Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur les moyens engagés par le gouvernement pour réduire le déficit de la Sécurité sociale, Paris le 5 juillet 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Simone Veil - Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville

Circonstance : Réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, à Paris le 5 juillet 1994.

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureuse de présider pour la troisième fois sous ce Gouvernement, la réunion de la Commission des Comptes de la sécurité sociale.

La satisfaction que je viens d'exprimer n'est pas purement formelle : ces réunions de la Commission des Comptes sont, à mon sens, extrêmement utiles, non seulement par les informations qu'elles permettent d'apporter, mais parce qu'elles sont le seul lieu institutionnel où se rencontrent l'ensemble des acteurs de la sécurité sociale et notamment les parlementaires, les partenaires sociaux, les professions de santé, les associations familiales, les mutualistes.

Ces rencontres me semblent indispensables tant je m'aperçois depuis un an que l'univers de la sécurité sociale reste cloisonné et que bien des incompréhensions pourraient être levées par des échanges plus fréquents entre l'ensemble des acteurs, du type de celui-ci. Je m'en suis rendu compte encore tout récemment, à l'occasion de la loi relative à la sécurité sociale, lorsqu'ont été évoquées les questions de la composition des caisses de sécurité sociale ou celle de la revalorisation du rôle du Parlement. En définitive l'esprit de responsabilité l'a emporté, je m'en félicite car je pense que nous allons arriver à un texte équilibré et faisant réellement progresser les conditions de gestion de la sécurité sociale.

Plusieurs de ces progrès concernent directement ou indirectement la Commission des Comptes, et je voudrais les rappeler brièvement, avant d'en venir à la situation financière du régime général. J'anticipe quelque peu les résultats définitifs de la discussion parlementaire, mais, la Commission mixte paritaire s'étant tenue hier, je ne pense pas je le dis sous le contrôle des parlementaires présents que ces dispositions soient sensiblement modifiées désormais.

En premier lieu cette commission qui jusqu'alors n'existait que par la volonté du pouvoir règlementaire bénéficiera d'une reconnaissance législative. Ceci est naturellement de nature à conforter son indépendance et son autorité, d'autant que la loi précise également la composition de la Commission, l'existence d'un secrétaire général, la nécessité de deux réunions annuelles dans des périodes définies par décret. Nous ne devrions donc plus revoir certains errements passés que chacun ici a en mémoire.

Deuxième progrès : le champ d'investigation de la Commission est expressément étendu aux relations financières entretenues par le régime général avec l'État et tous autres institutions ou organismes. Voici de quoi éclairer à l'avenir certaines zones d'ombre que vous étiez nombreux à déplorer.

Enfin – troisième progrès – le rapport sera obligatoirement transmis aux assemblées parlementaires t sera un des éléments servant de support au débat annuel sur la sécurité sociale. Je pense que le Gouvernement pouvait difficilement manifester de façon plus incontestable l'importance qu'il attache à la commission des comtes qu'en proposant ces dispositions au Parlement.

En deuxième lieu cette loi introduit des clarifications financières demandées de longue date par cette Commission et notamment l'autonomie financière des branches. Je ne reviens pas ici sur ce concept d'autonomie financière, sur lequel je me suis longuement expliquée dans d'autres enceintes, sinon pour m'étonner et regretter que la reconnaissance du droit des branches de la sécurité sociale à conserver leurs excédents à leur profit ait pu susciter autant d'émotion ou de polémiques.

L'autonomie financière est accompagnée d'une "remise à zéro" des comptes permis par la reprise de dette de 110 milliards de franc intervenu à la fin décembre 1993.

Enfin, même si cela ne relève pas du domaine législatif, je tiens à dire ici que j'ai décidé, conformément aux vœux exprimés à maintes fois par cette commission, d'adopter la comptabilité dite "en droits constatés" pour le régime général, beaucoup plus homogène avec les comptabilités des autres régimes de sécurité sociale. La fiabilité, la lisibilité et l'exhaustivité des comptes seront encore plus grandes.

Ces mesures sont complétées par une clarification financière entre l'État et la Sécurité sociale, notamment en trésorerie par le biais de la convention signée le 2 mai entre moi-même, M. le ministre du Budget et le directeur de l'ACOSS, qui institue des versements mensualisés de l'État et améliore ainsi le solde moyen de trésorerie du régime général de 8 milliards de francs.

