Article de M. Guy Le Néouannic, secrétaire général de la FEN, dans "Service public" d'avril 1994, intitulé "Action sociale : l'heure des choix", et lettre adressée aux députés et parue dans "FEN hebdo" du 20 mai 1994, sur l'action sociale interministérielle, le temps partiel et l'emploi dans la fonction publique.

Prononcé le 1er avril 1994

Intervenant(s) : 

Média : Service public - FEN Hebdo

Texte intégral

Service Public : Avril 1994

Action sociale : l'heure des choix

Logement, restauration, aides aux loisirs… La FEN plaide pour une politique sociale interministérielle forte qui garantisse un traitement égalitaire de tous les fonctionnaires face à des problèmes communs.

Tout en marquant son attachement à une action sociale ministérielle seule à même de prendre en compte les spécificités propres à chacun des services extérieurs de l'État, la FEN a constamment milité pour une politique sociale interministérielle forte, gage d'un traitement égalitaire des agents de l'État face à des problèmes communs, ceux du logement par exemple, ou de la restauration, des prestations en direction des enfants ou des retraités.

La FEN a de même milité pour que la notion d'action sociale se substitue, et pas seulement dans les textes, à la notion de service social qui rappelle trop la conception paternaliste d'une aide octroyée à des personnes en difficulté sur des critères subjectifs.

Bien que l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ait prévu que ceux-ci participaient « à la définition et à la gestion de l'action sociale, culturelle, sportive, et de loisirs dont ils bénéficient ou qu'ils organisent », il n'a pas été possible, en particulier au niveau interministériel, de faire passer dans la pratique quotidienne, faute sans doute de volonté politique, ce droit pourtant reconnu aux salariés du secteur privé et financé par la contribution « patronale » au comité d'entreprise.

« Les besoins existent ! »

La confusion entretenue entre les actions qui relèvent de l'employeur comme la restauration des salariés, celles qui relèveraient des caisses d'allocations familiales si l'État employeur cotisait pour ses agents comme la prestation « crèche », celles qui sont d'authentiques prestations sociales comme les aides aux vacances des enfants ou l'aide à domicile des retraités, celles qui relèvent du « service » social comme les secours et les prêts et celles qui n'existent pas encore officiellement comme l'aide aux loisirs, a été mise en évidence dans de nombreux rapports qui n'ont pas encore débouché sur des mesures concrètes. Pourtant les besoins existent !

La question du logement est un problème qui n'est pas spécifique à la fonction publique. Mais elle est vitale quand la mobilité géographique devient une condition indispensable à une carrière normale. Et d'autant que les postes de début de carrière sont souvent, non seulement très éloignés des racines familiales du nouvel agent de l'État, mais aussi situés dans des agglomérations où les logements sont rares. Les salaires de début sont quelquefois trop faibles aux yeux des bailleurs, même institutionnels, qui n'acceptent pas de louer. Ne parlons pas des cautions exigées qui sont hors de portée d'un jeune qui s'installe ! La FEN avait demandé que l'AIP-PIP (aide et prêt à l'installation des agents de l'État en région Ile-de-France) soient étendus à l'ensemble des agglomérations et pas seulement réservés à l'Ile-de-France, et que le plafond des ressources soit relevé : notre employeur a préféré récupérer les sommes qui n'avaient pas été utilisées et diminuer les crédits pour 1994.

Certains ministères ont résolu en partie le problème en créant directement ou indirectement leur propre société d'HLM. Quant à la fonction publique, elle achète, avec les quelques crédits d'investissement qui lui sont alloués, des droits de réservation qui lui permettront de proposer des candidats à la location. Ces logements viennent s'ajouter au contingent de logements sociaux réservés aux agents de l'État et gérés par les préfectures, des logements.

Quant à la transparence pour laquelle nous luttons depuis des années, elle est loin d'être acquise. Impossible de connaître précisément le parc de logements réservés aux fonctionnaires et son utilisation.

Le CISS attend toujours malgré ses demandes obstinées des comptes rendus réguliers et des bilans détaillés.

Disparités entre ministères

La restauration : suivant que vous appartenez à un ministère riche ou pas, vous paierez votre repas un prix différent, vous pourrez même avoir droit dans certains ministères à des titres restaurants si vous êtes un agent « isolé » ! Dans le même temps certains ministères ont des difficultés à payer leur quote-part quand des rénovations ou des créations de restaurants interministériels sont nécessaires. Cela n'a rien d'étonnant quand on sait que les dépenses d'action sociale par agent en activité peuvent varier (chiffres 1993) de 3 168 F au ministère de l'Économie et des Finances à 325 F au ministère de l'Éducation nationale.

