Texte intégral
Je suis heureux d'être parmi vous en cette fin de session ordinaire, à la veille de la session extraordinaire, répondant à l'invitation de Claude Estier. Ce rendez-vous s'inscrit dans le cadre des contacts réguliers que je souhaite entretenir avec les groupes qui soutiennent l'action du gouvernement à l'Assemblée Nationale et du Sénat. Cette concertation est, vous le savez, constante avec Claude Estier (petit déjeuner du mardi).
J'étais mardi dernier devant le groupe socialiste de l'AN et je suis bien conscient de ce que votre groupe se trouve dans une position moins stratégique ! La majorité est plurielle, légitimement exigeante, attentive être écoutée, il n'est pas toujours facile, lorsqu'un projet de loi a été très largement discuté et enrichi des apports des groupes de la majorité plurielle à l'Assemblée, de laisser un espace pour d'autres modifications au Sénat. Je suis bien conscient des frustrations que cette situation peut générer. Cette position spécifique ne doit pas pour autant conduire les ministres à négliger vos avis. D. Vaillant y veille attentivement en le rappelant régulièrement aux ministres. Je sais, de ce point de vue, le travail de grande qualité que vous avez réalisé sur le projet de loi de lutte contre les exclusions.
Nous disposons de pou de temps. Je souhaite concentrer mon propos sur trois points :
- le travail accompli depuis ma venue on septembre dernier ;
- les prochaines échéances ;
- certaines questions propres au Sénat.
I. - Le travail accompli depuis septembre a été considérable.
Cette session nous aura permis de mener à bien une partie des grands projets que nous avons proposés aux français voici un an.
1-1. Nous avons impulsé une nouvelle dynamique de gauche en matière économique et sociale : 3 illustrations.
Les emplois jeunes : les résultats sont tout à fait satisfaisants puisqu'à la mi-juin, les conventions déjà signées prévoient 105 000 créations d'emplois-jeunes, dont 40 000 à l'Education Nationale et 8 000 dans la Police Nationale. Nous devrions atteindre notre objectif de 150 000 à la fin de l'année, et nous poursuivrons en 1999 pour porter à 250 000 le nombre des emplois créés.
La réduction du temps de travail.
La loi sur les 35 heures a été promulguée le 13 juin, les décrets ont été publiés le 23 juin, les circulaires aussi, tout est donc en place pour que les négociations s'engagent, dans les branches professionnelles, et surtout sur le terrain dans les entreprises.
La première grande loi relative l'exclusion pour apporter des réponses concrètes aux situations des plus fragiles (le projet de loi sera définitivement voté avant le 10 juillet).
1-2. Nous nous sommes efforcés de traiter les questions sensibles que sont l'immigration et le code de la nationalité conformément de notre vision républicaine de l'intégration et de la dignité des personnes.
1-3. Dépassant certains clivages supposés ou réels, nous avons défini dans plusieurs domaines, une méthode, des orientations que je crois comprises par l'opinion : le droit à la sécurité, ia politique de la famille. Sur ces deux sujets, la droite doit aujourd'hui se résoudre à renoncer à ses caricatures, à ses anathèmes.
1-4. Nous avons engagé durablement la réforme de nos institutions conformément aux engagements que j'avais pris dans ma déclaration de politique générale. La réforme de la Justice est l'un d'eux. Le débat s'est ouvert avec le projet de loi constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la Magistrature. Il sera plus long que certains avaient pu l'imaginer. Je n'en présage pas l'issue car les amendements votes mercredi dernier par la majorité sénatoriale dénaturent profondément le projet et rompent avec l'exigence réformatrice de ceux qui ont souhaité et proposé cette révision constitutionnelle.
1-5. L'évolution des institutions a également été au cœur des concertations menées depuis un an avec la Nouvelle Calédonie. Je suis fier, parachevant le travail engagé par Pierre Mauroy et Michel Rocard, de proposer au Parlement une modification constitutionnelle qui ouvrira une perspective de paix durable, Le premier Congrès de cette législature sera saisi de ce projet le 6 juillet à Versailles.
1-6. Cette session aura été l'occasion de continuer, de poursuivre, l’œuvre entreprise avant nous, par d'autres gouvernements. Je pense en particulier à la construction européenne. Nous avons franchi l'étape parlementaire qui permettra à la France de passer à la monnaie unique le 1er janvier prochain, tout en obtenant l'instauration, par chacun des Etats membres, de plans nationaux d'actions pour l'emploi qui ont été discutés à Cardiff le 15 juin dernier.
