Texte intégral
RTL - 15 octobre 1998
O. Mazerolle
Vous étés délégué général de Force démocrate et président du groupe UDF à l'Assemblée nationale. P. Séguin va rester président du RPR, c'est une bonne nouvelle pour vous ?
P. Douste-Blazy
- "Ecoutez, cela regarde le RPR."
O. Mazerolle
D'après vous, c'est un bon partenaire ?
P. Douste-Blazy
- "P. Séguin est un président du RPR qui a voulu entreprendre une action de rénovation au sein du RPR, il est normal qu'il continue la conduire."
O. Mazerolle
Après ce qui s'est passé au RPR à la convention sur l'Europe, la liste unique de l'opposition apparat possible désormais pour les Européennes ?
P. Douste-Blazy
- "Le RPR s'est réuni pour savoir quel serait le fond du discours du RPR. Nous allons, nous, dans quelques jours nous réunir à l'UDF pour aussi exprimer notre projet. Il y aura en fait une véritable discussion sur la définition de ce qu'est la souveraineté politique de l'Europe. Qu'est-ce que nous voulons ? On veut peser politiquement à côté des Etats-Unis. De là, il y aura une discussion. Est-ce qu'on veut simplement une juxtaposition d'Etats, ou est-ce qu'on veut, au contraire, sur certains sujets comme la défense, comme la diplomatie, comme la recherche, se mettre tous ensemble ?"
O. Mazerolle
Mais pour la liste unique, cela s'annonce bien ou pas ?
P. Douste-Blazy
- "Mais, pourquoi pas une liste unique dans la mesure où nous sommes d'accord ! Mais, je le dis tout de suite, il faut que la tête de liste accepte d'aller au Parlement européen siéger. Deuxièmement, qu'il accepte de venir au Parti populaire européen qui est le parti, comme vous le savez, du centre/centre-droit au Parlement européen. Et il est important aussi que nous soyons d'accord sur le fond parce qu'il n'est pas possible de ne parler que de personnes et pas de projet. L'Europe, c'est trop important pour nous."
O. Mazerolle
L'UDF va se réunir dans quelques jours, et il va y avoir la fusion de tous les partis politiques qui la composent. Force démocrate va disparaître ?
P. Douste-Blazy
- "Il y a une discussion. Je fais partie de ceux qui ont voulu un débat au sein de l'UDF là-dessus. Moi, je suis pour qu'il y ait un élargissement le plus large possible, à une seule condition : c'est que l'ensemble des fédérations, des militants, des sympathisants puissent parler. A l'heure d'internet, il serait anormal que ce soit uniquement dans les partis politiques qu'on ne discute pas, qu'on ne débatte pas."
O. Mazerolle
Mais Force Démocrate doit se fondre avec les autres pour s'appeler désormais UDF, ou bien au contraire continuer à exister ?
P. Douste-Blazy
- "Force démocrate doit d'abord être identitairement reconnu, avoir un véritable projet. Et, à partir de ce projet, si les autres souhaitent nous rejoindre, ou si nous souhaitons élargir Force démocrate à d'autres, alors oui, pourquoi pas ! Mais d'abord sur un projet, sur des idées et surtout sur une base démocratique."
O. Mazerolle
Donc Force démocrate continuera à exister, si je comprends bien ?
P. Douste-Blazy
- "Nous aurons un débat là-dessus, et un calendrier sera défini."
O. Mazerolle
Vous publiez, chez Plon, un livre intitulé "Pour sauver nos retraites." C'est le premier livre de toute une collection. Alors c'est une sorte de programme politique que vous voulez nous proposer ?
P. Douste-Blazy
- "A force de parler de structures, de chapelles, d'organisations des partis politiques, il est aussi intéressant de parler du projet et du fond. J'ai souhaité ouvrir une collection qui comportera cinq ou six livres avec toujours une règle du jeu : j'écris à peu près 150 à 200 pages, et ensuite, il y a trois personnes qui réagissent dans le livre."
O. Mazerolle
Qui ne sont pas forcément d'accord avec vous.
P. Douste-Blazy
- "Qui ne sont pas forcément d'accord. Et j'ai une règle du jeu, c'est que je ne lis pas ce qu'ils disent, c'était dit."
O. Mazerolle
Vous avez lu depuis, j'espère quand même ?
P. Douste-Blazy
- "J'ai lu depuis, mais M. Blondel, P. Arthus ou J.-P. Fitoussi ont su réagir pour critiquer ce que j'ai écrit."
O. Mazerolle
Alors, pour sauver les retraites il vaut mieux ne pas prendre sa retraite entre 2005 et 2020. Parce que, quand on vous a lu, on se dit qu'il vaut mieux mourir tout de suite.
P. Douste-Blazy
- "C'est un système qui va exploser. Je ne sais pas pourquoi on n'en parle pas vraiment. Tous ceux qui ont moins de cinquante ans partiront avec moins de 50 % de leur dernière feuille de salaire, parce qu'on gagne trois mois d'espérance de vie par an ; parce que, quand le général de Gaulle a créé la Sécurité sociale, il y avait quatre cotisants pour un retraité, et en 2005, il n'y aura qu'un seul cotisant pour un retraité. Donc, on ne peut pas continuer comme cela sauf si on augmente énormément les cotisations ou qu'on diminue énormément les pensions. Sachez qu'il faudra 300 milliards de francs par an pour équilibrer le système de retraites par répartition tel qu'il est aujourd'hui à partir de 2015."
O. Mazerolle
M. Blondel, qui vous répond dans votre propre livre, dit : pourquoi ne pourrait-on pas augmenter les cotisations ? Et puis, de toute façon, tout cela c'est conjoncturel ; il faut réoffrir du travail aux Français, et à partir de ce moment, ils cotiseront et cela ira beaucoup mieux.
P. Douste-Blazy
- " Il y a deux sortes de personnes : ceux qui croient en France que tout est conjoncturel, et ceux qui croient que c'est quand même structurel. A un moment donné, il faut comprendre que la structure dans laquelle on est, est complètement passée, elle est finie. Il faut ouvrir une nouvelle page. Les Américains l'ont fait, les Allemands, les Anglais, les Espagnols, les Italiens, ils ont créé un système de retraites. C'est ce que je propose. Je ne propose pas de remettre en cause le système actuel - c'est-à-dire le système par répartition -, simplement il faut ajouter une nouvelle étape qui s'appelle la capitalisation c'est-à-dire..."
O. Mazerolle
Les fonds de pension.
P. Douste-Blazy
- "Les fonds de pension ou les fonds de retraite. C'est-à-dire mettre de l'argent de côté tous les mois pendant trente ans. Vous faites travailler cet argent sur les marchés financiers et sur les bourses, et ensuite au bout de 30 ans, vous avez soit une rente mois par mois pour avoir une retraite digne, soit alors vous l'avez sous forme de capital."
O. Mazerolle
Tout de même, c'est bien une nouvelle cotisation que vous proposez ?
P. Douste-Blazy
- "Alors, bien sûr. D'autant plus que je propose des fonds de retraite obligatoires. Donc vous allez me dire, c'est un prélèvement obligatoire de plus. Oui, mais si on ne fait rien, nous aurons 300 à 320 milliards de francs par an pour équilibrer notre système actuel de répartition c'est-à-dire que les cotisations exploseront. Alors que là, il faudra trouver 100 à 110 milliards c'est-à-dire trois fois moins, et il faudra, en effet, de toute façon prélever un peu plus. Je voudrais vous dire aussi que les fonds de pension, cela fait partie de ce qui peut permettre de garder les entreprises françaises en France."
O. Mazerolle
Quand on voit les mouvements de la bourse en ce moment, on se demande si c'est bien sérieux de nous faire garantir nos retraites par les marchés financiers !
P. Douste-Blazy
- "Sachez que c'est sur trente ans. Et vous ne trouverez pas durant le siècle, le XXème, de produits financiers aussi intéressants que le produit en bourse depuis un siècle, même si vous prenez le choc de 1929, même si vous prenez le choc de 1987. Parce que sur trente ans, vous lissez les pics et également les baisses. Donc, c'est sur trente ans. Ce n'est pas pour spéculer, c'est uniquement pour placer et avoir une retraite digne."
O. Mazerolle
Et la gestion par des entreprises privées, cela ne met pas à l'abri de faute. Il y- a eu des faillites, le fonds Maxwell par exemple !
P. Douste-Blazy
- "Justement, ce sont des fonds de pension très différents. Le fonds Maxwell, c'était des fonds de pension qui étaient gérés entreprise par entreprise et R. Maxwell avait tout simplement confondu les fonds propres de l'entreprise et les fonds de pension. Là, c'est un système qui est très différent. Vous mettez de l'argent avec vos fonds de pension ou fonds de retraite, vous les faites gérer par les salariés ou les retraités eux-mêmes, et ensuite, vous avez évidemment tous les ans des résultats. Je vous assure qu'aux Etats-Unis ou en Allemagne ou en Italie, tout cela est parfaitement gérable."