Les aides pour les séjours d'enfants en centre aérés, colonies de vacances, classes transplantées… ne sont pas suffisantes pour permettre un départ effectif des enfants des agents au bas de l'échelle. D'année en année, la contribution des services sociaux a perdu du pouvoir d'achat alors que le prix des séjours augmentait plus vite que le coût de la vie.

Le Comité interministériel des services sociaux a dans ses attributions la recherche de mesures pour harmoniser l'action sociale, mais s'il a réussi à créer des droits minimums identiques pour tous les agents de l'État cela n'a pas suffi à créer une égalité dans les faits. Les ministères riches peuvent ajouter un plus souvent important. La mise en place, à laquelle la FEN est favorable, de groupes locaux d'action sociale interministérielle pourrait permettre cette harmonisation que nous souhaitons.

« L'heure des choix »

Mais cela ne peut être efficace, l'expérience en cours le prouve, que si les organisations syndicales et les représentants des services déconcentrés de l'État ont un véritable pouvoir quant à l'utilisation de crédits nouveaux pour répondre à des besoins locaux et sous des formes innovantes.

La FEN n'accepterait pas que se substitue à l'action sociale personnalisée propre à chaque ministère une action sociale « préfectorale » bâtie, non sur des crédits nouveaux, mais sur une taxation des moyens déconcentrés par les ministères.

Est-il possible d'avancer quand le budget consacré à l'action sociale interministérielle est d'une faiblesse telle qu'il n'est pas possible d'envisager des actions dans la durée ?

Est-il possible de progresser quand le CISS n'est consulté que pour la forme sur l'utilisation des crédits inscrits au budget, quand on lui refuse la maîtrise du suivi budgétaire et la possibilité, en fonction des dépenses réellement engagées de moduler certaines prestations ?

Est-il possible d'avoir une véritable politique sociale tant que l'État ne s'engage pas à consacrer une part de la masse salariale, définie contractuellement, au « mieux vivre » de ses agents ?
Nous sommes arrivés à l'heure des choix !

FEN-Hebdo : 20 mai 1994

Lettre aux parlementaires
Paris, le 3 Mai 1994

Monsieur le Député,

Lors de la séance du 8 avril dernier, le Conseil Supérieur de la Fonction Publique d'État a examiné un projet de loi relatif à certaines modalités de gestion des emplois et d'organisation du temps partiel dans la Fonction publique, ainsi qu'aux recrutements et aux mutations pour les fonctionnaires de l'État.

Dès la présente session ce texte sera soumis à votre vote. Cette lettre a pour objet de vous faire connaître les positions de la FEN sur des questions essentielles qui induisent, non seulement des modifications importantes du Statut général de la Fonction publique, mais tracent quelques lignes de force de ce qui pourrait être une politique de recrutement des fonctionnaires de l'État au regard de la Politique de la Ville.

1. Temps partiel et cessation progressive d'activité.

En signant l'accord salarial du 9 novembre 1993 la FEN mettait au cœur de cet accord la question de l'emploi. Favoriser l'emploi dans les Fonctions publiques afin de participer à notre façon à la lutte contre le chômage tel était notre objectif.

Le Gouvernement prit ainsi l'engagement de recruter 7 000 à 10 000 personnels supplémentaires sur la durée de l'accord, il proposa aussi d'améliorer les dispositifs concernant le temps partiel et la cessation progressive d'activité.

À cet effet et sur ces deux derniers points, des groupes de travail composés de membres de l'Administration et des organisations syndicales signataires, dont la FEN, furent mis en place.

Le travail accompli est très satisfaisant aussi bien en ce qui concerne le temps partiel que la cessation progressive d'activité. Il nous paraît qu'au travers de ces dispositifs une plus grande souplesse peut être introduite dans la gestion des emplois et donc à terme libérer des postes pour de nouveaux recrutements.

Faudrait-il encore que lors de la gestion du travail à temps partiel, les administrations ne fassent pas preuve de pusillanimité et acceptent de modifier l'organisation du travail afin de faire du temps partiel un mode de travail comme le temps plein. C'est alors seulement, que par une meilleure utilisation des fractions de temps ainsi libérées, une amélioration des recrutements sera possible.