J'en viens donc naturellement aux grandes échéances qui nous attendent à la rentrée. Je me bornerai à en évoquer quelque unes, réservant pour les journées parlementaires du 29 septembre à Tours, plus de précisions sur le calendrier parlementaire de la rentrée.
Trois grands chantiers vous mobiliseront tout particulièrement dans ces prochains mois : la loi de finances, le projet de loi d'orientation agricole, le projet de loi d'aménagement du territoire.
II. - Les prochaines échéances.
2-1. La loi de finances pour 1999.
Le débat d'orientation budgétaire qui a eu lieu jeudi dernier a permis d'ouvrir la discussion.
La préparation du budget pour 1999 s'ouvre dans un contexte de croissance retrouvée. La reprise de la consommation, puis celle de l'investissement qui alimente notre croissance compensent largement le ralentissement dû aux premiers effets d'un environnement international moins favorable. La perspective d'une croissance de 3 % en 1998 et de 2,8 % en 1999 qui fonde les orientations budgétaires du gouvernement est solide et en ligne avec celles des principaux instituts de conjoncture.
Dans ce contexte, nous avons choisi de privilégier trois objectifs : pérenniser la croissance, développer l'emploi et faire en sorte que la croissance profite à tous, C'est dans ce cadre que le gouvernement travaille à définir les grandes orientations budgétaires et les trois chantiers de la réforme fiscale que nous avons annoncés : fiscalité écologique, fiscalité du patrimoine et fiscalité locale.
Aucune décision n'est prise à ce stade, Dominique Strauss-Kahn a engagé une série de concertations sans précédent. Vous aurez l'occasion d'en débattre avec lui demain.
Je souhaite m'attarder brièvement sur un point : les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Le gouvernement a entrepris dans ce domaine une démarche tendant à répondre aux préoccupations de dialogue et de visibilité exprimées par les élus. Ainsi, le Gouvernement (Jean-Pierre Chevènement, Dominique Strauss-Kahn, Emile Zuccarelli et Christian Sautter) a engagé, à ma demande, des discussions avec les associations d'élus. Le Sénat y est représenté par le Président et le rapporteur général de la Commission des finances, une première rencontre a eu lieu le 22 juin dernier et a donné lieu à un premier échange de vues, Je recevrai moi-même les élus prochainement.
Nous souhaitons transformer le dispositif dénommé a pacte de stabilité » que le précédent gouvernement avait institué en 1995 pour 3 ans. Ce dispositif consistait à indexer les concours financiers de l'Etat aux collectivités locales sur l'inflation. Nous souhaitons intégrer progressivement une part de croissance économique dans cette indexation, pour que les collectivités locales puissent participer, notamment par l'investissement, au développement collectif.
C'est pour cela que le gouvernement souhaite améliorer significativement les mécanismes de péréquation; ce renforcement des dotations doit s'accompagner de plus de justice dans leur répartition. Une première application de cette volonté concernera la politique de la ville, avec l'augmentation d'un milliard de francs, en 1999, de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Il sera proposé l'an prochain de réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF) afin de renforcer sa fonction péréquatrice.
Par ailleurs, vous le savez, le gouvernement entend encourager l'unification des taux de taxe professionnelle au niveau des agglomérations. C'est l'objet du projet de loi préparé par Jean-Pierre Chevènement dans le cadre du renforcement de la coopération intercommunale en milieu urbain. Nous ferons en sorte que le financement de cette réforme ne pèse pas sur les autres formes de coopération, notamment pour les communes rurales. Ce projet de loi constitue ainsi une nouvelle étape de coopération intercommunale en transférant aux agglomérations les compétences nécessaires à la maîtrise des problèmes d'aménagement de l'espace, de transports, d'habitat et de développement économique qui doivent être traités à leur échelle.
Le gouvernement s'efforce également de simplifier le paysage institutionnel des groupements de communes et d'harmoniser les règles de fonctionnement au sein des différentes catégories qui le composent. La coopération intercommunale à l'échelle des petites villes et du milieu rural continuera donc d'être encouragée de son côté.