O. Mazerolle
Les fonds de pension américains, ils vont et viennent à travers le monde, là où il y a plus de rentabilité. Mais pourquoi, les fonds de pension français, eux, resteraient en France pour soutenir les entreprises françaises qui ont une petite rentabilité. Ils vont faire comme les autres, ils vont spéculer !
P. Douste-Blazy
- "Mais les fonds de pension français devraient également être...Vous ne pouvez pas aujourd'hui rester hexagonal, vous êtes obligés de jouer la mondialisation de l'économie."
O. Mazerolle
Mais alors où est l'intérêt pour les entreprises françaises ?
P. Douste-Blazy
- "J'allais vous le dire. Vous prenez une entreprise comme Saint-Gobain. 40 % des actions de Saint-Gobain sont aux fonds de pension américains. Chaque fois que Saint-Gobain fait des bénéfices, chaque fois que les ouvriers, les cadres de Saint-Gobain travaillent énormément pour que Saint-Gobain s'améliore, à qui cela profite ? Cela profite aujourd'hui aux retraités de Milwaukee et du Texas. Cela ne profite jamais aux retraités français. Ce n'est pas normal."
LE PARISIEN - 22 octobre 1998
Question
- Comprenez-vous la révolte des retraités ?
Philippe Douste-Blazy. - Sincèrement, le problème n'est pas tant celui des retraités d'aujourd'hui, que celui des actifs d'aujourd'hui qui n'auront pas de retraite demain, si on continue à ne rien faire ! Cela dit, les manifestants expriment une réalité : ils sont les premiers seniors à voir leur pouvoir d'achat diminuer. Et cela va continuer...
Question
- Le gouvernement a pourtant annoncé qu'il allait s'attaquer au problème des retraites, notamment en créant un fonds de réserve. Le dossier bouge quand même ?
Philippe Douste-Blazy. - Si peu ! Ce fonds de réserve va recevoir 3 milliards de francs. Or, à partir de 2015, il faudra 300 milliards de francs par an si on reste dans le système actuel. Si on ne prend aucune mesure face au déficit démographique qui nous attend, il n'y aura pas d'autre solution que de baisser drastiquement le niveau des pensions, ou de tripler ou quadrupler les cotisations retraites des actifs. Or les salariés de l'an 2000 (et au-delà) auront des enfants à élever, des vies à construire...
Question
- Vous plaidez pour la mise en œuvre rapide des fonds de pension. Mais les Français sont divisés sur la question et trouvent même que le développement de l'épargne retraite pourrait accroître les inégalités ?
Philippe Douste-Blazy. - Les fonds de pension sont ressentis par certains comme une menace sur le système de retraite par répartition, alors qu'ils sont faits pour le sauver ! Quand aux inégalités, c'est aujourd'hui qu'elles sont flagrantes. Si vous travaillez à la SNCF, vous partez à la retraite à 50 ans, si vous êtes dans le privé, à 60 ou 65 ans ; si vous êtes fonctionnaire, il vous suffit de 37,5 armées de cotisations pour faire valoir vos droits, contre 40 dans le privé ; si vous travaillez dans une grande entreprise, ou dans la fonction publique, vous avez accès à des fonds de capitalisation, pas dans les PME...
Question
- La remise en cause des régimes spéciaux avait pourtant provoqué la grande grève de décembre 1995...
Philippe Douste-Blazy. - Ce n'est pas en montrant du doigt certains qu'en avance. 11 faut engager une réforme de structure qui englobera le problème des régimes spéciaux. Les Français ont envie d'égalité, en matière de retraite comme d'éducation nationale.
France 2 - mardi 27 octobre 1998
J.-M. Carpentier
Aujourd'hui commence, à l'Assemblée nationale, l'examen du projet de loi sur la Sécurité sociale, avec une nouveauté : pour financer les retraites, le Gouvernement évoque des fonds de pension. Et c'est une petite révolution pour la gauche qui a toujours combattu cette idée très libérale. Ca tombe bien puisque des fonds de pension, c'est ce que vous demandez dans un livre que vous venez d'écrire. Vous devez être très content ?
Philippe Douste-Blazy.
- "Oui, je pense que M. Aubry a dû lire ce livre, car je me souviens qu'il y a encore quelques semaines elle était contre. Je vous rassure, les fonds de pension, ce n'est pas pour ce projet de loi qui arrive. C'est un projet du Gouvernement. Le système est totalement explosif. On sait qu'en 2010-2015, ceux qui arriveront à la retraite à ce moment-là - ceux qui ont moins de 50 ans aujourd'hui - partiront avec même pas 50 % de leur dernière feuille de salaire. Or, à force de ne pas le dire aux Français, je crains qu'ils soient dans la rue à ce moment-là, s'ils l'apprennent d'un coup. Donc à compter du système de répartition que nous avons aujourd'hui, il faut commencer à penser à un système par capitalisation, qui viendrait uniquement s'ajouter au premier, c'est-à-dire mettre 200, 300, 400 francs par mois, pendant 30 ans, de côté."
J.-M. Carpentier
Mais la grande crainte jusqu'à présent, c'était que ce système de capitalisation, de rente, ça favorisait les plus gros salaires. C'est ce que disait la gauche. C'était quand même une idée très de droite.
Philippe Douste-Blazy.
- "La caractéristique du livre que j'ai écrit, c'est d'abord de les rendre obligatoires, comme cela, c'est universel. Il n'y aura pas ceux qui ne peuvent pas payer et ceux qui pourraient le faire. Deuxièmement : la moitié est donnée par la personne qui travaille, mais l'autre moitié est donnée par l'entreprise, avec des avantages fiscaux pour les uns et pour les autres, comme pour les cotisations, aujourd'hui, pour les inciter. Car que se passe-t-il aujourd'hui ? Aux Etats-Unis, en Allemagne, en Italie, en Espagne, il y a ces fonds de pension. Les retraités ont des fonds de pension. Résultat : toutes les entreprises françaises commencent à être achetées, les unes après les autres, par ces fonds de pension étrangers, et nous nous ne pouvons pas garder nos entreprises. Alors quand une entreprise française fait des bénéfices, grâce aux ouvriers, aux cadres de cette entreprise, ces bénéfices profitent aux retraités du Milwaukee, du Texas et pas aux retraités français."
J.-M. Carpentier
C'est pas bien...
Philippe Douste-Blazy.
- "C'est surtout très grave."
J.-M. Carpentier
Pensez-vous que ces fonds de pension il en restera quelque chose dans 20 ans ? Parce que s'il y a un krach boursier, tout cet argent va disparaître- on voit que ça disparaît très vite.
Philippe Douste-Blazy.
- "Evidemment, le grand argument c'est de dire : "Vous mettez de l'argent à la Bourse : vous avez vu ce qui s'y passe ?" Si vous prenez tout le Xxème siècle et si vous regardez le meilleur rendement financier de tout le Xxème siècle, vous ne trouverez jamais quelque chose comme, justement, les marchés et la Bourse. Même si vous prenez le krach de 1929 et le krach de 1987, vous n'avez pas de meilleur rendement financier que la Bourse, à condition de laisser votre argent 30 ans. Car si, en effet, vous ne le laissez trois ou quatre ans pour spéculer, vous pouvez gagner beaucoup mais vous pouvez aussi perdre beaucoup."
J.-M. Carpentier
Toutes les forces politiques sont d'accord pour cela, sauf les communistes.
Philippe Douste-Blazy.
- "C'est nouveau. Je suis heureux que les socialistes y soient venus."
J.-M. Carpentier
C'est une révolution. Un mot du mouvement des lycéens qui pourrait reprendre la semaine prochaine. A entendre certains leaders de l'opposition, vos amis, on a le sentiment que C. Allègre lance enfin la reforme que ses prédécesseurs n'ont pas osé faire.
Philippe Douste-Blazy.
- "Il y a deux mots un peu barbares qui s'appellent : la déconcentration et la décentralisation. La déconcentration existe, c'est vrai : les recteurs décident, dans les régions ce qu'il faut faire -où on met un enseignant, où on ne le met pas ; cela s'est déjà fait, c'est vrai. Mais là où ça ne marche pas du tout, c'est qu'il n'y a pas de décentralisation : les régions, les collectivités locales payent les bâtiments, repeignent les bâtiments, mais ils n'ont rien à dire sur, par exemple, la formation professionnelle. Il me semble tout à fait normal, comme en Allemagne, que, dans de telles régions, où il y a, par exemple, des usines d'électroménager ou de sidérurgie, on puisse dire que dans les lycées on fait de la formation professionnelle pour l'électrotechnique ou pour la sidérurgie. C'est-à-dire arriver à un peu mieux spécialiser les régions en fonction de ce qu'elles savent faire. Le drame, aujourd'hui, en France, c'est les jeunes ne trouvent pas de travail au départ parce qu'ils n'ont pas d'expérience professionnelle. Mais par définition ils n'en ont pas. Donc il faut que le lycée leur en donne."
J.-M. Carpentier
Pour parler un peu de politique, C. Allègre fait ce que F. Bayrou, votre ami, n'a pas su faire ?
