Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le directeur général,
Mesdames, Messieurs,
C'est pour moi une immense satisfaction et un très grand plaisir que de procéder aujourd'hui à l'inauguration officielle des nouveaux locaux de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT.
Cette cérémonie est à bien des égards symboliques.
Elle traduit tout d'abord la conclusion d'une opération de délocalisation qui se déroulait dans des conditions et des délais exceptionnels et qui témoigne de l'extraordinaire capacité de réforme, d'évolution et de changement dont l'ANT a su faire la preuve au cours des douze derniers mois.
Je sais que pour tout organisme administratif un changement de localisation est une entreprise difficile. Elle exige de ses agents dans leur vie professionnelle et personnelle d'intégrer des habitudes nouvelles et parfois des contraintes supplémentaires. Elle exige un effort, cet effort vous l'avez fait, et au nom du gouvernement pour lequel la délocalisation d'emplois publics hors du centre de Paris est un objectif essentiel d'aménagement du territoire je vous en félicite.
Mais ce n'est pas à ce seul aspect d'implantation physique que se résument les changements opérés.
Sous l'impulsion de Serge Payet et de Gérard Pengam, l'ANT a accompli un effort considérable d'assainissement de sa gestion financière. Cet effort était nécessaire pour restaurer la crédibilité de l'organisme auprès de ses interlocuteurs qu'ils soient nationaux, européens ou locaux.
Cet effort était indispensable pour garantir la pérennité et la survie de l'ANT face aux critiques de plus en plus nombreuses qui s'élevaient.
Cet effort, je le sais, a été difficile.
Je tiens à rendre un hommage particulier à la façon dont les choses ont été conduites par le président Serge Payet, qui sans jamais se dérober devant la lourde responsabilité qui pesait sur lui en la matière, a su écouter, comprendre et renouer au sein de l'entreprise un véritable dialogue social.
Il a trouvé, je le sais, au sein du personnel de l'agence, de ses représentants, des interlocuteurs tout aussi responsables.
L'inauguration d'aujourd'hui marque le terme d'une année où l'agence a dû gérer sa délocalisation, gérer l'assainissement de ses finances, gérer la réduction de ses effectifs.
Au terme de ce processus, je tiens à exprimer très sincèrement à chacune des femmes et des hommes qui constituent l'ANT non seulement ma satisfaction mais la réelle fierté que m'inspire en tant que ministre de tutelle le comportement exemplaire dont ils ont fait preuve.
Je le dis en m'adressant à eux mais aussi aux représentants des différentes administrations, aux représentants des médias qui sont aujourd'hui présents.
Vous avez Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, rempli votre part du contrat et vous continuez
J'ai commencé à remplir la mienne et, soyez-en sûrs, je continuerai. Remplir ma part du contrat, cela veut dire vous défendre lorsqu'il le faut et vous donner les moyens de votre développement.
Car, si cette inauguration est le symbole des efforts accomplis, elle doit être aussi pour l'agence le symbole d'un nouveau départ d'un nouvel élan.
Lorsque j'ai demandé à l'ANT de se recentrer sur ce qui me semblait être sa mission essentielle, je vous ai dit très clairement qu'il ne s'agissait pas pour moi d'entrer dans une logique où l'on verrait peu à peu se restreindre les moyens et les ambitions de l'ANT, mais de restaurer son efficacité et sa crédibilité pour permettre un nouveau développement.
Je crois en effet que loin d'être une survivance du passé, l'ANT garde un rôle essentiel à jouer au profit de l'outre-mer français, un rôle moderne, un rôle d'avenir.
Ce rôle, c'est d'être l'instrument concret, l'outil qui permette aux systèmes de formation des départements d'outre-mer de s'appuyer sur le système de formation national, voire européen.
La formation, c'est une des clés du développement de l'outre-mer français, de la cohérence pour des économies par définition restreintes et ou l'insuffisante adaptation de la formation des hommes aux besoins de l'emploi a inévitablement des conséquences sociales durables.
Ce problème il faut l'aborder avec réalisme et lucidité. Il faut notamment avoir le courage d'admettre que les systèmes de formation développés dans les départements d'outre-mer ne pourront jamais prétendre à couvrir toutes les spécialités, tous les secteurs et tous les niveaux de formation. Ce serait une tâche impossible matériellement et ce serait aussi sur le plan financier une formidable déperdition de moyens.
Il faut donc, impérativement, qu'à côté de formations organisées et dispensées sur place le système de formation des collectivités d'outre-mer puisse s'appuyer sur le système national.
