Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité des finances locales,
Permettez-moi de vous exprimer tout le plaisir que j'ai à répondre à votre invitation de venir devant votre comité pour évoquer le récent débat, à l'Assemblée nationale, sur le projet de loi d'orientation pour le développement du territoire. Il m'apparaît en effet naturel que votre comité, qui a vocation à s'intéresser à tout ce qui touche les finances, et, au-delà, la vie des collectivités locales, puisse connaître, par la voix du ministre en charge des Collectivités locales, l'état du projet de loi après son adoption en première lecture par l'Assemblée nationale et les intentions du Gouvernement. J'en profite pour remercier les députés membres de votre comité qui ont activement participé à la discussion parlementaire, contribuant ainsi à l'enrichissement des débats qui, durant toute une semaine, ont été très denses.
J'ajouterai que c'est la quatrième fois en un peu plus d'un an que je me trouve devant vous. Ce rythme de rencontre – une tous les quatre mois en moyenne – me paraît tout à fait satisfaisant car il ne saurait y avoir, dans le domaine des finances locales, de réelles décisions sans une information et une concertation régulières entre le Gouvernement et votre comité et j'ai, avec votre autorisation, M. le Président, l'intention de poursuivre dans cette voie.
Comme vous le savez et comme l'ont montré les échanges avec les élus lors du grand débat, une relance vigoureuse de la politique d'aménagement du territoire ne peut se faire sans une mobilisation, sur le terrain, des collectivités locales. C'est dans cet esprit qu'une partie importante du projet de loi – il s'agit du titre V "les collectivités territoriales et le développement local" – propose un certain nombre d'orientations et d'actions permettant de trouver un nouveau point d'équilibre entre l'État et les collectivités locales, en matière de compétences comme dans le domaine des financements.
S'agissant des compétences, afin de clarifier leur répartition entre État et collectivités locales, le projet, dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, prévoit que, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi d'orientation, une loi ultérieure portera révision des lois des 7 janvier et 22 juillet 1983. Le Gouvernement a tenu, par voie d'amendement, à faire figurer, dans le texte de la loi, cette disposition qui ne figurait initialement, à titre de déclaration d'intention, que dans l'exposé des motifs. Il a également tenu à ce que cette disposition indique expressément que tout transfert de compétences sera accompagné du transfert des personnels et des ressources correspondant. Ainsi, se trouve confirmé le principe qui a prévalu depuis les lois de décentralisation de 1983, et dont le contrôle a été confié à la commission consultative pour l'évaluation des charges qui se réunira à nouveau à l'automne.
S'agissant des ressources, le projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions permettant d'atteindre un des objectifs essentiels de la politique de développement du territoire qui est la réduction des écarts de ressources entre collectivités compte-tenu de leurs richesses et de leurs charges. En effet, sans une péréquation vigoureuse, il ne peut y avoir ni solidarité effective, ni égalité devant le service public, ni unité véritable du territoire national.
La recherche de cette péréquation constitue un objectif de longue haleine. En effet, en matière de finances locales, il convient de se méfier des réformes rapides, faites sans études suffisantes et sans concertation satisfaisante avec les élus. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité demander au Parlement de l'autoriser à effectuer un certain nombre de rapports et de simulations. Ces travaux, qui seront soumis au Parlement au plus tard dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi d'orientation, permettront d'éclairer la représentation nationale sur les choix qu'elle aura à faire. Certains parlementaires, lors de la discussion du projet de loi, ont estimé trop nombreux ces rapports et auraient souhaité davantage de décisions à plus court terme. Connaissant la complexité de la matière et les répercussions inévitables qu'a nécessairement une réforme même partielle sur l'équilibre entier du système des finances locales, il m'apparaît au contraire nécessaire de permettre au Parlement de disposer des informations et des simulations les plus complètes.
Ces rapports porteront sur les points suivants :
1) Les modalités de la réduction des écarts de richesse entre les collectivités locales en fonction de la disparité de leurs ressources et de leurs charges. Un indice synthétique permettra, à cet effet, de mesurer les ressources et les charges des communes, départements et régions. Il s'agit d'un travail de recherche préalable et indispensable à la définition d'un véritable système de péréquation entre collectivités.
2) L'adaptation, aux objectifs de développement du territoire, des concours de l'État aux dépenses d'équipement des collectivités locales. Je sais l'attachement des élus locaux – et de votre comité – au maintien du principe selon lequel le fonds de compensation pour la TVA constitue un remboursement d'impôt et non une subvention d'équipement. J'ai en mémoire les observations que vous avez faites à ce sujet lors de votre séance du 19 mai dernier. Le Gouvernement n'en sera donc que plus à l'aise pour faire des propositions qui permettront de laisser intact le lien entre le fonds de compensation et la TVA.
3) La réforme du système de financement des collectivités locales et, en particulier, de la taxe professionnelle. Ce rapport sera accompagné d'une étude qui examinera les conditions d'une réforme des mécanismes de liaison entre la taxe professionnelle et la taxe d'habitation.