Philippe Douste-Blazy.
- "D'abord F. Bayrou, lui, a voulu titulariser des maîtres-auxiliaires ; il a voulu donner aux lycéens des enseignants ; et on voit aujourd'hui qu'ils défilent dans la rue parce qu'ils n'ont pas d'enseignants ; on leur donne 50 000 emplois jeunes. C'est bien, mais on voit que ces emplois-jeunes ne restent pas très longtemps, et deuxièmement, ils ne sont pas formés. Les lycéens ont-ils besoin d'enseignants et de personnes formées ? La réponse est oui."
J.-M. Carpentier
A propos de F. Bayrou : il se dit beaucoup que vous voulez lui succéder à la tête des centristes ?
Philippe Douste-Blazy.
- "D'abord nous avons un congrès le 28 novembre."
J.-M. Carpentier
Oui, là terme, vous voulez être le leader des centristes ?
Philippe Douste-Blazy.
- "Non, attendez. Actuellement, il y a un congrès le 28 novembre qui ouvre le débat ; et un grand avantage de ce congrès, c'est qu'il ne personnalise en rien ; il n'y a pas de problèmes personnels, car on ne va pas élire un nouveau président. Un scoop. Ce qui est important, aujourd'hui, c'est de savoir qu'il doit y avoir une droite en France mais aussi un centre, un centre-droit fort, comme il existe aujourd'hui en Espagne, on l'a vu avec les élections, comme il a existé et existe toujours en Allemagne, comme il existe dans beaucoup de pays européens. Donc il est important pour nous de définir la méthode, la stratégie - la plus démocratique possible pour avoir un grand centre-droit en France."
J.-M. Carpentier
On ne saura pas si vous voulez succéder à F. Bayrou aujourd'hui. On dit aussi que vous voulez vous rapprocher de plus en plus du Président de la République. Est-ce que, finalement, vous souhaitez que l'opposition se réorganise autour de J. Chirac ?
Philippe Douste-Blazy.
- "Ce qui est sûr, c'est qu'il faut aujourd'hui deux grands piliers dans la vie politique française, dont le centre-droit ; et en même temps, nous devons aussi regarder au niveau de l'Europe - la politique européenne - ce que fait le Président de la République. Parce qu'aujourd'hui, nous sommes convaincus qu'une des grandes fractures qui peut exister en politique c'est : est-ce que nous sommes capables ou pas, est-ce que nous voulons ou pas faire l'Europe politique ? C'est-à-dire peser avec les Etats-Unis ? Là, le Président de la République joue un rôle important, parce que lui-même a une politique européenne qui va très bien avec nos propres convictions et nos idées. Et que ce soit au niveau du RPR, de Démocratie Libérale, de l'UDF, il est important de voir ce qu'il fait et de suivre de très près cette ligne européenne."
TF1 - 1er novembre
MICHEL FIELD
Bonsoir a toutes, bonsoir a tous. Merci de rejoindre le plateau de « Public », une émission que nous allons pour une large part dans sa deuxième partie, consacrer au problème des retraites. Alors à côté de moi Marc BLONDEL, le secrétaire général de Force Ouvrière ; et Philippe DOUSTE-BLAZY, le président du groupe UDF Alliance à l'Assemblée nationale. Alors pourquoi réunir ces deux personnalités pour parler des retraites ? Eh bien l'occasion en est un livre signe Philippe DOUSTE-BLAZY, qui s'appelle « Pour sauver nos retraites », c'est paru chez PLON dans la collection Demain. Et il y a une démarche un petit peu originale puisque Philippe DOUSTE-BLAZY a demandé à la suite de son propre texte à trois personnalités - Marc BLONDEL, Jean-Paul FITOUSSI et Patrick ARTUS - eh bien de donner leurs réactions. C'est une façon d'entamer un débat contradictoire à l'intérieur même d'un livre. Et la perche était belle pour que ce débat se continue sur ce plateau. Alors ce débat... un certain nombre de retraités directement concernés y participeront. Certains d'entre eux participaient aux manifestations dont on a vu qu'elles faisaient poids égal au moins avec certaines manifestations lycéennes la semaine dernière. Et puits il y a un chef d'entreprise qui est là, Patrick PEUGEOT que je remercie, le président directeur général de la Mondiale et on l'interrogera évidemment sur ce que pense le chef d'une grande entreprise qui s'occupe notamment de l'assurance vie, de ces fameux fonds de pension dont on parte tant et on essaiera aussi d'éclaircir les enjeux de ce débat. Voila un programme fourni mais évidemment juste après la pub, on fera le tour de l'actualité de la semaine. A tout de suite.
MICHEL FIELD
Retour sur le plateau de « Public » en compagnie de Marc BLONDEL et de Philippe DOUSTE-BLAZY. Nous allons tout de suite commencer par l'actualité de la semaine en images.
AGENDA DE LA SEMAINE
MICHEL FIELD
John GLENN, évidemment, c'est une très belle illustration du débat sur les retraites. Ca vous fait rêver, ça, de s'envoyer en l'air comme ça à 77 ans ?
MARC BLONDEL
Oui, enfin, je ne voudrais pas du tout faire de relation... Mais dans le fond, pourquoi pas, si à 77 ans, on peut encore faire ce genre de choses ! Ce qui veut dire qu'il y a quand même un déplacement je dirais... du vieillissement et que maintenant les gens à 70 ans, sont encore capables de faire des choses qu'ils ne pouvaient pas dans le temps.
MICHEL FIELD
Le côté un petit peu opération publicitaire de la NASA...
MARC BLONDEL
Etats-Unis !
MICHEL FIELD
Oui, pour renflouer un petit peu les caisses de la recherche spatiale.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Ne sous-estimez pas non plus la recherche médicale sur la sénescence et sur les personnes âgées au niveau de l'espace. II y a en particulier à Toulouse un laboratoire extraordinaire qui montre ce que l’espace peut apporter en matière de recherche medicate sur le vieillissement de la peau en particulier et des différents organes...
MARC BLONDEL
C'est ça... pour la coqueluche, il faut monter à la tour Eiffel ; maintenant quand on va avoir 75 ans, pour éviter Alzheimer ou je ne sais quoi, Parkinson, on va s'envoyer en l’air comme dit Monsieur FIELD !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Mais Alzheimer commence plus tôt, à soixante ans.
MARC BLONDEL
Oui justement, c'est une des questions dont nous parlerons tout à l'heure pour justement la retraite.
MICHEL FIELD
Alors grand fait de l'actualité sociale de la semaine, ce changement de nom du CNPF en MEDEF, Mouvement des Entreprises de France. Patrick PEUGEOT, puisque vous êtes président et directeur général de la Mondiale, j'aimerais avoir la réaction - alors je ne dis plus « patron » si je suis dans la Iigne - de l'entrepreneur que vous êtes ?
PATRICK PEUGEOT
II ne faut pas regretter le mot « patron » mais je crois que l'étiquette est une chose mais l'aspect important c'est le contenu qui doit changer. Et il y a eu des idées intéressantes qui ont été avancées pour que le MEDEF maintenant passe d'une phase de revendications a une phase de propositions, écoute plus les gens à la base et dans une certaine mesure, soit capable d'engager un dialogue plus intense avec les organisations syndicales. Tout ça est très intéressant et je pense que s'il faut une nouvelle étiquette pour ça, pourquoi pas ?
MICHEL FIELD
Parce qu'on parte souvent des problèmes de représentativité des syndicats ouvriers mais la représentativité même du CNPF quelquefois on a pu la mettre en cause.
PATRICK PEUGEOT
La je crois qu'on disait avant que c'était réservé aux grandes entreprises et que seules quelques unions patronales c'est-à-dire la représentation régionale venait. Avec les nouveaux statuts qui ont été proposés, cette représentation de la base devrait doubler, donc ça doit être un progrès.
MICHEL FIELD
Marc BLONDEL, ça change quelque chose dans votre perception du monde des entrepreneurs ?
MARC BLONDEL
Oh oui, mais pas du tout sur la démocratisation du CNPF parce qu'en définitive, comme les patrons sont tous syndiques pour la bonne et simple raison qu'ils paient une cotisation prélevée sur les salaires, ce n'est pas un problème, ce n'est pas ça ! Non moi je crois qu'il ne s'agit pas d'un lifting, c'est plus important que ça. Je crois que le CNPF, parce que je continue à l’appeler pour l’instant le CNPF, a été touché par les mécanismes anglo-saxons et notamment le fait qu'on l'appelle maintenant le MEDEF, on veut simplement dire que les rapports sociaux vont s'établir beaucoup plus dans les entreprises qu'au niveau des branches ou qu'au niveau interprofessionnel. Ca veut dire qu'on met en l'air les mécanismes de solidarité. Je pense que ça n'est pas du tout anodin et après avoir discute assez longuement avec le président SEILLIERE, je sais que c'était son intention. Alors j'attends de voir. Vous savez que moi j'ai une revendication en suspens qui est celle de faire partir ceux qui ont commence a travailler a 14 et 15 et qui auraient 40 ans de cotisations„. il y a un engagement avec le CNPF. Le CNPF a dit : on va traiter ça dans la deuxième quinzaine de novembre. Eh bien on va voir si on peut encore discuter au plan interprofessionnel avec le MEDEF. On va voir dans les faits si c'est possible. Mais ça n'est pas rien, vous savez, ça n'est pas rien que de renvoyer... la volonté - et le discours est très précis là-dessus - la volonté de renvoyer les négociations exclusivement au niveau des entreprises et le cas échéant, dit Monsieur SEILLIERE, dans les branches quand on ne pourra pas faire autrement. Ca va changer beaucoup de choses.