J'ajoute qu'à l'occasion du débat à l'Assemblée nationale j'ai annoncé que les cotisations patronales de l'État donneraient lieu désormais à calcul individualisé, ce qui rendra beaucoup plus fiable le calcul des sommes réellement dues à la Sécurité sociale.

Tout ceci constitue un ensemble de cohérent et sans précédent dans la voie de la clarification financière. Je n'ignore pas que certains auraient souhaité aller encore plus loin. Mais la dynamique ainsi créée me semble irréversible et j'espère qu'elle contribuera à ce que chacun prenne les responsabilités qui sont les siennes, sans s'abriter derrière de faux-semblants.

J'en viens maintenant aux comptes eux-mêmes. Ces nouveaux comptes prévisionnels pour 1994 conduisent un à double constat et mérite quelques explications. D'une part ces comptes annoncent un déficit élevé - 56,5 milliards de francs ? pour le régime général, qui n'épargne aucune des branches à l'exception de la branche accidents du travail, et qui dépasse de 13 milliards de francs les prévisions de décembre.

Le déficit prévisionnel s'élève à 34,8 milliards de francs pour la maladie, 12,8 milliards de francs pour la vieillesse, 9,8 milliards de francs pour la famille.

D'autre part ces comptes apportent des signes encourageants sur l'aspect le plus préoccupant de la croissance des dépenses à savoir : les dépenses de santé, notamment en ce qui concerne la médecine ambulatoire, que je préfère appeler, selon le langage commun, la médecine de ville. Les objectifs fixés aux professionnels de santé dans le cadre du plan d'économies annoncé il y a un an, le jour même de la commission des comptes, sont, pour le moment, tenus.

Les nouveaux chiffres ne prévoient aucun dépassement par rapport à l'objectif de + 3,4 %. On peut même noter que dans de nombreux secteurs les évolutions de dépenses dans les cinq premiers mois de l'année ont été inférieures aux prévisions de décembre 1993, et que nous pourrions si la tendance des quatre premiers mois de l'année se poursuit rigoureusement, avoir un volume de dépenses inférieur à celui présenté dans ce compte.

Comment expliquer la coexistence de ces deux constats, en apparence contradictoires : un déficit important et une maîtrise des dépenses de santé en bonne voie ?

Trois éléments expliquent ce paradoxe apparent :
– la situation de départ des comptes ;
– la faiblesse des recettes ;
– les évolutions de certains postes de dépenses.

Premier élément : Le fait que nous ne partons pas en début d'année 1994 d'une situation d'équilibre, mais bien au contraire d'une situation très déséquilibrée entre les recettes et les dépenses. Ce rapport le rappelle : le déficit était de 55 milliards en 1993 et aurait dépassé 75 milliards de francs si nous n'avions pas pris des mesures d'urgence et notamment l1augmentation de la CSG.

Nous étions donc devant un problème qui se décomposait ainsi :
– un déséquilibre initial entre le volume des dépenses et des recettes ;
– un rythme d'évolution des recettes et des dépenses tellement divergent (+ 6 % par an pour les dépenses, + 0 % pour les recettes) qu'il ne pouvait que conduire, si rien n'était fait, à un déficit insupportable. En l'absence de toute mesure le déficit 1994 se serait élevé à 120 milliards de francs.

Le Gouvernement a entendu en priorité ramener le rythme d'évolution des dépenses et des recettes à un niveau comparable c'est ce qui est en passe d'être réalisé puisque le rapport annonce en 1994 une progression des dépenses de 3,2 % et une progression des recettes de 3,3 %. Il était clair dès le départ que cet objectif ne permettait pas de réduire sensiblement le déficit d'une année sur l'autre, mais seulement, dans un premier temps, d'éviter son aggravation, de le stabiliser.

C'est bien pourquoi dès décembre nous avons prévu un déficit de 43 milliards de francs pour 1994.

La première raison du déficit n'est donc pas l'évolution propre à 1994 qui est globalement satisfaisante, mais le poids des déficits passés. Si nous étions partis d'une situation équilibrée en 1993, nous n'aurions aujourd'hui pratiquement pas de déficit prévisionnel en 1994.

Deuxième élément : La faiblesse des recettes. Si nous ne pouvons pas faire mieux qu'une évolution parallèle des recettes et des dépenses, c'est en raison de l'atonie des ressources. Certes la tendance à la baisse des rentrées de cotisations constatée en 1993 est stoppée. Nous sommes incontestablement sur la voie d'une progression de la masse salariale et donc de l'assiette des cotisations. Mais cette progression est encore faible et surtout nous subissons encore les effets de 1993. L'année 1993 a été encore plus mauvaise que ce qui était imaginé et intégré dans les comptes de décembre : on pensait alors que la mas.se salariale augmentait légèrement (+ 0,3 %), en réalité elle a baissé (- 0,3 %). Ceci explique une diminution des prévisions de recettes pour 1994, par rapport aux prévisions de décembre 1993, de 6 milliards de francs.