Être l'instrument de cet objectif, voilà la mission primordiale que j'assigne à l'ANT. Cette tâche-là, si vous ne l'assumez pas, personne ne le fera à votre place.
Gérer la mobilité des jeunes de l'outre-mer pour leur permettre d'acquérir la formation et la qualification, encadrer cette mobilité pour qu'elle ne soit pas un déracinement mais une promotion véritable, c'est votre tâche essentielle.
Je n'entends pas vous laisser seuls pour la conduire et vous pouvez compter sur mon soutien pour que vous soient donnés les moyens de l'accomplir.
J'ai déjà commencé à le faire dans plusieurs directions.
Je souhaite tout d'abord redéfinir plus clairement les relations financières entre l'État et l'ANT afin notamment de séparer plus nettement le financement de la structure elle-même de celui correspondant aux missions spécifiques que l'État confie à l'agence et que je souhaite voir développer dans l'avenir sur la base de cette plus grande transparence financière.
Le ministère des Départements et territoires d'outre-mer donnera, bien sûr, l'exemple et dès 1995 deux conventions entre l'ANT et le ministère des Départements et territoires d'outre-mer permettront de distinguer clairement, au sein de la subvention versée à l'agence, la part destinée à la prise en charge des frais de structure et de fonctionnement et celle destinée à financer des missions spécifiques que mon ministère demande à l'ANT de réaliser pour son compte.
Au-delà, j'apporte et j'apporterai mon concours à la direction de l'ANT pour qu'elle puisse bénéficier au maximum, sur la base de projets précis, de financements provenant d'autres ministères ou de la communauté européenne.
Il faut que cette attitude soit aussi celles des collectivités locales des départements d'outre-mer. À ce titre, je souhaite m'adresser à leurs responsables. L'an dernier, lorsque l'ANT était secouée par les difficultés financières et sociales, j'ai enregistré de nombreuses manifestations de soutien de la part d'élus de l'outre-mer. Ces élus m'ont dit : « Il faut sauver l'ANT car nous en avons besoin. » Je suis en mesure de leur dire à présent : l'ANT est sauvée, utilisez-la !
En effet, si la coopération avec certaines des collectivités a pu reprendre très vite et sur des bases ambitieuses, il n'en est pas de même partout. Il faut sans doute redonner plus de dynamisme et plus de densité aux relations de l'agence avec les régions antillaises et guyanaise.
Il faut, également, diversifier les interventions de l'ANT autour de sa mission centrale afin de démontrer une capacité croissante à répondre à des besoins précis de formation. La proximité de l'ANT avec les collectivités d'outre-mer lui permet de proposer des solutions adaptées à chaque problème de formation rencontré, de multiplier en particulier les formules de formation en alternance en exploitant le vivier des entreprises françaises susceptibles d'accueillir des jeunes stagiaires des départements d'outre-mer.
Cette diversification doit conduire l'agence à intervenir, sur les mêmes logiques, au-delà des champs d'intervention traditionnels.
À ce titre vous le savez, j'ai demandé au président de l'ANT d'intervenir dans la définition d'une politique de la mobilité étudiante.
Tous les parents d'outre-mer connaissent, en effet, le parcours de difficultés que constituent les premières inscriptions en université, les affres de la recherche des chambres d'étudiants. Tous ces parents savent les inquiétudes liées à l'éloignement affectif d'enfants qui, pour être de jeunes adultes, éprouvent encore le besoin de sécurité que procure la cellule familiale.
Tous seront sensibles aux mesures qui ont été prises dont la mise en œuvre et la coordination ont été confiées à l'ANT.
C'est ainsi que la circulaire adressée chaque année aux recteurs d'universités a été réécrite afin de réserver un meilleur accueil aux originaires d'outre-mer qui s'inscrivent pour la première fois en métropole. Cette circulaire sera renforcée en 1995 afin d'obtenir dans chaque université un « gel temporaire » de places en faveur d'étudiants d'outre-mer.
Afin de favoriser l'insertion professionnelle des étudiants, des stages en entreprise pourront être proposés par l'ANT afin de donner aux jeunes diplômés un premier contact avec l'emploi.
En ce qui concerne le logement, je me réjouis d'avoir à signer dans quelques instants la première convention entre l'ANT et le Centre international des étudiants stagiaires (CIRS) pour la mise à disposition, dès cette rentrée universitaire, de cinquante logements.
