice Pelat, englué jusqu'au cou dans le délit d'initié de l'affaire "Triangle", jusqu'au décès "providentiel" de Xavier de la Fournière, financier de M. Valéry Giscard d'Estaing. L'argent et la mort font bon ménage, le "gaullisme immobilier" l'avait compris il y a longtemps. Depuis, cette tradition peu recommandable a fait des émules. Le Parti Communiste était habitué à mettre en coupe réglée les municipalités de la banlieue rouge. Le PS, l'UDF et le RPR ont chacun à leur tour mis en place des réseaux d'extorsion de fonds. Ces gens n'ont pas plus de militants qu'ils n'ont de convictions. Cependant, ils sont avides d'argent, d'honneurs, et surtout se veulent donneurs de leçons. Leur culot n'a d'égal que leur malhonnêteté.

Mais il ne faut jamais désespérer. L'Italie est là pour nous montrer que tout est toujours possible. Il y a encore quelques mois, la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste se partageaient le gâteau, comme ils avaient coutume de le faire depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ils semblaient établis ad vitam æternam, se partageant les prébendes et les privilèges, et se tenant mutuellement par des scandales réciproques.

La mafia semblait tout contrôler, avec la complicité tacite et parfois même active des vieilles badernes au pouvoir. Et puis quelques hommes courageux se sont levés, des carabiniers, des magistrats. Nombre d'entre eux, comme le Général Della Chiesa ou le juge Falcone l'ont payé de leur vie. Mais leurs successeurs ont tenu bon. Ainsi l'opération "Mains propres" a-t- elle permit de faire le ménage sur la scène politique italienne. Fin mars, un raz-de-marée électoral est venu balayer ces sordides connivences. Contre toute attente, contre l'avis de l'intelligentsia, contre les appareils en place, une coalition nouvelle est apparue, à laquelle participe le parti-frère du Front National en Italie, le MSI rebaptisé Alliance Nationale. Ce qui est vrai de l'autre côté des Alpes vaut aussi pour chez nous.

Par ses atermoiements, par ses dérobades, par ses compromissions, le gouvernement actuel prépare la chienlit de demain. Il est donc logique que le syndrome italien se manifeste tôt ou tard chez nous. Soyons donc prêts à assurer la relève. Tout vient à point à qui sait attendre.


15 avril 1994
La lettre de J.-M. Le Pen – N° 152

Scandaleux !

Antenne 2 vient d'annuler L'Heure de Vérité de Jean-Marie Le Pen prévue le 8 mai prochain. Le FN va réagir comme il se doit. Consignes données le 1er mai à Paris.

Éditorial

Ruée vers le chaos

Le 19 mars 1962, par les accords d'Évian, la France bien que victorieuse sur le terrain, officialisait son abandon de l'Algérie.

Un million de pieds noirs prenaient le chemin de l'exil, pendant que des centaines de milliers de harkis qui avaient cru en la parole donnée étaient lâchement abandonnés par le Gouvernement français. L'armée déchirée laissait faire. Les plus courageux de ses cadres se trouvaient en prison ou en exil. Elle allait mettre plusieurs décennies à panser ses plaies et à guérir de ce qu'il faut bien nommer de "syndrome algérien".

La blessure morale était profonde. Les blessures physiques ne l'étaient pas moins. Les atrocités commises par le FLN à l'encontre de leurs compatriotes musulmans qui avaient fait le choix de la fidélité à la France, se multipliaient dans l'indifférence générale.

À quoi bon évoquer encore la guerre d'Algérie, diront certains… ceux-là mêmes qui protestaient à l'aube des années cinquante contre la présence du corps expéditionnaire français en Indochine, et versaient à la fin des années quatre-vingt des larmes de crocodile sur les "boat-people", fuyant la dictature communiste d'Ho-Chi-Minh Ville…

À quoi bon ? Tout d'abord à comprendre ce qui se passe aujourd'hui dans nos anciennes colonies, et tout particulièrement en Algérie. Trente ans après le départ des Français auxquels on ne laissait pas d'autre choix que "la valise ou le cercueil", l'Algérie s'enfonce dans la guerre civile.