Troisième élément d'explication certains postes de dépenses bien précis augmentent plus que ce qui était prévu en décembre. J'évoquerai successivement les prestations familiales, les dépenses hospitalières, les dépenses de gestion administrative. Il en est ainsi d'abord des prestations familiales sous condition de ressources. La baisse des revenus d'un certain nombre de familles accroit le nombre de familles qui remplissent les conditions pour bénéficier de ces prestations. Il faut y voir non un effet pervers du système mais bien au contraire une marque de la capacité de notre système de protection sociale à prendre en compte, de façon souple et automatique, les évolutions des revenus des Français pour aider les plus modestes à pallier les difficultés accrues du moment.

Outre les prestations familiales, d'autres postes de dépense évoluent également plus vite que prévu les prévisions concernent l'hôpital public passent de + 4,15 % à + 4,5 % : du fait du surcoût lié au respect des accords Durafour-Durieux – car nous avons tenu à respecter intégralement les engagements de l'État vis-à-vis des personnels hospitaliers. Ce surcoût est parfaitement identifié et sur le reste des dépenses hospitalières sur lesquelles je reviendrai ultérieurement les objectifs sont, en l'état tenus.

Je voudrais enfin évoquer la question des frais dits de gestion administrative et plus particulièrement le dossier de la retraite complémentaire des agents de la sécurité sociale. Lorsque j'ai pris mes fonctions c'est un des premiers dossiers que j'ai eu à traiter car la caisse était purement et simplement en faillite : elle ne disposait plus des sommes nécessaires pour payer les pensions des retraités ; le régime de la CPPOSS, était bel et bien en cessation de paiement. Les perspectives financières à moyen terme étaient catastrophiques : le déficit en 2010 se serait monté à plus de 75 milliards de francs, si rien n'avait été fait. Nous aurions pu, comme nos prédécesseurs, boucher momentanément le trou et laisser les choses dériver. J'ai choisi une autre voie : celle de la réforme permettant de donner toutes garanties aux retraités actuels et futurs pour le service des retraites, et de mettre fin à un système coûteux et inéquitable.

Cette réforme, j'ai souhaité qu'elle se fasse non de façon autoritaire, comme certains l'envisageaient, mais par la concertation. Concertation entre les partenaires sociaux, gestionnaires de l'UCANSS et les représentants des salariés. Concertation ensuite avec les régimes d'accueil, AGIRC et ARRCO. Nous avons décidé de respecter scrupuleusement les règles du jeu fixées par l'AGIRC et l'ARRCO, naturellement en négociant, dans l'intérêt du régime général, ce qu'il était possible de négocier.

La majorité des partenaires sociaux, et je rends hommage à l'esprit de responsabilité qui a animé en l'espèce les signataires, ont fini par conclure un accord à la fin 1993. Ceci étant, l'essentiel des contributions exigées par l'ARRCO et l'AGIRC en contrepartie de l'intégration au système de retraites interprofessionnel est à la charge du régime général. Ces contributions sont pour une part une participation aux réserves, versée l'année de l'intégration, c'est à dire en 1994, d'un montant de 2,2 milliards de francs d'autre part une contribution de maintien des droits dont le paiement est étalé sur 15 ans, et représente un surcoût d'environ 750 millions de francs par an.

J'ai été un peu longue sur ce point mais je tenais à expliquer que si nous avions une forte dépense en 1994, au titre du paiement des réserves, c'est en réalité le gage d'une économie future grâce à la réforme du régime. Nous avons délibérément accepté cette surcharge exceptionnelle que contribue le droit d'entrée à l'ARRCO et l'AGIRC, à un moment pourtant particulièrement difficile pour les finances sociales, parce que nous avons raisonné à moyen terme, en pensant avant tout aux 180 000 salariés du régime général et à l'intérêt général. Ce dossier résume ma démarche sauvegarder l'avenir quitte à consentir des sacrifices immédiats et équitablement répartis, s'ils sont indispensables. Réussir par la concertation et la restauration d'un dialogue social indispensable à la cohésion sociale de notre pays.

