Déclaration de M. Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, sur l'effort de l’État en faveur des sociétés de développement régional et sur leur contribution à l'accroissement des fonds propres des entreprises, Paris le 25 janvier 1995.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée générale de l'Association nationale des sociétés de développement régional (ANSDER) à Paris le 25 janvier 1995

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui devant l'Assemblée générale de votre Chambre syndicale. En effet vous savez, que je n'ai pas ménagé mon temps et ma peine depuis près de deux ans pour contribuer au redressement des sociétés de développement régional. Je remercie d'ailleurs M. Biénabe pour les propos aimables qu'il a tenus à l'égard de l'action du Gouvernement.

Peut-être que pour certains observateurs ou même certains d'entre vous cela allait de soi que le ministre de l'économie fasse de tels efforts. Et bien détrompez-vous, cela n'allait pas de soi. Certes élu local, je savais le rôle positif que pouvaient jouer les SDR, mais j'en connaissais aussi les limites.

Il fallait donc une raison bien spécifique pour justifier de passer à l'action. Ce n'était pas l'activité des SDR de prêts à moyen terme, y compris de crédit-bail, qui aurait suffi à m'y inciter, car d'autres établissements financier, bien implantés dans les régions françaises, peuvent également remplir ce rôle. À cet égard le Gouvernement a d'ailleurs pris quantité de mesures pour aider le secteur financier dans son ensemble à répondre à la demande de crédit qui viendra des entreprises avec le redémarrage des investissements.

Je me contenterais de les énumérer rapidement car je les avais déjà évoquées plus longuement au colloque du groupement des institutions financières spécialisées :

– réforme de la loi de 1985 sur les faillites ;
– relèvement du plafond Codevi de 15 000 F à 30 000 F ;
– fonds de garantie Sofaris pour les prêts de restructuration de fonds de roulement ;
– recapitalisation et enveloppe Codevi pour le CEPME.

Ce n'est donc pas cette activité de prêt à moyen et long terme qui rendait nécessaire le redressement des SDR. C'est en réalité leur activité de prises de participation dans les petites et moyennes entreprises qui justifie les effets effectués. Certes, l'activité de prises de participations était relativement moins développée que ne l'avaient pensé les pères fondateurs de 1955. Elle a représenté entre 8 et 10 % de la mise en place de financements au cours des trois dernières années. Mais elle a le mérite d'exister et représenterait environ 2 MdsF en 3 ans. En outre je ne suis toujours pas convaincu que sur ce créneau d'autres intermédiaires financiers étaient déterminés à intervenir.

Or vous le savez, une des principales faiblesses de l'économie française, c'est l'absence d'un nombre suffisant de « grosses » PME. Nous avons en France de très nombreuses PME, probablement plus qu'en Allemagne. Mais elles ont des difficultés à se développer parce qu'elles n'arrivent pas à renforcer leurs fonds propres, et donc elles créent moins d'emplois qu'elles ne pourraient le faire.

Or le vrai défi du moment est d'arriver à résorber un chômage très excessif. Le Premier ministre, M. Édouard Balladur, s'est fixé comme objectif de diminuer de 1 million le nombre de chômeurs sur 5 ans. Nous devons tout faire en sorte que cet objectif soit atteint. C'est cette philosophie qui m'anime et voilà pourquoi le redressement des SDR m'est apparu plus qu'utile.

J'en viens maintenant aux efforts de ces deux dernières années et à la situation présente.

Quelle était lors de l'arrivée du Gouvernement la situation financière des SDR ? Et bien la majorité d'entre elles ne respectait plus le ratio européen de solvabilité et était dans l'incapacité juridique poursuivre leurs activités de prêts ou de prises de participation. Pour résumer schématiquement la situation, une majorité d'entre elles étaient vouées à disparaître à court terme.

Pourquoi ? Quelles étaient les causes de ces difficultés ? J'en discernerai quatre d'importance inégale :

– les années difficiles des PME avec une très forte récession ;
– des erreurs de stratégie et de gestion pour certaines avec une sortie de leurs zones géographiques ou de leurs domaines de compétences ;
– la banalisation de la distribution du crédit ;
– enfin et surtout la perte d'« affection societatis » des actionnaires notamment des banques et des entreprises d'assurance.

Quelles réponses face à ce sombre tableau avons-nous apportées tous ensemble ?

Je distinguerai deux éléments principaux dans le plan de redressement :

1. D'abord une consolidation financière urgente pour les SDR qui pouvait être sauvées, c'est-à-dire la totalité sauf trois. Mais pas dans n'importe quelle condition, j'ai toujours eu le souci que l'ancrage régional des SDR soit préservé.

Ainsi j'ai demandé à la Caisse des dépôts et consignations, et j'ai encouragé les caisses d'épargne lorsqu'elles le souhaitaient, à prendre ou renforcer leurs participations dans le capital des SDR. J'ai également noué des contacts avec les collectivités régionales pour qu'elles s'intéressent plus encore aux SDR soit directement, soit indirectement en opérant un rapprochement entre instituts régionaux de participation et SDR. J'ai également soutenu toutes les initiatives visant à mobiliser les autres institutions financières locales ou les industriels.