Naturellement, toutes ces dispositions devront être articulées avec les réformes à venir sur la fiscalité locale, taxe professionnelle et taxe d'habitation.
J'en viens maintenant à un autre sujet qui, je le sais, vous intéresse particulièrement.
2-2. Le projet de loi d'orientation agricole.
Présenté en Conseil des ministres le 10 juin dernier, le projet de loi d'orientation agricole répond à une forte attente du monde rural. Préparé par Louis Le Pensec en étroite concertation avec l'ensemble des partenaires concernés, ce projet de loi répond à trois priorités économiques, sociale et environnementale :
- rééquilibrer la production agricole en privilégiant la recherche de qualité, en encourageant la diversification, plutôt que la production intensive, au moyen des contrats territoriaux d’exploitation ;
- favoriser le maintien et le développement de l'emploi agricole et améliorer les conditions de vie, par des mesures en faveur des jeunes : agriculteurs ou par l'élaboration d'un véritable statut du conjoint notamment ;
- valoriser le rôle des agriculteurs en matière d'environnement et d'aménagement du territoire.
2-3. L'aménagement du territoire.
Le Gouvernement vient de transmettre au Conseil d'Etat le projet de loi sur l'aménagement durable du territoire qui révise les dispositions inapplicables de la loi Pasqua, et qui donne un cadre plus dynamique à l'aménagement du territoire, en particulier en ce qui concerne la coopération avec les régions. Elle sera présentée au Conseil des ministres du 29 juillet.
Vous en discuterez prochainement, en même temps que seront fixées les priorités de l'action de l'Etat pour les contrats de plan, et aussi en même temps que seront renégociés nos Fonds structurels : c'est dire l'importance de cette loi à laquelle Dominique Voynet a travaillé avec ses collègues pendant une année entière.
III. - Le Sénat.
Les media ont largement fait écho aux propos que j'ai tenus concernant le Sénat. J'ai souhaité effectivement poser publiquement un constat que personne, en toute objectivité, ne réfute véritablement. Les sénateurs de bonne foi ont bien compris que je ne visais pas l'institution ni la qualité du travail qui y est effectué mais bien la spécificité des conditions du mode d'élection des sénateurs. Elles sont sans équivalent dans toutes les démocraties.
Guy Allouche, Claude Estier et les sénateurs du groupe socialiste ont déposé 2 propositions de loi qui posent clairement le cadre d'une évolution de cette situation : modification du nombre de sénateurs élus dans les départements et âge d'éligibilité des sénateurs en vue d'une meilleure adaptation de la composition du Sénat à l'évolution démographique du pays. Je vous confirme que cette réforme s'inscrit bien dans le cadre de la démarche de modernisation de notre vie publique que j'ai engagée. Nous la conduirons donc à son terme, La réforme du mode d'élection des sénateurs est une question sérieuse, qui n'est ni conjoncturelle, ni d'opportunité politique. Elle touche profondément à la conception que nous avons des institutions, de leur fonctionnement et de leurs relations avec nos concitoyens. Je n'ai pas l'intention de traiter cette question dans un esprit de marchandage.
Sur ce thème, la tonalité de vos interventions, sénateurs socialistes, de la majorité mais dans l'opposition, devra permettre d'aborder ce débat sans polémiques inutiles, ni arrière-pensées. J'ai pu d'ailleurs constater que les interventions des uns ou des autres étaient responsables et constructives. Un autre texte vous sera soumis après les élections sénatoriales : la limitation du cumul des mandats et fonctions électives. Le groupe socialiste sera probablement isolé pour défendre ce que nous avions décidé ensemble lors de la Convention du PS sur les acteurs de la démocratie en 1996. Sur un sujet de cette importance, son expression et sa cohésion seront d'autant plus attendus.
Nous nous retrouverons à Tours pour les traditionnelles Journées parlementaires qui précédent la rentrée. Un certain nombre d'entre vous ne seront plus là, 9 au minimum, puisqu'ils ne se représentent pas. Je voudrais les remercier du travail qu'ils ont accompli, en particulier dans une période où votre groupe était numériquement plus puissant que celui de l'Assemblée. A tous ceux qui sont en campagne, j'apporte mes encouragements et leur dit mon souhait de les retrouver à la rentrée, aux côtés de ceux qui viendront nous rejoindre.