MICHEL FIELD
Vous craignez, vous, d'être quelquefois court-circuité dans les négociations ?
MARC BLONDEL
Ce n'est pas du tout ça, c'est parce que lorsqu'on négocie au niveau interprofessionnel, on arrive a régler y compris des problèmes de concurrence ; quand on définit des charges ou des obligations, elles sont les mêmes pour toutes les entreprises. Tandis que là, y va y avoir, en fonction du rapport de force... dans les endroits où les syndicats vont être forts, on va obtenir des choses et dans les endroits où il n'y aura pas de syndicat, eh bien ça traînera à vau-l’eau. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les patrons accepteront, mais enfin on verra. Mais il y a des patrons qui se syndiquent tout simplement pour que le patronat, le CNPF, donc maintenant le MEDEF, eh bien les représente. Ils le font délibérément. Ils choisissent ca délibérément. Cette délégation... cette espèce de conception du patronat... j'avais une habitude, je disais : le président du patronat, quel qu'il soit, il est le vice Premier ministre. Non pas dans les faits, il n'a pas un budget etc, mais l'orientation économique, l'orientation politique, etc, ça a des conséquences sur une société en démocratie. J'ai l'impression que là, Monsieur SEILLIERE veut se dégager de cette obligation. J'ai l'impression d'ailleurs que les faits le contraindront à revoir sa position.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Alors au-delà du logo que je viens de voir qui montre trois visages regarder vers le même horizon, le salarié, l'entrepreneur et l'actionnaire, débat prémonitoire a notre discussion tout à l'heure...
MICHEL FIELD
S'aimer, c’est regarder ensemble dans la même direction, puisqu'on parlait de Saint Ex tout à l'heure...
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Je crois qu'il y a eu deux changements radicaux dans la réunion du CNPF ou du MEDEF maintenant. D'abord il y a une nouvelle organisation qui prend en considération l’évolution même de l’économie française en donnant beaucoup plus de place aux PME et en comprenant que les PME sont pourvoyeuses d'emplois, beaucoup plus pourvoyeuses d'emplois aujourd’hui que les entreprises. Deuxièmement, comme le dit Monsieur BLONDEL, i1 y a là une modification importante je dirais de la philosophie même, en décentralisant le CNPF, en allant au niveau de l'entreprise elle-même et je crois que c'est important que les informations partent du bas pour aller vers le haut et non pas le contraire et je crois que c'est en opposition totale avec les réformes un peu dures, un peu brutales, présentées par Madame AUBRY depuis dix-huit mois. Je crois qu'il faudra négocier, expliquer, informer, discuter au sein même des entreprises et non pas contraindre de Paris. Moi personnellement je trouve que c'est mieux.
MICHEL FIELD
Marc BLONDEL, vous êtes inquiet de cette évolution ?
MARC BLONDEL
Non, je crois que les faits feront changer la situation par définition parce que je pense que... j'insiste bien... un patron de 350 salariés dans une entreprise en province et autres, quand il se syndique, c'est qu'il entend que son syndicat prenne en charge une partie de ses problèmes et généralement c'est les rapports sociaux. Et je dis bien les rapports sociaux, non pas le comité d'entreprise, non pas le délégué du personnel, parce que tout ça existe ; mais la représentation du patronat, des intérêts globaux du patronat, il faut une délégation et je crois que c'est ce que Monsieur SEILLIERE voudrait éviter en ce moment. Permettez-moi aussi de faire remarquer... je suis d'accord avec le ministre DOUSTE-BLAZY...
MICHEL FIELD
II n'est plus ministre, vous l'appelez comme ça...
MARC BLONDEL
Mais quand on est ministre, on a le droit d'être appelé ministre toute sa vie. Je risque d'être en difficulté ou plus exactement être en désaccord avec lui tout a l'heure, laissez-moi encore l'appeler Monsieur le Ministre...
MICHEL FIELD
Oui, mais imaginez les gens qui arrivent en cours d'émission, vous I'appelez Ministre DOUSTE-BLAZY, ils se demandent s'il n'y a pas eu un remaniement ce week-end et tout !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Je ne risque rien !
MARC BLONDEL
Non, il y a un changement effectivement dans le patronat, c'est que maintenant les banques, les assurances, les organisations de services équilibrent un peu... équilibrent ce qu'on appelait avant le Comité des Forges pour me faire comprendre ; c'est devenu ensuite l'Union des Industries Métallurgiques et Mécaniques, ce qui veut donc dire que maintenant il y a une espèce... effectivement comme la société française, il n'y a pas que de la production, il y a aussi le secteur des services, de la banque et de l'assurance. Je dirais presque que la question dont nous allons traiter tout a I'heure, découle de ça. II y a une espèce d'équilibre qui fait changer la face effectivement du patronat.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Sur les trente-cinq heures, on voit bien aujourd’hui que les négociations sont mieux engagées dans les grandes entreprises que dans les PME.
MARC BLONDEL
Ah bon ! Où ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
L'impression qu'on a tous, même Monsieur JOSPIN l'a dit l'autre jour, que ça patinait au niveau des petites et moyennes entreprises. Moi je crois que le monde de l'entreprise est un monde qui doit gérer au plus près, comme d'ailleurs dans les partis politiques, je crois que tout ordre venant de Paris ou des états-majors de partis politiques ou même des syndicats, je crois que c'est quelque chose qui est dangereux et qu'il n'y a pas suffisamment de discussions et c'est la raison peut-être pour laquelle nous n'avons pas suffisamment de militants dans les partis politiques et pas suffisamment de syndiqués aujourd'hui en France, c'est parce qu'il n'y a peut-être pas suffisamment ce dialogue social qui peut se nouer à mon avis au niveau de la décentralisation, c'est-à-dire au plus près des citoyens.
MARC BLONDEL
Je crois quand même qu'on ne peut pas oublier que la France est structurée sur le plan légal par des dispositions qui sont applicables à tous, c'est la conception républicaine. Je ne suis pas sûr que vous puissiez faire comme ça une projection y compris d'opportunisme sur les trente-cinq heures. Je dis ça tout simplement parce que je voudrais rappeler qu'en février 95, quand Monsieur GANDOIS a été élu président, moi je lui ai demande de négocier la réduction de la durée du travail. Et si l'affaire est devenue une affaire d'Etat, une affaire de législation, c'est dû à deux choses : le refus du patronat à l'époque - il m'a dit qu'il n'avait pas la délégation justement, la démocratie interne, qu'il n'avait pas la délégation des fédérations pour négocier - et deuxièmement le fait qu'il y a eu dissolution. Et ce qui était une revendication est devenu d'un seul coup un engagement électoral. Et vous savez, ça change tout ! Nous ne sommes plus propriétaires de la revendication là ! Et ensuite, la disposition est devenue disposition légale. C'est quelque chose d'assez particulier dans des circonstances un peu particulières. En 1936, Monsieur BLUM avait la grève générale qui lui permettait d'avoir une délégation du patronat. En 1968, eh bien Monsieur POMPIDOU a eu aussi la grève générale qui lui permettait d'avoir une délégation de fait du patronat. En 1997, Monsieur JOSPIN, il n'avait rien du tout ; les patrons ne voulaient même pas aller autour de la table. Alors il a pris la seule chose qu'il pouvait faire : une disposition d'ordre légal, c'est-à-dire la durée légale du travail et pas la durée effective, le reste, il ne pouvait pas le faire. Après, maintenant, on se débrouille avec ça, on essaie de faire ! Eh bien pardonnez-moi, si on veut que les trente-cinq heures réussissent, je crois que c'est la stratégie que j'ai prise qui est la bonne, il faut que nous négocions par branches parce que justement c'est différent selon les branches, ça je vous l'accorde ; l'application des trente-cinq heures, ce n'est pas la même chose dans une entreprise de distribution ou de commerce qui doit ouvrir jusqu'a telle heure, et puis dans une entreprise de production, c'est totalement différent. Donc il faut que nous négociions par branches pour généraliser la chose et rendre incontournable la loi. Mais là, nous sommes en position subsidiaire. C'est une situation que nous n'aimons pas beaucoup dans les organisations syndicales. J'aurais mieux aimé moi, qu'au moment où j'ai demandé a Monsieur GANDOIS qu'on puisse négocier les trente-cinq heures, on les fasse par une heure tous les ans jusqu'a l'an 200, c'eût été le même résultat mais on l'aurait fait par négociation. Je rappelle que c'est le refus du patronat qui a modifie les choses.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Pour les négociations par branches, c'est fondamental, mais vous ne m'enlèverez jamais de l'idée, que plus on explique, plus on négocie, plus on informe ceux qui travaillent au plus pros de l'entreprise, mieux ça marche parce qu'il y a un effort de pédagogie. Je suis sur qu'on en parlera pour les retraites tout a l'heure...
