Texte intégral
Messieurs les Ministres et chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous exprimer tout le plaisir que j'ai aujourd'hui d'ouvrir les travaux du Conseil national de la Montagne, en attendant que le Premier ministre vienne nous rejoindre en cours de réunion. Je voudrais aussi remercier Michel Barnier de nous prêter cette belle salle du conseil général de Savoie.
Je sais que certains d'entre vous s'étonnaient, il y a encore peu de temps, de l'absence de réunion du Conseil National alors même que le grand débat sur l'aménagement et le développement du territoire se déroulait.
Y avait-il de la part du Gouvernement une intention délibérée ? À l'évidence non.
Les élus de la montagne sont très largement intervenus dans chaque région, mais aussi au plan national par l'intermédiaire notamment de la Fédération Française d'Économie Montagnarde et de l'Association Nationale des Élus de la Montagne dont le livre blanc a contribué de façon importante au débat.
En outre, le rapporteur au nom de la commission spéciale de l'Assemblée Nationale sur le projet de loi pour l'aménagement et le développement du territoire, M. Patrick Ollier, est aussi le secrétaire général de l'ANEM, et il ne pouvait oublier, dans le cadre de cette tâche, la montagne.
Enfin, mais ce n'est pas tout à fait une excuse j'en conviens, le Conseil National est un organisme lourd à mettre en place. J'en veux pour preuve le fait qu'il devait, aux termes de la loi de 9 janvier 1985, se réunir une fois par an et qu'en réalité, depuis son installation en février 1986, il n'a été réuni que trois fois.
Pour autant cette première question sur le rôle de votre Conseil en sous-entend deux autres, étroitement liées, qui sont dans tous les esprits, et auxquelles je souhaite répondre très clairement.
1° En premier lieu, le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale le 12 juillet, a t'il répondu aux besoins de la montagne ?
Cette question met en lumière un paradoxe.
De nombreuses dispositions du projet de loi d'orientation sont en effet directement inspirées de la loi Montagne au point de paraître la banaliser. La loi Montagne serait dès lors victime de sa réussite.
C'est pour partie vrai, mais j'y vois avant tout un motif de fierté. La politique de la montagne existe de longue date en France la définition de la zone montagne date de 1961.
Amplifiée par la loi Montagne qui lui a donné un caractère global avec des dispositions propres en matière d'aménagement et d'urbanisme, mais aussi économique, sociale et touristique, cette politique a constitué une expérience irremplaçable pour mettre en place la politique globale de développement dont le Gouvernement entend faire bénéficier tout le territoire.
De surcroît, la politique de la montagne, qui est innovante à bien des égards et qui est en cours d'évaluation, trouvera dans ce nouveau cadre un moyen de relance.
Permettez-moi d'en donner quelques exemples.
a) Le projet de loi d'orientation prévoit que les régions élaborent une charte régionale d'aménagement du territoire. Cette procédure doit être l'occasion d'associer étroitement les comités de massif à une démarche contractuelle et globale d'appui aux territoires en développement. Ces comités seront de même associés à l'élaboration des directives territoriales d'aménagement qui les concernent.
b) Par ailleurs, le fonds de gestion de l'espace rural permettra notamment de rémunérer à sa juste valeur la contribution des agriculteurs à l'entretien de l'espace et ceci essentiellement dans les zones d'agriculture extensive.
La création de ce fonds devrait participer, avec la mise en place de mesures nouvelles en faveur de la pluriactivité décidées lors du CIDAR du 30 juin dernier, non seulement au maintien de la qualité des paysages et des ressources naturelles mais aussi au maintien et au développement d'emplois agricoles dans des secteurs géographiques, au premier rang desquels les zones de montagne.
c)– En ce qui concerne la fiscalité différenciée instituée dans le projet en faveur des zones les plus fragiles, le Gouvernement a retenu la proposition de l'Assemblée nationale réduisant les droits de mutation à 0 % dans les communes de moins de 5 000 habitants situées dans les zones rurales de développement prioritaire qui devraient recouvrir la quasi-totalité des zones de montagne.
d) Enfin, je sais que vous êtes très largement favorables aux diverses formes de coopération qui sont favorisées par le projet de loi.
Il s'agit des « pays » qui ne sont pas l'amorce d'une nouvelle collectivité locale, mais qui, lorsqu'ils seront reconnus par la commission départementale de la coopération intercommunale, seront l'optimum vers lesquels les groupements de communes doivent tendre pour mettre en œuvre un réel développement local. En montagne, les vallées correspondront bien souvent à cet optimum.
