Texte intégral
Q - Après la levée de l'immunité parlementaire de J.-M. Le Pen par les députés européens, y a-t-il encore un avenir politique pour lui ?
– « Vous faites de la provocation ! Les choses ne se présentent pas du tout de cette façon-là. Il y a un avenir pour le Front national, il y a un avenir pour J.-M. Le Pen. D'abord, parce que – l'actualité nous le montre –, les socialistes sont incapables de résoudre les problèmes de notre pays, ni sur le terrain de la sécurité, ni sur le terrain de l'école, ni sur le terrain de l'immigration, ni en matière familiale. Ils se heurtent aux réalités et ils sont incapables de résoudre les problèmes des Français. Donc, cela va conduire nos compatriotes à se tourner vers une force alternative, et cela ne sera pas le RPR et l'UDF. C'est le Front national qui est en position d'alternance. »
Q - A quoi servirait-il de voter pour un homme, J.-M. Le Pen, qui, manifestement, est discrédité et totalement isolé au coeur de l'Europe ? 420 députés ont voté pour la levée de son immunité parlementaire ! De 15 nationalités !
– « C'est un événement très grave qui s'est produit, en effet, parce que les députés ont voté l'affaiblissement de l'institution parlementaire. Il faut quand même revenir à la notion même d'immunité parlementaire. L'immunité parlementaire est destinée à protéger les députés du pouvoir judiciaire, c'est-à-dire à assurer concrètement leurs libertés, c'est-à-dire l'indépendance des parlements face au pouvoir judiciaire. C'est l'un des principes fondamentaux de la démocratie. Et, en levant l'immunité parlementaire de J.-M. Le Pen, ces députés européens ont, non seulement, bafoué les droits de J.-M. Le Pen, mais ils ont totalement affaibli l'institution du Parlement européen ! »
Q - Vous ne vous sentez pas isolés ?
– « Vous savez, nous avons l'habitude d'être parfois isolés ! »
Q - Comment se fait-il que l'Europe entière réprouve les propos de J.-M Le Pen ?
– « C'est un signe très important de totalitarisme. Parce que, vous savez, dans les pays totalitaires, on a toujours une liberté totale de dire ce qui plaît aux puissants. Le signe de la liberté, c'est de pouvoir dire ce qui déplaît. Or, dans cette affaire, il est clair que J.-M. Le Pen déplaît aux puissants, et qu'il n'est pas libre de dire ce qui déplaît aux puissants. C'est la preuve que... »
Q - Les représentants de 15 nations ont tort et sont asservis ?
– « Ce ne sont pas les représentants des 15 nations. Ce sont des parlementaires européens, ce qui est un petit peu différent. »
Q - Est-ce que les ennuis de J.-M. Le Pen ne jouent pas un rôle dans les prestations électorales du Front national, qui est quand même en baisse, aussi bien aux législatives partielles qu'aux cantonales partielles, à Toulon, comme à Dunkerque ou Aubagne ?
– « Non, on ne peut pas dire cela. Si je prends la dernière élection partielle, celle de dimanche à Toulon, la cantonale, J.-M. Le Chevallier a fait 41 % des voix ! Ce n'est quand même pas rien ! A la dernière élection dans ce canton, en 1994, la candidate du Front national faisait 25 %. Vous voyez la progression ! De surcroît, le candidat RPR-UDF est totalement éliminé. Donc maintenant, effectivement, on va voir. Que vont faire les gens du RPR et de l'UDF. Est-ce qu'ils vont voter à gauche, ou est-ce qu'ils vont voter pour le Front national ? Je rappelle qu'aux législatives d'Aubagne et de Dunkerque, le Front national a fait voter pour la droite, ce qui a permis l'élection d'un député à droite à Dunkerque, et ce qui a failli permettre l'élection d'un député de droite à Aubagne. J'espère que les électeurs du RPR et de l'UDF vont en tirer les conséquences et voter dans leur intérêt, dans l'intérêt du pays et de leur ville. »
Q - Est-ce que le constat de base ne vous inquiète pas ? Il y a régulièrement dans les sondages beaucoup d'électeurs qui disent : le Front national, jamais. Or, on a vu, à Toulon, des électeurs de droite refuser de voter pour la candidate du Front national, alors qu'à Dunkerque en effet et à Aubagne, des électeurs, qui avaient voté Front national, sont revenus voter Démocratie libérale ?