MARC BLONDEL
Monsieur le Ministre, les trente-cinq heures, c’est une revendication.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
C'est une revendication mais à mon avis, la negociation est absolument capitale. Une loi d'abord déjà, de manière contraignante, qui tombe de l'Assemblée nationale pour dire à partir de telle date...
MARC BLONDEL
Nous sommes objectivement d'accord, je vous dis j'aurais mieux aimé que ce soit négocié et que Monsieur GANDOIS ait dit oui à la négociation en 95.
MICHEL FIELD
Bon, le livre que vous avez fait étant sur les retraites et pas sur les trente-cinq heures, je vous propose un, d'en faire un deuxième ensemble sur ce thème...
MARC BLONDEL
On ne dit pas un petit mot quand même du Havre ?
MICHEL FIELD
Si, on en a pas mal parlé la semaine dernière puisqu'il y avait des représentants syndicaux sur le plateau, je vous prends en flagrant délit de ne pas avoir regardé mon émission la semaine dernière. Mais allez-y !
MARC BLONDEL
Je vous dirais volontiers que je n'ai pas de télévision... Non, moi je crois que là il y a quelque chose à faire, au Havre bien entendu et ailleurs. Là où il y a des pôles industriels importants, le rôle de l'Etat, c'est d'anticiper sur les évolutions et je regrette qu'on soit toujours dans une situation obligatoirement revendicative dans la limite ou on explique aux gens, vous avez quarante ans, eh bien on va essayer de vous traîner pour que vous alliez jusqu'a votre préretraite et puis en tout cas, les enfants etc... là où il y a une industrie aussi importante, alors ça a été vrai dans les arsenaux, c'est vrai maintenant dans la navale, ça a été vrai en son temps dans l'Est etc. Je crois que là, le gouvernement et .les gouvernements de manière générale, attendent généralement trop tard.
MICHEL FIELD
Mais ce qui est curieux, c'est que dans l'affaire des Ateliers et Chantiers du Havre, la mise en cause du gouvernement, de l'Etat, on a l’impression que c'est comme si ces chantiers étaient nationalisés alors qu'en fait, il y a des actionnaires prives et déjà l'Etat a quand même donné, on l'a vu la semaine dernière, beaucoup de subventions.
MARC BLONDEL
Le problème, c'est la clientèle. Le problème c'est de savoir qui fait réparer ses bateaux etc. Et ça, c'est une politique qu'on doit engager ou ne pas engager : est-ce que la France va encore réparer des bateaux ? II faut qu'on le sache une fois pour toute. Ou est-ce que c'est réglé, c'est le Japon, etc, etc. Ce sont des grands secteurs industriels qu'il faut dominer. Je regrette moi, pour ma part, que le plan ne travaille pas assez là-dessus et je regrette que le ministère de l'Industrie soit toujours en position défensive. II faut déjà anticiper pour savoir quels seront les grands secteurs industriels passé l'an 2000-2005.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Sur le plan général, il faut comprendre que l’economie est mondialisée et qu'on ne peut pas vivre en vase clos. Alors vous avez raison...
MARC BLONDEL
On ne peut pas faire que du pragmatisme, Monsieur le Ministre...
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Voila, et donc l'Etat doit prendre ses responsabilités, on en parlera tout à l'heure pour les régimes spéciaux. II est évident que lorsqu'il y a un régime spécial en voie d'extinction, eh bien à ce moment-là il ne faut pas que l'Etat lâche les gens, c'est évident ; mais en même temps, je crois qu'il ne faut pas non plus que l'Etat soit là pour faire des choses pour lesquelles il n'est pas fait. On l'a vu à plusieurs reprises, on l'a vu pour le Crédit Lyonnais, on l’a vu pour d'autres entreprises. Donc moi je serais quand même plus modéré. Je dirais oui a une politique responsable mais alors en grande transparence : si l'Etat ne peut pas faire un secteur, qu'il le dise tout de suite et ce n'est pas aux contribuables à régler le problème.
MICHEL FIELD
Avant de passer à notre débat sur les retraites, je voudrais juste vous montrer un document en avant-première. II s’agit d’un clip et d'un clip qui va faire événement puisque 42 artistes de la chanson française se sont réunis autour de Pascal OBISPO pour une chanson qui s'appelle « Sa raison d'être ». Et cette chanson faite partie d'un album qui s'appelle « Ensemble » et qui sortira le 23 novembre. Tous les bénéfices de cet album et évidemment la participation gracieuse des artistes, sont mis au service de Ensemble Contre le Sida et d'ailleurs une soirée télévisée exceptionnelle puisque chaque chaîne participera à cette soirée suivant des modalités que vous découvrirez bientôt, aura lieu le vendredi 23 novembre. Et ce que je vous propose, c'est de regarder un extrait du clip de cette chanson, « Sa raison d'être » de Pascal OBISPO.
EXTRAIT CLIP
MICHEL FIELD
Voilà, « Sa raison d'être », une chanson de Pascal OBISPO, 42 artistes réunis pour la chanter, un album « Ensemble », disponible le 23 novembre et une grande soirée télévisée le vendredi 27 novembre. Un petit mot, Philippe DOUSTE-BLAZY ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Oui, ça me rappelle avril 1994, le premier SIDACTION qui a rapporte tellement d'argent et je suis heureux qu'il y ait des artistes et des personnes, des professionnels de la télévision, qui continuent, qui emboîtent le pas sur ceux qui l'ont fait en avril 94, qui étaient les premiers.Un problème quand même simplement, j'espère que ce SIDACTION n'oubliera pas que 90 % des médicaments vont au nord de la planète et que 90 % des malades sont au sud. Alors les trithérapies, ça marche et c'est formidable, il faut continuer, il faut continuer la recherche mais il ne faut pas oublier non plus qu'en Asie et en Afrique, toutes les minutes, il y a des gens qui s'infectent et que c'est là une politique de santé publique et de prévention qui coûte beaucoup moins cher que des médicaments, c'est quand même au moins la dignité minimale de nos sociétés très riches.
MICHEL FIELD
De toute façon, ces thèmes seront évidemment abordés le 1er décembre dans le cadre de la journée mondiale contre le sida. La soirée dont je vous parle, le vendredi 27 novembre, c'est plutôt une grande soirée de variétés pour encourager les gens à acheter cet album qui sera disponible et dont les fonds iront à Ensemble Contre le Sida. Je vous propose une page de pub et puis on prend le débat sur les retraites tout de suite après.
PAGE PUBLICITAIRE
MICHEL FIELD
Retour sur le plateau de « Public », Philippe DOUSTE-BLAZY, Marc BLONDEL sont mes invités. Et tout de suite, pour entamer et pour introduire ce débat sur les retraites, un petit sujet de Jérôme PAOLI qui fait l'état des lieux.
JOURNALISTE
Onze millions de personnes, un Français sur cinq, les retraités, représentent dans notre pays une part de plus en plus importante de la population. Et si leur niveau de vie est en moyenne sensiblement identique a celui des actifs, leur situation s'est franchement dégradée. Dans la rue, pour protester contre l'augmentation des cotisations et les 10 % de baisse de leur pouvoir d'achat en douze ans, les retraités ont souvent du mal vivre. Plus d'un million d'entre eux touchent 3.210 francs par mois, le fameux minimum vieillesse. Pire encore : on estime aujourd'hui a 800.000 le nombre de retraités vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Une situation difficile qui selon les prévisions démographiques, pourrait encore se dégrader, en particulier quand en 2015, la génération du baby-boom de l'après-guerre prendra sa retraite. A cette date, si rien n'est fait aujourd'hui, le système actuel base sur la solidarité entre les générations, ne sera plus suffisant pour financer les 16 millions de retraites que comptera notre pays. Conscient du problème, le gouvernement qui compte sur les excédents futurs des comptes sociaux, vient d'annoncer la création d'un fonds de réserve pour les retraites, de trois milliards. Une initiative jugée insuffisante par Philippe DOUSTE-BLAZY qui pour trouver les quelque 300 milliards de francs supplémentaires nécessaires chaque armée pour financer les retraites à partir de 2015, prône l'instauration de fonds de pension obligatoires.Très développé aux Etats-Unis, ce système d'épargne retraite permettrait aux salariés de constituer un capital complémentaire qu'ils pourraient récupérer au moment de leur retraite sous forme de pécule ou de rente. Une idée que réfute Marc BLONDEL. Favorable si nécessaire a un nouveau recul de l'âge de la retraite, le secrétaire général de Force Ouvrière préconise plutôt la constitution d'un fonds de réserves alimenté par les privatisations et surtout une taxe sur les heures supplémentaires. Le débat est donc ouvert.