Là aussi, l'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin que la proposition initiale du Gouvernement qui portait sur trois pistes de réforme de la taxe professionnelle. Une réforme de la taxe professionnelle apparaît, compte-tenu des inévitables répercussions, indissociable d'une réforme globale du système de financement des collectivités locales.
Avant même la production des rapports et les réformes de fond qui seront décidées par la représentation nationale, le Gouvernement a souhaité mettre en place, dès 1995, un certain nombre de mesures permettant d'améliorer la solidarité entre collectivités. Deux raisons ont poussé le Gouvernement à proposer ces réformes immédiates : la première, c'est l'urgence devant laquelle de nombreuses collectivités se trouvent de devoir faire appel à la solidarité ; la seconde est une raison de principe qui illustre la volonté du Gouvernement d'aller le plus loin possible en matière de péréquation. Ces réformes, qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, sont les suivantes :
1) La suppression progressive sur dix années, à raison de 120 millions de F par an, de la dotation globale de fonctionnement de la région d'Ile-de-France. Les sommes ainsi dégagées abonderont pour moitié la dotation de solidarité urbaine et pour l'autre moitié, la dotation de solidarité rurale.
Comme vous le savez, l'Ile-de-France, seule région bénéficiant d'une DGF, ne verra pas pour autant ses crédits diminuer puisqu'elle bénéficiera du versement, à due concurrence des sommes ainsi prélevées, de crédits en provenance du FARIF, le fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, géré par l'État, même si je n'ignore pas que, durant les prochaines années, les disponibilités du FARIF seront largement obérées par les engagements pris par l'État que le législateur a voulu confirmer.
2) La création d'un fonds national de péréquation permettant de réduire les écarts de ressources entre collectivités. La constitution de ce fonds sera rendue possible dès 1995. Doté d'environ 3 milliards de F, il sera alimenté par les crédits de la première part de la DGE et par un prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle à hauteur de 10 % de son montant.
3) Le rapport d'étape sur l'application de la réforme de la DGF, prévu par la loi du 31 décembre 1993 et que le Gouvernement présentera au Parlement avant le 30 avril prochain, comportera des propositions tendant à renforcer la contribution de la DGF à la réduction des écarts de ressources entre collectivités. Cette précision qu'apporte le projet de loi fera de ce rapport un document dynamique, tourné vers l'avenir et de nouvelles voies de réformes.
4) Enfin, les conditions d'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA n'ont pas été absents des débats. Le Gouvernement a finalement proposé à l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée, une disposition tendant à reporter d'une année, soit au 31 décembre 1995, la date limite de fin des travaux dans le cadre des dispositions dérogatoires prévues par l'article 49 de la loi de finances rectificative pour 1993 en faveur des communes rurales, pour les constructions de gendarmeries, de logements sociaux et d'équipements de tourisme social. Cette disposition donnera un délai supplémentaire utile à ces communes.
Voilà donc, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les dispositions intéressant les finances locales contenues dans le projet de loi d'orientation, tel qu'il résulte de son adoption, en première lecture, par l'Assemblée nationale. Le Sénat sera appelé, à son tour, à se prononcer sur ce projet au début de la session d'automne, l'objectif du Gouvernement étant bien entendu que la loi puisse être définitivement votée avant le 1er janvier 1995.
En matière de finances locales, il n'est de réformes viables que celles qui reposent sur des études préalables et une large concertation avec les représentants des collectivités locales intéressées. Je vous donne donc l'assurance que, comme nous l'avons fait pour la récente réforme de la DGF, votre comité sera associé à la mise en place des différentes réformes prévues par le projet de loi.
C'est toujours dans le cadre d'un objectif de concertation et de transparence avec les élus que le Premier Ministre vient de décider de rendre public le rapport qu'a produit récemment le groupe de travail sur les relations financières entre l'État et les collectivités locales présidé par M. François Delafosse. J'ai donc tenu à ce que les membres de votre comité puissent avoir communication de ce document dès aujourd'hui. Je rappelle que le Premier Ministre a aussi décidé la prolongation de la mission qui aura à étudier les conditions de la participation des collectivités locales à l'effort de maîtrise des finances publiques. Enfin, répondant aux demandes de nombreux élus, le Premier ministre a décidé la création d'un observatoire des finances locales, composé de parlementaires, d'élus locaux et de représentants des administrations intéressées. Je serai amené prochainement à préciser la composition et les missions de cette nouvelle instance qui fonctionnera dans un large esprit de concertation et de transparence.
Je reprendrai prochainement contact avec vous, M. le Président, en vue de la mise sur pied de cet observatoire qui, dans mon esprit, ne sera ni un organisme, ni un comité d'experts – ce qu'est votre comité –, mais une instance de concertation à laquelle je souhaite que votre comité participe.
Je sais pouvoir compter en toute circonstance sur les avis éclairés de votre comité et, par avance, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du comité, je vous en remercie vivement.