Menacé dans ses prébendes et ses privilèges, le FLN a brutalement interrompu le "processus démocratique" qui portait l'opposition à la tête du pays. Les adversaires du FLN ont été arrêtés, emprisonnés, réduits au silence. Des représailles se sont organisées. Des étrangers ont été assassinés, sans que l'on sache exactement par qui. Services spéciaux algériens et commandos d'anciens volontaires algériens en Afghanistan se livrent une guerre sans merci. Personne n'est épargné, pas même l'ancien Premier ministre Kasdi Merbah. Le cycle de la violence combinant terrorisme et répression a été enclenché. Résultat : depuis janvier 1992, on recense officiellement plus de 4 500 tués.

Repli sur la France !

Le malheur est que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne s'agit pas d'une affaire concernant la seule Algérie.

En effet, les dirigeants du FLN en pleine déconfiture envisagent ouvertement un repli sur la France. Il y a des signes qui ne trompent pas : la presse de la "gauche-caviar" prépare activement l'opinion française à cette éventualité. On nous parle ainsi d'un prétendu "devoir moral d'accueil" envers les "intellectuels" algériens. Combien seront-ils à déferler sur le sol français ? Un, deux ou trois millions ? Curieux revers de l'histoire, ô combien prévisible cependant, qui verrait ainsi les terroristes du FLN chassés par d'autres terroristes, trouver refuge sur cette terre de France qu'ils abhorraient et dont ils firent tout pour se séparer !

Ainsi, après avoir été chassés d'Algérie, les Français devraient maintenant accueillir à bras ouverts leurs anciens bourreaux ! Imagine-t-on la préfecture de la Haute-Vienne imposer aux habitants d'Oradour-sur-Glane d'accueillir les anciens combattants de la division "Das Reich", leurs femmes et leurs enfants ? Nos plumitifs des hebdos parisiens exigeraient-ils qu'Israël ouvre grandes ses portes à tous les Palestiniens en exil ? Bien sûr que non. Nous devons mettre en garde nos concitoyens contre ces manœuvres et cette propagande. L'Algérie a choisi son destin en 1962. Elle doit l'assumer. Notre mot d'ordre reste ni FIS ni FLN. La France n'a pas à être le réceptacle de tous les terroristes du monde. Et l'exemple algérien risque fort d'être suivi par d'autres pays où les musulmans les plus durs ont le vent en poupe, l'Égypte bien sûr, mais aussi la Syrie, la Cisjordanie et Gaza, la Jordanie, l'Arabie Saoudite ou encore la Turquie. Le gouvernement et le gang des Quatre doivent savoir que nous ne céderons pas sur ce point nous n'accepterons jamais l'arrivée en masse de ceux qui réclamèrent à cor et à cri la décolonisation, chassèrent sans vergogne les Européens et se trouvent à présent confrontés à plus violents qu'eux. La France, ouverte et généreuse, oui. La France, base de repli de tous les terroristes battus, non. Chacun chez soi et les chèvres seront bien gardées.


mai 1994
La lettre de J.-M. Le Pen – N° 196

Le 1er mai, devant des milliers de frontistes rassemblés sur une place du Palais-Royal archi-comble, Jean-Marie Le Pen a dénoncé l'Europe de Maastricht et a stigmatisé le silence médiatique organisé autour du Front National.

Démonstration quelques heures plus tard : aux journaux de 20 heures, quelques secondes seulement ont été consacrées par les télévisions au grand rassemblement du FN, en l'honneur de Jeanne d'Arc et du travail.

Éditorial

Le couvercle de la marmite

Jeanne d'Arc n'a décidément pas la faveur des médias. Au soir de notre défilé traditionnel en l'honneur de la sainte de la patrie, télés et radios se montrèrent peu loquaces sur notre manifestation, qui avait pourtant réuni plus de dix mille militants venus de toute la France.