En ayant évoqué le poids des déficits passés, la stagnation des recettes, les augmentations de certains postes de dépense je crois avoir exposé les raisons de la situation financière actuelle, qui, encore une fois, ne contredit nullement le succès – certes encore fragile, provisoire, insuffisant – mais succès tout de même de la maîtrise des dépenses médicalisées.

Face à ce bilan la question qui ne manquera pas de m'être posée c'est : que comptez-vous faire ? Je vais y répondre.

En matière de politique familiale et d'assurance-vieillesse une ligne claire a été définie, lors de la discussion des deux lois relatives à ces sujets, au printemps 1993 et lors de la session qui vient de s'achever. Il n'est naturellement pas question de changer d'orientation.

En matière d'assurance-maladie les choses sont plus complexes, comme je le dis depuis mon premier passage dans ce ministère, il y a 20 ans. Le Gouvernement s'est engagé avec le soutien du Parlement, dans une politique exigeante de maîtrise médicalisée des dépenses, en concertation avec les professions de santé et les caisses d'assurance-maladie.

Cette politique repose sur des liens de confiance et fait naitre des obligations réciproques. Le Gouvernement est attaché à leur strict respect comme il vient de le montrer en acceptant la revalorisation des honoraires des médecins. Cette décision a été prise car l'étude de l'évolution des dépenses présentées au remboursement au cours des derniers mois montre des résultats significatifs, notamment pour les dépenses générées par les médecins libéraux. Le taux de croissance des dépenses remboursées devrait passer pour les prescriptions de 8,3 % en 1993 à 2,3 % en 1994, peur la pharmacie de 8,7 % à 1,4 %. En termes de dépenses reconnues, c'est-à-dire sans prendre en compte la baisse du taux de remboursement, la croissance n'est que de 1,7 % pour les premiers mois de l'année, par rapport aux mêmes mois de 1993. Certains ont pensé qu'après avoir dû augmenter le ticket modérateur payé par les assurés nous ne nous parviendrions pas à obtenir un effort équivalent des professions de santé. Il me semble que nous sommes en train de démontrer qu'ils se sont trompés.

À l'heure qu'il est, il n'est pas question de changer de cap mais de poursuivre avec ténacité dans la même direction. Je voudrais à ce propos rappeler la démarche qui a été la nôtre.

Les quelques moins passés ont été marqués par d'importantes avancées dans le domaine de la maîtrise des dépenses de santé. Le 21 octobre 1993, les syndicats représentatifs des médecins libéraux ont signé avec les caisses d'Assurance maladie une convention posant les bases d'une maîtrise médicalisée des dépenses médicales. Depuis, plus d'une soixantaine de références médicales ont été adoptées par les parties à la convention et sont entrées en vigueur.

Le travail se poursuit pour compléter à l'automne ces premières références. J'espère que rapidement, l'ensemble du champ d'activité médicale et des diverses disciplines sera ainsi couvert par ces règles de bonnes pratiques. Il fallait remettre de l'ordre dans les pratiques médicales, aider les médecins à exercer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs patients en se référant aux pratiques reconnues par la communauté scientifique et médicale. Il fallait aussi améliorer la coordination des soins. C'est pourquoi, la loi du 18 janvier 1994 a donné une base au principe du dossier et du carnet de suivi médical, prévus par la convention médicale. Les textes d'application sont en sous d'élaboration. Ils réserveront dans un premier temps cette procédure de suivi particulier et de coordination des soins aux personnes âgées de plus de 70 ans atteintes d'au moins deux pathologies. La coordination des soins et le suivi de ces personnes seront confiés aux médecins généralistes. Il s'agit non seulement d'une mesure de rationalisation dans l'organisation des soins mais aussi d'une mesure de santé publique.

Par ailleurs, complétant l'édifice, sont intervenus au début de l'année 1994 une convention portant régulation du secteur de la masso-kinésithérapie et un accord-cadre signé entre l'État et les représentants de l'industrie pharmaceutique.

Désormais, les principaux secteurs de l'activité et de la prescription médicale ont l'objet d'un dispositif de régulation permettant de rompre avec le cycle d'une croissance indéfinie et cumulative des dépenses, dans le cadre d'une démarche d'amélioration de la qualité des soins.

J'observe toutefois que les dispositifs de régulation mis en place progressivement sont marqués par une grande diversité selon les secteurs. Il nous faut à présent nous demander comment améliorer leur cohérence et leurs conditions de fonctionnement.