Je suis également heureux de vous informer que d'autres conventions, dont l'une avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), sont aujourd'hui en préparation.
Il ne s'agit que d'un début mais qui atteste de souplesse d'adaptation dont vous savez désormais faire preuve puisqu'il a suffi de quelques mois pour passer de l'impulsion politique à la mise en œuvre des premiers éléments d'une action novatrice et prometteuse.
Il faut poursuivre cette action en partenariat avec l'Éducation nationale et l'université, avec les collectivités locales également. Il faut notamment s'intéresser à organiser une véritable information des jeunes des départements d'outre-mer sur la diversité de l'offre de formation universitaire nationale afin que la mobilité des étudiants des départements d'outre-mer ne se résume pas à venir faire en métropole les mêmes études que celles qui sont offertes par les universités des départements d'outre-mer.
Dans le même souci de multiplier les occasions qui sont offertes à l'agence de faire la démonstration de ses capacités, je souhaite dépasser l'héritage historique qui limite votre action aux quatre départements d'outre-mer.
J'ai été confronté en Nouvelle-Calédonie à l'expression d'un certain nombre d'aspirations en termes d'évolution des instruments de formation qui m'a convaincu que l'ANT pouvait apporter des réponses à certaines difficultés rencontrées par les élus et les responsables. L'analyse du problème de fond n'est à l'évidence pas très différente dans les territoires d'outre-mer de celle qui vous est familière dans les départements d'outre-mer.
J'ai annoncé lors du dernier suivi des accords de Matignon que le président de l'ANT viendrait rapidement sur le territoire pour rencontrer tous les interlocuteurs concernés, exposer les principes et les actions de l'ANT et diagnostiquer les problèmes de formation rencontrés. Je suis convaincu que cette mission sera fructueuse et je peux vous dire en tout cas, Monsieur le président, que vous êtes attendu en Nouvelle-Calédonie avec curiosité et intérêt.
J'ai également demandé aux dirigeants de l'agence de se rapprocher de la délégation interministérielle à la coopération régionale Caraïbes-Guyane que le gouvernement vient de décider d'implanter en Guadeloupe afin de renforcer sa capacité opérationnelle. Il y a à l'évidence un intérêt majeur à ce qu'une telle structure connaisse l'action de l'ANT, car la formation peut être un des supports d'une coopération régionale renforcée.
Je souhaiterais enfin aborder la question des services rendus par l'agence à la communauté d'outre-mer en France.
Il m'était apparu l'an dernier que l'agence ne pouvait avoir ni la vocation ni l'ambition de se substituer, s'agissant du public des originaires des départements d'outre-mer, à l'ensemble du dispositif social métropolitain.
Cela ne voulait pas dire, bien sûr, renoncer à cette mission de service à la communauté d'outre-mer mais mieux réfléchir aux modes d'intervention, au ciblage de publics prioritaires, à la satisfaction de préoccupations spécifiques de ces publics non couverts par des dispositifs plus globaux.
Je suis heureux de constater que sur ce plan également des initiatives nouvelles ont été prises et des actions entreprises qui correspondent à cette philosophie.
J'en prendrai une illustration dans l'action visant à permettre aux originaires d'outre-mer les plus modestes de retourner temporairement à des conditions très privilégiées dans leur département d'origine. Cette action a pu être conduite massivement – je crois que près de 2 000 personnes ont pu en bénéficier – et sans aucune dépense pour l'État simplement en déployant des efforts d'imagination, de persuasion et de négociation avec les transporteurs aériens.
Mesdames, Messieurs, vous aurez compris par mes propos que le sens de mon action n'a visé rien d'autre que de conserver à la communauté d'outre-mer un instrument à bien des égards irremplaçable.
Un instrument qui a un rôle essentiel à jouer pour traduire dans la réalité cette égalité des chances à laquelle nos compatriotes d'outre-mer aspirent avec raison et qui ne trouve pas de point d'application plus légitime et plus crucial que le domaine de l'éducation, de la formation, de l'acquisition des savoirs, des connaissances et des techniques.
Assurer la promotion individuelle des jeunes de l'outre-mer en leur permettant d'acquérir les talents qu'ils pourront mettre demain au service du développement de leurs collectivités c'est la mission – combien exaltante – à laquelle je vous convie à participer sans cesse plus activement car, Mesdames, Messieurs, nous le savons tous : former les hommes, c'est faire œuvre de citoyenneté.
Je vous remercie.