Interview de M. Brunot Mégret, délégué général du Front national, à RTL le 24 juin 1998, sur le verdict de la Cour d'assises d'Aix-en-Provence condamnant les trois militants du Front national accusés du meurtre d'Ibrahim Ali.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Olivier Mazerolle : Après le verdict condamnant les militants du Front national accuses du meurtre d’I. Ali, est-ce que vous êtes toujours prêt à dire, comme vous l'aviez dit en témoignage au cours de ce procès, que ces hommes constituent l'élite de nos compatriotes ?

Bruno Mégret : Oui. Moi, je suis tout à fait scandalisé par ce verdict, parce que je crois qu'il était clair qu'aucun de ces colleurs d'affiches n'a cherché à tuer ni même à blesser, et que s'ils ont tiré, c'est simplement parce qu'ils se sont sentis gravement menacés. Et lorsque j'ai dit cela, dans un contexte général, je voulais souligner que ces colleurs d'affiches n'allaient pas coller des affiches pour un quelconque gain personnel, ils le faisaient pour une cause, pour leurs idées, pour leur idéal, pour la défense de leur pays et de leur peuple, et qu'ils appartiennent, en effet, à ces Français, peut-être pas assez nombreux, qui ne vivent pas seulement pour eux-mêmes, mais qui vivent aussi pour les autres, et cela, c'est vrai que c'est une forme d'élite civique que de se consacrer à son pays pour défendre les idées qui sont les siennes.

Olivier Mazerolle : Mais quelles que soient les circonstances, quand on tue quelqu'un d'une balle dans le dos, on peut appartenir à l’élite ?

Bruno Mégret : Je ne pense pas qu'ils ont voulu tuer…

Olivier Mazerolle : Ils ont tué d'une balle dans le dos !

Bruno Mégret : Si la personne, hélas victime de ce dramatique événement, a été tuée d'une balle dans le dos à quarante mètres en pleine nuit, c'est bien la preuve que les intéressés ne voulaient pas la tuer puisqu'il y avait en face d'eux, à cinq mètres, des gens qui leur faisaient face. S'ils avaient voulu tuer, ils auraient tiré ceux qui étaient à cinq mètres devant eux, et pas celui qui était à quarante mètres qu'ils ne voyaient même pas. Ce procès est un procès politique, et c'est cela qui est insupportable aujourd'hui dans notre pays, c'est que dès lors que le Front national est impliqué, ce sont des sanctions démentielles qui sont appliquées ! Le Front national se présente dans un procès, il a tort, quoiqu'il arrive, quelle que soit la juridiction, c'est maintenant systématique ! Et je demande aux auditeurs de bien faire attention, il n'y aura plus maintenant de procès où le Front national est impliqué et où on ne lui donnera pas tort... C'est pas normal !  C'est insupportable, c'est une persécution !

Olivier Mazerolle : Le témoignage de la petite fille de R. Lagier, Julie, qui a expliqué que son grand-père l'emmenait au stand de tir dès l'âge de huit ans et qui lui montrait, je cite ses propos, « comment on s'entraine à tirer sur les melons ou les bougnoules », ne modifie pas votre appréciation sur l’élite ?

Bruno Mégret : Vous savez de qui il s'agissait. Il s'agissait de la fille de la belle-sœur de M. Lagier, qui est en divorce avec le fils de M. Lagier, c'est une guerre de famille sans doute assez sordide, hélas, comme il en existe dans d'autres familles. Et cette petite fille est venue témoigner pour régler des comptes. C'est tout à fait sordide et cela ne mériterait pas d’être évoqué ici, je pense.

Olivier Mazerolle : C'est un jury populaire qui a prononcé ce verdict. Comment pouvez-vous le trouver injuste ?

Bruno Mégret : Je ne sais pas dans quelles conditions les jurés ont été amenés à se prononcer, moi j'ai ma conviction intime et je suis révolté de ce verdict. Je pense que, lorsqu'on sait qu'il y a aujourd'hui de vrais malfrats qui commettent des crimes crapuleux et qui sont condamnés à sept ans de prison fermes, c'est totalement injuste. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas lieu de sanctions, car en effet la mort est là. Mais des sanctions aussi dures avec l'affirmation qu'ils ont voulu tuer, qu'ils ont tué par racisme, c'est totalement faux ! C'est indigne ! Quand je vois le procureur général venir faire ensuite sa propagande devant les caméras de télévision, en essayant de charger le Front national, alors que nous sommes dans un Etat de droit, dans une démocratie, où il n'y a pas de responsabilité collective.