Les premiers résultats obtenus confirment l'existence de marges de manœuvre importantes et la possibilité de redéploiements non négligeables sans nuire à la qualité des soins. Je constate à cet égard avec satisfaction que toutes les professions ont placé le souci de la qualité au cœur de leur démarche. Les infirmières libérales, par l'adoption de règles professionnelles et une refonte de leur nomenclature ; les masseurs kinésithérapeutes qui devraient aussi voir leur nomenclature modernisée et actualisée ; les biologistes qui vont être désormais dotés d'un guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale ; l'industrie du médicament enfin qui dans l'accord-cadre signé avec l'État a contracté d'importants engagements concernant la promotion et le bon usage du médicament.

De plus, mandat est donné au comité du médicament pour accélérer la conclusion de conventions avec les laboratoires, destinées à une remise en ordre des prix des médicaments, à maîtriser l'évolution des volumes et à développer en France le marché des génériques. Il y a là une obligation non seulement de moyens, mais de résultats.

Pour ce qui concerne le secteur de l'hospitalisation privée, je mesure le chemin parcouru depuis 1991. Je constate que les accords conclus ont été respectés par l'ensemble des partenaires et que les dépenses évoluent à un rythme à peu près conforme aux objectifs fixés. Je constate aussi que d'importants réaménagements tarifaires ont pu être opérés dans le cadre de l'objectif. L'effort de rationalisation et d'équité dans l'allocation des ressources entre régions et établissements doit être approfondi sur la base des résultats de l'expérience menée actuellement en Languedoc-Roussillon.

En ce qui concerne l'hospitalisation publique le Gouvernement espère limiter à 4,5 % la progression de la dotation globale finale, pourcentage qui constituerait le meilleur résultat obtenu après celui de l'année 1987.

En tout état de cause, le contingentement des dépenses par le mécanisme des enveloppes ne peut se suffire à lui-même ; il doit nécessairement être accompagné, pour produire ses pleins résultats sans engendrer d'effets négatifs aux dépends des malades, par une intervention rigoureuse en amont et en aval. En amont sur les capacités et l'Organisation de l'offre de soins. En aval par une responsabilité accrue des acteurs concernés – administrateurs, médecins, gestionnaires, équipes soignantes ... – dans une maîtrise des coûts qui ne porte pas atteinte à la qualité des soins.

Pour l'année écoulée et l'année en cours, le rôle des pouvoirs publics en matière d'organisation des soins a été marqué par la mise au point des schémas régionaux d'organisation sanitaire qui sont arrêtés par les préfets de région au cours de l'été. Ils définiront dans chaque région sanitaire et pour les 5 prochaines années les grandes orientations sur la recomposition du réseau hospitalier apportant tout à la fois de meilleures garanties de santé publique et une maîtrise progressive des dépenses dans le cadre des restructurations.

Les deux plans adoptés par le Gouvernement sur les urgences d'une part et sur la périnatalité d'autre part favoriseront les regroupements nécessaires dans le secteur des urgences lourdes comme dans celui des maternités.

La loi du 18 janvier 1994 a sensiblement simplifié les procédures de fermetures des unités de soins ne garantissant pas la sécurité des parents qui sont accueillis.

Cette loi a également instauré une procédure de fermeture des capacités hospitalières dont l'activité s'avérait sensiblement insuffisante.

La circulaire du 14 avril 1994 a par ailleurs demandé aux préfets de région de sélectionner une ou plusieurs opérations de restructuration particulièrement significatives et a mis en place, au sein de la Direction des Hôpitaux, une cellule d'aide aux restructurations qui expertise actuellement les problèmes rencontrés dans ce domaine dans chaque région.

Par ailleurs, une mission nationale confiée conjointement à des membres de l'Inspection générale des Affaires sanitaires et sociales, de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'Administration va remettre dans quelques jours un rapport sur l'état d'avancement des schémas régionaux et proposer diverses mesures visant à favoriser les restructurations hospitalières entreprises.

Ce tableau concernant les différents secteurs de l'Assurance maladie étant dressé, je tiens à dire fermement que le souci de cohérence de la politique gouvernementale et de fidélité aux choix faits depuis un an ne signifient ni un optimisme qui serait très prématuré ni l'absence de vigilance.