Il s'agit aussi des ententes interrégionales dont la nécessité n'est plus à démontrer pour l'ensemble de nos massifs qui sont tous, pour la partie continentale de la France, partagés entre plusieurs régions administratives. Ces massifs sont d'ailleurs les seuls territoires qui disposent déjà des moyens techniques et institutionnels – les commissariats et les comités de massif –, qui leur permettent de mener des politiques cohérentes interrégionales.
Il s'agit enfin de la coopération transfrontalière qui intéresse très directement les régions de montagne : Alpes, Pyrénées, Jura et Vosges. Ces massifs ne sont plus des obstacles à contourner, des barrières infranchissables. Ce sont au contraire des zones de liaison où peuvent s'établir des cohérences transnationales. Les démarches transfrontalières doivent prendre en compte les réalités institutionnelles et géographiques diverses des régions concernées en permettant le renforcement d'une solidarité européenne et montagnarde.
Ces quelques exemples n'empêcheront pas, je le sais, que vous vous posiez une autre question.
2° Y a-t-il encore place pour une politique spécifique en faveur de la montagne ?
La réponse du Gouvernement est, sans hésitation, oui.
À cet égard, monsieur le Premier ministre vous annoncera de nouvelles mesures qui sont la preuve tangible de cette politique permanente en faveur de la montagne.
Pour ce qui me concerne, je retiendrai deux preuves de cette importance accordée à la montagne.
Tout d'abord, l'existence dans les noyaux durs des contrats de plan État-régions de deux politiques spécifiques d'aménagement du territoire, et seulement de deux : la politique de la ville dont vous connaissez le caractère d'urgence et la politique des massifs.
Ensuite, les fonds structurels européens qui sont désormais les compléments indispensables des contrats de plan. Aujourd'hui, après une longue et difficile négociation avec la Commission, la quasi-totalité de la surface des massifs est couverte par l'objectif 5b ou l'objectif 2, la Corse étant elle classée en objectif 1.
Le montant des fonds est doublé par rapport à la période précédente. Compte tenu du principe de concentration, ils auront un impact important sur le développement économique de la montagne. Cela est clairement perceptible à travers les documents de programmation qui ont été transmis à la Commission des communautés européennes, à laquelle j'ai personnellement rappelé l'intérêt des programmes interrégionaux de massifs auxquels je connais votre attachement.
Ces actions prolongent et amplifient l'effort important entrepris depuis plus de trente ans en faveur de vos territoires.
Reste, pour ce qui me concerne, le problème de la dotation touristique.
L'intégration de cette dotation dans la dotation forfaitaire, à la suite de la loi du 31 décembre 1993 réformant la DGF, a consacré et garanti le rôle particulier des communes touristiques et les charges qu'elles assurent.
Je voudrais rappeler qu'une intégration de la dotation touristique dans la dotation d'aménagement aurait créé un risque pour ces communes.
En effet, compte tenu de la nécessité de maintenir l'effort en faveur de l'intercommunalité et de développer les aides en faveur des villes comptant des quartiers en difficulté et des communes rurales, une dotation touristique intégrée à la dotation d'aménagement risquait de se retrouver en position de dernière servie.
Cependant, répondant en cela aux vœux du Parlement, la dotation touristique est clairement isolée au sein de la dotation forfaitaire.
Pour l'avenir, le rapport sur l'application de ce nouveau dispositif qui doit être déposé en avril 1995 comportera des propositions tendant à conforter ce rôle de la DGF dans la réduction des écarts de ressources entre collectivités locales, en fonction de leurs disparités de richesse et de charges.
Le Gouvernement n'entend pas aujourd'hui banaliser la politique de la montagne. Je suis, au contraire, persuadé que cette politique gardera encore longtemps son caractère innovant et exemplaire en matière de développement du territoire.
Je ne doute pas qu'à la suite des interventions de : M. Pierre-Edmond Blondel sur l'évaluation des politiques publiques en faveur de la Montagne ; M. Jean-Guy Cupillard sur les perspectives économiques et sociales de la Montagne française ; M. Hervé Gaymard sur la pluriactivité ; du représentant de Bernard Bosson sur les infrastructures et le tourisme et de mes collègues Michel Barnier sur la coopération européenne en matière de protection et de développement de la Montagne et Jean Puech sur l'agriculture et la forêt de Montagne, les débats qui suivront apporteront la preuve de ce dynamisme de la politique de la montagne conduite par le Gouvernement.