MICHEL FIELD
Avant d'avoir la réaction des deux protagonistes qui sont autour de cette table, Thérèse MARTIN, vous êtes retraitée et dans le premier volet de ce petit sujet sur les difficultés de vie des retraités, vous vouliez témoigner.
THERESE MARTIN, RETRAITEE CFDT
Oui, je voulais vous signaler que les personnes retraitées à petits revenus, par exemple je dois changer mes lunettes et mes chaussures prennent l'eau, je dois choisir. Apres des économies de plusieurs mois, les lunettes sont changées mais les chaussures attendront. Pour ce qui est des loisirs, c'est un luxe : le cinéma, le théâtre, beaucoup de choses que I'on aimerait pouvoir faire, c'est la même chose. Mais ce qui est plus grave encore, c'est la peine que l'on a de ne pas pouvoir faire plaisir a ceux qu'on aime, recevoir, offrir des cadeaux. Alors je ne parle pas en mon nom puisque moi j'ai encore la chance d'avoir 4.100 francs de retraite mais au nom de tous ceux et de toutes celles qui ont beaucoup moins, par exemple les retraites de reversions : quand un homme a travaille toute sa vie avec un petit revenu et que sa femme ne dispose que de 54 % de sa petite retraite, c'est surtout pour eux que je tiens a parler.
MICHEL FIELD
Bernadette HENRY, sur la baisse du pouvoir d'achat des retraités, vous avez des chiffres évidemment importants.
BERNADETTE HENRY, UNION CONFEDERALE DES RETRAITES CGT
Oui, le 22 octobre, nous avons défilé dans sept villes en France notamment pour ce qui concerne... les retraités CGT réclamaient mille francs dans l'immédiat de pouvoir d'achat parce que depuis un certain nombre d'années, c'est aux environs de 18 à 20 % de pouvoir d'achat de perdu sur les retraites à cause de trois éléments : premièrement les retraites ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix ; deuxièmement il y a les cotisations sociales que les retraites n'avaient pas à payer parce qu'autrement ça nous fait payer deux fois les cotisations sociales, que ce soit la cotisation maladie, la CSG ou le RDS et puis le problème de la fiscalité avec I'abattement qui va en ciseaux décroissants pour voir dans quelques années disparaître l'abattement de 10 % des retraités et puis la suppression de la demi-part pour les parents... le père ou la mère qui a élevé seul un enfant. Et quand vous cumulez toutes ces choses, ça fait beaucoup de perte de pouvoir d'achat.
MICHEL FIELD
Une réaction, Marc BLONDEL, à la situation actuelle et évidemment qui ouvre sur les solutions aux difficultés que va sans doute régime le régime des retraites ?
MARC BLONDEL
Moi je voudrais dire et je confirme et je fais miens les propos qui ont été tenus : la situation actuelle n'est pas bonne, il faut quand même regarder les choses. Je vis en ce moment, moi, un petit drame personnel : ma mère a 85 ans, elle a 3.800 francs de retraite. Elle a des maladies de sénescence, on n'y peut rien. On avait réussi a mettre trois personnes qui venaient tous les jours chez elle etc et encore par intervention syndicale, je le dis clairement. Eh bien elle ne veut plus voir ces personnes, elle s'en va etc, etc on n'y peut rien. II a fallu que je la mette dans une maison semi-medicalisée, c'est-à-dire qui a la visite d'un médecin, pas un médecin en permanence. Ca coûte dix mille francs. Alors le problème est simple : est-ce que lorsqu'on a travaille toute sa vie, on ne doit pas avoir une retraite qui permet d'aller jusqu'à la fin de sa vie de manière normale ? Ca veut donc dire qu'il y a quelque chose à faire, une transformation qui n’est peut-être pas d'ailleurs une transformation du niveau des retraites mais aussi de tout un plan qu'il faudrait mettre debout. On a des problèmes, dit-on, en ce moment, d'hospitalisation. Seul l'hôpital public peut transformer et que mes dix mille francs par mois descendent à cinq mille francs et qu'ensuite, ce soit accessible aux gens. Et 3.600 francs de retraite quand on a travaillé pratiquement quarante ans, je trouve que c'est insuffisant. Ca veut donc dire qu'il faut réfléchir à partir besoins des gens et non plus dans une réflexion strictement comptable et arithmétique comme on le fait maintenant. Au besoin il faut savoir sacrifier si c'est nécessaire autre chose, pour permettre aux gens qui vivent maintenant plus longuement et je m'en félicite, eh bien de vivre dans de bonnes conditions, des conditions normales qu'on est en droit d'attendre quand on a travaillé toute sa vie. C'est dans ce contexte là qu'on peut discuter après des obligations des uns et des autres et en particulier quel est le tribut qu'il faut donner à la société, combien de temps faut-il travailler pour avoir le droit justement à Ia retraite qui permette que... Et c'est là peut-être que compte tenu qu'on commence à travailler maintenant à 25 ans, je n'y peux rien, eh bien des questions se posent de savoir si 60 ans est toujours le couperet etc. C'est comme ça qu'il faut interpréter mon interrogation mais moi je pense qu'avant toute chose, il faut définir... il faut se fixer comme objectif que les retraites soient suffisantes pour qu'on puisse vivre jusqu'au terme normal maintenant de la vie dans notre société dans des conditions... Madame a raison, y compris le cas échéant de pouvoir offrir un bouquin à ses petits-enfants quand c'est leur anniversaire.
MICHEL FIELD
Philippe DOUSTE-BLAZY, est-ce que ça veut dire, pour rentrer dans le vif du sujet, qu'il faut élaborer un troisième étage en quelque sorte du système de retraite, les régimes généraux qui existent, les régimes complémentaires qui existent déjà et puis alors une capitalisation supplémentaire, alors qu'on l'appelle fonds de pension ou fonds obligatoire, épargne retraite ou que sais-je encore ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Oui, alors juste avant de répondre a cette question précise, j'ai écouté ces deux dames et j'ai surtout entendu l'exemple de votre maman. Là nous sommes dans autre chose que la retraite, nous sommes dans ce que nous appelons la dépendance. Et là il faut savoir qu'il y a une prestation spécifique dépendance, loi du 24 janvier 1997 avec Jacques BARROT, qui permet - et ça c'est très important parce que les décrets d'application de la loi, on les attend encore - dans une maison de retraite telle que vous l'avez définie, il y a aujourd'hui de quoi : payer le couvert - ça c'est le conseil général qui le paye - il y a de quoi payer les soins - c'est l'assurance maladie - mais il faut aussi qu'il y ait de quoi payer des personnes qui s'occupent des dépendants. Et ça, c'est la prestation spécifique dépendance de 3.500 francs, ce sont les conseillers généraux qui le paient et c'est 1,9 milliard cette armée. Alors je le dis parce que c'est important, c’est un des problèmes majeurs de la société française aujourd'hui parce que nous sommes les premiers hommes de l'histoire de l'humanité à connaître une espérance de vie comme celle-là. Mais pour notre question, les retraites, on a un sujet qui est fondamental, c'est qu'aujourd'hui c'est la répartition comme vous l'avez dit ; est-ce que nous sommes capables demain d’affronter un choc qui est le choc démographique ? Je me suis permis, Michel FIELD, d'amener une...
MICHEL FIELD
N'abusez pas, mais allez-y !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Non, non. Voilà. Juste après la guerre, on a fait beaucoup d'enfants : 1945, 46, 47, 48. Ca s'appelle le baby-boom ; et maintenant ça s'appelle le papy-boom, le papy-boom, c'est-à-dire que pendant trente ans, des gens auront entre 60 et 90 ans. Voyez, nous sommes là, nous allons passer dans cette courbe. Alors la question est de savoir s'il y aura suffisamment d'actifs, suffisamment de gens qui travaillent pour payer la retraite des gens qui seront justement tout a fait normalement d'ailleurs... qui ont travaillé toute leur vie et qui seront a la retraite. On sait très bien qu'avec le système par répartition, si on ne le bouge pas, il faudra en 2015-2020, 300 milliards de francs par an - et ça tout le monde le sait – 300 milliards de francs par an pour équilibrer le système par répartition. Alors nous, nous disons qu'à côté du système par répartition que je ne remets pas en question et c'est très très important, nous devons ajouter un autre étage qui est l'étage de la retraite par capitalisation, ce sont les fonds de pension. De quoi s'agit-il ? II s'agit de mettre cent francs de côté et d'avoir trente ans après, après I'avoir fait travailler sur les marchés financiers, d'avoir trois cents francs si le taux est de 3,3 %, de quatre cents francs s'il est de 7 %. Et donc c'est cela... si on reste par répartition, il faut mettre trois cent milliards. Ca sera épouvantable. II faudra augmenter les cotisations par deux et les retraites baisseront, les pensions en particulier des salaries du prive, baisseront. Donc plutôt que de faire cela, nous mettons cent milliards et on fait travailler ces cent milliards...