Nous n'eûmes droit en tout et pour tout qu'à une poignée de secondes dans les journaux télévisés, alors que, sous un soleil magnifique, le décor se prêtait à toutes les prises de vue : chevaliers en armures recouvertes de broderies chatoyantes, bannières et oriflammes multicolores déployés dans la brise du petit matin, gigantesque fresque murale aux couleurs pastel dressée sur la place du Palais-Royal…

Alors que les média faisaient le soir-même la part belle aux maigres défilés des syndicats officiels, la règle du silence se trouvait confortée à notre endroit. Dans cette attitude, il y a plus que du mépris envers nous, il y a bel et bien une volonté d'occultation. C'est le complexe de la persécution, clament nos adversaires. Faux, leur rétorquons-nous. Vous voulez des faits ? En voici. Depuis dix-huit mois, aucun haut responsable du Front National n'a été invité à une émission politique importante. Ainsi, L'Heure de Vérité, dont je devais être l'invité le 8 mai a été purement et simplement annulée. Et, comble de l'ironie, on m'a signifié que c'était pour respecter la règle du "pluralisme" dans la "zone sensible" de la pré-campagne électorale !

En revanche, Robert Hue, nouveau secrétaire général du HPC, est invité successivement à L'Heure de Vérité et à Sept sur Sept durant la même période prétendument sensible. Les "autorités morales" qui règnent sur le Paysage Audiovisuel Français n'y trouvent bien sûr rien à redire. Quant à Bernard Tapie, l'homme aux innombrables inculpations, il est l'invité omniprésent des média, le chouchou des rédactions comme Knobelspiess en son temps. Il a beau tricher éhontément, personne ne s'en indigne.

Procédés staliniens

J'ai attiré à plusieurs reprises l'attention du Premier ministre et du Président du CSA sur ces manquements graves à la déontologie, et dénoncé avec vigueur ces procédés staliniens qu'une véritable démocratie ne saurait tolérer.

Comment les Français pourraient-ils connaître notre programme et nos propositions, quand la campagne officielle pour les élections européennes nous accorde en tout et pour tout 2 mn 30 s d'antenne ? Les listes représentées à l'Assemblée et au Sénat (PC, PS, liste Tapie, liste Baudis) pourront, elles, se répartir deux heures d'antenne. Le fait que nous soyons représentés par un groupe parlementaire à Strasbourg ne change rien au regard de l'actuelle législation française. Le seul cadre légal retenu pour appliquer la règle dite des "trois-tiers" (gouvernement, opposition, majorité) date d'une jurisprudence du Conseil d'État de 1969, fondée sur la représentation que les groupes ont au Parlement français.

Or, là où le bât blesse, c'est qu'il y a en France aujourd'hui non pas une, mais des oppositions. Le mouvement national constitue l'une de ces forces, et non des moindres. Le CSA ne fait rien pour lui permettre de lutter à armes égales avec les autres formations. Supposé veiller à faire respecter le bon droit dans le Paysage Audiovisuel Français, il n'a en fait qu'une vague capacité de recommandation. Il peut "mettre en demeure" ou faire des "remontrances" qui ont lieu… plusieurs mois après l'élection ! Autrement dit, il n'a aucun pouvoir…

Il ne faut dès lors pas s'étonner d'observer d'étranges distorsions entre les décisions prises au sommet de l'État et les réactions de la rue. L'affaire du SMIC-jeune l'a amplement prouvé. Les mécanismes du pouvoir sont condamnés à se gripper lorsqu'il n'y a plus de communication entre le peuple et le législatif, entre les citoyens et ceux qui les représentent. Une telle situation est inacceptable. Elle est contraire aux fondements mêmes de la Ve République puisque notre Constitution précise sans ambages dans son quatrième article que "les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement…" Une fois de plus, nous avons le bon droit avec nous. Que ceux qui usent de notre patience prennent garde à ne pas en abuser. À trop verrouiller le couvercle de la marmite, elle finit par exploser.