La situation financière de la protection sociale reste extrêmement préoccupante. Ce n'est pas dramatiser que de rappeler que la survie de notre modèle de protection sociale est en cause. Ce n'est pas exagérer que de dire qu'il s'agit d'un enjeu essentiel, non seulement pour les finances publiques, mais pour notre société toute entière. Les résultats que je viens de présenter, de la façon la plus transparente possible, ne remettent pas en cause la politique suivie par le Gouvernement j'ai rappelé qu'elle aurait été la situation si nous n'avions rien fait. Mais ils exigent une mobilisation accrue.

Il doit être clair pour tous que si les mécanismes actuellement en vigueur donnaient des signes d'essoufflement et n'avaient plus d'incidence sur l'évolution des dépenses, le Gouvernement devrait en tirer au plus vite les conséquences. Il doit être clair pour tous que la diminution de l'évolution des dépenses n'est pas une parenthèse, un cap délicat à passer, elle doit être une rupture radicale et définitive avec les tendances du passé. Sans cette prise de conscience il est illusoire de vouloir sauvegarder l'Assurance maladie sous ses formes actuelles. Toute démobilisation, tout relâchement dans l'effort serait fatal, et je suis décidée, ainsi que le Premier ministre, à garder le cap actuel, mais aussi à envisager tous moyens au cas où des signes de reprise de la dérive des dépenses apparaîtraient. Ainsi que l'a rappelé encore récemment le Premier ministre la diminution du déficit de la Sécurité sociale est un objectif majeur de la politique des pouvoirs publics.

Différents scénarios alternatifs sont à l'étude et seront mis en œuvre si nécessaire. Le Comité des ministres se réunira périodiquement pour examiner la situation de l'Assurance maladie et décider, le cas échéant, des mesures adéquates.

Dès 1995 les résultats conjoints des efforts accrus de maîtrise des dépenses et de l'amélioration de la conjoncture économique doivent permettre de réduire le montant du déficit. Nous n'avons pas souhaité formuler à cette date de prévisions pour 1995 en raison des incertitudes qui demeurent sur la conjoncture économique et qui rendent particulièrement incertaines les prévisions au-delà de l'année en cours. Naturellement les prévisions 1995 seront présentées lors de la prochaine commission des comptes.

D'ici là toutes dispositions sont prises et seront prises en temps utile pour assurer la trésorerie du régime général. D'ores et déjà la convention de trésorerie entre l'ACOSS et la Caisse des dépôts a été renégociée pour permettre de faire face aux prochaines échéances de trésorerie. Le Gouvernement examinera prochainement en concertation avec les représentants des employeurs, si une modification des dates de versement des entreprises est de nature à aider aux passages les plus délicats en matière de trésorerie sans léser les PME.

Je ne souhaite pas allonger davantage mon propos pour laisser le temps à M. Marmot de présenter de façon plus précise son rapport, que j'ai trouvé une fois de plus remarquable par sa clarté et sa rigueur, et aussi pour laisser à chacun le temps de s'exprimer et d'ouvrir un vrai dialogue.

Je voudrais seulement souligner qu'en un peu plus d'un an nous avons mené une action soutenue et cohérente pour adapter la Sécurité sociale aux exigences du temps présent. Mesures de sauvegarde du printemps 1993, modification du financement avec la CSG et la prise en charge par le budget de l'État d'une partie des dépenses de la branche famille, réforme des retraites, création du fonds de solidarité vieillesse, maîtrise médicalisée des dépenses se concrétisant notamment par la nouvelle convention médicale, relance de la politique familiale, réforme des conditions de gestion de la Sécurité sociale. Et je pourrais encore citer le nouveau cadre donné aux institutions de prévoyance, la politique de simplification des formalités, l'amélioration du recouvrement ...

Pourtant je suis la première consciente que beaucoup reste à faire, tant les chantiers pour rénover la Sécurité sociale sont immenses, ont des implications multiples, et ne peuvent être ouverts et traités que dans la durée. Les questions relatives à la structure du financement, à l'organisation de l'Assurance maladie, à l'amélioration de la gestion hospitalière seront parmi les dossiers prioritaires de l'année à venir et sans nul doute des années suivantes. Les rapports que j'ai commandés pour l'automne sur le financement et l'Assurance maladie devraient nous éclairer sur ces questions. Nous sommes au milieu du gué.

Je suis convaincue que nous pouvons réussir. Non pas le Gouvernement tout seul, mais tous ensemble, car nous partageons en définitive au-delà de divergences ponctuelles, les mêmes objectifs léguer aux générations futures un système de protection sociale assuré de sa durée, répondant aux besoins, réels de nos concitoyens et en priorité des plus démunis.