MICHEL FIELD
Qui « on » ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
On, c'est ça qui est important...
MICHEL FIELD
Je crois que c'est l'essentiel du débat.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Les fonds de pension, nous, nous proposons que ce soit des fonds de pension obligatoires. Deuxièmement qu'ils soient gérés par les salariés et par leurs représentants, par les employeurs et par leurs représentants. J'ouvre, Monsieur BLONDEL, un nouveau chemin...
MARC BLONDEL
Que je ne veux pas !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Que vous ne voulez pas, mais vous expliquerez pourquoi.
MARC BLONDEL
Oh oui, j'expliquerai pourquoi !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Je dis que si on garde le système par répartition actuellement, alors vous allez voir que le système explosera ou alors qu'on aura des cotisations qui seront multipliées par deux ou des pensions qui baisseront, ce que je ne veux pas.
MARC BLONDEL
Je note simplement une chose, je ne me trompe pas Monsieur le Ministre, vous avez bien dit que les résultats, c'était dans trente ans.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Par définition, les fonds de pension, ça se travaille sur trente ans.
MARC BLONDEL
Oui, bien sûr, sinon on utilise le capital et il n'y a plus de produit bien entendu. Donc c'est vrai, donc ça ne répond pas a la question du baby-boom, on est bien d'accord ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Ca répond exactement à, la question du baby-boom...
MARC BLONDEL
Non, ça ne répond pas à la question du baby-boom parce que ça sera trop tard, c'est 2005, le baby-boom.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Non, mais prenez l'exemple... attendez, il y a quand même des gens qui ont quarante-cinq ans, quarante ans, trente-cinq et trente ans en France ? Bon...
MARC BLONDEL
Oui, mais 45 ans plus trente ans, ça fait 75 ! II y a longtemps qui seront à la retraite cher ami !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Mais ceux qui ont trente ans aujourd'hui, comment ils vont pouvoir payer leur retraite ?
MARC BLONDEL
Pensez-vous que ce soit très novateur, cette proposition ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Non, ça existe aux Etats-Unis, ça existe en Allemagne, ça existe en Angleterre.
MARC BLONDEL
Ca existait aussi en France en 1910. Ca s'est appelé les retraites ouvrières et paysannes.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Ce n'était pas les mêmes !
MARC BLONDEL
Ce n'était pas les mêmes ? ! Exactement ! Si on rentre dans la technique...
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Non, parce que le système par répartition n'existait pas en 1910, vrai ou faux ?
MARC BLONDEL
Justement, le régime par répartition est venu justement parce que les retraites ouvrières et paysannes ont fait faillite !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Moi ce que je vous propose, c'est le système de fonds de pension associe au système par répartition.
MARC BLONDEL
L'association n'existe pas. D'ailleurs dans votre livre... moi j'utilise le terme de « cannibalisme », vous, je crois que vous dites qu'il y a un petit risque de vampirisme, je ne me trompe pas ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
De vampirisme, oui, tout a fait.
MARC BLONDEL
Bon. Pourquoi ? Parce que mettez-vous à la place d'un employeur. II a un système par répartition obligatoire, c'est-à-dire la Sécurité sociale plus les régimes complémentaires et puis on lui met le troisième pilier, c'est le terme qu'on utilise pour rendre populaire la chose. Eh bien lorsqu'il mettra de l'argent pour le troisième pilier, c'est parce que cet argent, il n'y aura pas de prélèvements sociaux dessus, c'est parce que cet argent, il n’y aura pas d'impôts dessus et que d’une certaine façon, l'attribution faite aux salariés, sera beaucoup plus spectaculaire que s'il le mettait dans le salaire proprement dit. Mais s'il le met dans le salaire proprement dit, ça alimente le régime par répartition. Donc il y a bien cannibalisme. Vous aurez une tendance... ce que vous appelez I'auxiliaire, aura une tendance à devenir le principal. Et ça se fera au détriment... oh je ne dis pas qu'on va tarir la répartition, ça non, sûrement pas, mais il y aura une concurrence et pour le moins, le risque c'est effectivement d'étouffer la répartition. A ça, il y a une réponse : si vous êtes prêt à me dire que vous êtes d'accord, je le noterai. Figurez-vous que je pose la question à beaucoup d'hommes politiques en ce moment qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition êtes-vous prêts à mettre des cotisations sociales sur les fonds attribués au troisième pilier ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Alors aujourd’hui - je vais vous répondre - aujourd’hui, qu'est-ce qui se passe, Michel FIELD ? Le système est complètement inégalitaire. Monsieur BLONDEL est contre la capitalisation. II se trouve que si vous êtes fonctionnaire, eh bien vous avez le droit...
MARC BLONDEL
Faites attention, c'est un trou...
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Attendez...
MARC BLONDEL
Non, mais je connais votre argument.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Attendez, laissez-moi le dire. Si vous êtes fonctionnaire aujourd'hui, Monsieur BLONDEL, est-ce que oui ou non, on a le droit de mettre vingt mille francs de cote par an en capitalisant, je dis bien en capitalisant ça s'appelle le PREFON (Prévoyance Fonctionnaire) - si vous avez été fonctionnaire d'ailleurs un seul jour, ça marche. Donc ça, la capitalisation, ça marche pour les fonctionnaires.
MARC BLONDEL
II faut donner les chiffres, Monsieur DOUSTE-BLAZY...
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Attendez, je termine... Non mais la capitalisation marche pour les fonctionnaires. La capitalisation existe pour les fonctionnaires !
MARC BLONDEL
Elle existe mais elle est basée d’une part sur le volontariat ; il y a deux millions et demi de fonctionnaires régaliens, a peu près quatre millions et demi, il y en a 280.000 affiliés à la PREFON, vous avez la réponse enfin ! En fait ils utilisent ça comme une assurance vie, c'est clair !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Justement, Monsieur BLONDEL, est-ce qu'ils peuvent le faire ? Oui. Est-ce que les salariés du privé peuvent le faire ?
MARC BLONDEL
Oui !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Non, mais attendez, laissez-moi parler. S'ils n'ont pas de P.E, le Plan d'Epargne entreprise, les salariés du privé, ils ne peuvent pas. Ceux qui nous regardent qui sont... Aujourd'hui, soit on est dans une entreprise qui a un P.E., alors tout va bien, on peut capitaliser. Votre employeur capitalise, d'ailleurs il capitalise s'il vous aime bien, s'il ne vous aime pas, il ne capitalise pas. Si vous êtes fonctionnaire, vous pouvez capitaliser. Sinon vous allez en effet, c'est ce qui se passe aujourd'hui, voir un assureur privé, lui demander une assurance vie ou un plan épargne retraite. Alors là l'employeur ne fait rien, c'est un plan d'épargne individuel. Moi je suis assez libéral sur le plan de l'économie comme ça, mais je suis aussi social, Monsieur BLONDEL. L'épargne individuelle, oui, mais quand il s'agit de la retraite, c'est-à-dire à ce qui touche au plus profond de la cohésion nationale, de la solidarité entre les générations, alors je crois qu'il ne faut pas laisser jouer uniquement l'individu et je crois qu'il faut réguler. C'est peut-être à contre emploi ce que nous faisons ce soir, mais l'épargne individuelle, oui, pas pour la retraite.
MARC BLONDEL
Je ne vous laisserai pas me dessaisir de ce qui sont les fondements de ma réflexion, non, non...
MICHEL FIELD
Une trés brève réponse, je voudrais qu’on entende Patrick PEUGEOT.
MARC BLONDEL
La solidarité, c’est quand même la solidarite entre ceux qui travaillent et puis les plus vieux, c'est ce qui se passe avec les régimes par répartition, Monsieur. La solidarité, c’est quelque chose qu’il faut construire. Je crois que c'est pour moi une répétition, je le dis à chaque fois, la notion égalitaire et solidaire de la République, il faut des instruments pour ce faire, c'est la Sécurité sociale et c'est les retraites. II n'y a d'ailleurs qu'a peu près ça qui reste. Ceci étant, vous ne pouvez pas prendre comme un précèdent favorable l'exemple des fonctionnaires ! Je viens de donner les chiffres : quatre millions et demi de fonctionnaires, 280.000 sont à la PREFON. Ca veut bien dire que ce n'est pas une aspiration des fonctionnaires, sinon ils seraient tous à la PREFON.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Ca veut dire surtout que les fonctionnaires peuvent le faire et les salaries du privé...
Main BLONDEL
Mais tout le monde peut le faire !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Ah non, non, pas du tout.
MARC BLONDEL
Mais si ! Sous la forme que vous indiquez. Prenez les gens pour des gens responsables ! Donnez des pales qui permettent aux salariés de choisir eux-mêmes leur comportement en matière de capitalisation.