Olivier Mazerolle : Les jurés appartiennent à la population française, c'est eux qui ont jugé !

Bruno Mégret : La responsabilité collective, cela n'existe que dans les dictatures ! Et lorsqu'on essaye d'impliquer le Front national dans cette affaire, c'est la preuve qu'on n'est plus vraiment en démocratie !

Olivier Mazerolle : Mais les jurés ont condamné des personnes, des individus, donc des individualités. Vous n'êtes pas troublé par le fait que des jurés populaires soient en total désaccord avec vous ?

Bruno Mégret : Je pense que ces jurés ont été tellement mal influencés par le politiquement correct, cette espèce de propagande larvée qui existe dans notre pays de façon permanente, et qui a été introduite dans le procès. Parce qu'il y avait dans ce procès toutes les organisations qui combattent politiquement le Front national. Qu'est-ce qu'elles faisaient là ? Elles n'avaient rien à faire là ! C'est un événement dramatique, comme il s'en produit, hélas, un certain nombre dans ce pays où la politique n'a pas sa place ! Et nos adversaires l'ont fait entrer dans ce procès, c'est insupportable là aussi !

Olivier Mazerolle : Vous avez introduit dans votre témoignage une notion juridique nouvelle, en disant : ce n'est pas la réalité des faits qui est importante, c'est la perception que les accusés en avaient. On peut juger sur ce que l'on pense, et non pas sur la réalité ?

Bruno Mégret : Si quelqu'un, en effet, tire et tue une personne qui se trouve en face de lui, je crois que c'est quand même assez important de savoir s'il a voulu le faire de sang-froid, par haine, dans un acte gratuit et scandaleux, ou s'il a cru que la personne allait l'agresser et qu'il l'a fait simplement dans la volonté de se défendre. Je crois que c'est important de savoir cela.

Olivier Mazerolle : L'avocat lui-même des trois accusés a récusé cette argumentation.

Bruno Mégret : L'avocat, qui n'était pas d'ailleurs proche du Front national, a mené la plaidoirie qu'il a voulue avec le résultat que l'on constate. Cela, c'est de sa responsabilité. Moi, je connais bien les militants du Front national en général, je connaissais ceux-là par réputation, je connais les quartiers nord de Marseille, et je dis qu'il est totalement impensable que ces gens-là aient tiré sans s'être sentis gravement menacés dans leur intégrité physique.

Olivier Mazerolle : Même en admettant cela, quand on appartient à l'élite, on doit pouvoir garder son sang-froid, non ?

Bruno Mégret : C'est une élite morale. Et ces gens-là ont, bien sûr, eux aussi leurs faiblesses, comme chacun d'entre nous. Mais y a-t-il beaucoup de gens qui acceptent de se battre pour leur idéal, et d'aller exercer leurs droits civiques dans des quartiers où la police parfois n'ose même plus pénétrer, où les services de l’Etat ne font plus leur travail, et considérant que la France, c'est partout la France, encore chez nous, même dans les quartiers nord de Marseille.

Olivier Mazerolle : Il est question d'une réforme du mode de scrutin aux élections régionales, c'est-à-dire proportionnelle à deux tours, avec bonus pour la liste arrivée en tête au deuxième tour, M. Gollnisch dit que c'est une manœuvre, mais M. Le Gallou dit : c'est bien, on va pouvoir gagner des régions ?

Bruno Mégret : L'un et l'autre sont dans le vrai. Je pense que cette réforme n'est envisagée et mise en œuvre que pour contrer le Front national. C'est une réforme électorale de circonstances, on n'agit plus dans l'intérêt du pays, on agit pour barrer la route au Front national. Alors, on trouve que le Front national à trop de place dans les régions, on va faire une loi pour tenter de le faire reculer. Cela va, peut-être, nous faire reculer en nombre de sièges, mais c'est vrai que, dans la mesure où il y aura une prime à ceux qui arriveront en tête, cela peut nous permettre de gagner certaines régions, notamment la région PACA.

Olivier Mazerolle : Vous n'y êtes donc pas franchement hostile ?

Bruno Mégret : Vous savez, je pense que des manœuvres dirigées contre nous peuvent sortir des situations qui nous sont favorables. Les réformes de scrutin se retournent souvent contre ceux qui les ont concoctées à leur profit.