En ce qui concerne la cessation progressive d'activité, un résultat intéressant a, entre autres, été obtenu avec la possibilité pour les contractuels de pouvoir en bénéficier. Il nous semble toutefois que le maintien de la durée de 25 ans de services pour pouvoir bénéficier de la cessation progressive d'activité est trop élevé. Ramener cette durée à 15 ans nous paraît plus conforme à l'esprit du dispositif. Cette mesure serait d'autre part peu coûteuse car elle ne concernerait qu'un nombre réduit d'agents. Nous souhaitons de plus que soit introduite dans ce projet une modification spécifique aux enseignants. En effet l'article 97 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social et pérennisant l'attribution de la cessation progressive d'activité aux fonctionnaires de l'État précise pour les personnels enseignants :

« Les personnels enseignants, d'éducation et d'orientation ne peuvent être admis au bénéfice de la cessation progressive d'activité qu'au début de l'année scolaire ou universitaire. »

Or avant la promulgation de cette loi, les enseignants, comme les autres fonctionnaires, pouvaient bénéficier de la cessation progressive d'activité le premier jour du mois suivant celui de leur 55ème anniversaire. Quand cette date se situait en cours d'année scolaire, il était admis que cette possibilité n'était accordée que dans la mesure où l'enseignant bénéficiait antérieurement d'un service à mi-temps (note de service 92-632 du ministère de l'Éducation nationale).

La loi interdit désormais cette pratique. Les enseignants ne peuvent bénéficier de la cessation progressive d'activité qu'au premier septembre suivant la date de leur 55ème anniversaire.

Nous demandons donc une révision de cette disposition législative afin que puisse être reconduite la possibilité offerte antérieurement à cette loi. La proposition de modification de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 est la suivante :

Article 97 : remplacer :

« Les personnels enseignants, d'éducation et d'orientation ne peuvent être admis au bénéfice de la cessation progressive d'activité qu'au début de l'année scolaire ou universitaire. »

Par :

« Les personnels enseignants d'éducation et d'orientation peuvent être admis au bénéfice de la cessation progressive d'activité dans les conditions précitées, sous réserve qu'avant la date anniversaire de leur 55ème anniversaire ils aient été autorisés à exercer à mi-temps dans les conditions déterminées par l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982. Dans le cas contraire ces personnels ne peuvent être admis au bénéfice de la cessation progressive d'activité qu'au début de l'année scolaire ou universitaire. »

2. Sur les dispositions relatives aux recrutements, aux mutations et diverses

Une des principales dispositions concerne le bénéfice d'une priorité de mutation attribuée aux fonctionnaires servant dans les quartiers urbains difficiles.

La FEN souscrit à la nécessité d'affecter dans les quartiers difficiles des fonctionnaires motivés et compétents. Force est de constater que le dispositif consistant en l'attribution d'un avantage spécifique d'ancienneté (ASA), dont la FEN n'était pas partisane, a montré des difficultés de mise en œuvre. Son abrogation est aujourd'hui inévitable.

La NBI, que la FEN a soutenue dans son principe, est très souvent dévoyée et ne correspond pas toujours à l'objectif qui est de compenser les tâches spécifiques notamment dans le cadre de la « politique de la ville. » Cette priorité de mutation sera-t-elle la panacée ?

La FEN n'est pas opposée au principe d'une telle priorité, mais inscrire cette priorité dans le Statut général des fonctionnaires, donc dans la loi, nous paraît dangereux à plusieurs titres.

Cela revient à rigidifié un système qui ne réclame que souplesse et adaptabilité. On risque par l'introduction d'une telle mesure dans la loi d'aller à l'encontre du but recherché. Pourquoi ne pas laisser à chaque ministère le soin de gérer au mieux ses personnels pour favoriser l'implantation et le maintien des fonctionnaires dans ces quartiers ?

Par exemple devraient être examinés les conditions de travail, de logement et les barèmes de mutation propres à chaque administration et qui peuvent différer d'une administration à l'autre.

De plus l'objectif est bien d'améliorer la situation dans ces quartiers ; inscrire dans la loi la priorité de mutation risque de rendre pérenne une situation par nature évolutive. Sur quels critères, en outre, va-t-on se baser pour qualifier tel ou tel quartier de « quartier urbain prioritaire » ? Là aussi n'y-a-t-il pas de différence en fonction des administrations visées ?

Enfin, évoquer seulement une priorité pour les quartiers urbains, laisse entier le problème des zones rurales où l'implantation des fonctionnaires est souvent aussi difficile. Voilà les principales raisons qui ont amené la FEN à voter contre cette disposition, nous vous demandons donc à votre tour de la rejeter.

Veuillez agréer, Monsieur le Député, l'expression de mes sentiments distingués.