– « Mais pour une raison très simple. C'est que le Front national, l'état-major du Front national, avait demandé à ses électeurs de voter RPR-UDF, alors que l'état-major RPR-UDF n'a pas du tout demandé de voter Front national. C'est toute la différence. On voit que d'un côté, on veut faire barrage à la gauche et pas de l'autre ! »
Q - Ce qui se passe pour J.-M. Le Pen, réprouvé par l'ensemble de l'Europe, et les bisbilles au sein du Front national entre vous-même et J.-M Le Pen, cela n'a pas d'impact ?
– « Non, il n'y a pas de bisbilles... »
Q - Vous n'avez pas toujours échangé des sourires !
– « Non, il n'y a pas de bisbilles. Nous sommes, vous savez, un mouvement beaucoup plus uni que vos confrères ne le disent, pour une raison fondamentale : c'est que, nous, nous sommes liés par des convictions communes, par un projet commun, par des valeurs communes. Ce qui n'est pas le cas des partis de la classe politique. Et croyez-moi, quand, de surcroît, on est attaqué de l'extérieur comme nous le sommes, eh bien cela crée des liens extrêmement forts, extrêmement soudés. »
Q - Est-ce qu'il n'y a pas, quand même, une vision stratégique totalement différente entre vous, qui aspirez à participer à l'exercice du pouvoir, et J.-M. Le Pen qui, lui, veut, avant tout, s'opposer, protester et encore protester ?
– « Il n'y a pas de différence... »
Q - Ah bon ? Quand on se promène dans les couloirs du Front national, on entend ces différences !
– « Mais, je ne vous ai jamais vu dans les couloirs du Front national. »
Q - On a des journalistes !
– « Ah, vous avez des antennes, peut-être ! »
Q - Et puis, on parle avec des membres du Front national. On les entend ces différences !
– « Non, il y a une stratégie claire du Front national, qui est, en effet, la conquête des responsabilités du pouvoir. C'est l'ambition noble de toute force politique. Et moi, je suis convaincu que nous allons y arriver, pour une raison très simple, c'est que, comme je vous le disais tout à l'heure, la force alternative aux socialistes, ce ne peut plus être le RPR et l'UDF, puisque ces gens-là ne sont pas d'accord sur des questions fondamentales. Il y en a qui sont pour des ententes avec le Front, d'autres qui sont contre. Il y en a qui sont pour l'euro, Maastricht, Amsterdam, d'autres qui sont contre. Donc, si vous prenez un parti politique... »
Q - Personne ne dit être d'accord pour une entente avec le Front national !
– « Si, si, il y en a. »
Q - Qui ?
– « Pas des grands leaders, mais des gens dans l'appareil, des gens, des élus, croyez-moi, moi, je les entend – et je ne vais pas dans les couloirs du RPR et de l'UDF, mais je les entends quand même. Si vous prenez, donc, un parti politique où vous avez un tiers pour, un tiers contre, un tiers abstention, et que vous rassemblez le tout, cela fait zéro, cela n'existe plus. Le RPR et l'UDF n'existent plus ! »
Q - Si Mme Le Pen est tête de liste aux européennes, vous serez d'accord pour figurer sur sa liste ?
– « J'ai toujours dit que lorsque la décision serait prise, je m'inclinerai devant cette décision. C'est ce qui fait la forte supériorité du Front national... »
Q - Mais vous serez sur la liste ou pas ?
– « Et je serai, bien sûr, tout à fait en situation sur la liste... »
Q - Numéro deux, numéro trois, pour l'aider ?
– « Et de faire la campagne du Front national. »
Q - Alors, dans National-Hebdo, elle dit : moi, je voudrais jouer un rôle comme E. Peron en Argentine. Cela vous plaît, cela ?
– « C'est une image qui lui plaît. Mme Peron, vous savez, avait beaucoup de succès,... »
Q - Mais à vous, cela vous conviendrait ?
– « ...beaucoup de succès dans le peuple, et nous sommes un mouvement qui est issu du peuple, qui a l'ambition de représenter le peuple. »
Q - Donc B. Mégret derrière J.-M. Le Pen ? Ca y est, c'est fait !
– « Ce n'est pas fait, puisque la décision de justice n'est pas tombée, et nous espérons bien qu'il n'y aura pas, en France... »
Q - Enfin, vous serez derrière un Le Pen !
– « J'espère bien qu'il n'y aura pas, en France, de décision de justice aussi injuste et aussi dangereuse pour la démocratie que celle qui consiste à priver arbitrairement le chef d'un parti politique de son éligibilité. »