MICHEL FIELD
Attendez, attendez. Patrick PEUGEOT, je voudrais avoir votre avis puisque je disais que vous êtes président directeur général de la Mondiale qui s'occupe notamment d'assurance vie. Ca me pousse à vous poser deux questions. La première, c'est est-ce que finalement il y a un volume d’épargne suffisant pour au cas où par exemple s'ouvrent en France des fonds de pension, eh bien on ne déshabille pas Pierre pour habiller Paul, d'ailleurs est-ce que ce n'est pas une inquiétude pour vous ? Ca c'est la première question. Deuxième question, quand on regarde un petit peu comment se passent les fonds de pension dans des exemples notamment que beaucoup d'hommes politiques libéraux donnent en exergue, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, on s'aperçoit que les fonds de pension sont plutôt facteurs d'inégalité puisqu'il y a moins de la moitié des salariés de Grande-Bretagne qui sont surtout des hommes qualifiés de grandes entreprises qui bénéficient des fonds de pension, et qu'aux Etats-Unis, si mes chiffres sont exacts et je le crois, 10 % des salariés possèdent les deux tiers des actifs des fonds de pension, c'est-à-dire que là, on a l'impression que la solidarité en prendrait un coup si on établissait des fonds de pension à la manière anglo-saxonne.
PATRICK PEUGEOT
Je crois qu'il faut être très clairs. Sur le problème de l'épargne que vous évoquez, il est clair que jusqu'à maintenant, l'épargne a toujours été au rendez-vous des besoins de la nation et encore récemment le taux d'épargne a augmenté. Donc je crois que si on offre des opportunités convenables à tous ceux qui souhaitent organiser, prendre en mains eux-mêmes leur retraite, ils feront l'effort nécessaire. Simplement il faut être bien conscients que ça mérite un appui, un appui fiscal. C'est pourquoi il est important qu'on en parle parce que c'est un engagement pour le très long terme et renoncer a une consommation pour trente, quarante ans, ça mérite un soutien et un soutien aussi des entreprises et là je voudrais répondre a Monsieur BLONDEL, que nous avons réfléchi du côté des assureurs à cette question qu'il a évoquée et ça nous parait tellement fondamental qu'à la fois les entreprises puissent soutenir cet engagement des uns et des autres pour leur retraite, qu'il faut soutenir cet abondement en donnant pratiquement à la fois la possibilité à tout le monde de I'avoir mais aussi et surtout de payer effectivement la cotisation disons aux organismes de retraite complémentaire parce qu'effectivement il ne faut pas canaliser et donner l'illusion qu'il y a contradiction entre les deux. Maintenant quant à votre question Internationale, je crois que justement les problèmes qu'ont eu ces différents systèmes soit en Angleterre soit aux Etats-Unis, nous appellent à faire un système proprement français et qui tienne compte de nos traditions et qui tienne compte du fait que nous voulons certes un système équitable - et c'est pourquoi je reprendrai ce que disait Monsieur DOUSTE-BLAZY : il n'y a pas de raison qu'il n'y ait que les fonctionnaires, les professions libérales et à certains égards les agriculteurs et pas les salaries du secteur privé qui aient droit a un système de soutien pour ce fonds d'épargne - et puis pourquoi pas, organiser un système de gestion de ces opérations qui donne la parole à ceux qui contribuent à l’équilibre social c'est-à-dire aux partenaires sociaux.
MICHEL FIELD
Je voudrais deux interventions de retraités dans la salle et puis je vous repasse la parole pour conclure. Guy BINOT, de l’Union Française des Retraites, sur les fonds de pension ?
Guy BINOT
Eh bien sur les fonds de pension, nous, nous sommes inquiets parce que nous avons peur que cela vampirise la répartition. Je l'ai rappelé l'autre jour... que Monsieur DOUSTE-BLAZY a soutenu la loi THOMAS - d'ailleurs Jean-Pierre THOMAS était à votre colloque - et Jean-Pierre THOMAS a écrit que ces fonds de pension vont remplacer petit a petit la répartition. Et puisque j'ai la parole, je voudrais poser une question a Monsieur le Ministre : vous avez mentionné trois cent milliards en 2015 mais vous ne mentionnez jamais quand même l’augmentation de la richesse nationale. Le PIB qui est à l'heure actuelle de 8.000 milliards, va augmenter en vingt ans de prés de 50 %. Est-ce qu'on ne peut pas le payer ? Une autre question rapidement sur la PREFON. C'est très bien la PREFON, mais le fonctionnaire qui cotise à la PREFON, il n'y a pas de risque pour sa retraite ; par contre pour le salarié du privé, il y a un risque sur sa retraite.
RENE LETERRE, FEDERATION NATIONALE PERSONNELS RETRAITES DES CA1SSES D'EPARGNE DE FRANCE
Pour nous, je vais vous dire de suite, les fonds de pension ne sont pas la panacée et loin de là pour tout ce qui a été dit jusque-la d'ailleurs y compris par vous Monsieur FIELD et peut-être pour trois autres raisons également : les fonds de pension sont des systèmes plutôt individualisés, à forte capitalisation qui vont sur les marchés financiers bien entendu et qui ne sont pas à l'abri des risques boursiers, ce qui prouve déjà leur fragilité. Le deuxième aspect, ça a été dit par des spécialistes - peut-être Monsieur PEUGEOT le confirmera - mais la forte participation des fonds de pension dans le capital des entreprises fragilise énormément pour ne pas dire plus notre économie. C'est un autre problème. Le troisième qui a été évoque aussi un petit peu tout a l'heure, les fonds de pension trop puissamment présents risqueraient de déséquilibrer les régimes par répartition et pire, se substituer à eux. Et à ce sujet, je suis ravi que la loi THOMAS a été abrogée ou va l'être très prochainement.
MICHEL FIELD
Philippe DOUSTE-BLAZY, une réponse très rapide et Marc BLONDEL parce que le temps tourne.
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
II y a eu deux questions importantes, d’abord puisqu’il y a richesses, vous dites, après tout les retraités peuvent en profiter et donc dans dix ans, vingt ans on peut donner cet argent aux retraités. Ce serait très bien si entre temps il n'y avait pas des fonds de pension justement anglo-saxons ou allemands. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Nous voyons les entreprises françaises et européennes les unes après les autres se faire racheter par ces fonds de pension. Prenez I'exemple d'USINOR... Monsieur BLONDEL...
MARC BLONDEL
Non, j'aimerais mieux MOULINEX...
MICHEL FIELD
Ne perdons pas de temps, il reste une minute !
MARC BLONDEL
II reste une minute ? !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
60 % pour les fonds de pension américains. Donc aujourd'hui si on ne fait rien, les Américains, les Anglais vont acheter systématiquement toutes nos entreprises. Ce n'est pas possible de faire cela.
MARC BLONDEL
Mais ce que vous pouvez faire de mieux, c'est de donner des salaires aux gens ! La réaffectation des richesses les plus directes avec les salaries, c'est les salaires ! Et les salaires avec les cotisations sociales !
MICHEL FIELD
Donc pour vous, c'est la situation de l'emploi qui est prédominante par rapport même...
MARC BLONDEL
Mais bien entendu ! Deuxièmement, l'Indonésie, ses fonds de pension... 60 % !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Vous ne pouvez pas comparer l'Indonésie à la France ! C'est un pays émergent !
MARC BLONDEL
Je peux comparer l'Indonésie à la France quand on conditionne sur la finance et sur le marché, Monsieur !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Il n’y a pas de répartition en Indonésie et en Corée.
MARC BLONDEL
Oui, bien entendu !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Nous proposons la répartition et au-dessus de la répartition...
MARC BLONDEL
Est-ce que vous garantissez la rente ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Mais évidemment !
MARC BLONDEL
Vous garantissez la rente ? !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Evidemment qu'on garantit la rente !
MARC BLONDEL
En capitalisation, vous la garantissez ? !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
La bourse, en un siècle, a rapporte beaucoup plus que n'importe quel rendement financier.
MARC BLONDEL
Si vous garantissez la rente, ça va marcher, ça c'est sûr !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Mais bien sûr ! Toute personne aujourd'hui sait en France que la bourse durant ce siècle, a permis de donner 3,3 % par an y compris le choc de 29, y compris le choc de 87. Ce n'est pas les obligations de l'Etat qui vous donnent ça.
MARC BLONDEL
Je ne sais pas quel est votre destin politique Monsieur le Ministre, mais j'espère qu'un jour, lorsque vous serez au pouvoir, si on met en place ce genre de système, vous tiendrez le rnême langage : on garantit la rente !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
Mais évidemment, la bourse garantit la rente, il suffit de regarder ce qui s'est passé...
MARC BLONDEL
Je veux la garantie de l'Etat, oh là là !
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY
La garantie de l'Etat parce que vous êtes un étatiste...
MARC BLONDEL
Non, non.
MICHEL FIELD
Ce sera le mot de la fin : « Pour sauver nos retraites », c'est un livre dans lequel vous retrouverez de façon plus développée les termes de ce débat. Pardon pour la brièveté de ces échanges de fin d'émission. La semaine prochaine, je reçois François HOLLANDE, le premier secrétaire du Parti Socialiste. Bonne soirée à tous et merci à tous les participants de ce débat.