Au total, même si tous les problèmes ne sont pas encore résolus. Je suis assez confiant. Certes les progrès prennent du temps. Mais cela ne résulte pas seulement du nombre des parties intéressées. C'est aussi que les nouveaux actionnaires ou ceux qui participent aux recapitalisations veulent que leurs soient présentées des perspectives claires d'activité en termes de stratégie, et en termes financiers. Cela me parait être le gage d'un engagement durable et du renforcement d'un dialogue parfois insuffisant par le passé entre actionnaires et directions des SDR. C'est un élément très positif pour l'avenir.

Quel est le bilan aujourd'hui ? Lordex, Centrest et Picardie sont en cours ou en voie de liquidation. Pour l'État qui avait accordé sa garantie à leurs emprunts, le coût est de plusieurs centaines de millions de francs. Vous en mesurez, j'en suis sûr, la portée d'autant plus que leur faillite aurait très certainement créé de très importantes difficultés aux autres SDR.

Une majorité de SDR ont vu leur situation renforcée ou le verront très bientôt. Outre les SDR Nord-Pas-de-Calais, Sodecco, Sodler, Sud-Est, Sofiparil, qui bénéficiaient d'un actionnariat solide, la SDR Champex, la Sade, la SDR de Bretagne, Sodero et Soderag l'ont été ou sont en cours de renforcement. D'autres, non citées jusqu'à présent, notamment Tofinso, le seront prochainement, car déjà des montages sont étudiés avec de futurs partenaires.

Vous constatez ainsi que toutes les solutions mises en·œuvre depuis près de deux ans ont toujours préservé l'ancrage régional des SDR, qui est une des composantes de leur légitimité.

2. J'en arrive maintenant à la réorientation de l'activité des SDR vers des fonds propres. En rencontrant les chefs d'entreprises, les élus locaux notamment régionaux, … ; à chaque fois, le discours est le même : les PME manquent de fonds propres ; les SDR peuvent aider à résoudre ce problème.

Je suis conscient cependant que cette réorientation ne peut être instantanée. Je sais que les SDR ont un compte d'exploitation à nourrir qui nécessite le maintien d'une certaine activité de prêt, notamment en crédit-bail.

À cet égard il se trouve que le problème du refinancement des SDR s'est posé en 1994 en des termes radicalement différents de ceux des années précédentes. L'entrée en vigueur le 1er janvier 1994 du règlement du comité de la réglementation bancaire relatif au contrôle des grands risques, ne permettait plus à Finansder de satisfaire les besoins exprimés par les SDR.

Or certains d'entre vous ne pouvaient, en 1994, trouver seuls une solution à leur besoin de refinancement. Aussi afin de vous permettre de continuer votre activité, j'ai décidé qu'une enveloppe de ressources Codevi de 2,5 MdsF soit mise à votre disposition dans des conditions équivalentes au financement auparavant apporté par Finansder pour 1,6 MdF et dans des conditions privilégiées pour 900 MF.

Cette solution ne peut pas avoir un caractère éternel. Elle est par nature transitoire. Elle doit permettre aux SDR de rechercher progressivement d'autres sources de financement. Je pense en particulier au refinancement par des pools constitués de vos principaux actionnaires financiers.

Cependant pour répondre à votre appel M. le Président, j'ai décidé que pour 1995 et 1996, l'enveloppe de 2,5 MdsF serait reconduite. Je suis également prêt à augmenter en son sein jusqu'à la moitié la part de ressources à taux privilégiés. Je souhaite cependant que l'utilisation de cette dernière soit conditionnée par une sensible augmentation du volume de l'activité en fonds propres tombée en 1993 et 1994 à un bas niveau. Cela devra passer à travers un accord entre l'État et chacune des SDR. Enfin un rendez-vous devra être fixé à la fin de cette année pour que je puisse faire avec vous un point sur les réalisations de 1995.

Je comprends que sur les principes de ce dispositif, un accord a été trouvé, il ne reste plus qu'à en déterminer les modalités précises.

Ce financement à des conditions préférentielles accompagnera ainsi la réorientation de votre activité vers les fonds propres dont les PME ont cruellement besoin, et qui est, avec votre ancrage régional, la source de votre légitimité et de votre différence.

J'ajoute enfin que pour appuyer dans cette réorientation en en limitant les risques, vous pouvez désormais faire appel au nouveau fonds de garantie Sofaris créé à mon instigation et financé à hauteur de 200 MF par la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds est spécialisé dans la garantie des interventions en fonds propres des organismes de capital-risque et de capital développement et devrait permettre de garantir 2,6 MdsF d'encours. Vous pouvez même obtenir une garantie globale de votre portefeuille. Je sais d'ailleurs que certains SDR comptent bien bénéficier de ce mécanisme.

J'ai bien relevé vos deux interrogations, Monsieur le Président. Sur la première, c'est à dire l'absence d'intérêt manifesté par la BEI aux SDR, j'en prends bonne note et je vais saisir son président par une lettre dans les jours qui viennent. Sur le second point, c'est-à-dire la création d'un engagement pluriannuel entre l'État et les SDR sur la mise à disposition de ressources Codevi. Sachez que j'y suis très sensible et que je n'y suis pas hostile sur le principe. Commençons par montrer dans les faits, dans la pratique que les SDR sont capables d'accroître leurs interventions en fonds propres, alors si tel est le cas nous définirons un cadre pluriannuel.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs quelques considérations que je souhaitais vous présenter à propos de ce dossier des SDR, qui depuis près de deux ans n'a jamais quitté mon bureau.

Je vous remercie.